Qui a peur de l’identité nationale ? #1
Première partie

Identité, identités ? Des régions à l’Europe, en passant évidemment par la France comme nation, les questions dites « identitaires » sont aujourd’hui omniprésentes dans l’actualité, dans les discours, et dans les priorités, revendications ou inquiétudes exprimées par une majorité de citoyens français. Identités régionales, identité nationale, identité européenne s’emboîtent sans nécessairement s’opposer. Plus que jamais les premières s’affirment, la dernière reste encore à construire. Lignes Droites lance la réflexion sur ces questions, en commençant par le sujet sensible, parfois tabou, de l’identité nationale.
Première partie
Quel paradoxe ! À l’heure où l’on n’a jamais autant revendiqué ses racines ou ses héritages, où les sondages confirment que les électeurs de droite comme de gauche qui font de la défense de « l’identité nationale » une de leurs priorités sont de plus en plus nombreux, car ils la jugent « menacée », les partis politiques semblent encore effrayés par un mot devenu presque tabou. L’adjectif « identitaire » reste employé par certains Français comme une insulte. S’interroger publiquement sur ce que c’est qu’être français aujourd’hui, sur les valeurs et principes qui fondent notre nation est encore présenté par beaucoup comme une tentative de racolage des seuls électeurs du Front national. Affirmer son amour pour la France et sa fierté d’y être né revient à risquer de se voir accuser d’un « dérapage » xénophobe, voire raciste, par la bien-pensance politico-médiatique qui tente de modeler l’opinion selon son manichéisme réducteur.
Et pourtant savoir qui l’on est, d’où l’on vient, s’enraciner dans un héritage historique et culturel dans sa globalité, revendiquer une sorte de génie collectif qui fait que l’on se sent un « peuple », une « nation » et pas simplement une collection d’individus emportés dans le tourbillon d’un multiculturalisme mondialisé, avoir quelque chose à défendre ensemble et dont on peut être fier pour lutter contre le déclinisme ambiant, mettre en exergue ce qui rapproche et non ce qui divise pour se rassurer, pour mieux intégrer aussi ceux qui aspirent à nous rejoindre, semble plus que jamais au centre des priorités des citoyens français, et au-delà européens.
Chez les individus les « troubles de l’identité » sont du ressort des psychiatres. L’individu va mieux lorsqu’il se « retrouve », qu’il définit ses valeurs, ses aspirations, ses talents et qu’il s’accepte enfin tel qu’il est. Mais dans les territoires et à l’échelle de la nation entière, qui soignera les identités blessées ? La responsabilité des élus est grande, des médias aussi, qui participent presque tous, depuis des années, à cette grande braderie des valeurs et à ce relativisme culturel où tout se vaut et tout s’accepte.
Après un court historique de la question (1.), nous verrons aujourd’hui comment l’identité nationale revient aujourd’hui au cœur de l’actualité (2), avant de nous interroger sur sa définition (3) puis de lister les différents éléments qui semblent fonder l’identité de la France (4). Le prochain article s’intéressera au sentiment d’une identité menacée (4), ce qui nous amènera à développer plus particulièrement la question sensible de l’immigration et de l’intégration (5) puis l’actuel dévoiement de l’altérité en « l’autruisme [i] », mettant en danger la tradition d’intégration à la française (6). Enfin, un troisième et dernier article traitera des appartenances multiples et emboîtées, des identités régionales encore fortement ancrées dans les mémoires et les pratiques, revigorées par une mondialisation sans racines et l’affaiblissement des nations, jusqu’à l’échelle européenne qui reste à (re) construire ? (7)
1. Elle court elle court, l’identité …
Elle est passée par ici, elle repassera par là. En France la question de l’identité nationale naît véritablement à gauche à la fin des années 1970 (par anti-américanisme puis avec Jack Lang dans les années 1980, pour justifier « l’exception culturelle » française) avant d’être reprise par la droite à la fin des années 1980 puis monopolisée par l’extrême droite au début du XXIe siècle. En 2007 Nicolas Sarkozy tente de la ramener à droite et en fait un de ses thèmes de campagne, créant un « ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement » et lance en 2009 un grand débat sur le sujet, qui n’aura guère de retombées. Car la polémique survient aussitôt, y compris au sein de son propre camp. La mise en relation de l’identité et de l’immigration dans la titulature du ministère scandalise comme à chaque fois que la réflexion tente de se porter sur les questions migratoires. Réfléchir à l’identité de la France, aux valeurs portées par le concept, à l’intégration des populations qui aspirent à faire partie de la Nation est aussitôt taxé à gauche de « racisme », de « xénophobie », l’adjectif « identitaire », repris par de nombreux mouvements à l’extrême droite, étant supposé renvoyer aux « thèses du Front national » derrière laquelle la droite serait supposée courir pour séduire son électorat.
Le problème alors, et encore aujourd’hui, n’est pas tant que l’opposition se lance dans les habituels procès d’intention qui n’élèvent pas le niveau du débat politique, mais qu’une partie non négligeable de la droite se soit alors tue, honteuse, comme s’il revenait au camp d’en face de définir seul les critères de respectabilité des idées , de juger qu’un thème est toxique, ou « nauséabond » ou qu’un leader politique se livre à des « dérapages ». Il est vrai que la défense de l’identité nationale est sensible et donne prise à la critique systématique par la gauche de l’époque, car intrinsèquement liée à la réflexion sur l’immigration et l’intégration, même si évidemment elle ne s’y réduit pas. Parce que certains à gauche et même à droite prétendent, tel un postulat non discutable, que réfléchir à ce qui fonde l’identité nationale serait un moyen d’en exclure ceux qui n’ont pas la nationalité du pays ou qui, français, n’en ont pas encore intégré les codes et les valeurs, que ce serait « faire le jeu du FN », on déclare alors le débat clos avant même qu’il ne commence et l’on cache vite sous le tapis cette pauvre identité nationale que l’on ne saurait voir.
2.
Et elle revient aujourd’hui au cœur des débats
Sa résurgence récente dans le débat politique est évidemment à mettre en rapport avec le communautarisme, les atteintes à la laïcité, l’extension des zones de non-droit en France où des habitants , y compris de nombreux Français, défient régulièrement les lois et les valeurs de la République, mais également à la vague migratoire massive de populations portant une culture radicalement différente et apparemment moins facilement intégrables que les précédentes, avant tout en raison du nombre (qui diminue les moyens et le temps accordé à chaque « migrant »), mais également parce qu’une partie d’entre eux ne manifestent aujourd’hui nullement le désir ni la volonté d’accepter les règles et codes en vigueur dans la société d’accueil (respect de la laïcité, égalité des droites entre hommes et femmes…). Parallèlement des Cassandres propagent le thème anxiogène du Grand Remplacement surfant sur de nombreux faits divers surmédiatisés dans l’actualité, mais également sur la visibilité amplifiée des minorités ethniques et culturelles. En effet une partie de celles-ci cherche à s’imposer et à défier les lois de la République par des comportements ostentatoires (par exemple par le voile intégral, la barbe et le kami, les prières de rue, la non-mixité, le refus de travailler avec une femme…) ou des revendications (menus hallal, mise en cause de programmes scolaires) sous l’inspiration de la propagande islamiste qui pousse les croyants à adopter, par conviction ou sous pression, un certain nombre de (supposés) codes religieux. L’entrisme islamiste dans l’espace public, par sa remise en cause de symboles en lesquels beaucoup veulent lire l’identité de la France (racines chrétiennes, sapin et fêtes de Noël en entreprise, crèches, liberté des femmes…) accentue ce sentiment de déperdition des valeurs traditionnelles et de dépossession. « On est chez nous », entend-on dans la rue et sur les réseaux, et pas seulement en provenance de l’extrême-droite qui est loin de confisquer de nos jours la cause identitaire. Parallèlement la réflexion sur ces questions n’a jamais été aussi fertile même si les définitions, constats et propositions peuvent différer (Mathieu Bock-Côté, Alain Finkielkraut, Michel Onfray, Pascal Bruckner, François-Xavier Bellamy…).
En 2017 le thème revient donc dans la campagne, de manière apparemment décomplexée, évidemment récurrent dans les discours du Front national, mais également dans les propos du candidat Fillon (discours du Puy-en-Velay notamment), mais également de Jean-Luc Mélenchon qui, selon ses propres termes, « relève le gant du débat sur l’identité », pour ne pas le laisser confisquer par la droite : « À partir du moment où l'on est Français, on adopte le récit national » proclame-t-il sur sa chaîne YouTube en même temps que son amour de la France, certainement par conviction sincère, mais également parce que le candidat de la France insoumise a compris qu’il s’agissait là d’un thème porteur, d’une des priorités et principales inquiétudes de l’électorat. D’ailleurs ne dit-on pas que si Marine Le Pen a porté le Front national jusqu’au second tour, c’est qu’elle a su rassembler, bien au-delà de son parti, sur cette question sensible de l’identité et qu’inversement, elle a perdu les élections précisément parce qu’elle l’a totalement et étrangement oubliée lors du débat du second tour qui l’opposait à Emmanuel Macron.
De la même manière Laurent Wauquiez [ii] a rassemblé sur le thème de l’identité nationale, qu’il décline en « ancrage, racines, fidélité, constance », « racines chrétiennes », « valeurs » articulant son discours sur les menaces que font peser sur la cohésion et l’identité françaises un islam politique, le communautarisme et une immigration trop massive pour permettre l’intégration. Et à nouveau il reçoit des critiques, y compris en interne à droite, sur cette ligne « identitaire » jugée trop dure, trop « trop à droite », en concurrence avec l’extrême droite dont il « récupérerait » les idées et tenterait de séduire les électeurs. Puisqu’à gauche on prétend que toute référence identitaire serait le signe d’une influence voire d’une appartenance à la « fachosphère », beaucoup à droite préfèrent se taire ou, pire, faire écho à ces accusations en dressant des procès d’intention à tous ceux qui, dans leur camp, osent se soucier d’identité nationale. Paradoxalement, on constate d’un côté une extraordinaire fertilité du débat avec des penseurs de qualité, mais aussi au travers de tous les échanges qui fleurissent sur les réseaux entre internautes anonymes, et de l’autre la permanence d’une série de tabous (nation, patriotisme, régulation de l’immigration, progression de l’islamisme, de l’antisémitisme, affirmation d’autres formes de racisme, fragmentation de l’unité nationale par le communautarisme, non-mixité, restauration de l’autorité …) dont on ne peut même plus débattre sans être aussitôt criminalisé par la bien-pensance encore dominante : on est donc un « facho », si l’on est suspecté d’être sincère, ou un arriviste, si on est jugé coupable d’une tentative électoraliste de séduction des électeurs du FN. On comprend que, terrifiés par ces accusations prévisibles, beaucoup se censurent, se justifient, se taisent. Alors que l’identité n’appartient à personne et mérite d’être débattue !
3. L’identité nationale, qu’es aqu ò ?
L’identité nationale est l’objet de nombreuses controverses, mais si personne ne semble s’entendre à son sujet, c’est aussi parce que sa définition est floue et que son usage est souvent équivoque, d’où la volonté de clarifier le concept et de se mettre d’accord sur les valeurs communes qui sous-tendait le débat maladroitement lancé sous Nicolas Sarkozy.
Voltaire parlait déjà des identités nationales comme de « mœurs », de « caractères » et de « génies » respectifs [iii] et Renan [iv] les définissait comme un ensemble de points communs incluant « la race, la langue, les intérêts, l'affinité religieuse, la géographie, les nécessités militaires », mais qui ne suffisent pas à définir la nation qui est avant tout « une âme, un principe spirituel » et s’exprimant clairement dans le présent par ce que nous appellerions aujourd’hui le consensus : « le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune ». Ce qu'on lit de ces définitions générales, c’est qu’une identité nationale est censée s’imposer à tous ceux qui se réclament de la nation dont elle serait l’expression, une sorte « d’âme », ou de « génie » forgés par l’Histoire siècle après siècle. Elle n’est évidemment ni de droite ni de gauche. C’est d’ailleurs contre le risque de confiscation du concept que s’élevait fermement l’historien Fernand Braudel dans un entretien au Monde en 1985 : « Pour un historien, il y a une identité de la France à rechercher avec les erreurs et les succès possibles, mais en dehors de toute position politique partisane. Je ne veux pas qu'on s'amuse avec l'identité » [v].
Il s’agirait donc d’une sorte d’état d'esprit commun aux individus qui composent une nation, révélant leur adhésion à des valeurs collectives . Déjà, à ce niveau des définitions, on voit où le bât blesse : quelles sont ces valeurs communes censées rassembler les Français quand on voit que même la laïcité divise aujourd’hui ? Quel « principe spirituel » guide notre organisation collective ? En d’autres termes quel sens donnons-nous à notre engagement dans la Cité ? Qu’en est-il du sentiment d’appartenance de toutes ses composantes ? Comment s’exercent les droits et se respectent les obligations communes ? La force d'une nation repose sur la fierté de tous ses éléments. Les Français sont-ils encore fiers de leur pays ? Et d’abord, qu’est-ce que l’identité nationale ? Est-elle l’identité de la République ou celle de la France ?
Un changement notable s’est en effet opéré ces dernières années dans la sémantique employée : il était de coutume de brandir en permanence les « valeurs républicaines » dont « l’égalité républicaine » (employée à toutes les sauces), les « lois de la République », termes flous, car polysémiques dont on ne pouvait dessiner avec précision les contours. Or dans les discours de nombreux élus tout comme sur les réseaux sociaux, la France est en train de remplacer la République , réintroduisant dans le concept le temps long de l’Histoire, de la tradition, des héritages, bref la continuité d’une nation au-delà des régimes successifs qui se sont succédé. Alors bien évidemment parler d’identité française ne signifie nullement que cette identité ne soit pas évolutive, dynamique , s’enrichissant et se modifiant au fur et à mesure de ses apports, comme il en est d’un peuple ouvert dont les frontières se sont élargies par l’ajout de territoires aux identités propres (Bretagne, Corse, Catalogne…) et par vagues migratoires successives. Mais il n’en reste pas moins des invariants , comme la langue, les héritages culturels, littéraires, paysagers, les comportements liés à la domination séculaire d’une religion, un certain sens de la liberté, des rapports entre hommes et femmes, une certaine impertinence, un attachement particulier aux arts et à l’intelligence.
4. L’identité de la France ?
Si l’on s’est tous réjouis de voir la France se rassembler au lendemain de chaque attentat majeur, on entend souvent se lamenter que ce sursaut collectif n’a pas duré. Mais c’est que l’on ne fédère pas sur le long terme contre (le terrorisme, les atteintes à la liberté d’expression…), mais pour quelque chose qui doit être clairement défini ou ressenti. Alors quelles sont ces valeurs potentiellement rassembleuses censées être l’âme de cette France ?
La plupart des enquêtes [vi] , à la question « Quels sont les éléments importants qui constituent l'identité de la France ? » rejoignent les résultats d’un grand sondage paru en 2009 et placent en tête la langue française (80%), la République (64%), le drapeau tricolore (63%), la laïcité (61%), les services publics (60%), la Marseillaise (50%), l’accueil d’immigrés (31%).
Remarquons ici au passage l’importance pour les 4/5 des personnes interrogées (dont tous ne sont pas français) de la langue . La langue française passe pour être une langue littéraire, et non une langue de communication simplifiable à l’excès (pour se faire, il existe déjà ce global English dit globish) , ayant inspiré tout un patrimoine d’œuvres écrites et orales à transmettre aux générations suivantes. On note d’ailleurs le foisonnement créatif de la littérature francophone et aussi le fait que parmi ses plus grands défenseurs et thuriféraires se trouvent des personnes issues de l’immigration pour qui la découverte de cette langue fut un émerveillement, son apprentissage puis sa maîtrise une fierté immense. Il est assez significatif que lors de chaque tentative de la simplifier, à chaque réforme de l’orthographe ou de la grammaire, parmi les témoignages les plus indignés et les plus attristés se trouvent ceux d’étrangers qui ne comprennent pas cet acharnement de certaines « élites » pour la rendre accessible à tous sans effort ni celui des éditeurs pour expurger des œuvres littéraires, quitte à les réécrire, les termes qui apportent les nuances, les temps du passé, les mots compliqués.
La France terre d’accueil , peuple issu de métissages successifs, de l’ajout au fil des siècles de territoires aux identités fortes était alors également citée (en 2009 soit avant les vagues d’immigration actuelle) par un tiers des personnes interrogées parmi lesquelles beaucoup sont issus, récemment ou de longue date, d’une immigration de travail ou de la tradition d’accueil des réfugiés (en témoignent les patronymes aux sonorités espagnoles, portugaises, allemandes, suisses, anglo-saxonnes, russes, polonaises, arabes). Mais la France est ici présentée comme un melting pot dans lequel les identités, sans disparaître pour autant, qu’il s’agisse de peuples qui ont rejoint il y a des siècles le giron de la France (Corses, Catalans, Bretons, Basques …) ou des migrations du XXe-XXIe siècles, adhèrent à un projet global et supérieur qui les réunit toutes . C’est le principe de l’accueil et de l’assimilation à la française qui est ici présenté comme indissociable de l’identité nationale : accueillir et intégrer sur des ressemblances , la plupart du temps acquises. Il s’agit là d’une tradition essentielle de la République, voulue une et indivisible, issue d’un melting pot (creuset) au sein duquel les différences se fondent jusqu’à ce que ce qui réunit devienne plus important que ce qui différencie. Cela s’oppose au principe des nations multiculturalistes qui, elles, juxtaposent des dissemblances et des dissonances , comme aux États-Unis où le salad bowl (présence d’éléments qui ne se mélangent plus) a remplacé l’ancien melting pot . La France, aujourd’hui fragmentée entre communautés dont beaucoup se sont repliées sur elles-mêmes, d’autres exprimant agressivité, racisme, refus de s’intégrer et volonté expansionniste et parfois prosélyte est, aux yeux de nombreux Français en train de se transformer en salad bowl à l’américaine. Pour beaucoup, elle y perdrait son identité propre.
Cette France terre d’accueil est à mettre en relation avec un autre trait constituant de son identité selon les historiens : son ouverture sur le monde , et plus précisément le fait de se sentir investie d’une responsabilité de contribuer au progrès de l’humanité que, malgré nombre de points communs, on retrouve assez peu chez nos voisins (sauf, dans une moindre mesure, en Grande Bretagne). Cela correspond à la différence entre la conception française de la nation, fondée sur l’adhésion volontaire à un projet que l’on cherche à faire partager au plus grand nombre (le contrat social) à une conception allemande reposant sur l’exaltation des origines (le Volksgeist ou esprit du peuple) même si cette seconde conception d’une identité plus « fermée » rejoint le nationalisme d’un Maurras ou d’un Barrès qui mettent l’accent sur l’hérédité, l’enracinement (d’où les références fréquentes à la « terre », aux « morts », à « l’identité catholique »).
À suivre : Aujourd’hui le succès des discours identitaires tient avant tout au fait que des Français de plus en plus nombreux, venant d’horizons politiques très variés, expriment le sentiment de graves menaces sur l’identité nationale.
[i] « L’autruisme » est un terme forgé par la philosophe Françoise Bonardel. Il désigne la déviance actuelle qui tend à minorer, voire effacer ou dénigrer sa propre culture face à la culture de l’autre, ce qui ne permet plus l’intégration en l’absence d’un modèle présenté comme désirable. Il s’oppose à l’altérité.
[ii] L’auteur de ce texte, qui n’est pas membre de LR ni d’ailleurs aucun parti, complètement extérieure aux rivalités internes et aux courants de pensée qui se sont opposé à l’occasion de l’élection à la présidence des Républicains, tient à préciser qu’elle n’exprime ici qu’un ressenti forgé sur une observation de l’extérieur des prises de position des uns ou des autres.
[iii] Voltaire : Essai sur les mœurs et l’esprit des nations (1756)
[iv] Ernest Renan, « Qu'est-ce qu'une nation ? Conférence à la Sorbonne, 1882
[v] Fernand BRAUDEL, entretien au Monde les 24 et 25 mars 1985,
http://www.lemonde.fr/societe/article/2007/03/16/l-identite-francaise-selon-fernand-braudel_883988_3224.html#swG3Tim0j6eIwyW5.99 et L’identité de la France , Paris, Arthaud, 3 volumes, 1986
[vi] Par exemple ce sondage CSA sur « les Français et l’identité nationale », publié le 2 novembre 2009 dans Le Parisien/Aujourd’hui en France .


Les trois piliers du vote à droite — immigration, insécurité, identité — forment désormais un socle commun
Ce que les états-majors n’osent pas faire, les électeurs le feront



EXCLUSIF- Après les révélations du Figaro sur l’existence de dizaines de millions d’euros de subventions attribuées à des organismes proches de l’islam radical, le ministre délégué chargé de l’Europe Benjamin Haddad tape du poing sur la table, et appelle à renforcer la lutte contre les discours de haine.
Paris fera-t-il plier Bruxelles? Selon les informations exclusives du Figaro , la France va dénoncer très prochainement auprès de la Commission européenne les multiples financements que l’UE a attribués à des organismes promouvant l’islam radical, l’antisémitisme ou le séparatisme.
Dans une note consultée par Le Figaro , qui sera portée par le ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad, Paris appelle «l’Union européenne à redoubler ses efforts» dans la lutte contre l’antisémitisme et contre les discours de haine, et à «défendre les valeurs européennes (...) en évitant tout financement à des entités et personnes hostiles aux valeurs européennes». Ces « défaillances (...) sont de nature à nuire gravement à l’adhésion de nos concitoyens au projet européen» , peut-on aussi lire.
«Scandales réguliers»
D’après une source proche du dossier, cela fait suite à des «scandales réguliers» qui ont été révélés par Le Figaro il y a quelques semaines, et qui «démontrent un défaut de vigilance de la Commission et une capacité des organisations islamistes à se jouer de sa naïveté».
Rappelons en quelques lignes le fonctionnement des subventions européennes. En théorie, toutes organisations cherchant à en profiter doivent porter des actions «respectant les valeurs de l’UE» , à savoir la liberté, la démocratie, l’égalité, l’état de droit ou les droits de l’homme. Une fois les subventions approuvées en commissions - et il en existe pléthore -, elles sont référencées dans le système de transparence financière (STF), un site internet public dont le contenu est actualisé tous les 30 juin, et accordées dans le cadre de «programmes» et par des agences européennes spécifiques.
À titre d’exemple, l’UE a engagé en septembre 2024 une contribution de près de 2,5 millions d’euros pour le projet «LIFE Vinoshield» , qui cherche à protéger les vignes européennes contre les effets du dérèglement climatique. Un autre projet plus controversé, celui du « Coran européen » , qui souhaite prouver que «le Coran a joué un rôle important dans la formation de la diversité et de l’identité religieuses européennes médiévales et modernes» , a lui reçu 9,8 millions d’euros de subventions du Conseil européen de la recherche depuis son lancement en 2019. Des dizaines de milliers de projets aux ambitions aussi diverses que variées sont référencées ainsi sur le STF.
Une université qui appelait à l’«intifada mondiale»
Avec cette note, le gouvernement entend surtout dénoncer les organisations proches de l’islam radical ayant profité de l’argent européen. L’association FEMYSO, pour «Forum des organisations européennes musulmanes de jeunes et d’étudiants» , qui représente une trentaine d’associations de jeunesse dans 22 pays européens, est notamment en ligne de mire. Elle a reçu plus de 210.000 euros de l’UE. Pourtant, l’association a toujours été réputée comme étant proche des Frères musulmans.
Après avoir critiqué plusieurs lois françaises, notamment celle interdisant le port de signes religieux ostentatoires à l’école, FEMYSO, par la voix de sa présidente Hande Taner, avait critiqué la France dans une vidéo en novembre 2021, dans laquelle elle clamait que «la plus grosse exportation de la France est le racisme». Des propos tenus après le retrait d’une campagne de communication que l’association avait réalisé pour le Conseil de l’Europe, qui mettait en avant des affiches pro-voile, sur lesquelles on pouvait lire: «La beauté se trouve dans la diversité comme la liberté dans le hidjab» ou «Apportez de la joie, acceptez le hidjab».
L’ONG internationale Islamic Relief Worldwide a, elle, reçu pas moins de 18.834.433 euros de l’Europe entre 2014 et 2020. Cette association qui se présente comme caritative a pourtant été classée comme «terroriste» par Israël, la soupçonnant de financer le Hamas. L’un de ses responsables avait aussi qualifié en 2020 les juifs de «petits enfants de singes et de porcs». Son successeur avait lui caractérisé le Hamas comme étant le «plus pur mouvement de résistance de l’histoire moderne».
Les subventions versées à l’université islamique de Gaziantep sont également dans le collimateur de Paris. Cet établissement, situé en Turquie et qui a intégré le programme Erasmus+ en 2022, a profité d’un programme de subventions de 250.000 euros. Ses recteurs successifs avaient pourtant légitimé les mariages incestueux entre oncles et nièces, affirmé que les athées «adorent le diable» , que l’homosexualité est un «trouble psychologique» et appelé à une «intifada mondiale».
Près de deux millions d’euros ont aussi été versés à l’université islamique de Gaza, «établissement qui a accueilli des cadres du Hamas tels qu’ Ismail Haniyeh et Mohammed Deif » , expliquait au Figaro la sénatrice UDI de l’Orne Nathalie Goulet ( L’argent du terrorisme , éditions Le Cherche Midi, 2025).
«Lignes directrices»
Pour endiguer cette dilapidation d’argent public, la note portée par Benjamin Haddad soumet plusieurs propositions, comme la mise en place d’une «procédure de filtrage» et de «lignes directrices», pour que les agences européennes approuvant les subventions puissent être guidées face à des «concepts parfois abstraits, comme l’“hostilité aux valeurs européennes”», indique au Figaro notre source proche du dossier.
Elle appelle aussi à vérifier l’identité et les antécédents des personnes associées aux entités faisant la demande de financements. Actuellement, seuls les antécédents de l’entité elle-même sont scrutés - ce qui avait d’ailleurs été dénoncé en avril dernier par la Cour des comptes européenne dans un rapport au vitriol, portant sur l’opacité des subventions distribuées par l’UE. On pouvait y lire qu’ «aucune vérification n’est réalisée (par les gestionnaires) sur la dépendance financière ou les sources de financement (des entités subventionnées), alors que cela aurait permis d’obtenir des informations utiles sur les personnes qui se trouvent derrière (elles)».
La lutte contre l’antisémitisme comme priorité
Enfin, cette note prône une meilleure lutte contre l’antisémitisme, alors que les discours antijuifs ont explosé dans toute l’Europe depuis l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre 2023, et la guerre à Gaza qui a suivi.
Pour ce faire, Paris compte proposer d’étendre le champ des «eurocrimes» - ces méfaits considérés comme graves dans toute l’Union (terrorisme, mariage forcé...) - aux discours et crimes de haine.
La France appelle également la Commission à «utiliser tous les outils à sa disposition pour réguler les très grandes plateformes en ligne, en particulier grâce au règlement européen sur les services numériques (DSA)» , et à enseigner la mémoire de la Shoah dans tous les établissements scolaires en Europe.
La Commission européenne cernée de toutes parts
Cette note dite «libre» sera présentée dans un premier temps ce lundi à la ministre fédérale autrichienne des Affaires européennes, Claudia Plakolm, lors d’une réunion à Paris à laquelle le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et Benjamin Haddad doivent participer. Elle sera ensuite présentée formellement au Conseil des affaires générales (CAG), où les ministres des affaires européennes de l’ensemble des 27 ainsi qu’un représentant de la Commission européenne se réunissent une fois par mois.
Le sujet des subventions de l’UE se veut de plus en plus prégnant au sein des partis politiques. Toujours selon nos informations, à la suite des révélations du Figaro , la délégation du Rassemblement national au Parlement européen, menée par Jean-Paul Garraud, a adressé le 24 avril dernier une lettre à Ursula von der Leyen. Le courrier, cosigné par l’ensemble de la délégation dont Jordan Bardella, demandait à la présidente de la Commission européenne «de mettre fin définitivement à la subvention de toute association, ONG, université et autre structure liée de près ou de loin à l’islamisme. Il est temps que l’Union européenne mette fin à sa naïveté», pouvait-on lire. Pour l’heure, ce courrier est resté lettre morte. À voir si la note du gouvernement connaît le même sort.




