Qui a peur de l’identité nationale ? #3

Identité, identités ? Des régions à l’Europe, en passant évidemment par la France comme nation, les questions dites « identitaires » sont aujourd’hui omniprésentes dans l’actualité, dans les discours, et dans les priorités, revendications ou inquiétudes exprimées par une majorité de citoyens français. Identités régionales, identité nationale, identité européenne s’emboîtent sans nécessairement s’opposer. Plus que jamais les premières s’affirment, la dernière reste encore à construire. Lignes Droites poursuit la réflexion sur ces questions.
Le premier article (à consulter en cliquant ici) a tenté de définir l’identité de la France et de montrer la difficulté à aborder ce sujet sans être accusé de faire le jeu de l’extrême-droite qui en a fait son cheval de bataille principal, ce qui a conduit les autres partis à contourner la question. La seconde partie (à consulter en cliquant ici) s’est attachée à comprendre pourquoi une fraction croissante de la population, bien au-delà de l’électorat du Front national, a le sentiment que l’identité du pays est aujourd’hui menacée, notamment par l’immigration de populations revendiquant une autre culture et ne manifestant plus, pour certaines, l’intention de s’intégrer à la communauté nationale et d’en accepter les lois et ses valeurs. Et cela d’autant moins qu’en face « l’autruisme », qui survalorise l’autre au détriment de soi, a remplacé l’altérité dans les discours d’une certaine gauche et d’une partie de la droite et du centre.
Il s’agit à présent de se demander comment redéfinir, défendre, faire accepter au plus grand nombre les valeurs que nous avons définies en première partie comme inhérentes à l’identité de la France ?
8. Vers des identités multiples et emboîtées ?
Comment refaire un peuple de ce patchwork d’identités multiples qui s’affirment aujourd’hui au travers d’un multiculturalisme qui fait ressembler notre pays davantage au salad bowl (bol de salade dans lequel les différents ingrédients se côtoient mais ne se mélangent pas) qu’au melting pot d’autrefois (le creuset où les différences se fondent), pour reprendre la typologie inventée par les sociologues et démographes américains ? Peut-il y avoir des appartenances multiples qui s’emboîteraient comme des poupées russes sans remettre en cause la solidité du tout ? Peut-on reconnaître les cultures régionales, voire les nationalismes (comme celui des Corses ou les Catalans) qui s’affirment en France comme en Europe sans affaiblir le sentiment d’appartenance à la Nation ? Et les revendications relevant de cultures exogènes, exigeant des exceptions en rupture avec les traditions voire avec les lois françaises, sont-elles compatibles avec la préservation de l’identité de la France ? La solution ne viendrait-elle pas de l’affirmation d’une culture européenne englobant celle de notre pays ? Existe-t-elle seulement et, dans l’affirmative, sur quelles valeurs communes s’est-elle construite et peut-elle être renforcée ?
Attachons-nous d’abord aujourd’hui à l’identité nationale : comment lui redonner du sens et réveiller la fierté et le sentiment d’être Français chez une partie de nos compatriotes ?
Il faut d’abord faire comprendre à nombre de nos concitoyens que l’on peut se sentir français sans pour autant devoir renier les autres appartenances qui fondent l’identité de chaque individu. Le corollaire est qu’en retour personne ne se réduit à une origine ethnique, une religion, un genre, une préférence sexuelle, un militantisme politique ou syndical mais que ce sont toutes ces appartenances croisées qui fondent une identité. La France d’autrefois mêlait d’ailleurs ces appartenances multiples sans que cela ne pose problème à qui que ce soit : on pouvait se définir par son village, de sa région ou pays d’origine, être issu d’une double culture préservée parallèlement, pratiquer une religion dans le cadre d’une communauté de croyants, militer dans un parti politique, adhérer à un syndicat, une association, être membre d’un club de sport et bien évidemment d’une lignée familiale. Et tout cela formait une identité globale tissée d’appartenances multiples qui se complétaient, éventuellement se contredisaient. Et ces individus, différents mais adhérant à des valeurs communes, respectant les mêmes lois, bénéficiant des mêmes droits et soumis aux mêmes devoirs, formaient le peuple français. La France était leur dénominateur commun et la valeur suprême englobante. Ainsi, jusqu’aux années 1990, à l’exception de quelques fondamentalistes, une appartenance religieuse ou ethnique n’était-elle qu’un élément constituant un individu, vécue dans le privé, en famille ou avec d’autres personnes partageant la même foi, des racines que l’on pouvait célébrer par des fêtes spécifiques au sein d’une diaspora par exemple, mais n’était pas un marqueur identitaire principal, voire unique, d’un individu.
Or de nos jours, l’actualité nous montre, au travers des revendications identitaires communautaristes, que de plus en plus d’individus s’enferment dans des appartenances parfois uniques qui ont supplanté le fait de se sentir avant tout Français. Pire, que chez certains, ce communautarisme (principalement ethnique et religieux) se constitue contre nos valeurs (par exemple la non-mixité…) et se brandit de façon ostentatoire ou revancharde comme une arme contre la France. On se dit musulman contre la France islamophobe, « racisé » contre la France raciste, stigmatisant la France et les Français, ou d’autres communautés présentes sur notre territoire, et exaltant un sentiment d’appartenance exclusif, agressif et méprisant que l’on prétend dénoncer chez autrui… Ces éructations identitaires provoquent, en retour, d’autres crispations identitaires elles aussi, rassemblant contre les autres et non sur des valeurs positives. On assiste ainsi à la résurgence de propos xénophobes, voire racistes, habilement entretenus par les provocations des extrêmes visant à démontrer ainsi par l’exemple (en généralisant quelques propos ouvertement outranciers) la justesse d’une cause artificiellement construite pour légitimer leur existence et leur action. C’est le cas notamment de certaines associations et d’une fraction de la gauche déboussolée par la perte du vote ouvrier, qui s’est cherché et trouvé dans les années 1980 une nouvelle raison d’être dans la dénonciation d’un racisme supposé des « souchiens » [i] ainsi qu’une oppression des minorités, dont personne ne parlait il y a encore quinze ans. Un des enjeux sera donc prioritairement de répondre à cette victimisation artificiellement construite et encouragée par certains partis et associations, entre autres par des contre-exemples dont les leaders de ces mouvements « racisés » identitaires, souvent universitaires, avocats, syndicalistes, en sont les illustrations vivantes, minorités visibles parfaitement intégrées, ayant bénéficié de l’ascenseur social à la française et de l’éducation gratuite pour tous, sans distinction aucune, invitées sur tous les plateaux des télévisions.
Il faudra dans le même temps recréer ce sentiment d’appartenance à la France, ce qui n’exclut nullement les autres appartenances dont beaucoup devraient retourner dans la sphère privée. Il faut donc réinsuffler des valeurs, du sens, une spiritualité, un héritage à défendre, un projet, tout ce qui renforcerait la fierté d’une appartenance à la France face à la marchandisation du monde, en d’autres termes redonner du sens au fait d’être Français (par naissance ou par acquisition), face également aux « valeurs » et au contre-projet offert par l’islamisme radical (culte des héros et du chef, glorification du collectif, respect, obéissance, discipline, promesse d’un au-delà…).
Cela doit s’enseigner à nouveau dès l’école pour donner envie de participer à l’intelligence ou au génie français. Quelques pistes semblent s’imposer : redonner de l’importance du récit national fortement disloqué et dénaturé par les réformes du programme d’histoire, notamment depuis celle du collège de la précédente ministre de l’Éducation nationale ; réapprendre la maîtrise de notre langue et de son héritage littéraire ; faire respecter, déjà au sein des établissements scolaires où cela s’enseignait autrefois dès le plus jeune âge, les codes et le respect des règles qui fondent la vie en société. À tous les niveaux il s’agit d’impulser un second souffle à une laïcité clarifiée de toutes ses ambiguïtés, de refaire bloc, de retrouver le sens du collectif, l’attachement à une terre, la fierté d’une histoire, à tout ce qui constitue un peuple, de remettre en valeur un patrimoine commun, un ensemble de traditions, de lois, de droits et de libertés, de devoirs aussi, tout un paquetage immatériel dont on peut être fier et pour lequel on peut accepter de s’engager, de se battre. Car comme le soulignait Michel Onfray, personne n’ira mourir pour une télévision ou une machine à laver, symboles d’une société de consommation et d’une mondialisation sans racines.
C’est aussi la mission principale donnée au service national universel que le Président Macron s’est engagé à mettre en place et auquel les Français semblent très favorables même si sa mise en application semble aujourd’hui difficile pour différentes raisons. Il est néanmoins probable que ce ne sont pas les quelques semaines prévues par l’actuel projet de SNU en l’état qui suffiront à resserrer les liens entre les Français et à convaincre les ennemis de nos valeurs de leur bien-fondé, surtout pour des générations qui sont passées par l’École d’aujourd’hui où lesdites valeurs (respect, discipline, humilité, solidarité, sens de l’effort) sont souvent foulées au pied par des jeunes non éduqués, où l’enseignement de ce qui a fait la grandeur de la France (histoire, valeurs, littérature, arts…) a laissé place à un catalogue multiculturaliste où notre pays n’a pas toujours le beau rôle, même lorsque des enseignants tentent encore de transmettre l’esprit civique comme autrefois.
Dans un second temps, cette réaffirmation de l’identité nationale et de la fierté d’y appartenir n’exclut nullement la reconnaissance des identités régionales et des « nationalismes » au sens historique du terme (Corses, Catalans…). Le prochain article reviendra sur ce sujet qui ne sera donc pas évoqué trop longuement ici. Remarquons simplement déjà qu’un peu partout en Europe on assiste à la montée de revendications identitaires à l’échelle régionale : Catalogne, Corse, Écosse, Italie du Nord, Flandre... Cette progression des revendications régionales [ii] tient à plusieurs facteurs qu’il n’est pas l’objet de présenter ici. Mais il faut bien prendre conscience que cette affirmation identitaire à l’échelle infranationale, voire transfrontalière parfois, est déjà une réalité, qu’elle sera durable et ne fera qu’augmenter. Refuser le dialogue ne fera pas disparaître ce phénomène, bien au contraire. Or la puissance d’une nation repose, entre autres éléments essentiels, sur le désir de populations disparates de se réunir sur des valeurs, un héritage et un projet commun.
Les craintes d’un affaiblissement de l’État central en donnant davantage de poids au local existent, et elles sont fondées, mais c’est précisément en refusant d’entendre et de comprendre l’expression de ces identités locales que l’on risque d’aboutir à l’épreuve de force et au risque d’éclatement, comme en Catalogne espagnole. C’est pourquoi le dialogue est plus que jamais nécessaire afin de renforcer le camp autonomiste et éviter une escalade des revendications indépendantistes. Les Corses dont la majorité territoriale nationaliste (autonomistes et indépendantistes) a récemment présenté les revendications identitaires au Président Macron, parfaitement compatibles avec le maintien de l’île dans un cadre républicain, demandent un approfondissement de leur statut spécifique, qui ne l’est plus tant que cela depuis que la révision constitutionnelle de 2003 a institué un statut ex generis pour la Nouvelle-Calédonie, des compétences à la carte pour l’Outremer…
Troisièmement, il en est de même pour les communautés ethniques évoluant sur le sol français, déjà longuement évoquées dans le précédent article : rien de les empêche de pratiquer leur religion, de parler leur langue d’origine, de maintenir leurs usages vestimentaires et culinaires, leurs coutumes, dans la sphère privée, comme dans la sphère publique, tant que cela ne heurte pas les usages, lois et codes de la société d’accueil. C’était le cas avant les revendications communautaristes récentes, avant qu’un certain nombre de musulmans (29 %) ne soient convaincus par les propagandistes fondamentalistes que les lois divines (la charia) passent avant les lois de la République comme le montrait une enquête de l’Institut Montaigne en septembre 2016 qui insistait sur cette inquiétante tendance. Avant que la propagande salafiste, originaire des pays du Golfe et autrefois totalement étrangère à l’Islam méditerranéen, ne se répande dans certains quartiers, puis plus largement par voie médiatique et via les réseaux sociaux, il n’y avait pas d’incompatibilité ressentie entre la pratique de l’Islam et l’acceptation des principes républicains, comme le montre la proportion importante (46 %) de musulmans considérés par la même enquête comme parfaitement intégrés et sécularisés, dans le respect des valeurs républicaines et du principe de laïcité.
Aujourd’hui le problème vient de ce que les extrêmes de part et d’autre jouent sur les sentiments identitaires en les radicalisant, faisant croire aux musulmans qu’ils sont rejetés et menacés. Aux manipulations islamistes ont fait écho les discours d’une partie de la gauche, repris avec délectation par les médias, légitimant les revendications communautaristes au nom d’un relativisme culturel, d’une culpabilisation postcoloniale, allant jusqu’à soutenir les « camps décoloniaux », les stages en non-mixité et autres stigmatisations de la France « souchienne ». Nous le voyons avec l’affaire Tarik Ramadan (qui reste une question de droit commun et non un harcèlement anti-musulman comme le vivent une partie des croyants manipulés par la propagande des Frères musulmans), avec celle de Mennel (à qui l’on reproche non le voile comme cela se lit sur les réseaux, mais des propos complotistes et sa proximité avec des associations et personnages clairement en lutte contre les principes républicains), l’affaire Jeanne d’Arc (radicalisant les positions racistes et xénophobes et les procès d’intention qui font le jeu des extrêmes des deux côtés), le sujet est devenu si sensible et le piège si bien conçu que sortir de cette situation ne sera pas simple. Il faudra un effort d’explication qui doit avant tout venir des instances de l’Islam, une fois réformées et réorganisées comme le veut le Président Macron (car elles sont aujourd’hui majoritairement entre les mains des islamistes dits — à tort — « modérés », le courant des Frères Musulmans, dans lequel d’ailleurs une majorité de croyants en France ne se reconnaissent pas) ; davantage de lucidité, de retenue et donc éducation des internautes trop prompts à réagir et à radicaliser leurs positions, ce qui est exactement ce qui est voulu par les ennemis de la République ; nettement plus de sens civique de la part des médias qui donnent si facilement la parole à tous ceux qui cherchent à répéter, à défaut de le prouver, que la France est raciste, que la laïcité ou la démocratie ont fait leur temps, que l’avenir est au multiculturalisme, encourageant la culpabilité d’un côté, les revendications, la victimisation, voire la haine de l’autre…
La propagande islamiste a ainsi réussi en une quinzaine d’années à dresser contre la France une partie de ses enfants, parce que la bien-pensance de gauche et la crainte de voir criminaliser ses propos par la terreur idéologique qu’elle avait réussi à instaurer, via les médias, via le monde éducatif, ont muselé toute critique et laissé prospérer le discours de l’anti-France en toute impunité, faisant passer les dérapages, incivilités, voire même le terrorisme, pour des problèmes strictement économiques alors qu’on se rend compte aujourd’hui qu’il s’agissait aussi, et même avant tout, d’une question religieuse, identitaire et d’une véritable intentionnalité destructrice des valeurs, des principes républicains. Apparemment la réaction contre le communautarisme clivant, tardive, est en route, car beaucoup ont compris, à droite comme à gauche, qu’il n’était plus temps de se cacher derrière les dénis de réalité.
Mais au-delà, et c’est la quatrième et dernière échelle de réflexion, ne faudrait-il pas travailler tous ensemble au sein de l’UE à la définition d’une identité européenne qui engloberait l’identité nationale française ? Et cela pour trois raisons.
La première est le risque de se couper d’autres pays de l’UE, notamment ceux de l’est de l’Europe où les questions identitaires sont posées aujourd’hui sans tabou et où le rapprochement entre États se fait sur cette préoccupation-là. On se souvient de la volonté de la Pologne d’inscrire « les racines chrétiennes de l’Europe » dans la Constitution européenne rejetée en 2005 et des clivages qui s’étaient alors dessinés entre pays partenaires ! Partout en Europe on assiste à la progression rapide et parfois même à la victoire électorale de partis, que les médias français qualifient aussitôt d’extrême droite, qui ont fait de la préservation de l’identité nationale leur principal thème de campagne. C’est le cas cette semaine de l’Italie, comme ce le fut en Autriche, en Allemagne et dans les pays de l’est de l’Europe. Les opinions publiques, et la plupart des partis, de droite comme de gauche, soutiennent très massivement des gouvernements élus sur cet axe majeur de leur programme qu’est la préservation de leur identité nationale jugée menacée par l’afflux depuis deux ans de migrants originaires d’Afrique ou du Moyen-Orient, de confession musulmane, dans des proportions qu’il est difficile d’intégrer dans des pays en crise où le taux de chômage et le sentiment de déclassement sont importants, traumatisés de surcroît par une actualité récurrente autour de l’insécurité, d’agressions diverses [notamment dans des incidents impliquant les femmes].
Face à cela, hélas, la seule réponse de l’Union européenne est le déni de réalité et le mépris [qui passe par une catégorisation manichéenne : les peuples ayant « mal » voté sont qualifiés par certains de nazis, fachos, d’extrême-droite, certains appelant même l’Histoire récente à la rescousse pour expliquer la résurgence de tendances profondes] mais aussi la menace, puisque la Commission européenne n’a rien trouvé de mieux que d’engager une action devant la Cour de Justice de l’UE contre la République tchèque, la Pologne et la Hongrie pour leur refus d’accueillir leur quota de migrants fixé contre leur volonté.
Cet aveuglement des instances de Bruxelles risque de coûter cher à la construction européenne. La semaine dernière, le premier ministre de la République tchèque, Andrej Babis, déclarait solennellement devant les députés dans une séance retransmise en direct par la télévision nationale. : « nous sommes, par principe, contre le fait que qui que ce soit nous dicte qui a le droit de vivre et de travailler dans notre pays », assurant que le pays n’accueillera aucun migrant dans le cadre des quotas obligatoires de l’UE. Il faisait écho à l’intransigeance de la Hongrie : « Aucune personne ne sera installée en Hongrie contre le gré du peuple hongrois » déclarait en septembre dernier le chef de la diplomatie hongroise, Péter Szijjarto.
Les pays de l’Est, malgré des rivalités du passé, se rapprochent donc aujourd’hui dans une vision commune de l’identité européenne et dans le cadre du groupe de Visegrad [République tchèque, Slovaquie, Pologne et Hongrie], tentant de défendre à Bruxelles une autre politique que celle de l’UE : ils prennent acte que leurs peuples refusent les migrations et demandent à remplacer l’accueil par l’assistance matérielle et financière vers les pays générant des flux migratoires tout en renforçant leurs frontières. Ces pays ont d’ailleurs déjà transféré des aides importantes à des pays africains. On voit que l’on est bien loin de la vision manichéenne véhiculée par nos médias et par certains élus, réduisant la réaction nationaliste à une progression d’une « extrême-droite » forcément raciste et égoïste. L’éditorialiste de l’Express, Christian Makarian, le reconnaissait cette semaine dans son commentaire des leçons à tirer des élections italiennes [iii] : « L’Europe actuelle souligne la plus grande faillite de la sociologie : la rémanence du fait culturel est désormais le facteur fondamental de l’identité européenne . Les opinions publiques ne supportent plus de se voir imposer, dans le désordre et la confusion, une nouvelle société multiculturelle au sujet de laquelle on ne les a pas consultées. Elles remettent en question les partis et les responsables qui en ont décidé ainsi et — plus grave — risquent bientôt de contester les institutions mêmes et les principes qui ont permis de prendre ces décisions ».
La seconde raison qui inciterait à travailler sur ce qui fonde une identité européenne commune est qu’au niveau interétatique, il faut une « âme » pour redonner du souffle à cette Europe qui convainc les élus, mais nettement moins les populations gagnées par la désillusion, l’euroscepticisme, voire l’europhobie. Le sentiment d’appartenance à une échelle qui dépasse la nation ne se fera pas sur de simples intérêts économiques partagés. La célèbre formule, probablement apocryphe, que l’on attribue à l’un des pères de l’Europe, Jean Monnet : « si c’était à refaire je commencerais par la culture », témoigne par son succès de la pertinence de cette intime conviction. Travailler sur l’identité européenne, sur ce qui nous rassemble, c’est forger une identité à cette Union qui apparaît à beaucoup, pour l’instant, comme un simple rassemblement froid de partenaires économiques qui ne sont pas d’accord sur grand-chose.
La troisième raison c’est que l’union fait la force. Parler d’identité européenne, c’est sans doute déjà vaincre les réticences de ceux qui craignent l’enfermement des frontières, les réflexes identitaires exclusifs et xénophobes et qui restent hésitants à se saisir de ce combat. À la réflexion, peu de choses différencient notre identité nationale de celle de nos partenaires européens : notre langue, notre Histoire [bien qu’un certain nombre d’épisodes y ont été partagés avec d’autres] et notre laïcité [qui, dans les faits, se vit généralement de la même manière hors de nos frontières puisqu’il s’agit de garantir la coexistence pacifique des diverses religions]. Pour le reste, démocratie libérale, racines chrétiennes, droits de l’homme et du citoyen, égalité entre hommes et femmes, héritage de l’Humanisme et des Lumières, le substrat est le même et pourrait constituer un socle identitaire solide. « Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas » prophétisait André Malraux. Il faut donc donner un sens, un enracinement dans l’Histoire, une spiritualité à cette Europe et cela d’autant plus, qu’en face, c’est une autre spiritualité, un autre projet qui vient nous combattre sur notre propre territoire.
En conclusion , il ne faut pas qu’une droite honteuse hésite encore à se réapproprier la défense de l’identité nationale, terrifiée par les anathèmes lancés par une certaine gauche. Le combat pour définir, préserver et faire rayonner l’identité de la France n’appartient à personne. Le Front national s’est saisi de ce thème avant tout le monde, mais il n’en est pas le propriétaire exclusif. Il ne l’a même pas « confisqué » : comme pour le drapeau, Jeanne d’Arc ou la Marseillaise, il n’a fait que ramasser ce dont les autres partis s’étaient peu à peu détournés. Sans doute parce que l’on croyait, à tort, que ces valeurs-là [libertés, égalité des droits, fraternité, responsabilité, respect des règles qui fondent le contrat social, laïcité] étaient si solidement ancrées dans nos pratiques qu’il n’y avait plus besoin d’en parler. Après les attentats, des Français de tous bords se sont réapproprié les symboles de la France [drapeau et hymne national], affirmant également leur appartenance à une culture judéo-chrétienne qui a façonné notre histoire, nos mœurs et nos paysages. Il faut qu’il en soit ainsi de l’identité, qui n’est pas un gros mot et qui ne doit plus servir à stigmatiser, pour le faire taire, celui qui le prononce. Toute réflexion sur l’identité française ne vient pas nécessairement d’une supposée « fachosphère ». Ce procès d’intention et ces anathèmes fonctionnent d’ailleurs de moins en moins sur les réseaux et les plateaux de télévision. Mais chez de nombreux hommes et femmes politiques, c’est un peu comme si ce mouvement de fond n’était pas encore perçu. Il serait pourtant dommage de manquer une fois encore ce rendez-vous avec les citoyens, les électeurs, la France et l’Europe.
[i] « Souchien » : terme méprisant (sous-chien) inventé pour désigner les Blancs et utilisé pour la première fois il y a une dizaine d’années par la leader du Parti des Indigènes de la République, Houria Bouteldja. On ne le dénonce habituellement que lorsqu’il est repris par un de ceux qui sont ici visés par ce terme volontairement dégradant.
[ii] Pour éviter la confusion avec l’échelle de la France, on qualifiera ici de « régionales » les revendications nationalistes dans des régions historiquement dotées d’un fort sentiment d’appartenance (Corse, Catalogne) bien qu’il s’agisse ici de peuples (au sens historique et culturel aussi, même si la Constitution leur dénie ce qualificatif) constituant, au sens des démographes et sociologues, de véritables « nations ».


Les trois piliers du vote à droite — immigration, insécurité, identité — forment désormais un socle commun
Ce que les états-majors n’osent pas faire, les électeurs le feront



EXCLUSIF- Après les révélations du Figaro sur l’existence de dizaines de millions d’euros de subventions attribuées à des organismes proches de l’islam radical, le ministre délégué chargé de l’Europe Benjamin Haddad tape du poing sur la table, et appelle à renforcer la lutte contre les discours de haine.
Paris fera-t-il plier Bruxelles? Selon les informations exclusives du Figaro , la France va dénoncer très prochainement auprès de la Commission européenne les multiples financements que l’UE a attribués à des organismes promouvant l’islam radical, l’antisémitisme ou le séparatisme.
Dans une note consultée par Le Figaro , qui sera portée par le ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad, Paris appelle «l’Union européenne à redoubler ses efforts» dans la lutte contre l’antisémitisme et contre les discours de haine, et à «défendre les valeurs européennes (...) en évitant tout financement à des entités et personnes hostiles aux valeurs européennes». Ces « défaillances (...) sont de nature à nuire gravement à l’adhésion de nos concitoyens au projet européen» , peut-on aussi lire.
«Scandales réguliers»
D’après une source proche du dossier, cela fait suite à des «scandales réguliers» qui ont été révélés par Le Figaro il y a quelques semaines, et qui «démontrent un défaut de vigilance de la Commission et une capacité des organisations islamistes à se jouer de sa naïveté».
Rappelons en quelques lignes le fonctionnement des subventions européennes. En théorie, toutes organisations cherchant à en profiter doivent porter des actions «respectant les valeurs de l’UE» , à savoir la liberté, la démocratie, l’égalité, l’état de droit ou les droits de l’homme. Une fois les subventions approuvées en commissions - et il en existe pléthore -, elles sont référencées dans le système de transparence financière (STF), un site internet public dont le contenu est actualisé tous les 30 juin, et accordées dans le cadre de «programmes» et par des agences européennes spécifiques.
À titre d’exemple, l’UE a engagé en septembre 2024 une contribution de près de 2,5 millions d’euros pour le projet «LIFE Vinoshield» , qui cherche à protéger les vignes européennes contre les effets du dérèglement climatique. Un autre projet plus controversé, celui du « Coran européen » , qui souhaite prouver que «le Coran a joué un rôle important dans la formation de la diversité et de l’identité religieuses européennes médiévales et modernes» , a lui reçu 9,8 millions d’euros de subventions du Conseil européen de la recherche depuis son lancement en 2019. Des dizaines de milliers de projets aux ambitions aussi diverses que variées sont référencées ainsi sur le STF.
Une université qui appelait à l’«intifada mondiale»
Avec cette note, le gouvernement entend surtout dénoncer les organisations proches de l’islam radical ayant profité de l’argent européen. L’association FEMYSO, pour «Forum des organisations européennes musulmanes de jeunes et d’étudiants» , qui représente une trentaine d’associations de jeunesse dans 22 pays européens, est notamment en ligne de mire. Elle a reçu plus de 210.000 euros de l’UE. Pourtant, l’association a toujours été réputée comme étant proche des Frères musulmans.
Après avoir critiqué plusieurs lois françaises, notamment celle interdisant le port de signes religieux ostentatoires à l’école, FEMYSO, par la voix de sa présidente Hande Taner, avait critiqué la France dans une vidéo en novembre 2021, dans laquelle elle clamait que «la plus grosse exportation de la France est le racisme». Des propos tenus après le retrait d’une campagne de communication que l’association avait réalisé pour le Conseil de l’Europe, qui mettait en avant des affiches pro-voile, sur lesquelles on pouvait lire: «La beauté se trouve dans la diversité comme la liberté dans le hidjab» ou «Apportez de la joie, acceptez le hidjab».
L’ONG internationale Islamic Relief Worldwide a, elle, reçu pas moins de 18.834.433 euros de l’Europe entre 2014 et 2020. Cette association qui se présente comme caritative a pourtant été classée comme «terroriste» par Israël, la soupçonnant de financer le Hamas. L’un de ses responsables avait aussi qualifié en 2020 les juifs de «petits enfants de singes et de porcs». Son successeur avait lui caractérisé le Hamas comme étant le «plus pur mouvement de résistance de l’histoire moderne».
Les subventions versées à l’université islamique de Gaziantep sont également dans le collimateur de Paris. Cet établissement, situé en Turquie et qui a intégré le programme Erasmus+ en 2022, a profité d’un programme de subventions de 250.000 euros. Ses recteurs successifs avaient pourtant légitimé les mariages incestueux entre oncles et nièces, affirmé que les athées «adorent le diable» , que l’homosexualité est un «trouble psychologique» et appelé à une «intifada mondiale».
Près de deux millions d’euros ont aussi été versés à l’université islamique de Gaza, «établissement qui a accueilli des cadres du Hamas tels qu’ Ismail Haniyeh et Mohammed Deif » , expliquait au Figaro la sénatrice UDI de l’Orne Nathalie Goulet ( L’argent du terrorisme , éditions Le Cherche Midi, 2025).
«Lignes directrices»
Pour endiguer cette dilapidation d’argent public, la note portée par Benjamin Haddad soumet plusieurs propositions, comme la mise en place d’une «procédure de filtrage» et de «lignes directrices», pour que les agences européennes approuvant les subventions puissent être guidées face à des «concepts parfois abstraits, comme l’“hostilité aux valeurs européennes”», indique au Figaro notre source proche du dossier.
Elle appelle aussi à vérifier l’identité et les antécédents des personnes associées aux entités faisant la demande de financements. Actuellement, seuls les antécédents de l’entité elle-même sont scrutés - ce qui avait d’ailleurs été dénoncé en avril dernier par la Cour des comptes européenne dans un rapport au vitriol, portant sur l’opacité des subventions distribuées par l’UE. On pouvait y lire qu’ «aucune vérification n’est réalisée (par les gestionnaires) sur la dépendance financière ou les sources de financement (des entités subventionnées), alors que cela aurait permis d’obtenir des informations utiles sur les personnes qui se trouvent derrière (elles)».
La lutte contre l’antisémitisme comme priorité
Enfin, cette note prône une meilleure lutte contre l’antisémitisme, alors que les discours antijuifs ont explosé dans toute l’Europe depuis l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre 2023, et la guerre à Gaza qui a suivi.
Pour ce faire, Paris compte proposer d’étendre le champ des «eurocrimes» - ces méfaits considérés comme graves dans toute l’Union (terrorisme, mariage forcé...) - aux discours et crimes de haine.
La France appelle également la Commission à «utiliser tous les outils à sa disposition pour réguler les très grandes plateformes en ligne, en particulier grâce au règlement européen sur les services numériques (DSA)» , et à enseigner la mémoire de la Shoah dans tous les établissements scolaires en Europe.
La Commission européenne cernée de toutes parts
Cette note dite «libre» sera présentée dans un premier temps ce lundi à la ministre fédérale autrichienne des Affaires européennes, Claudia Plakolm, lors d’une réunion à Paris à laquelle le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et Benjamin Haddad doivent participer. Elle sera ensuite présentée formellement au Conseil des affaires générales (CAG), où les ministres des affaires européennes de l’ensemble des 27 ainsi qu’un représentant de la Commission européenne se réunissent une fois par mois.
Le sujet des subventions de l’UE se veut de plus en plus prégnant au sein des partis politiques. Toujours selon nos informations, à la suite des révélations du Figaro , la délégation du Rassemblement national au Parlement européen, menée par Jean-Paul Garraud, a adressé le 24 avril dernier une lettre à Ursula von der Leyen. Le courrier, cosigné par l’ensemble de la délégation dont Jordan Bardella, demandait à la présidente de la Commission européenne «de mettre fin définitivement à la subvention de toute association, ONG, université et autre structure liée de près ou de loin à l’islamisme. Il est temps que l’Union européenne mette fin à sa naïveté», pouvait-on lire. Pour l’heure, ce courrier est resté lettre morte. À voir si la note du gouvernement connaît le même sort.




