Municipales Toulouse       « S’occuper aussi de ceux qui vont mal »

Natacha Gray • 9 décembre 2019

Première partie : Un bilan déjà fort satisfaisant dans l’action sociale et solidaire


Première partie : Un bilan déjà fort satisfaisant dans l’action sociale et solidaire



En présentant, le 11 novembre dernier, deux recrues « sociales » [1] , appelées à figurer sur le quota « société civile » de sa liste pour les prochaines municipales, Jean-Luc Moudenc expliquait son choix par le fait que ce volet, qui comprend en particulier l’aide aux migrants et au logement pour les plus fragiles, avait pris une importance croissante au cours de son mandat municipal et qu’une de ses nouvelles priorités serait ainsi de s’occuper davantage encore de « ceux qui vont mal ». Ces besoins nouveaux, appelés de toute évidence à s’accroître encore au cours des années à venir, supposent donc des élus plus nombreux et compétents, amenés à se mobiliser davantage sur le sujet de l’exclusion et de l’intégration, ce qui explique la proposition faite à ces deux responsables d’associations. Ce faisant, le maire répondait également par anticipation à la gauche qui l’attaque régulièrement sur le sujet, lui reprochant de ne parler que de « ceux qui vont bien ».


À tort, car l’équipe municipale actuelle fait déjà beaucoup, c’est ce que nous rappellerons aujourd’hui dans une première partie, qui dresse un bilan globalement positif de l’action accomplie .


Mais elle pourrait faire encore mieux, et éviter certaines maladresses de ses représentants en termes de communication, et surtout corriger les erreurs et injustices commises par les associations partenaires. Ce sera l’objet demain de la seconde partie de cet article .


Première partie : Un bilan déjà fort satisfaisant dans l’action sociale et solidaire


La solidarité recoupe un grand nombre d’actions. Nous insisterons dans cet article sur la question centrale du logement, et prioritairement sur l’accueil des populations dites « migrantes » (demandeurs d‘asile, immigrés économiques…). Préoccupation essentielle car tout le reste (scolarisation, formation, apprentissage de la langue, accompagnement vers l’emploi, aides sociales diverses) n’a de sens qu’à partir du moment où la personne ou la famille aidées bénéficient d’un toit et d’une relative stabilité.


Le constat est évident

Le constat de besoins croissants en termes de logement est évident . Il n’est pas besoin de statistiques pour constater, depuis quelque années, l’afflux croissant de personnes d’origine étrangère sans revenus , originaires d’Afrique noire, du Maghreb et de plus en plus d’Europe de l’Est et des Balkans, notamment au travers de leurs stratégies de logement qui impactent de manière visible des portions croissantes de la ville: campements de tentes visibles dans les rues, caravanes de « gens du voyage » (dans chaque espace laissé disponible, à l’intérieur de l’espace urbain (exemple : avenue de Fronton sur le parking de l’ancien Point Vert) et hors des limites de la ville (exemple : route d’Espagne entre la rocade et le Cancéropole), squats multiples là où des bâtiments en voie de requalification restent inoccupés trop longtemps et sans surveillance. A noter qu’un squat démantelé (ou en voie de l’être) provoque, par transfert, quasiment systématiquement la création d’un autre squat : ainsi en est-il du squat Russel, dans le quartier du Busca, dont les membres sur le point d’être expulsés sont partis en mai dernier occuper l’immense îlot Oasis avenue de Muret, alors qu’EDF était sur le point d’en conclure la vente à l’entreprise Kauffman & Broad [2] qui y projette la construction de logements et d’un centre de services à la population. De même le campement sauvage de Roms du Carrefour Langlade a-t-il migré à la fin de l’été quelques centaines de mètres plus loin juste avant l’expulsion de ses habitants autorisée par la Préfecture, obligeant désormais les services à recommencer la procédure. Et il est tout aussi évident que ce phénomène va croissant : pour reprendre l’exemple ci-dessus, alors que les squatteurs du site EDF comptaient en mai 2019, de leurs propres dires, un peu plus de 300 personnes, les habitants eux-mêmes et des associations avancent aujourd’hui, six mois plus tard, des chiffres allant de 800 et 1200, même si un nombre inférieur aurait été comptabilisé après recensement par les services compétents.



La mairie, contrairement à ce qui se dit à gauche, agit déjà beaucoup.

La Mairie de Toulouse ne reste pas sans réaction , contrairement à ce que prétend la gauche toulousaine . Les services municipaux concernés sont déjà très actifs pour ce qui relève de leur compétence en matière d’aide à ces gens « qui vont mal »: le troisième adjoint au maire, Daniel Rougé, est notamment chargé de la Coordination des politiques de solidarité et des affaires sociales ainsi que des politiques de prévention et de la lutte contre l’exclusion. Comme les maires de quartiers concernés par les squats et logements insalubres, ses services, très actifs, travaillent en concertation avec les associations comme par exemple Terre Horizon, dont le directeur rejoint la liste municipale (cf. note 1) ou le Touril, chargées d’accueillir et de trouver un hébergement pour des familles ou personnes dans le besoin.


La « méthode toulousaine » , qui a inspiré d’autres métropoles comme Strasbourg, se traduit par un accompagnement social (dialogue via une association référente, intégration par l’apprentissage de langue car la plupart des nouveaux arrivants ne parle pas, ou mal, le français, la scolarisation des enfants, la recherche d’emploi…) et bien sûr un recensement afin de déterminer les urgences, établir qui peut prétendre à rester sur le territoire français, voire accéder au statut de réfugié…, avant tout démantèlement des occupations illégales. C’est ainsi par exemple que les services de la ville, en partenariat avec Toulouse Habitat, ont relogé en juillet 2017 vingt-deux familles de gens du voyage du camp de Ginestous dans un immeuble dont une partie donne sur l’avenue de Muret, sis aux numéros 1, 3 et 5 de la rue d’Alès, (devenue impasse depuis) : les familles, accompagnées par deux associations, Terre Horizon et Soleilha 31 à l’origine de la proposition, ont signé un contrat les engageant en retour à un certain nombre d’obligations, entre autre le respect du voisinage et à la scolarisation des enfants. Le relogement devait être provisoire car la réhabilitation/transformation du bâtiment, abritant autrefois des officiers de l’armée de l’air, était prévu pour fin 2019 afin d’offrir des logements sociaux et étudiants, fortement déficitaires comme dans toutes les grandes métropoles.


Ajoutons néanmoins que cette méthode, qui se refuse à une expulsion immédiate par la force publique des habitants illégaux quand il s’agit de squats, présente par ricochet l’inconvénient d’imposer aux populations résidentes et aux commerçants , de façon plus durable, des populations qui n’ont pas toujours les « codes culturels », comme disent les tribunaux, ni le même mode de vie (par exemple, pour les gens du voyage, la gestion des déchets, une vie nocturne à l’extérieur bruyante), quand il ne s’agit pas d’une hausse des incivilités, des bagarres, des agressions, voire des conflits communautaires et de territorialisation. Cela suppose évidemment d’être à l’écoute de ces populations résidentes, ce qui n’est pas toujours le cas comme nous le verrons en deuxième partie. C’est l’envers (l’enfer ?) du décor d’une politique qui présente des réussites indéniables pour ce qui est des populations, essentiellement migrantes, qui ne vont pas bien. Mais qui, retour du balancier, se fait généralement au détriment d’autres populations qui, par contre-coup, vont nettement moins bien et que les associations à l’origine de ces transferts ou maintien dans les lieux ignorent totalement.


La gauche soulève souvent la question des logements vacants que la ville, selon eux, ne mobiliserait pas suffisamment. Là encore il faut dépasser les postures idéologiques, les « il n’y a qu’à » et les procès d’intention. Il y aurait 40 000 demandes de logements sociaux et la moitié environ, selon les associations luttant pour le droit au logement, pourrait être satisfaite en réquisitionnant 23 000 logements vides. De la même façon, toujours selon les associations et la gauche, 240 000 m2 de bureaux inoccupés pourraient être utilisés. Or ce qui est vacant n’est pas nécessairement habitable . Beaucoup de logements, qui ne sont pas aux normes, ne répondent pas aux conditions d’habitabilité et nombre de petits propriétaires n’ont pas les moyens d’y remédier, malgré un dispositif [3] existant (« louer sans souci ») permettant aux personnes possédant un bien vacant depuis plus d’un an et qui s’engagent à le louer à des ménages aux revenus modestes d’avoir accès à des avances sur travaux. Selon Franck Biasotto, adjoint au maire en charge du logement et président de Toulouse Métropole Habitat [4] , ce dispositif pourra encore être amélioré afin de mettre davantage de logements vacants sur le marché (par exemple en augmentant le plafond maximum des avances). Quant aux bureaux vides, comme à Langlade, ils se situent souvent, l’immobilier de bureau échappant aux contraintes des logements, soit dans des zones concernées par les PPRI ou les PPRT [5] , soit soumis au Plan d’exposition au bruit (avions). Donc même si la ville le voulait, elle ne pourrait pas les transformer en espaces d’habitation.


En outre, l’objectif de mixité sociale (économique, ethnique et culturelle, par âges variés…) est une ligne directrice dans la politique de logement de l’actuelle municipalité. Dès qu’un espace de plus de 2000 m2 [6] se libère dans un espace urbain, la ville applique systématiquement la règle des 30% de logements sociaux . Quand la parcelle est trop petite pour atteindre cette proportion, on l’augmente ailleurs dans le même secteur, dans la mesure du possible, la mairie visant avant tout la mixité sociale sur l’ensemble de la métropole, l’objectif étant d’éviter les erreurs du passé, c’est-à-dire la concentration de populations fragiles sur quelques quartiers ghettos, comme le Mirail. Ceci dit la dispersion de populations non pas fragiles mais « difficiles » (deals, propagande religieuse vols, racket) que l’on éloigne des quartiers ghettos pour les installer dans des logements sociaux dans des quartiers tranquilles peut également totalement dénaturer la qualité de vie d’un quartier (exemple Sept-Deniers) si elles ne sont pas suivies comme elles le devraient par les travailleurs sociaux à l’origine de cette opération.


Enfin une politique de construction massive à Toulouse et sur l’ensemble de la métropole, que critique également souvent la gauche en dénonçant une frénésie immobilière de la municipalité (et le fait que ces constructions, favorisant la mixité sociale, ne sont pas seulement des logements sociaux) permet, en augmentant l’offre de contenir l’augmentation des loyers.



Mais la solidarité n’empêche pas la fermeté, ce que la gauche peine à comprendre.


Les nouveaux droits s’accompagnent évidemment de devoirs et d’engagements , qu’il n’est pas toujours aisé de faire respecter. C’est ainsi que, sur les plaintes multiples des résidents et des commerçants de l’avenue de Muret exaspérés par des nuisances diurnes et nocturnes persistantes (vacarme de la part de populations habituées à vivre en plein air, parlant très fort, criant souvent et passant plus de temps dehors qu’à l’intérieur des logements attribués, notamment jusqu’à très tard en soirée), bagarres, petites incivilités en hausse inquiétante (vols à l’étalage, à l’arrachée ou à la roulotte, effractions de boîtes aux lettres, portails forcés, agressions) et même, dans les premiers temps, exhibitionnisme et harcèlement sexuel, entraves à la circulation, graves problèmes d’hygiène et de dépôts sauvages, mendicité agressive, insultes racistes…, face aussi à de nombreuses ruptures de contrat (non-scolarisation des enfants ou scolarisation en « pointillés »), la mairie et Toulouse Habitat ont rompu le contrat les liant à certaines familles, irrespectueuses des engagements pris, et n’ont autorisé finalement que 6 d’entre elles(sur 22) à rester fin 2017 et à bénéficier de ce processus d’accompagnement fort avantageux, l’objectif étant, à terme, de reloger ces populations et de leur permettre une autonomie par l’emploi. Cette intervention et cette fermeté ont permis une meilleure acceptation et intégration des familles respectant les engagements pris, le retour à un calme très relatif (suffisant néanmoins après la période trouble précédente à ramener le calme et la confiance chez résidents et commerçants) : la preuve en est qu’à ce jour il ne reste que deux familles de ces populations initiales, en voie d’intégration, et dont les enfants sont sérieusement scolarisés. Les autres, ayant « progressé » un peu plus vite, ont été relogées et se trouvent engagées dans un processus d’autonomie par l’accès à l’emploi. Malheureusement les espaces libérés ont été, entre temps, la nature ayant horreur du vide et certaines associations ne jouant pas le jeu du dialogue et de la confiance, squattés par d’autres populations migrantes, comme nous le verrons ultérieurement.


Car la solidarité n’exclut pas la fermeté : bien au contraire, les deux sont les deux faces d’une même politique qui suppose la confiance, le respect d’autrui et des engagements pris. C’est ainsi que lors de la présentation par mail (a posteriori) du projet (qui n’en était plus un puisque les populations avaient déjà été installées), le maire de quartier Franck Biasotto en mentionnait les initiateurs (les deux associations d’aides aux migrants : Soleiha31, Terre Horizon), les partenaires (Toulouse Habitat propriétaire des lieux et la mairie de Toulouse via le maire du secteur Rive Gauche) mais annonçait en même temps, preuve que les responsables de l’opération étaient parfaitement conscients, à l’avance, qu’en raison du fossé culturel l’intégration de ces nouvelles populations ne se ferait pas sans heurts ni problèmes , travailler en étroite concertation avec l’adjoint au maire chargé de la sécurité, Olivier Arsac. Le numéro d’Allo Toulouse était même rappelé aux habitants pour faire remonter les doléances et permettre aux services de la police municipale, ou nationale si elle était appelée, d’intervenir si nécessaire pour des questions d’hygiène, de nuisances sonores, d’atteintes aux biens ou aux personnes ou de maintien de l’ordre.

Car les droits s’accompagnent toujours de devoirs, un engagement suppose le respect bilatéral du contrat signé, la solidarité n’exclut pas la sécurité et il est évident à tous (sauf, cela va sans dire, aux idéologues de la Bien-pensance, aux partis de gauche désertés par leur électorat traditionnel qui racolent de nouveaux soutiens chez ceux qu’ils voudraient ériger en nouveaux damnés de la terre, et à certaines associations qui justifient ainsi la raison d’être de leurs financements par l’Etat et les collectivités) que l’injection de très fortes minorités allogènes (qui deviennent même une majorité visible comme entre la rue d’Alès et le squat d’EDF, ainsi qu’il est aisé de le constater tous les soirs après 19h), de cultures et de modes de vie différents, ne va pas sans fortement perturber l’équilibre des populations résidentes, modifiant la sociologie de certains quartiers et mettant en péril la tranquillité et la sécurité des habitants à qui l’on impose d’un seul coup des façons de vivre difficilement compatibles avec leurs habitudes.


Il s’agit également de veiller à la sécurité de ces populations fragiles. La politique de fermeté prend en effet en considération la sécurité non seulement des riverains mais aussi des populations concernées : par exemple des problèmes de risques électriques majeurs dans les squats ou, dans le cas des Roms de la rue d’Alès ou du Carrefour Langlade, enfants livrés à eux-mêmes, traversant en jouant des voies à forte circulation sans regarder, ou proies faciles pour des dealers et autres trafiquants que l’installation de ces populations démunies attire, ce à quoi les résidents assistent souvent, impuissants, nuitamment, du haut de leurs balcons. C’est un des aspects du problème que plusieurs dizaines de riverains, après plusieurs accidents évités de justesse, ont présenté avec inquiétude au maire de quartier, lors de la première réunion faisant le point sur les problèmes de la rue d’Alès il y a un peu plus de deux ans. Ils ont témoigné de la crainte de blesser ces enfants jouant dans l’avenue ou sur des carrefours très fréquentés mais également de la peur des représailles en cas d’accrochage, dans une assemblée très métissée, à l’image de ce quartier où la mixité n’est pas un vain mot et qu’il serait difficile de taxer de xénophobie ou de racisme.


Parallèlement, la mairie lutte contre les campements illégaux lorsqu’ils concernent du moins des espaces dont elle a la responsabilité. Il en est ainsi de l’installation illégale de campements au cœur de la ville en prenant aujourd’hui des arrêtés de rue (ou d’avenue) , dans leur entier et nommément citées, pour empêcher que les habitants expulsés ne réinstallent leur tente deux numéros plus loin comme ils le faisaient hier, habilement conseillés par des associations pro-migrants, ce qui rendait quasiment invisible cette action municipale de lutte contre les campements sauvages en centre-ville, chaque expulsion s’accompagnant d’une réinstallation à deux pas. Une fois délogées, ces personnes, aujourd’hui originaires d’Europe de l’Est et des Balkans (une majorité de Roms albanais) atterrissent généralement soit dans un centre d’accueil solidaire, surtout s’ils ont accepté d’être recensés, ou dans les squats, notamment celui de la rue d’Alès où ils ont remplacé en grande partie, mais de façon illégale les gens du voyage de l’ancien camp de Ginestous, empêchant de facto la poursuite du projet de Toulouse Habitat de réhabilitation du bâti.

C’est ainsi également que la Mairie a mené avec les associations et les services de la Préfecture le très long recensement du camp qui occupait les terrains jouxtant le carrefour Langlade : contrairement à ce qui se dit à gauche, rien ne se fait sans avoir préalablement examiné minutieusement chaque cas , afin de voir qui est éligible à une aide et à rester sur le territoire français : dans le cas de Langlade, il s’agissait de population extra-communautaires, dont, après examen des dossiers au cas par cas, aucun membre n’avait vocation à obtenir le statut de réfugié, donc expulsables. Ce qu’a entériné une décision de justice en novembre 2018. Il a fallu ensuite presque un an pour qu’elle soit matériellement applicable (forces de l’ordre en nombre suffisant) mais, manifestement prévenus, ces migrants ont déménagé deux jours avant l’expulsion, de l’autre côté de la rocade, donc à deux pas, sur des terrains non concernés par la décision de justice, ce qui oblige à remettre en place une nouvelle procédure, nécessairement longue.


Or c’est sur ce genre d’action, qui relève pourtant de la « simple » application du droit et qui n’intervient qu’à l’issue de très longues procédures (expulsion, plainte lorsque les squats ont lieu dans des immeubles ou sur des terrains relevant de la responsabilité de la mairie car lorsqu’il s’agit d’un espace privé, seul le propriétaire peut se pourvoir en justice, arrêté anti-campements de rue…) que la gauche se focalise pour accuser l’actuelle équipe de ne pas se préoccuper de ces populations fragiles, passant sous silence tout ce qui se fait en matière de relogement, d’intégration, d’accompagnement social solidaire au quotidien .




Pour conclure provisoirement …


Pour autant la municipalité peut-elle faire davantage : assurément oui. C’est ce que nous verrons dans une deuxième partie.

D’abord mieux informer, et cela sur la durée, les populations résidentes sur les actions menées, les blocages résiduels, les règles de droit ;

Deuxièmement montrer par sa présence et de plus fréquentes sollicitations à s’exprimer qu’elle ne les voit pas comme des citoyens sacrifiés au nom de la solidarité ;

Troisièmement, et c’est là le plus important, s’assurer que les acteurs locaux que sont les associations, lorsqu’elles sont partenaires de la mairie dans un projet, ne considèrent pas résidents et commerçants comme des paramètres négligeables , des « gens qui vont bien » par définition, sur le prétexte qu’ils auraient bénéficié d’un toit avant leurs protégés, ni comme des citoyens de seconde zone indignes de témoigner ou d’être entendus ou, lorsqu’ils font part de leur désarroi et que des doléances fondées s’expriment, suspectés au mieux d’impatience et d’intolérance, au pire de racisme ou de xénophobie. Car ces associations mènent leurs projets dans l’unique souci du mieux-être des populations dont elles s’occupent, et dans l’indifférence totale des effets durables de leurs décisions sur les autres populations résidentes A l’origine de la plupart des projets, supposées présentes sur le terrain (accompagnement, recensement, vérification du respect des règlements intérieurs et des engagements pris …), l’expérience montrent qu’elles ne cherchent pas à (re)connaître ni atténuer les conséquences de leurs décisions.


La municipalité décide donc d’amplifier son partenariat avec les associations au point d’en intégrer certains membres dans l’équipe municipale.

C’est une bonne chose s’il s’agit de rappeler à ses traditionnels partenaires devenus colistiers que l’amélioration de la situation de quelques-uns ne doit pas se traduire par une détérioration rapide des conditions de vie et de la sécurité de la majorité des autres.

C’est une bonne chose si ces associations, désormais engagées au service du Bien Commun, acceptent de se préoccuper enfin de l’ensemble des citoyens d’un quartier, comme le doit tout élu municipal qui est au service non d’une communauté ou d’un groupe social, et s’engagent à ne plus agir exclusivement dans l’intérêt de quelques-uns (la clientèle habituelle des idéologues de gauche) au détriment des autres.

C’est une bonne chose si ces associations montrent qu’elles ont appris de leurs erreurs passées (cf. le fiasco sur le quartier de l’opération de la rue d’Alès portée par Soleilha31 et France Horizon), notamment que pour permettre à des gens de s’intégrer, il est contre-productif de les laisser entre eux, jusqu’à devenir majoritaires et conquérants en un lieu donné, au mieux dans un mépris total des populations résidentes, au pire dans un processus de territorialisation agressive.

C’est une bonne chose si ces responsables associatifs apprennent, en étant davantage sur le terrain et non en recevant les populations suivies dans leurs bureaux [7] , sur tous les terrains (ce qui suppose de savoir traverser la rue pour échanger avec résidents et commerçants), et le pragmatisme et l’écoute, qui sont deux des principales qualités d’un élu local, et la prise en compte de la complexité, loin des « il n’y a qu’à » et de la pensée hémiplégique qui caractérise trop d’acteurs de la gauche bien-pensante, droitdelhommiste, idéologue et donneuse de leçons.


Ajoutons enfin que l’équipe municipale y trouverait un intérêt électoral évident car le mécontentement monte, chez ceux qui, résidents et commerçants, devant un immobilisme apparent et le silence assourdissant des initiateurs du projet, se sentent totalement abandonnés et sacrifiés. Comme l’a fort bien fait remarquer le président de la République le mois dernier, ce ne sont pas généralement ceux qui défendent les migrants qui vivent là où ils les installent.


Il suffirait pourtant de presque rien… (à suivre)




[1] Fella ALLAL pour la SA Patrimoine Languedocienne et Gaétan Cognard pour France Horizon


[2] Projet retardé pendant plusieurs années par les recours successifs présentés par le Comité de quartier, dont le dernier venait d’être à son tour rejeté par la Justice. Le Maire de quartier, Franck Biasotto, avait pourtant maintes fois averti qu’un espace inoccupé aussi vaste attirerait nécessairement l’attention de squatteurs et des associations qui les soutiennent, et cela d’autant plus que le propriétaire, EDF, ne pourrait éternellement en payer à perte le gardiennage par chiens et vigiles. C’est ce qui s’est passé à quelques jours de la signature de la vente avec le promoteur immobilier.


[4] Et maire, entre autres, de quartiers où se concentrent des populations en difficulté : quartiers Bagatelle, Mirail-Université, Reynerie et Fontaine-Lestang


[5] PPRI : plan de prévention du risque inondation et PPRT : plan de prévention des risques technologiques.


[6] Seuil fixé par la mairie pour l’obligation de construire des logements sociaux, avant tout parce que les petites surfaces qui se libèrent comme celles que l’on trouve au centre-ville ne s’y prêtent pas, le bailleur social gérant plus facilement (suivi du locataire fragile) et avec des coûts moindres des logements regroupés et non épars à l’échelle de la métropole.


[7] Interpellée par l’assemblée, invitée à venir sur le terrain après 19h, et même à rester une soirée chez un résident, la représentante d’une des deux associations à l’origine de fiasco de la rie d’Alès, a époustouflé la salle comble en répondant qu’elle recevait ces populations (Roms) en ses bureaux, que là-bas tout se passait très bien, mais que ces bureaux fermaient dans l’après-midi donc que le soir il était impossible d’être là. Quant à l’autre, il était déjà … parti !

par Jean-Louis Thiériot, député LR de Seine-et-Marne 25 août 2025
Après les décisions du Conseil constitutionnel, dénoncer la «politisation» des juges constitutionnels ne suffit plus, estime le député LR Jean-Louis Thiériot, dans une tribune dans FigaroVox avec 2 propositions concrètes : 1/ redéfinir de façon plus stricte et plus précise les notions de bloc de constitutionnalité 2/ l’instauration, en cas de censure d’une procédure de passer outre, votée par les deux Chambres réunies dans la forme du Congrès https://www.lefigaro.fr/vox/politique/loi-duplomb-retention-des-etrangers-dangereux-reformons-le-controle-de-constitutionnalite-pour-revenir-a-l-esprit-de-la-ve-republique-20250813 Les récentes décisions du Conseil constitutionnel, notamment celle censurant l’allongement de la durée de rétention administrative de 90 à 210 jours pour les étrangers « condamnés pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive », ont semé un grave trouble dans l’opinion, surtout lorsque l’on sait les difficultés à obtenir des laissez-passer consulaires et le rôle de l’inexécution des OQTF dans certains faits divers tragiques, comme le meurtre sordide de la jeune Philippine. L’objet de ce propos n’est pas de débattre de la décision, sur laquelle il y aurait pourtant beaucoup à dire. À droit constant, elle s’impose à tous. Il s’agit de s’interroger sur le champ du contrôle de constitutionnalité qui est devenu un objet politique à part entière, car il relève du pouvoir constituant, c’est-à-dire du peuple souverain. Avant de faire un peu d’histoire pour comprendre comment on en est arrivé là et de proposer les pistes de réforme qui s’imposent, un préalable doit être posé pour éviter tout malentendu. Débattre de la nature du contrôle de constitutionnalité, discuter une décision de justice, fût-elle du Conseil constitutionnel, n’est ni remettre en cause les juges constitutionnels ni contester l’État de droit. C’est le travail habituel du juriste. C’est celui des professeurs de droit, qui, à longueur d’articles, dans les revues de doctrine, critiquent les jurisprudences, les décortiquent et en suggèrent des évolutions. C’est celui des avocats, qui, dans les cours et les tribunaux, s’efforcent d’obtenir des revirements de jurisprudence. Le droit est une matière vivante et évolutive. Par nature, il s’affûte par l’interprétation, constamment enrichie de la norme. Dès lors, ce débat est totalement légitime. Les arrière-pensées politiques ne font aucun doute Dans l’esprit des constituants de la Ve République, adoptée par référendum en 1958, l’article 61, qui instituait le Conseil constitutionnel, avait une fonction claire. En vertu de la distinction, classique en droit, des textes à valeur normative et des textes à valeur programmatique, seul le texte même de la Constitution pouvait fonder une décision. Le préambule de 1946 en était exclu. Le contrôle constitutionnel avait pour mission de vérifier, dans le cadre du parlementarisme rationalisé que les procédures et les prérogatives respectives du gouvernement et du Parlement étaient respectées. C’est ainsi qu’a fonctionné le Conseil constitutionnel jusqu’en 1971. Tout change alors quand, par la décision dite « liberté d’association », le Conseil constitutionnel censure la possibilité de contrôler a priori les associations « loi de 1901 », au nom des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution ». Ces principes n’ont été définis et listés par aucun texte constituant. C’est une pure création prétorienne – que le Conseil d’État avait faite en son temps. C’est la première pierre du « bloc de constitutionnalité ». Les arrière-pensées politiques ne font aucun doute. Alors que le rapporteur, le Pr François Goguel, avait conclu à la conformité de la loi, le président du conseil, Gaston Palewski, alors en délicatesse avec Georges Pompidou, avait arraché la décision. Il avait dit au président du Sénat, Alain Poher : « Il faut faire prendre conscience à Pompidou qu’il n’est pas de Gaulle, lui donner une leçon, le rappeler à l’ordre. » À l’époque, certains s’en étaient émus. Jean Foyer, ancien garde des Sceaux du général de Gaulle, gardien vigilant de l’héritage avait parlé de « coup d’État juridique » et avait incité, en vain, le président Pompidou à y mettre bon ordre. Ce ne sont pas les règles européennes qui ont fondé la censure de la durée de rétention en CRA Depuis lors, le bloc de constitutionnalité a connu une extension indéfinie de son contenu. Il intègre aujourd’hui le préambule de 1946, la Déclaration des droits de l’homme de 1789, la charte de l’environnement, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et les objectifs de valeur constitutionnelle. Concrètement, c’est devenu un inventaire à la Prévert, largement jurisprudentiel, jamais clairement défini, qui va de l’indépendance des professeurs d’université à l’existence d’une justice des mineurs en passant par un principe de fraternité assez gazeux, qui a permis, en 2018, de censurer une loi créant un délit d’aide aux migrants en situation irrégulière… Il est à noter que ces créations jurisprudentielles sont purement nationales. On lit souvent que la place de la législation européenne dans la hiérarchie des normes paralyserait l’action publique. C’est parfois vrai, mais c’est souvent un prétexte. Ce ne sont pas les règles européennes qui ont fondé la censure de la durée de rétention en CRA. Certains pays vont jusqu’à 18 mois et, comme nous, ils appartiennent à l’UE et sont signataires de la CEDH. Alors que faire ? Plutôt que de « sauter comme des cabris » en dénonçant la « politisation » des juges constitutionnels qui ne font qu’appliquer un droit qu’on a laissé se développer de manière anarchique, changeons le droit. L’État de droit, c’est l’état du droit. Sinon pourquoi voter des lois qui en abrogent d’autres ? Ces réformes supposent évidemment d’en référer au peuple souverain Pour éviter la paralysie de l’action publique, dans des matières plébiscitées par le pays, on n’échappera pas à une réforme du contrôle de constitutionnalité. Le sujet est trop sérieux et trop sensible pour en esquisser les grands traits en quelques lignes. Retenons simplement qu’elle peut prendre deux formes, celle d’une délimitation plus stricte et plus précise du bloc de constitutionnalité ou celle de l’instauration, en cas de censure d’une procédure de passer outre, votée par les deux Chambres réunies dans la forme du Congrès. Les deux hypothèses ne s’excluent d’ailleurs pas l’une l’autre. Pour être mises en œuvre, ces réformes supposent évidemment d’en référer au peuple souverain, soit par la procédure classique de révision constitutionnelle du congrès, soit par voie référendaire. Ces évolutions sont nécessaires et légitimes, car l’impuissance du politique suscite frustration et incompréhension. C’est la semence de toutes les démagogies et de tous les populismes. Pour que les Français retrouvent confiance en leurs institutions, ce débat devra être au cœur de la campagne de l’élection présidentielle de 2027. Tant qu’il en est encore temps, notre devoir est de retrouver l’esprit de la Ve République, de réparer la table avant que certains ne soient tentés de la renverser.
par Une interview de François Lenglet par Ronan Planchon dans FigaroVox 5 août 2025
https://www.lefigaro.fr/vox/monde/francois-lenglet-la-commission-europeenne-court-comme-un-canard-sans-tete-desorientee-par-la-disparition-du-monde-d-hier-20250803 ENTRETIEN - Après l’accord signé avec les États-Unis de Donald Trump le 27 juillet en Écosse, l’Europe entame son «siècle de l’humiliation», estime le journaliste économique et essayiste. François Lenglet est éditorialiste économique à TF1-LCI et RTL. Son prochain livre : Qui sera le prochain maître du monde ?, Éditions Plon, octobre 2025. LE FIGARO. - Dans le cadre de son accord avec Trump , l’Union européenne accepte de voir la quasi-totalité de ses exportations de biens vers les États-Unis frappées de droits de douane à hauteur de 15 % et n’obtient ni ne sanctionne rien en retour. Une autre issue était-elle possible ? Passer la publicité François LENGLET. - Non, cet accord est tout sauf surprenant. Il matérialise le rapport de force entre l’Amérique de Trump et l’Europe : tout pour moi, le reste pour toi. C’est la conséquence du rôle nouveau qu’occupent les États-Unis dans les affaires du monde, la « superpuissance voyou », pour reprendre les termes de l’universitaire américain Michael Beckley. C’est-à-dire la puissance numéro un sans autre ambition que de se renforcer au détriment des autres, à commencer par les alliés de naguère - ce sont eux qui offrent le meilleur rendement dans le chantage, parce qu’ils sont faibles. Le plus frappant dans cette affaire, c’est que l’Union européenne est contente. Humiliée et satisfaite. Alors même qu’en plus des tarifs, Bruxelles piétine ses propres politiques, pour satisfaire Trump. Elle accepte ainsi d’investir 600 milliards en Amérique, alors que l’exode de l’investissement est justement le principal problème pointé par le rapport Draghi… Elle s’engage à acheter des armes américaines, alors qu’elle exhorte les pays membres à renforcer leur base industrielle de défense… Elle s’engage à acheter des tombereaux de gaz américains alors qu’elle œuvre pour le zéro carbone ! Quant à la prétendue « prévisibilité » offerte par l’accord aux exportateurs, c’est une vaste blague. Un condamné à dix ans de prison peut évidemment se féliciter de la prévisibilité de son cadre de vie pour la prochaine décennie. Londres a obtenu de la Maison-Blanche le taux de tarifs douaniers les plus bas possible à ce jour (10 %). Cette « victoire » participe-t-elle à la décrédibilisation de l’Union européenne ? Le commerce américain avec le Royaume-Uni n’est pas déficitaire, cela peut expliquer le traitement plus favorable qu’a obtenu Londres. Dans la hiérarchie des royaumes tributaires de l’empire américain, nous occupons un rang intermédiaire, entre le Royaume-Uni, qui s’en sort mieux, et le Japon, duquel Trump a obtenu le versement de plusieurs centaines de milliards directement au Trésor américain. Et tous ceux qui sont menacés aujourd’hui de 30 % ou 40 % s’ils ne concluent pas d’accord cette semaine. Si l’Union européenne n’était pas en position de force, est-ce parce qu’elle ne maîtrise aucune de ses positions stratégiques à l’échelle de l’économie globale ? Oui, sans aucun doute. Il faut se souvenir que l’Union européenne n’a pas été conçue pour peser dans le jeu mondial. La raison d’être fondamentale de la Commission de Bruxelles, c’est de surveiller les États membres pour qu’ils se soumettent aux règles du marché unique et de la concurrence. Bruxelles a été dressé pour éradiquer les frontières et le nationalisme économique à l’intérieur de l’Union. L’édification de ce marché unique a d’ailleurs été une propédeutique utile pour apprivoiser la mondialisation, surtout pour la France et sa bureaucratie. Mais les temps sont bouleversés. La mondialisation change de nature et de périmètre, elle se fragmente, à cause du recentrage de la puissance principale sur ses intérêts exclusifs au détriment d’un ordre mondial. Il ne peut y avoir de mondialisation sans maître du monde assumé. La Commission devrait donc s’appuyer sur les frontières et pratiquer une sorte de nationalisme européen, si cette expression n’était pas un oxymore, pour défendre les États membres dans la grande confrontation entre les empires. Elle en est incapable car il faudrait pour cela qu’elle renie les traités. Elle court donc comme un canard sans tête, désorientée par la disparition du monde d’hier. Bruxelles a passé des semaines à élaborer des contre-mesures punitives pour les États-Unis en expliquant que nous n’allions pas les utiliser… Les fonctionnaires ont inventé la version commerciale du pistolet à bouchon. François Lenglet L’Europe-puissance est une chimère, entretenue par les fédéralistes qui voudraient encore sauver leur rêve. C’est le dernier stade du déni, avant l’acceptation de la réalité : l’Europe entame son « siècle de l’humiliation », comme la Chine de 1842, après la guerre de l’opium. Trump, exactement comme les Britanniques de l’époque, force l’ouverture de nos ports. Avec ces accords, l’Europe signe donc son traité de Nankin, qui avait asservi l’empire du Milieu aux intérêts commerciaux britanniques. Mais à la décharge de Bruxelles, le problème est plus grave que celui de la seule Commission. Ce sont les citoyens eux-mêmes qui rechignent à la puissance et aux sacrifices qu’elle exigerait d’eux. « Nous n’avons pas été craints », aurait dit Emmanuel Macron juste après cet accord-capitulation. C’est ce qu’on appelle une litote… Le problème pour être craint, c’est bien sûr d’avoir des moyens de rétorsion, mais c’est surtout de vouloir les utiliser. Bruxelles a passé des semaines à élaborer des contre-mesures punitives pour les États-Unis en expliquant que nous n’allions pas les utiliser… Les fonctionnaires ont inventé la version commerciale du pistolet à bouchon. Pire, les officiels français expliquaient à la veille de l’accord qu’il n’y aurait pas de rétorsions tarifaires, car les économistes avaient calculé qu’elles seraient préjudiciables à nos consommateurs ! Pour Trump, ces tarifs visent-ils surtout à relocaliser la production aux États-Unis ? Oui, il veut siphonner la croissance mondiale. Il récuse la position de « consommateur en dernier ressort », qui avait toujours été celle du maître du monde, les États-Unis au XXe siècle, le Royaume-Uni au XIXe. Il vise au contraire la réindustrialisation de son pays. C’est pour cela qu’il veut des tarifs et un dollar faible, afin d’inciter les industriels du monde entier à s’installer aux États-Unis. Il ne s’arrêtera pas là. Ces tarifs vont servir à la coercition des partenaires, afin qu’ils réévaluent leurs devises ou financent gratuitement la dette américaine, avec les fameuses obligations à coupon zéro prônées par l’un des inspirateurs de Trump, Stephen Miran. L’autre objectif est bien sûr budgétaire. Les taxes douanières vont remplir les coffres de Washington. Rien que l’accord avec l’Europe pourrait lui fournir une centaine de milliards de ressources annuelles supplémentaires. Il s’agit de financer le « Big and Beautiful Budget », les baisses d’impôts votées par le Congrès le mois dernier. Dans les deux cas, c’est la stratégie de la prédation : l’Amérique pompe les investissements pour arroser son sol, et les ressources financières des autres pour les redistribuer à ses entreprises sous forme de baisse d’impôt. Ne surestime-t-on pas la victoire de Trump ? Les engagements d’achats et d’investissements européens n’ont d’autre valeur que politique… C’est vrai que les chiffres sont tellement fous qu’ils ne sont pas crédibles. Ursula von der Leyen s’est engagée à 250 milliards d’achats de gaz liquéfié par an, alors que nous sommes, pour l’Europe entière, en dessous de 100 milliards aujourd’hui… Mais cela crée quand même une pression pour les années qui viennent, et c’est sans doute ce que cherchaient les négociateurs américains. Aussi déraisonnables qu’ils soient, ces montants ont été semble-t-il validés par l’Europe. Et, au-delà des considérations sur les montants, une leçon doit être retenue : l’accès aux marchés internationaux a un prix, car il a une valeur. Et ce prix est à la hausse, depuis l’élection de Trump. L’Europe ferait donc bien de réfléchir au prix de l’accès à son propre marché, l’un des plus grands du monde, et à la façon de négocier les prochains accords commerciaux. À quoi peut-on s’attendre, concrètement, sur le plan commercial ? Toute la question est de savoir qui va payer les tarifs. En bonne logique, c’est le consommateur américain, qui verra augmenter le prix des biens importés. Non pas de 15 %, car dans le prix final, les coûts de distribution comptent pour jusqu’à un tiers. En réalité, chacun des intervenants dans le circuit commercial, exportateur, transporteur, importateur, distributeur et consommateur va être mis sous pression pour réduire ses marges ou payer un peu plus. La répartition de ces efforts sera variable en fonction du rapport de force sur le marché, très différent selon les secteurs. Tout cela devrait contracter les flux commerciaux à destination de l’Amérique. Avec des conséquences sur la croissance, moins fortes en France qu’en Allemagne et en Italie, plus exportatrices, comme on le constate déjà sur les chiffres du deuxième trimestre 2025. Le commerce retourne à sa place, asservi à des objectifs politiques. De ce point de vue, Trump nous donne une leçon douloureuse, mais fort utile. François Lenglet Quels seront les secteurs les plus touchés ? Les entreprises de luxe peuvent supporter à la fois une augmentation de prix et une contraction de leurs marges, qui sont importantes. En revanche, pour les produits laitiers et fromage, c’est l’un de nos postes d’exportation importants, le consommateur sera moins enclin à payer. Ce seront les exportateurs qui vont devoir encaisser la moins-value, s’ils ne veulent pas perdre des parts de marché. Idem pour la cosmétique, également l’une de nos forces à l’export. Le haut de gamme s’en sortira, grâce à la puissance des marques et à l’image du « made in France », mais les produits grand public, plus sensibles au prix, devraient souffrir. L’automobile n’est concernée qu’indirectement, car nous n’exportons pas de voitures françaises outre-Atlantique. Les équipementiers français, sous-traitants des constructeurs européens, pourraient toutefois subir les conséquences de la pression sur les exportateurs allemands. Dans tous ces domaines, les industriels vont tenter de produire davantage aux États-Unis, pour échapper aux taxes. Il peut donc y avoir une nouvelle vague de délocalisations. Restent enfin des industries dans l’incertitude, car leur régime douanier n’a pas encore été défini, comme la pharmacie. Peut-on s’attendre désormais à une marginalisation de la Commission européenne ? Von der Leyen va-t-elle devenir l’amie que les États membres n’assument plus ? Les questions commerciales divisent l’Europe depuis toujours, à la fois entre États membres, qui n’ont pas les mêmes intérêts, et d’un secteur à l’autre au sein d’un même pays. Cette fois-ci, pourtant, le continent n’est pas vraiment divisé, il se partage entre les perdants résignés et les perdants soulagés. Soulagés parce qu’ils redoutaient pire - c’est la force de Trump que d’avoir attendri la viande pendant les négociations, en menaçant de taxes encore plus punitives. Au-delà des jérémiades, il n’y a donc pas de réelle volonté de remettre en cause l’accord avalisé par la présidente de la Commission. De plus, plusieurs partenaires commerciaux des États-Unis ont déjà avalé leur pilule, le Japon, la Corée du Sud, et tous ceux qui attendent dans le couloir de la Maison-Blanche… Il n’y a plus guère que la Chine qui tienne tête à l’Amérique. Il faut espérer que cette affaire aura au moins eu pour effet de révéler à l’Europe, à ses citoyens et ses dirigeants, l’ampleur des changements en cours dans les relations internationales. Dans la confrontation qui s’intensifie, tout est stratégique, y compris les questions commerciales. Tout a un prix. Tout est levier pour obtenir de l’influence ou des ressources. Cela exige de nous une révolution, dans l’idéologie et dans l’action, après quarante ans où le libre-échange était considéré comme l’état naturel des rapports internationaux, indépendant des questions politiques et profitables à tous. Le commerce retourne à sa place, asservi à des objectifs politiques. De ce point de vue, Trump nous donne une leçon douloureuse, mais fort utile. Pour reprendre un aphorisme de l’économiste Marc de Scitivaux, dans la longue histoire du coup de pied au derrière, ce n’est pas toujours le pied le plus coupable.
par Henri Guaino 4 août 2025
"Lettre ouverte à Jean-Luc Mélenchon à propos de la langue française et de quelques autres sujets" Une tribune d'Henri Guaino parue dans Le Figaro le 28 juillet 2025 : https://www.notrefrance.fr/index.php/medias/
par Louise Morice 26 juillet 2025
"Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le solde naturel est négatif. Ce que l’on attendait pour 2027 est déjà là, en 2025. Trop tôt. Trop vite. Et pourtant, pas un sursaut. Pas un électrochoc. Le pays continue, imperturbable, comme sous anesthésie. Ce chiffre, pourtant fondamental, ne suscite ni débat national, ni mobilisation. On le constate, on le commente, puis on passe à autre chose. Comme toujours." https://www.frontieresmedia.fr/tribunes/tribune-louise-morice-le-silence-des-enfants-le-prix-du-renoncement
par Mathieu Bock-Côté 26 juillet 2025
Une tribune de Mathieu Bock-Côté dans FigaroVox (25/07/2025) https://www.lefigaro.fr/vox/politique/mathieu-bock-cote-de-la-fin-du-macronisme-20250724 CHRONIQUE - Le macronisme, dont Bruno Retailleau a prédit la fin une fois qu’Emmanuel Macron ne sera plus président de la République, a d’abord été le réflexe de survie d’un régime en panne, avant de se muer en une forme de centrisme autoritaire. C’est une des polémiques de l’été : sommes-nous témoins de la fin du macronisme ? La question peut se comprendre au premier degré : dans quelle mesure Emmanuel Macron peut-il encore peser jusqu’à l’élection présidentielle de 2027 ? Pour certains, elle relève de l’hérésie. La garde prétorienne du président accuse ainsi de lèse macronisme les figures du gouvernement qui n’ont pourtant jamais caché leur hostilité à son endroit. Voyons-y la joute politique ordinaire. À découvrir La question ne devient pourtant intéressante qu’en se détachant de la personnalité du président de la République pour faire plutôt le bilan de la synthèse qu’il a cherché à composer en 2017. Ce qui nous oblige à revenir à ses origines. Le macronisme fut d’abord le réflexe de survie d’un régime en panne, aux clivages devenus stériles, sentant monter une menace « populiste » et voulant se donner les moyens de la mater en ripolinant sa façade et en confiant la direction du pays à un jeune homme qu’on disait exceptionnel. Les élites politiques concurrentes qui, jusqu’alors, s’affrontaient selon la loi de l’alternance entre la gauche et la droite, se fédérèrent alors dans ce qu’on allait appeler un bloc central revendiquant le monopole de la République, de ses valeurs et de la légitimité démocratique, mobilisé contre des extrêmes, censées menacer la démocratie. L’alternative était posée : macronisme ou barbarie ! La rhétorique anti-extrêmes au cœur du macronisme masquait toutefois une fixation bien plus précise sur la droite nationale - alors qu’il convergeait culturellement avec la gauche radicale. Le macronisme n’a jamais cessé de proposer une offre politique conjuguant diversitarisme et mondialisme, auxquels s’est ajoutée la transition énergétique, sous le signe d’un empire européen à construire. L’homme européen auquel rêvent les macronistes a souvent eu les traits d’un l’homo sovieticus revampé. Le macronisme semblait faire du multiculturalisme une promesse. Il croyait les tensions dans les quartiers solubles dans la croissance, convaincu qu’il n’existe pas d’incompatibilité entre certaines civilisations, que l’islam est une religion comme une autre, et que le nombre, en matière migratoire, est une variable insignifiante. Il n’a pas vu et ne voit toujours pas la submersion migratoire, sauf pour la célébrer. Il se représente moins l’immigration comme une fatalité que comme un projet. Le macronisme s’est aussi rapidement dévoilé comme une forme de centrisme autoritaire qui préfère se faire appeler État de droit Mathieu Bock-Côté Le macronisme se voulait aussi un technocratisme : les meilleurs enfin rassemblés pourraient facilement résoudre les problèmes de la France, dégraisser l’État social, relancer l’économie et libérer les énergies du pays. La pensée unique trouvait sa traduction pratique et quiconque entendait gouverner à partir d’autres principes était accusé de se laisser emporter par des bouffées idéologiques délirantes. La situation financière de la France laisse croire que cette stratégie était moins performante que prévu. Le macronisme s’est aussi rapidement dévoilé comme une forme de centrisme autoritaire qui préfère se faire appeler État de droit. De 2017 à 2025, les initiatives se sont multipliées pour assurer une régulation publique de l’information, pour lutter contre les discours haineux, pour étendre la surveillance des pensées coupables au discours privé, sans oublier la dissolution de nombreux groupes identitaires, l’acharnement judiciaire et financier contre le RN et la fermeture d’une chaîne de télévision décrétée d’opposition. Le régime n’a plus de base populaire C’est ce qui a permis au macronisme de fédérer, l’an passé, les partis du système dans un front républicain allant de l’extrême gauche à la droite classique pour empêcher l’arrivée au pouvoir du RN. Le macronisme, à ce stade, abolissait le pluralisme politique authentique. Il n’y avait de diversité idéologique légitime qu’au sein du bloc central. L’extrême centre et la gauche radicale ont l’antifascisme en langage partagé. La droite classique, évidemment, s’est tue, de peur de déplaire. La seule opposition autorisée est celle qui se structure dans les paramètres du régime, et qui célèbre ses principes, avant de le contredire dans les détails. La révolte fiscale se fait entendre, la révolte identitaire et sécuritaire travaille la France depuis un bon moment, mais le macronisme est résolu à mater les gueux et les lépreux, qu’il se représente comme un peuple factieux, presque comme une meute de dégénérés dangereux. Le régime n’a plus vraiment de base populaire, mais ne s’en émeut guère. Le macronisme en est ainsi venu à confondre les palais de la République avec le maquis. Derrière les appels à répétition à sauver la démocratie, on trouve surtout une caste, qui est aussi une élite moins douée qu’elle ne le croit, résolue à prendre tous les moyens nécessaires pour conserver ses privilèges et ses avantages, effrayée devant la possibilité qu’une autre élite la congédie et la balaie. Les prébendes de la République valent bien la peine qu’on se batte pour elles.
par Julien Abbas (Valeurs Actuelles) 26 juillet 2025
Une tribune de Julien Abbas dans Valeurs Actuelles "La France, bercée par ses souvenirs de grandeur, se trouve aujourd’hui, après huit ans de présidence d’Emmanuel Macron, fragilisée sur l’échiquier mondial. L’action de Jean-Noël Barrot à la tête du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ne fait qu’accentuer cette dérive." https://www.valeursactuelles.com/politique/jean-noel-barrot-un-ministre-etranger-aux-affaires
par Eric Chol (L'Express) 26 juillet 2025
Un edito d'Eric Chol dans l'Express (16/07) Et si on appliquait le plan Pinay-Rueff à la France ? Arrivé à Matignon en 1958, le général de Gaulle trouve un pays au bord de la banqueroute, comparable à la situation actuelle. Le président de la République a eu beau appeler à « la force d’âme », le pays aura du mal à se défaire du bonnet d’âne qui désormais le caractérise en Europe. Car comment qualifier autrement l’abyssesse des finances publiques, rendue possible par une croissance moribonde et dix ans de promesses mensongères successifs pour l’intendance, de la démagogie d’un personnel politique plus soucieux des élections que de l’intérêt national, et de l’addiction incurable de nos compatriotes aux chèques et à l’Etat ? On connaît (depuis 1974) la chanson, mais n’y fait : la France, année après année, déchoit. Même le plan Bayrou ne lui ressemble qu’à une énième incantation qui nourrira une gêne ou elle sera vite oubliée. Et si l’on essayait vraiment un plan de redressement national ? C’est ce qu’avait fait l’un des ministres des Finances les plus brillants, Antoine Pinay, nommé en 1958 par le général de Gaulle. Un esprit comparable mentalement au plus lucide des conseillers de Gaulle, lorsqu’il arrive à Matignon, c’est d’avoir compris que la crise budgétaire de la France, anémique, asphyxiée par les dépenses, dissuadait le grand débiteur d’agir. Pinay demande donc l’aide d’un directeur général du FMI de l’époque, le Suédois Per Jacobsson, ni plus ni moins. Le plus fou est qu’à Paris, comme à Washington, ce fut le diagnostic économique qui fit l’unanimité : la France, dans sa totalité – Intérieur, Défense, Affaires étrangères… – devait rendre les comptes à l’Etat, dans les moindres détails. Et c’est à ce moment-là que le général de Gaulle, aidé par Jacques Rueff, inspecteur des finances, met le pied dans la fourmilière. L’événement économique déterminant de décembre 1958, pour assainir le pays, Car oui, c’était possible, et de Gaulle l’a fait. Comment ? Tout d’abord en misant sur Jacques Rueff, un inspecteur des finances habitué à voler au secours des économies fragiles : trente ans plus tôt, dépêché par la Société des nations, cet ancien du cabinet Poincaré avait testé l’efficacité de ses recettes en Bulgarie, en Grèce ou au Portugal. De ces sauvetages, le polytechnicien a tiré une devise : « Exigez l’ordre financier ou acceptez l’esclavage. » Le plan Pinay-Rueff, adopté en décembre 1958, n’a rien d’un chemin de roses : augmentation de taxes et des impôts, compression des dépenses publiques, fin de nombreuses subventions, dévaluation du franc… La purge a un goût amer. « Et bien, les Français crient. Et après ? », rétorque de Gaulle à ses ministres inquiets. Mais les Français n’ont pas crié, et les comptes de la nation ont été rétablis en six mois. « La force de ce programme, c’est qu’il touchait l’ensemble des classes sociales : agriculteurs, retraités, fonctionnaires, chefs d’entreprise… Tout le monde a dû mettre la main à la poche », analyse l’historienne Laure Quennouëlle-Corre. Le plan Pinay-Rueff avait d’autres atouts. La popularité de Pinay, pour faire passer la pilule auprès des Français. « Sa mise en œuvre a été faite par un homme fort qui disposait d’un ascendant et d’une majorité très importante dans le pays. Le plan a été accepté parce qu’il était porté par de Gaulle, » précise l’auteur du Dénî de la dette. Une histoire française (Flammarion). Sept décennies plus tard, on a la recette, mais incontestablement, on manque encore d’un chef !
par LD31 26 juillet 2025
On croyait que la suppression des 2 jours fériés, ce serait pour réduire le cout du travail ? Raté ... ce sera pour financer un impôt supplémentaire sur les entreprises !
par François Vannesson 17 juillet 2025
Un post Linkedin de François Vannesson, avocat au barreau des Hauts-de-Seine et fondateur du cabinet Morpheus Avocats Najat Vallaud-Belkacem, L’avatar capillaire du pédagogisme invertébré, vient d’être bombardée à la Cour des comptes. Une récompense bien méritée pour l’immense œuvre de destruction méthodique qu’elle a menée contre l’instruction publique : elle a vidé les cerveaux avec une cuillère en bois, puis repeint les murs de la salle de classe avec les restes. À l’époque, elle nous vendait l’école comme un espace d’auto-expression émotive où la syntaxe était fasciste, la chronologie raciste, la discipline patriarcale et l’excellence un attentat psychologique. Elle dirigeait le ministère comme on organise une orgie dans un hospice : sans scrupule, sans hygiène, sans témoin. Et maintenant elle va compter. Pas les fautes, non, ni les manques, ni les milliards égarés entre deux lubies. Elle va compter avec sa méthode : à la louche, au ressenti, à l’échelle du trauma perçu. Chaque déficit sera une blessure symbolique, chaque trou dans le budget une opportunité de réinvention inclusive. Mais la meilleure part, c’est le parrainage. François Bayrou, incarnation ambulante du compromis diarrhéique, l’a propulsée là. L’homme qui croit encore à son destin présidentiel comme un vieil ivrogne croit au retour de l’amour conjugal. Il négocie une nomination comme un souteneur distribue des faveurs : contre une abstention PS sur la censure. République mon amour, tu n’es plus qu’un kiosque à prostitutions morales. La scène est si grotesque qu’on en pleurerait de rage : l’ancienne démolisseuse de la langue française promue gardienne des comptes. L’incompétence sanctifiée, l’idéologie élevée au rang de compétence, l’erreur transformée en critère de sélection. Bientôt viendra son premier rapport : « Vers une comptabilité intersectionnelle : décoloniser les bilans, racialiser les soldes ». Elle y ajoutera une bibliographie lacrymale, quelques verbes en inclusif approximatif, et un graphique en arc-en-ciel pour masquer l’effondrement. La France, pendant ce temps, crève à petit feu. On supprime les jours fériés, on broie les actifs, on appuie sur la gorge des classes moyennes jusqu’à ce qu’elles n’aient plus que l’impôt pour respirer. Mais au sommet de la pyramide invertie, les fossoyeurs se félicitent. On ne leur demande plus d’être bons. Juste d’avoir bien nui. Et là, Najat coche toutes les cases. Avec application. Et un très joli stylo.
par Interview du philosoque Pierre-Henri Tavoillot par Eugénie Boilait dans FigaroVox 16 juillet 2025
ENTRETIEN - Le ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, a contesté sur LCP l’existence d’un quelconque « islamo-gauchisme » au sein de l’université française, arguant que le terme n’existait pas « en tant que terme universitaire ». Pour le philosophe Pierre-Henri Tavoillot*, cette affirmation est doublement erronée. * Maître de conférences à Sorbonne Université et président du Collège de philosophie, Pierre-Henri Tavoillot est aussi le référent laïcité de la région Île-de-France. https://www.lefigaro.fr/vox/societe/quoi-qu-en-dise-le-ministre-la-realite-du-terrain-confirme-l-existence-d-un-islamo-gauchisme-dans-les-universites-20250709 LE FIGARO. – Le ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, a contesté le 7 juillet sur LCP l’existence d’un quelconque « islamo-gauchisme » au sein de l’université française, arguant que le terme n’existait pas « en tant que terme universitaire ». « Il n’est même pas bien défini, donc cette notion n’existe pas », a-t-il assuré. Selon vous, cet argumentaire tient-il la route ? Passer la publicité Pierre-Henri TAVOILLOT. - À vrai dire, ce propos est doublement erroné : d’abord parce que le concept d’« islamo-gauchisme » est clairement identifié, et ensuite parce que, comme toute idéologie, il est évidemment présent à l’université, réceptacle naturel de toutes les idéologies existantes. Mais chaque chose en son temps. Revenons au concept qui a été construit par Pierre-André Taguieff dans les années 2000 et dont l’histoire est parfaitement connue. L’historien des idées l’évoque notamment dans son ouvrage Liaisons dangereuses. Islamo-nazisme, islamo-gauchisme (Hermann, 2021). À partir de là, la définition de l’idéal-type est simple à établir, avec trois points fondamentaux qui le caractérisent. Il y a d’abord l’idée que l’islam est la religion des « opprimés » - ce qui permet aux révolutionnaires de gauche d’abjurer leur aversion du religieux, la religion étant traditionnellement perçue comme l’« opium du peuple ». Et la révolte islamiste est, pour le révolutionnaire en herbe, une « divine surprise » qui permet de pallier la tendance conservatrice, voire réactionnaire, du prolétariat européen. En effet celui-ci se contente dorénavant de « défendre les acquis sociaux » ou de voter pour le Rassemblement national. Dans ces conditions, la révolution n’est plus envisageable avec lui, d’où la deuxième idée structurante qui réside dans l’urgence de faire venir un prolétariat actif et révolutionnaire. L’islamo-gauchisme soutient donc l’ouverture sans limite des frontières et l’accueil de ceux qu’ils pointent comme les « damnés de la terre ». Avec ces derniers, il redevient possible d’envisager la destruction de la pseudo-social-démocratie libérale et du système capitaliste. La troisième idée est que l’islamisme est lui-même une simple réaction de défense, légitime donc, face à un impérialisme occidental et néocolonial qui veut imposer à coups de canon son « idéologie des droits de l’homme » dans le monde entier. De ce point de vue, les plus à l’extrême vont percevoir les attentats comme des réactions, à l’instar du pogrom du 7 Octobre en Israël, que certains ont qualifié d’« acte de résistance ». D’ailleurs, la judéophobie est l’une des dernières composantes, et non des moindres, de cette idéologie. On a là un raisonnement qui donne sa cohérence à bien des prises de position étranges de la part de La France insoumise, notamment. Dire que le concept n’existe pas, c’est se priver du moyen de comprendre l’extrême gauche, et même une partie de la gauche, qui met par exemple Gaza et le drapeau palestinien en tête de toutes ses revendications. D’après le ministre, tous les atermoiements des dernières années à l’université témoignent donc simplement d’une tradition française bien ancrée, celle de la forte politisation des universités. Sur ce point, il n’a pas tort : qu’est-ce qui différencie vraiment la période actuelle ? Il existe tout de même une inquiétude supplémentaire par rapport au passé : on a affaire là, potentiellement, à de la violence. Ce ne sont pas seulement des débats d’idées. On a vu ce qui s’est passé à l’école avec Samuel Paty et Dominique Bernard quand la haine est attisée. Ces choses sont à prendre au sérieux. Ce n’est pas majoritaire, mais c’est une minorité fanatique. Entre les débats même violents que l’on a pu connaître par le passé à l’université et ceux d’aujourd’hui, il y a un potentiel changement de nature. Cette idéologie existe donc à l’université ? Elle n’est pas majoritaire ni structurelle, mais elle est bien présente. Et cela dépend largement des secteurs. On peut en donner bien des exemples : il n’a par exemple échappé à personne qu’un certain nombre de blocages qui avaient eu lieu ces derniers mois devant ou dans nos universités se justifiaient par l’hostilité envers la guerre à Gaza. De prime abord, on peut se demander pourquoi, dans une université française, on bloque les cours du fait de la guerre au Moyen-Orient ? En effet, la France n’est pas cobelligérante : sur le strict plan universitaire, ça n’a pas de sens. Il a donc fallu trouver des justifications et on les a trouvées au cœur de ce qu’on appelle l’islamo-gauchisme. Il faut arrêter ce déni qui, en plus d’être agaçant, donne l’impression que c’est l’ignorance qui prime Pierre-Henri Tavoillot Plus personnellement, en tant que référent laïcité de la région Île-de-France, j’ai de nombreuses remontées de terrain qui témoignent de ce que l’on appelle l’« entrisme islamiste ». Ce n’est pas un fantasme. Il y a quelques mois, notre collègue Fabrice Balanche a été interrompu dans son propre cours par des activistes. À Lyon, on sait aussi qu’il existe des salles de prière au sein des établissements. Il y a le spectacle de l’Unef dont la dimension de gauche laïque cède la place aujourd’hui à une dimension « frériste » - cela laisse d’ailleurs dans la stupéfaction ceux qui furent ses anciens militants. Les étudiants sont-ils les seuls concernés ? Les professeurs le sont également. J’ai de nombreux collègues proches de La France insoumise, et ils sont d’ailleurs dans leur bon droit. Certains, comme François Burgat, se revendiquent même de l’islamo-gauchisme. Preuve, s’il en fallait, que, si, aujourd’hui, pour nombre de gens, ce terme est péjoratif, il est en premier lieu descriptif et renvoie à des idées et à un raisonnement. Je ne suis pas d’accord avec cette position, mais elle a de la cohérence : ainsi, dire que ça n’existe pas n’a absolument aucun sens… C’est une grille incontestable qui explique une partie des débats aujourd’hui en France. Dans la classification de la gauche selon Jacques Julliard, il y a la gauche collectiviste, la gauche libertaire, la gauche libérale et la gauche jacobine. Il y a beaucoup d’antagonismes entre elles, mais ce qui réunit les gauches libertaire et collectiviste, c’est précisément l’islamo-gauchisme. Elles vont se retrouver ensemble comme à la manifestation contre l’islamophobie du 10 novembre 2019. Cette dernière avait réuni la CGT, l’Unef, le Parti communiste, Les Verts, Lutte ouvrière, LFI, le NPA. Il y avait une unification des deux gauches radicales qui s’opposaient, de ce point de vue, aux deux autres gauches, laïcardes. Il faut donc arrêter ce déni qui, en plus d’être agaçant, donne l’impression que c’est l’ignorance qui prime. D’autant qu’il est de plus en plus marginal. Il faut être clair pour établir un diagnostic fiable. Ce serait d’ailleurs bienheureux pour tout le monde, car cela nous empêcherait à la fois de sous-réagir et de surréagir. Il faut plutôt accepter le réel, pour, ensuite, voir ce qui relève de la liberté d’expression politique et ce qui relève des attitudes et des actions contraires à l’esprit et à la lettre des universités. Là est le véritable enjeu. D’autant que la prise de parole du ministre s’oppose à ce que disaient certains de ses prédécesseurs… Cet effet yoyo est une constante depuis que Jean-Michel Blanquer a cessé d’être ministre. Lui a eu l’immense mérite d’avoir une politique claire et de long terme sur le sujet. Maintenant, les allers-retours sont permanents, alors même que la réalité commence à apparaître au grand jour.