Municipales Toulouse       « S’occuper aussi de ceux qui vont mal »  (Deuxième partie )

Natacha Gray • 10 décembre 2019

Ensemble, cela veut dire avec tout le monde, i.e. sans oublier personne !


Ensemble, cela veut dire avec tout le monde, i.e. sans oublier personne !


Si la mairie fait déjà beaucoup dans l’action sociale (cf la 1ère partie de cette tribune Municipales Toulouse S occuper aussi de ceux qui vont mal Part1 ), elle peut faire encore mieux. Ses partenaires associatifs aussi, et surtout ! Et notamment en direction de ceux qui vont souvent mal, eux aussi, résidents et commerçants, victimes par ricochet des politiques de relogement des populations migrantes portées par les associations, ou de leur installation spontanée sous forme de squats (avec ou sans la complicité desdites associations).


Nous partirons ici, parce que l’auteur de ces lignes ne le connaît que trop bien, de l’exemple de l’avenue de Muret (1ère et 2èmepartie), en particulier d’une opération de relogement de moyenne durée de 22 familles nombreuses du camp de Ginestous dans un immeuble sis aux 1, 3 et 5 de la rue d’Alès (dont une façade donne sur l’avenue), opération portée par la Mairie de Toulouse sur proposition de deux associations, Soleiha 31 et France Horizon. Ce provisoire est malheureusement devenu durable, certaines populations initiales étant aujourd’hui remplacées par d’autres populations migrantes alors que le reste, qui devait s’intégrer « en huit mois » ( !) est toujours dans les locaux, ayant très peu changé son mode de vie en presque trente mois de présence, faisant de la vie des riverains un véritable enfer quotidien, dans l’indifférence totale des associations partenaires dont l’une a, semble-t-il, complètement disparu de la circulation, indifférente aux conséquences d’un projet dont elle était pourtant co-initiatrice. Quant à l’autre, par la personne de son président pour la région Occitanie, la voilà désormais promue … colistière de Jean-Luc Moudenc sur la liste « Toulouse ensemble » !

Nous aimerions à cette occasion rappeler à ce militant humanitaire que « ensemble » veut dire « avec tout le monde » , sans mépris ni a priori, y compris envers les populations résidentes et les commerçants du quartier qui ne mordent pas et méritent sans doute, eux aussi, que l’on s’intéresse également à leur sort, surtout quand ils vont mal. Soulignons également que le chef de file de La République en marche, dont ce responsable associatif semble s’inspirer, a prétendu il y a quelques mois qu’il n’y avait rien de plus simple que de « traverser la rue ». Deux ans et demi après le lancement de ce projet et une brève apparition de ce responsable lors d’une réunion de quartier, nous attendons toujours qu’il le fasse (certes c’est une avenue, légèrement plus large qu’une rue) et vienne un jour aux nouvelles. Et qu’informe la Municipalité de façon impartiale.


Le lecteur pressé pourra directement se rendre à la troisième partie qui est une série de propositions pour pallier les erreurs passées et améliorer la politique d’aide sociale au logement. Désormais partenaires du Maire et de ses services, nous espérons que les associations auront désormais une politique globale et non hémiplégique et que, engageant maintenant toute une équipe au service du Bien commun, elles seront davantage dans la prise en compte des intérêts de tous et non plus de quelques-uns.



1. Reprenons pour commencer l’exemple de la rue d’Alès, symptomatique d’un manque criant d’information et d’un fiasco en termes de méthodologie du « vivre ensemble »


Premier épisode . En juillet 2017 les résidents assistent, incrédules, à l’installation de 22 familles (nombreuses !) de gens du voyage aux numéros 3 et 5 de la rue d’Alès (le n°1 étant occupé depuis l’hiver par des femmes avec enfants), dont une partie des fenêtres donne sur l’avenue de Muret. Il n’y a eu aucune information initiale ni postérieure à l’installation. Les résidents sont d’autant plus désemparés que les nuisances se multiplient aussitôt : vacarme diurne et nocturne, d’autant plus traumatisant qu’en plein été il n’est plus possible d’ouvrir ses fenêtres le soir, dépôts d’ordures en masse sur la voirie (encombrants mais aussi immondices), apparition de rats jusqu’alors inconnus dans le quartier, vols à l’arrachée et à la roulotte, occupation de l’espace public et de propriétés privées, y compris en forçant le portail, stationnement anarchique surtout le soir de camionnettes qui entravent la circulation, mendicité souvent agressive… Des dizaines d’enfants jouent jusque tard dans la rue ou sur la place de la Croix de Pierre, très bruyamment, traversent l’avenue et le giratoire, lieux à forte circulation, sans regarder. Les riverains automobilistes témoignent effrayés de dizaines d’accidents évités de justesse.


Second épisode . Ce n’est que début août, enfin, que l’adjoint au maire responsable du secteur fait déposer une lettre explicative dans les boîtes aux lettres des résidents et leur explique enfin ce qui se passe et qui sont ces nouveaux arrivants. Toulouse Habitat a acquis le bâtiment pour un projet de logement mais a accepté de le mettre à la disposition de la ville de Toulouse. Le fait qu’un adjoint au maire, élu du quartier, soit aussi le président du bailleur social a sans doute favorisé le montage de l’opération. Un lieu d’hébergement y est ainsi ouvert au n°1 depuis l’hiver 2016-2017 pour femmes isolées (25 places), géré par l’association Le Touril. Les numéros 3 et 5 ont été remis en état par la ville de Toulouse et 22 familles du camp de Ginestous, qui vient d’être démantelé, y sont donc accueillies depuis l’été. A l’initiative du projet se trouvent deux associations, Soleilha31 et France Horizon , chargées de l’accompagnement social. Ces familles en effet, explique-t-il dans son courrier, ont intégré un « dispositif d’insertion sociale et professionnelle » et signé un règlement intérieur et une convention qui les engage à la scolarisation des enfants, l’apprentissage du français, la recherche d’un emploi … Des travailleurs sociaux seront « présents sur le site tous les jours (sic !) afin de sensibiliser les occupants notamment sur le respect du voisinage et le traitement des ordures ménagères ». Le numéro d’Allo Toulouse est rappelé afin qu’en cas « d’incivilités » de « manquement au respect des règles d’occupation de l’espace public », une « équipe de la police municipale soit dépêchée sur place ». M. Biasotto ajoute qu’en accord avec Olivier Arsac, en charge de la Sécurité publique, les agents de la police municipale seront « davantage présentes sur le secteur, notamment en soirée, afin d’assurer la sécurité de tous ».

De toute évidence les nuisances prévisibles, et hélas effectives, étaient prévues. Malheureusement elles ne cessent pas pour autant et s’amplifient même au cœur de l’été. Le soir les familles installées rue d’Alès sont rejointes par des dizaines de personnes issues probablement du même camp, mais relogées ailleurs, qui occupent l’espace public avec leurs camionnettes où l’on charge et décharge du matériel de manière très animée en bloquant la circulation. Les travailleurs sociaux sont-ils vraiment sur le site ou absents parce que ce sont les vacances d’été ? On ne les voit pas et, s’ils sont là, leur parole porte peu puisque rien ne change. Les policiers municipaux sont souvent aperçus, tout comme la police nationale, pour le tapage nocturne et le stationnement anarchique (milieu d’avenue et de rue, places livraison, banque, handicap…) mais tout reprend dans la minute suivant leur départ. Les mails à l’élu de quartier, les appels à Allo Toulouse se multiplient.


Troisième épisode . Franck Biasotto, le responsable du Secteur Rive Gauche, réunit à la mi-septembre les habitants en colère qui se sont exprimés par mails, lettres et appels au numéro donné dans le courriel. La date de la réunion a circulé de bouche à oreille car seuls les habitants qui sont sur la liste de diffusion du secteur Rive Gauche en ont été normalement avertis. La salle est pleine comme elle ne l’a jamais été, à l’image des centaines de mails, SMS, lettres que l’élu dit avoir trouvé à son retour de vacances , témoignage de problèmes récurrents, dont il dit réellement prendre conscience, et d’un immense mécontentement. Il s’y attendait, reconnaît-il, mais pas dans une telle proportion. Résidents et commerçants exposent de vive voix les innombrables nuisances supportées depuis l’installation des familles qui continuent à vivre exactement comme elles le faisaient dans le camp de Ginestous, sans se soucier le moins du monde de leur environnement. Les témoignages affluent, rien que des faits et des constats, exempts de tout propos raciste. L’élu du quartier se dit très satisfait de la grande tenue de cette réunion, malgré la foule et la colère qui se manifeste.


Sont présents ce jour-là, pour la première et unique fois, les deux responsables des associations à l’origine du projet . Affirmant s’appuyer sur leur expérience, ils assurent l’assemblée qu’il suffit de patienter, qu’il faut un délai de « huit mois » avant que l’intégration se fasse (ce qui semble alors déjà très long aux riverains les plus proches). Le maire de quartier annonce une récupération du bâtiment pour réhabilitation et mise en place de logements sociaux pour la fin 2019 . Les représentants des associations s’engagent à intervenir et à rappeler aux familles qu’elles ont signé un contrat de bonne conduite et de respect du voisinage. Mais ils ne semblent pas prendre la mesure du problème : pas un mot de réconfort ce jour-là, pas un mea culpa, juste des certitudes et beaucoup de mépris. Des riverains proposent de les accueillir chez eux le soir après 19h, pour que les personnes qu’ils mandateront ou eux-mêmes jugent de visu et de façon auditive. En vain, une responsable rappelle qu’elle ne reçoit les populations aidées que dans les bureaux de l’association (quid des « travailleurs sociaux » présents sur place tous les jours dont parlait la lettre de l’élu municipal ?), et qu’à cette heure-là, ils sont fermés depuis longtemps. Ils ne travaillent pas le soir : c’est ballot, car c’est tous les soirs et la nuit que la situation devient insupportable. Quant à l’autre, très silencieux et manifestement un peu plus compatissant et ennuyé que sa collègue, le voilà parti bien avant la fin de la réunion. Au moins à la mairie promet-on de faire passer plus souvent les services de nettoyage pour nettoyer immondices et encombrants qui s’accumulent quotidiennement. Ce qui sera effectivement fait, résolvant partiellement le problème d’hygiène et de pollution visuelle. .


Quatrième épisode . Ce fut le seul moment dans cette histoire où les habitants pensèrent être entendus et respectés dans leurs droits. Les nuisances perdurent, s’amplifient et se diversifient de plus belle : territorialisation d’un espace qui dépasse la rue d’Alès (au point que, côté Garonne, on met en place une grille pour protéger la résidence de la Digue des trafics en tous genres, des agressions et autres incivilités récurrentes, transformant la rue d’Alès en impasse encore plus aisée à confisquer et communautariser), rejet des populations résidentes, insultes racistes, vols dans les magasins. Les plaintes aussi. Ainsi, deux mois plus tard les habitants sont-ils informés que face à la persistance de nuisances et au non-respect du contrat par une majorité de familles , la majorité d’entre elles ont été déplacées. Seules six restent désormais .

Est-ce la réduction du nombre ou les leçons de la fermeté envers les irrespectueux ? Un calme relatif revient avec les familles qui restent. Les habitants ont le sentiment d’avoir été entendus. Du moins par l’élu du quartier. Car côté associatif, c’est le silence absolu. Les initiateurs du projet viennent-ils au moins sur le terrain de temps à autre ? Mystère.


Cinquième épisode . Hélas, le répit n’est que provisoire. D’autres populations non francophones apparaissent dans le bâtiment courant 2019, plus nombreuses que les précédentes, encore plus irrespectueuses, bruyantes et bagarreuses (y compris avec les autres habitants de l’immeuble et avec les riverains), ne cherchant pas à communiquer, essentiellement des Roms albanais qui territorialisent la rue, entravent la circulation et empêchent les résidents de se rendre aux places de parking louées ou achetées à proximité. Le vacarme permanent jour et nuit reprend de plus belle, avec les vols et agressions directes (coups, arrachages de portables etc.). Le trafic en bas le soir aussi. Les résidents terrifiés n’osent même plus aller jusqu’à leur place de parking puisqu’il fait passer par la rue d’Alès.

Face à ce déferlement d’incivilités en tous genre, pas de nouvelles de la municipalité ou des associations. Les habitants en colère pensent logiquement que la mairie a modifié son projet et a réinstallé de nouvelles familles . Certains s’en émeuvent par courrier, sans réponse. Lors de la réunion de juin 2019 où l’élu du quartier et ses collaborateurs égrainent les différents volets de leur action municipale, la question des squats, repoussée à la fin à une heure fort tardive, ne leur apporte trop rapidement que des réponses vagues et partielles. Qui sont ces gens, où en est le projet, que fait la mairie ? Ont-ils été installés légalement comme les précédents? Ou illégalement, conseillés par les associations ? Rien n’est dit de clair. On apprend juste que le départ d’une des associations un weekend, sans prévenir la mairie, a provoqué (quelle étrange coïncidence !) l’installation immédiate de squatteurs bizarrement prévenus. Que fait la municipalité face au squat? Est-elle seulement au courant des nuisances ? Silence radio.



En conclusion, deux ans et demi plus tard, rien ne semble bouger . On est bien loin des « huit mois » d’intégration et de normalisation . Bien au contraire, la situation a considérablement empiré dans une indifférence générale . La police passe régulièrement pour des bagarres, du tapage nocturne, mais rien ne change sur la durée. La récupération du bâtiment par Toulouse Habitat n’a toujours pas lieu, la fin de 2019 approche dans un immobilisme désespérant. Les squats de l’avenue, le vacarme et les problèmes d’hygiène et de sécurité de la rue d’Alès sont devenus le premier sujet de conversation dans la rue, dans les commerces, entre voisins. On se raconte la dernière nuit blanche, le dernier réveil brutal, les rats dans les poubelles et les caves qui sont revenus, voire la dernière agression verbale ou physique, la dernière entrave agressive à la circulation.

Les habitants se sentent trahis par la municipalité et abandonnés et cela d’autant plus qu’à à partir du mois de mai 2019, à la rue d’Alès et au campement de Roms du carrefour Langlade s’est donc ajouté l’immense squat sur le site d’EDF , même si ce dernier ne pose pas autant de problèmes aux habitants, la majorité (hélas pas tous) des squatteurs tentant de vivre paisiblement et de s’intégrer. Seulement les habitants (à l’exception évidemment des militants du Comité de quartier qui a multiplié les recours pour retarder le projet) attendaient avec impatience les nouvelles constructions de standing prévues sur le site d’EDF et l’installation de services (Poste, commerces, services administratifs …) pour redonner un nouveau dynamisme et de la valeur au quartier, atténuer l’image désormais insécure, dégradée et paupérisée véhiculée par les squats et les populations installées depuis plus de deux ans par les associations. L’espoir a été, des mois durant, que cette opération de standing, ferait monter la valeur foncière (en panne par rapport à d’autres quartiers proches « à cause de l’environnement », comme le disent pudiquement les agences immobilières) et surtout aiderait à la résorption du problème de la rue d’Alès qui fait vivre un enfer à tous.




2. Il suffisait de demander…


C’est alors qu’une résidente rencontre Jean-Luc Moudenc et l’informe de l’ampleur du problème. Réellement inquiet face à ce qui lui est rapporté et dont il ignorait l’ampleur, le Maire diligente aussitôt une réunion d’information à l’intention des résidents et commerçants pour faire le point en face à face, bien que le bâtiment ne soit pas propriété de la Mairie mais de Toulouse Habitat.


Une délégation (deux résidents, un commerçant) participe ainsi à une réunion multipartite où sont présents la plupart des services concernés : Toulouse Habitat ; l’élu chargé des solidarités, Daniel Rougé ; des personnes chargées de la lutte contre l’exclusion et/ou du secteur Rive gauche travaillant avec Franck Biasotto.

Et les habitants apprennent et comprennent enfin de quoi il s’agit et ce qui se profile.


Primo, pourquoi il y a toujours des gens rue d’Alès en dépit des délais et projets annoncés initialement par l’élu de quartier. Profitant du relogement, comme prévu, d’une partie des gens du voyage et du départ avant terme d’une des associations qui « oublie » ( !) de prévenir la mairie, le bâtiment a été aussitôt squatté par des populations migrantes, essentiellement une colonie de Roms albanais, qui s’étoffe de jour en jour, soutenus par une autre association (dont on n’apprendra pas le nom) qui, elle, refuse de collaborer avec les services municipaux. On a donc changé de problématique : Toulouse Habitat et la Mairie sont victimes eux aussi , l’installation est donc illégale, le dialogue difficile et la procédure, car plainte a été déposée, suit son cours.

Par contre s’il reste encore deux familles parmi les 6 qui avaient été laissées sur place dans les premiers mois du projet, et si les services de la Mairie ont accepté d’en installer d’autres, c’est justement parce que « la nature a horreur du vide » et qu’il fallait éviter que le reste de l’immeuble ne soit squatté à son tour en attendant le début de l’opération immobilière. C’est une stratégie, du pragmatisme, et non une trahison par rapport à ce qui avait été annoncé en août 2017.


Deuxio, c’est la bonne nouvelle. Suite à la plainte déposée, la délégation apprend que la Justice a enfin tranché, que ces populations extra-européennes non éligibles au statut de réfugié, doivent être expulsées, qu’elles ont même reçu un commandement à quitter les lieux au premier juillet 2020 (prise en compte, malgré l’illégalité, de la trêve hivernale et scolaire, même s’il ne semble pas que les enfants, à une exception près récemment arrivée, fréquentent l’école) ; qu’en cas de refus, il y aura appel au Concours de la Force Publique , qui lui-même devra attendre en termes d’effectifs que le contexte soit favorable, et qui peut être contrarié par un appel de la part des squatteurs. Normalement, courant 2020, ce squat, comme celui d’EDF, devrait être évacué. Mais on comprend au moins que la Mairie sait, et qu’elle agit.


Tertio, les travaux prévus auront bien lieu , retardés par le squat du numéro 3 de l’immeuble : ils commenceront en 2020 sur les numéros 1 et 5 (permis de construire en l’ars, début des travaux en octobre, marquant la fin de la mise à disposition des locaux aux populations logées par Toulouse métropole Habitat) pour livraison en janvier 2022.


Ainsi, les habitants comprennent enfin ce qui se passe, sont informés de la procédure et ont enfin un horizon temporel en tête. Ils ne sont plus dans le fatalisme et se rendent compte que l’immobilisme n’est qu’apparent et que, contre toute attente, non seulement la mairie est consciente des nuisances (ses services ont en leur possession des photos d’un récent dépôt sauvage, ils ont connaissance des pratiques mafieuses et du trafic le soir, les statistiques des interventions police fréquentes, des plaintes …) mais qu’elle agit en amont. Mais en silence et de façon invisible pour les principaux concernés, et c’est bien là le problème.


Enfin, par la même occasion, la délégation est informée dans le détail de l’évolution de la procédure en cours pour le squat EDF, qui n’était pas l’objet de la réunion mais qui est évoqué régulièrement en réunions mensuelles bipartites avec la Préfecture , plus facile malgré le nombre car facilitée par le travail de France Horizon qui aide au recensement, aujourd’hui achevé. A cette occasion les habitants apprennent que 90 squats ont été évacués à Toulouse en 2019. En dépit des apparences, la Mairie agit donc bien dans l’ombre.


A l’issue de cette réunion où toutes les parties ont pu s’exprimer en toute confiance et sans procès d’intention, la délégation ressort rassurée et consciente qu’à la municipalité, on ne les oublie pas. Ils ont reçu la promesse de faire passer encore plus souvent les services chargés de l’enlèvement des encombrants et de multiplier le soir les interventions de la police municipale pour éviter agressions et tapage nocturne (et par la même occasion les deals et l’afflux de populations extérieures rue d’Alès). Ce qui a été fait, de toute évidence, car le calme revient dans les jours qui suivent, aidé en cela il est vrai par les intempéries qui n’incitent pas les squatteurs à rester dehors jusque tard dans la nuit.

Les résidents sont donc rassurés, mais perplexes. Pourquoi ne pas avoir les informés auparavant ? Ils ne demandaient pourtant pas que l’on rase gratis demain, ni une solution à court terme, ce sont des adultes responsables, non militants ni idéologues, qui voulaient simplement se savoir soutenus et comprendre ce qui se passait. Lors de cette réunion, on leur a simplement expliqué patiemment et avec force détail les procédures en cours, la lenteur de l’Etat de droit, les blocages juridiques, tout ce qui pourrait encore retarder la fin du cauchemar, leurs interlocuteurs ont exposé qui fait quoi entre la Préfecture, les bailleurs sociaux et la Mairie, les attributions des uns et des autres, les périmètres d’action respectifs et les espaces de collaboration. La confiance, et l’espoir, reviennent. Il suffisait de peu.

Presque rien en fait. Comment n’y a-t-on pas pensé auparavant ? Pourquoi avoir laissé monter à ce point l’inquiétude, le désespoir et la colère ? Dans un autre quartier que cette avenue de Muret très métissée ethniquement, une telle absence d’information et de considération aurait même pu faire monter de façon prodigieuse racisme et xénophobie, l’inverse de ce qui était recherché. Il y a donc des leçons à tirer de ce fiasco.




3. Les leçons de l’histoire. Il faudrait, pour le prochain mandat :



Primo, de la pédagogie : informer régulièrement sur les procédures en cours et les responsabilités,


Il s’agit déjà d’expliquer clairement, et régulièrement, qui fait quoi , en d’autres termes qui a la charge de quoi, ou dans le langage des administrés, qui est « responsable ». Tout le monde ne maîtrise pas nécessairement les procédures juridiques, et encore moins les compétences des uns et des autres. Nous sommes à Toulouse, c’est donc, pour la majeure partie de nos concitoyens, comme on l’entend dans les conversations de rue, la Mairie qui est responsable de tout, traduit en clair par « l’adjoint en charge du quartier qui s’en fiche » ou « Moudenc qui ne fait rien » ou pire, « qui ne veut rien faire ». Or il n’en est rien.


Car pourtant non, le squat de la rue d’Alès ne relève pas de la Mairie directement, même si celle-ci a été associée au projet initial et que l’adjoint responsable du secteur est aussi le président du bailleur social qui a fait l’acquisition du bâtiment. Et quand bien même : on n’expulse pas comme ça, par simple appel à la force publique, des gens illégalement installés sur sa propriété privée. C’est déjà au propriétaire de porter plainte, ce que Toulouse Habitat a bel et bien fait mais ce qu’ignoraient les riverains , tenus désinformés de ce qui se jouait sous leurs fenêtres et dont ils sont les victimes. C’est la Justice qui vient de trancher : à la date prévue ces squatteurs devront partir et, en cas de refus, ce sera à la Préfecture d’ordonner le Concours de la Force Publique pour les expulser, en supposant qu’entre-temps ces habitants illégaux (ou plus exactement l’association qui les a installés) n’aient pas introduit une nouvelle action en justice retardant de facto l’expulsion.


Non, le squat EDF sur l’îlot Oasis ne relève pas non plus de la mairie puisqu’il s’agit d’un propriétaire privé, en l’occurrence EDF, qui seul a été en mesure de porter plainte et de mener l’action en justice : c’est la Justice qui, pour des raisons humanitaires, a décidé initialement de ne pas expulser les squatteurs, la nécessité d’avoir un toit étant considérée comme prioritaire sur les intérêts privés du propriétaire, et c’est encore la Justice qui , dans un second temps, a décidé qu’il fallait prendre des mesures d’expulsion pour des raisons de sécurité (risques électriques). Et c’est la Préfecture qui décidera un jour quand et comment cela devra être fait avec le CFP.


Les procédures sont longues et difficiles , et cela d’autant plus que les cas se multiplient et que la Justice est débordée. En l’état actuel de la législation, on ne peut faire autrement. C’est le revers de l’Etat de droit . Sans doute, avec l’inflation des cas à traiter et l’habilité des personnes en infraction de jouer avec les textes de loi, de multiplier les appels, et de retarder leur expulsion, qui intervient de toutes manières tôt ou tard, un squat n’étant jamais appelé à rester, faudra-t-il revoir ces procédures, redonner aux propriétaires la faculté de retrouver plus rapidement le droit de jouir de leur bien. C’est exactement la même problématique que pour les expulsions du territoire national pour les personnes qui ont été jugée non habilitées à y rester, il y a souvent un fossé, notamment temporel, entre la décision de justice et son exécution, ou pire sa non-exécution. Mais c’est là un problème national. A l’électeur de voter pour les candidats qui proposent d’y remédier. La municipalité n’y est pour rien. Mais l’électeur lambda, qui ne sait pas grand-chose des attributions de chacun, des règles de droit et du partage des compétences, si on ne le lui explique pas, ne le sait pas. Et tourne logiquement sa colère vers l’élu de proximité, ou l’équipe dont il est membre.


La proposition qui s’impose est ainsi que résidents et commerçants soient régulièrement informés (réunions , lettres et mails, présence annoncée de l’élu de quartier dans l’avenue …) ; que pour chaque opération de ce genre ils aient aussi un référent unique ( un nom, un mail direct, un numéro de téléphone) pour faire remonter les informations et doléances et éviter l’actuelle dispersion des témoignages ou la résignation inévitable quand on ne sait pas à qui s’adresser exactement ; et que cet interlocuteur référent soit clairement indiqué sur des courriels réguliers qui tiendront les habitants informés de l’évolution du projet ou de ses éventuelles modifications.



Reconnaître les résidents et commerçants comme des co-acteurs


A contrario il faut que les personnes qui vivent et travaillent sur place et dont la vie quotidienne et professionnelle est impactée par les décisions municipales, ou dans lesquelles la Mairie est un partenaire essentiel, soient aussi reconnues comme co-acteurs : tout projet devrait avoir ainsi un ou plusieurs référents chez les résidents et commerçants , désigné(s) ou élu(s) lors de la première réunion d’information, chargé(s) de collecter les doléances et les remarques et de les faire remonter, clairement indiqué(s) sur les courriels ou courriers de la mairie. Si l’on n’est pas au courant des problèmes ou de leur aggravation, on ne risque pas de les corriger.


Il faut aussi faire en sorte que l’écoute offerte soit bienveillante, dans la confiance et sans procès d’intention . C’est-à-dire sans filtre de gauche (ou influencée par le gauchisme culturel du genre LREM ou centrisme) faisant voir tout migrant comme une victime intouchable et indemne de tout reproche et toute personne qui se plaint face aux incivilités commises par une personne étrangère comme un xénophobe ou raciste patenté . Les résidents gardent encore douloureusement le souvenir de leurs premiers appels à Allo Toulouse, comme l’avait pourtant proposé le maire de quartier dans son premier courrier. Dans le meilleur des cas on leur demandait d’un air docte d’être patients, comme s’ils étaient des empêcheurs de tourner en rond, et non des victimes, mais beaucoup ont eu la désagréable et humiliante expérience de se faire administrer des leçons d’humanité quand ce ne sont pas des accusations directes de racisme. Et l’inversion de culpabilité fait mal ! Ces malheureuses expériences ont été remontées vers l’élu du quartier qui a promis de revoir les conditions de l’accueil téléphonique, d’y expliquer la situation afin qu’on y montre davantage de compréhension et de respect de l’appelant. De toute évidence ce fut fait, mais trop tard. Car, peine perdue, la plupart des résidents, découragés, humiliés, avaient cessé de témoigner depuis longtemps. Du moins de considérer la municipalité comme un interlocuteur valable, se tournant alors dans leurs doléances vers d’autres partis d’opposition, jugés davantage à l’écoute.


Un numéro dédié, d’écoute et de collecte des informations (mieux adapté que le mail pour les personnes âgées) permettrait en outre aux services municipaux, et aux associations auxquelles les témoignages et plaintes seraient transmis, de mieux mesurer l’ampleur des problèmes et du mécontentement au-delà de statistiques nécessairement faussées . Lors de la réunion de septembre 2017 l’élu de quartier a mentionné avoir été surpris par l’avalanche de mails et sms reçus pendant l’été alors que les « statistiques de la police nationale ne montraient pas une hausse des incivilités » (sic). Et pour cause ! Les habitants et commerçants ont fait valoir que personne n’allait perdre une demi-journée (encore moins s’il faut la renouveler régulièrement) au poste de police pour porter plainte contre des gens difficilement identifiables, avec risques évidents de représailles, pour une serrure de voiture forcée, un portail dégondé, une boîte à lettre forcée, une insulte dans la rue, un dépôt d’ordures sauvage, un poulet volé dans une rôtisserie et la grivèlerie quotidienne dans les épiceries ! Surtout qu’il s’agit financièrement de petits délits dont le montant de la réparation ne dépasse pas la franchise, donc non couverts ou à peine par les assurances. Les commerçants les plus impactés se sont équipés et débrouillés seuls : caméras vidéo, batte de baseball derrière le comptoir pour tenter d’éviter les vols et les menaces.


En outre un numéro dédié, une personne référente, permettrait de « vider son sac » et de se sentir moins seul. Il ne s’agit pas de demander une intervention immédiate, une solution spontanée. Mais de savoir que l’on n’est pas considéré comme un citoyen de seconde zone, de se rassurer en se disant que désormais on sait ce qui se passe à la municipalité. Ce qui, jusqu’à ces derniers jours, n’était pas évident.



Obliger les associations partenaires à dialoguer avec les résidents


C’est sans doute là le manquement principal. Lorsqu’un projet est confié à une ou plusieurs associations, par exemple en termes d’aide aux migrants, elles « oublient » singulièrement de traverser la rue et de demander AUSSI aux commerçants et habitants quels sont les effets du projet, si cela se passe bien, s’il y a des choses à corriger ...

Les résidents n’ont rencontré les deux représentants de Soleilha31 et France Horizon qu’une seule fois en deux ans et demi, le jour de la réunion d’information de septembre 2017. L’un d’eux a été parfois aperçu de l’autre côté de la route avec les squatteurs (rue d’Alès et sur le squat EDF) et ce qu’il reste des populations initialement installées, mais personne parmi les commerçants et résidents interrogés ne l’ont jamais vu traverser la rue, s’enquérir auprès des gens qui vivent là de l’évolution de la cohabitation, de la résolution éventuelle des nuisances évoquées deux ans auparavant… Quant à l’autre …

On espère que la leçon sera entendue et que les responsables d’associations, dont le colistier de Jean-Luc Moudenc, n’hésiteront plus à consulter les résidents, rendre visite aux commerçants pour les tenir au courant de l’avancée des projets. Ou simplement leur demander comment ils vont. Car eux aussi peuvent aller très mal.



Apprendre de ses erreurs


Reconnaître que pour qu’une personne ou une famille s’intègre, adapte son mode de vie à l’environnement qu’elle rejoint, avec cette règle d’or que la liberté de chacun s’arrête là où commence celle des autres, il faut créer de la mixité sociale , l’isoler du groupe d’où elle sort. Mettre ensemble plusieurs dizaines de personnes habituées à vivre nuitamment bruyamment en plein air ne les incitera pas à abandonner ce mode de vie, bien au contraire. Comment avoir pu imaginer que loger en un même immeuble 22 familles nombreuses, rejointes le soir par d’autres personnes, par dizaines, du camp dont elles étaient originaires, les inciterait à s’intégrer « en huit mois ». Au contraire, on a assisté à un procédé de territorialisation communautaire et agressive, cherchant à exclure et décourager les résidents antérieurs dans un périmètre élargi.

S’occuper de « ceux qui ne vont pas bien » ne doit pas conduire à créer des nuisances chez d’autres qui, à leur tour, n’iront pas bien du tout. Surtout si c’est pour ensuite les oublier totalement et se désintéresser de leur sort. Le deux poids deux mesures est toujours vécu comme une injustice. Et provoque des votes contestataires. Mais il est vrai que lors des réunions de quartiers, quand le sujet a été abordé, il a été aisé de constater qu’AUCUN des défenseurs de ces populations qui refusent de s'intégrer et imposent leur mode de vie aux autres ne vivait dans le quartier où ils ont contribué à les installer et où ils favorisent leur maintien.


Il s’agit aussi de se préoccuper de tous ceux qui sont en situation de mal logement et pas simplement des migrants d’Afrique et des populations nomades venant d’Europe de l’Est ou, de plus en plus, des Balkans. L’avenue de Muret, par exemple, connaît un certain nombre de SDF français, connus et appréciés par les résidents depuis des années, et qui restent en situation de grande précarité, logés en caravane, en voiture ou en squat. Il est vrai que ces personnes ont toutes un ou plusieurs chiens, ce qui les exclut de nombreux foyers. Sans doute serait-il bon de penser aussi à eux et de leur proposer a minima des logements collectifs avec chenil ou chambres où les chiens sont admis , voire de vrais logements à eux aussi, comme aux populations migrantes. Le fait qu’ils soient Européens et souvent Français n’en fait pas pour autant des pauvres de seconde zone. Sinon on accentue le sentiment de deux poids de mesure et de préférence communautaire de la part des associations.


Ces populations installées doivent être obligées à se plier aux règles du droit au même titre que les autres résidents . Autant dire que furent et sont très mal vécus les inévitables contraventions des résidents, sur une zone devenue partiellement payante et avec de nombreuses places réservées, sanctions normales, fréquentes, quasi immédiates, alors que des camions et camionnettes, de grosses voitures squattaient tous les jours les places livraison, banques ou handicapés ou, stationnées en pleine rue, entravaient le passage en toute impunité. Aujourd’hui la circulation est encore empêchée impasse d’Alès, par des véhicules ou par des bandes, rendant aujourd’hui encore quasi impossible l’accès des automobilistes à un parking qu’ils louent ou ont acheté dont la seule entrée (pour ceux qui n’habitent pas la barre Beaulieu) passe par la grille fermant la rue d’Alès.


Enfin, le cas des gens du voyage sédentarisés, comme l’étaient les populations de Ginestous, a démontré que deux ans et demi plus tard, ils vivent encore majoritairement dehors , dans la rue, sur des parkings proches, en tribu, se retrouvant, parlant fort, se disputant bruyamment, mangeant ensemble la nuit à l’extérieur ou sur les balcons. De toute évidence la vie enfermée ne leur convient pas. Peut-être faut-il plutôt favoriser l’installation en camp et caravanes dotées de tout le confort moderne et mettre plutôt l’accent sur la scolarisation des enfants, l’apprentissage de la langue et sur l’acquisition des règles de droit, l’accès à l’emploi. Il n’est pas certain que de leur côté l’accès à un logement fermé et individuel ait été leur première priorité. Il ne faut pas juger de leurs besoins au travers de notre prisme culturel, dans une approche misérabiliste qui frise le néo-colonialisme et que l’on trouve dans trop d’associations dites humanitaires.



A défaut de quoi, nombre de résidents et commerçants, exaspérés par les nuisances persistantes et convaincus que rien ne se passe ni ne se passera, fatalistes et en colère face au silence de la Mairie et surtout à l’indifférence totale (le mépris ?) des associations responsables de ces projets, légaux ou non, perdent patience et menacent de diriger leurs votes vers des candidats qui, eux, semblent davantage à l’écoute de leurs problèmes.

Car le vivre-ensemble, c’est dans les deux sens que cela se passe . Et ceux à qui des élus et associations extérieurs imposent des résidents allogènes qui n’ont pas les mêmes façons de vivre, voire indélicats et qui occasionnent des nuisances, aimeraient aussi que lesdites associations aient la décence de leur demander aussi, de temps à autre, s’ils vont bien et comment cela se passe pour eux. Résidents et commerçants ne sont pas des citoyens de seconde zone, indignes de respect, ni des « racistes » lorsqu’ils exposent ce qu’ils endurent, juste des Toulousains qui tiennent à rappeler que le « vivre-ensemble » suppose un respect mutuel et une vision du monde moins hémiplégique et manichéenne que celle que véhiculent de nombreuses associations dites solidaires ou humanitaires.


par Nicolas Conquer (Valeurs Actuelles) 23 novembre 2025
A l’heure de l’IA, l’immigration choisie devient un grand déclassement "Cette question deviendra l’une des dimensions majeures des prochaines échéances électorales en France. Ceux qui continueront de célébrer « l’immigration choisie » sans condition seront jugés pour ce qu’ils sont : les fossoyeurs silencieux de la mobilité sociale de nos enfants." https://www.valeursactuelles.com/economie/a-lheure-de-lia-limmigration-choisie-devient-un-grand-declassement
par Louise Morice dans Frontières 23 novembre 2025
Je suis de la génération Bataclan. La génération qui n’a pas connu la guerre, mais qui voit le sang couler sur son propre sol. Chaque année, chaque mois, chaque semaine. Nous avons grandi dans l’ombre des sirènes et des bougies, dans la peur sourde des métros bondés, des gares trop silencieuses, des sacs abandonnés. Je fais partie d’une génération qui vit la barbarie à chaque coin de rue ; d’une génération de femmes qui hésite à mettre une jupe, de garçons qui baissent les yeux pour éviter une provocation. Nous sommes ceux qui ont appris trop tôt ce que veut dire mourir pour rien. Je suis de la génération qui n’oubliera jamais, et qui ne pardonnera pas. Remplie de colère, parce qu’on ne nous protège pas. Remplie de colère, parce qu’ils ont les clés mais préfèrent le déni, la lâcheté, plutôt que le courage d’affronter le réel. Ils disent craindre la guerre civile, mais la guerre est déjà là, diffuse, rampante, dans les cœurs et dans les rues. J’avais seize ans, j’étais au lycée. Je me souviens du message sur la conversation de classe : « Y’a encore un attentat à Paris. » Encore. Ce mot résonne encore plus fort que les balles. Ce n’était pas le premier. Et nous savons, hélas, que ce ne sera pas le dernier. Louise Morice, média Frontières
par Jeanne Durieux (Le Figaro) 10 novembre 2025
"Contrairement au conflit à Gaza, ou à la guerre en Ukraine, la guerre au Soudan passe largement sous les radars politiques et médiatiques." "il n’y a pas d’armes actionnées par des Juifs, donc pas d’antisémitisme à galvaniser sous le masque de la bonne cause" Deux poids et deux mesures avec Gaza ? Une chronique de Jeanne Durieux sur un conflit qui passe largement sous les radars politiques et médiatiques à lire dans le Figaro : https://www.lefigaro.fr/international/pourquoi-parle-t-on-moins-du-conflit-au-soudan-que-de-gaza-ou-de-l-ukraine-20251108 DÉCRYPTAGE - Contrairement au conflit à Gaza, ou à la guerre en Ukraine, la guerre au Soudan passe largement sous les radars politiques et médiatiques. Des civils abattus d’une rafale de kalachnikov le long des talus, des hommes rassemblés en groupe pour être brûlés vifs, des enfants épuisés et muets qui déambulent sans parents le long des camps de réfugiés, des femmes atones au regard hanté qui taisent les viols collectifs dont elles ont été victimes. Voilà quelques-unes de la kyrielle d’images insoutenables qui ont envahi les réseaux sociaux ces derniers jours, presque deux semaines après la prise de la ville soudanaise d’El-Fasher par les FSR, les Forces de soutien rapide. Un premier bilan fait état d’environ 3000 civils abattus, mais le bilan pourrait être en réalité considérablement plus élevé. À découvrir Ces massacres de civils, dont l’horreur augmente à chaque témoignage rapporté par les ONG, jettent une lumière crue sur le conflit sanglant qui sévit au Soudan depuis plus de deux ans. Il oppose, sur un échiquier soudanais très complexe mêlé d’enjeux ethniques et religieux, les généraux Al-Burhan, chef de l’armée régulière, à Mohamed Daglo dit Hemedti, à la tête des FSR. Et s’inscrit dans le temps long d’une guerre multifactorielle qui ensanglante la région du Darfour depuis des décennies. Et pourtant, les massacres qui sévissent dans ce pays d’Afrique de l’Est bordé par la mer Rouge peinent à bénéficier d’une couverture médiatique ou de dénonciations proportionnelles à la hauteur des 150.000 morts et des 12 millions de déplacés depuis 2023. Contrairement au conflit à Gaza qui engendre depuis deux ans nombre de mobilisations, réactions, et polarise profondément la société française, la guerre au Soudan ne génère qu’une discrète indignation, voire un silence indifférent, malgré plusieurs récits publiés par les médias (dont Le Figaro ). Comment, malgré tout, expliquer cet angle mort ? Le Soudan échappe aux schémas impérialistes et colonialistes Le Soudan est un pays «inclassable», présente d’emblée le chercheur Marc Lavergne. À cheval sur l’Afrique noire et le monde arabe, multiethnique et multireligieux, lié à la Méditerranée, mais aussi à l’Afrique centrale et au Sahel, il échappe à toute catégorisation géographique mais également historique. Le Soudan a été conquis par les Britanniques et les Égyptiens à la fin du XIXe siècle, qui y ont établi un condominium [un territoire sur lequel plusieurs puissances exercent conjointement une souveraineté, NDLR], avant que le pays ne proclame son indépendance en 1956. Mais en réalité, «les Anglais n’ont pas vraiment colonisé le pays puisqu’ils n’y voyaient qu’une mainmise formelle. Ils sont d’ailleurs regrettés par les Soudanais», pointe encore Marc Lavergne. Par cette histoire, le Soudan échappe aux schémas classiques «impérialistes et colonialistes» qui ont profondément forgé les dynamiques actuelles de la plupart des pays africains. Et c’est d’abord là que le bât blesse. Concrètement, le Soudan n’est pas considéré comme un pays où doit s’exercer une lutte anti-impérialiste ou décoloniale, matrice des discours actuels qui défendent par exemple ardemment la Palestine en «lutte» contre «l’État colonisateur» que serait Israël. En réalité, «le conflit qui déchire le Soudan n’est pas une guerre idéologique mais un conflit pour l’argent», avance Marc Lavergne. Les factions en guerre cherchent en partie à contrôler le pays pour des motivations économiques : ils se disputent notamment la mainmise sur le contrôle des ressources économiques soudanaises agricoles et minières (comme l’or et pétrole). Et dans ce conflit, «le sort, comme l’opinion des civils, est complètement évacué» pointe le spécialiste. Le conflit à Gaza accapare la question du génocide Or, c’est précisément le conflit idéologique qui fait de Gaza une tragédie abondamment exposée. Se joue là le paradoxe de la solidarité sélective : les défendeurs de la cause palestinienne requièrent une prise en charge mondiale de cette tragédie mais s’opposent de l’autre «à l’universalité funéraire» pour d’autres conflits, pointait l’écrivain Kamel Daoud dans les colonnes du Point dès novembre 2024. Selon le prix Goncourt, il n’est pas populaire de plaindre tous les morts, quelles que soient leurs origines. Il poursuivait : «Si vous abordez ce sujet tragique [de la guerre au Soudan, NDLR], vous êtes accusé de cacher un conflit armé ’exclusif’ [celui de Gaza, NDLR], de changer de sujet, de procrastiner et de manipuler.» Par ailleurs, de façon évidente, les mobilisations autour du conflit armé à Gaza servent de relais à l’antisémitisme. Très concrètement au Soudan, «il n’y a pas d’armes actionnées par des Juifs, donc pas d’antisémitisme à galvaniser sous le masque de la bonne cause. (...)», appuie Kamel Daoud. Ce que corrobore l’avocat et essayiste Gilles William Golnadel dans une tribune publiée au Figaro : «[Il y a] une focalisation sur la chose juive par une sorte de fascination», expose-t-il pour justifier l’exposition qui entoure Gaza. Or, au Soudan, «les musulmans y tuent d’autres musulmans, ce qui équivaut à zéro. La mort ne devient importante que si elle suscite des émotions collectives à travers un casting précis», pointe encore Kamel Daoud. Davantage de personnes peuvent avoir été assassinées en une semaine à el-Fasher, sans aucune exagération, qu’en deux ans à Gaza. Nathaniel Raymond, directeur exécutif du laboratoire humanitaire de recherches à Yale Pourtant, les ethnies du Darfour (Fours, Masalit et Zaghawa) ont été victimes d’un génocide au début des années 2000, notamment de la part des Janjawid, ces milices arabes dont découlent aujourd’hui les FSR. Et ces violences contre les ethnies non arabes ont redoublé avec la reprise du conflit en 2023. Mais aujourd’hui, la question du «génocide» dans le débat public est presque exclusivement captée par les événements à Gaza. «Les informations qui remontent du terrain [au Soudan] témoignent d’un nettoyage ethnique voire d’un génocide en cours. On s’est posé des questions très longtemps sur Gaza, on a eu toutes sortes de débats, “est-ce un génocide ou pas ?” alors qu’au Darfour, on avait des éléments [pour le caractériser] et on n’en parlait pas du tout», a pointé le 6 novembre 2025 sur le plateau de C ce soir Meriem Amellal, journaliste spécialiste de l’Afrique à France 24. Plus prosaïque, Nathaniel Raymond, directeur exécutif du laboratoire humanitaire de recherches à Yale, établissait un parallèle cette semaine : «davantage de personnes peuvent avoir été assassinées en une semaine à el-Fasher, sans aucune exagération, qu’en deux ans à Gaza». Et pour cause : après la prise de cette ville, il n’y a pas eu de mouvement massif de population, comme c’est normalement le cas dans une zone nouvellement conquise. Cette constatation «augmente la probabilité que la majorité des civils soient morts, capturés ou cachés» dans l’enceinte de la ville, indique un rapport établi par l’université de Yale et cité par le Middle East Eye . Les Nations unies estiment à environ 60.000 le nombre de personnes ayant réussi à fuir el-Fasher − près de 200.000 personnes sont en conséquence toujours entre les mains des sanguinaires milices. À titre de comparaison, 67.000 civils environ auraient trouvé la mort à Gaza depuis le 7 octobre 2023, selon le décompte (invérifiable) du Hamas. En clair, le Soudan est bien loin des projections collectives et des débats qui agitent et polarisent nos sociétés occidentales. Au sein de cette guerre africaine s’entrelacent de nombreux enjeux internes qui entravent notre implication morale dans le conflit. En Occident, «on ne fait pas la différence entre tous les Soudanais, même s’il existe de nombreuses différences ethniques», éclaire Marc Lavergne, - à l’inverse, là encore, du conflit à Gaza, qui oppose deux parties clairement connues et identifiées. Ce que corrobore encore Kamel Daoud dans sa chronique au Point : «Le corps d’un Soudanais est-il moins choquant parce qu’il n’a pas d’histoire qui nous ressemble ?» s’interroge-t-il. Par ailleurs, depuis deux ans, le conflit soudanais oppose deux généraux belligérants unanimement dénoncés. Les Forces de soutien rapide se sont certes rendues complices de nombreux massacres de civils, largement documentés ces derniers jours, mais les exactions du gouvernement dit «légal» du général Al-Burhan les talonnent sur l’échelle de la violence. «Concrètement, les troupes d’Al-Burhan tuent certes moins de gens, mais les milices qui sont alliées à l’armée régulière font les basses besognes. Et de façon générale, l’armée n’a que faire des civils», résume Roland Marchal, chercheur au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po Paris. Par ailleurs, les acceptions des termes «gouvernement légal» et «gouvernement rebelle» ne s’appliquent pas réellement au Soudan. «Lorsque deux généraux anciens complices s’affrontent, qui est dans la légalité et qui ne l’est pas ?» interroge le chercheur Marc Lavergne. Et ce dernier de poursuivre : «Entre une armée putschiste, dirigée par al-Burhan, qui a ruiné le pays et pris le pouvoir par un coup d’État, et les Forces de sécurité rapide dirigées par le général Hemedti, grand responsable de la crise du Darfour en 2005, qu’on présente comme des rebelles alors qu’ils sont avant tout des Bédouins, à qui accorder la légitimité ?» De quel côté se placer ? Un tel parti pris est, à l’inverse, plus évident dans le cas du conflit en Ukraine : il y a d’un côté l’agresseur, la Russie, et l’agressé, l’Ukraine, dont une partie des terres a été envahie par l’armée russe. Peu d’intérêt stratégique La donne géopolitique impose également sa grille de lecture : celle des Européens est d’abord liée aux décisions de Washington et à la menace russe. Là encore, l’attention constante qu’accorde la France au conflit russo-ukrainien se justifie ainsi par la proximité géographique et culturelle avec l’Ukraine. Cette dernière étant aux portes de l’Europe et candidate à l’UE et l’Otan, les Français ont tout intérêt à peser pour la victoire de l’Ukraine et la résolution du conflit. Dans le cas du Soudan, la France, qui avait soutenu la chute du régime d’Omar el-Béchir en 2019 en s’affirmant se placer du côté «de ce nouveau Soudan», y accorde en réalité peu d’intérêt. «Il n’y a plus cette génération de gens qui ont connu la Françafrique et qui conservent des liens et des intérêts forts sur le continent», dépeint Marc Lavergne, pour qui «la France s’est désintéressée du Soudan».
par Olivier Babeau / Valeurs Actuelles 4 novembre 2025
"Fuite des cerveaux, désindustrialisation, endettement, services publics défaillants, dépendance au luxe et à l’aéronautique : la France adopte les caractéristiques économiques des pays pauvres" Une tribune à lire dans Valeurs Actuelles : https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/economie/olivier-babeau-la-france-se-tiers-mondise
par Guillaume Roquette dans FigaroVox 3 novembre 2025
Un edito de Guillaume Roquette dans FigaroVox suite à la large victoire de Javier Milei aux législatives de mi-mandat en Argentine. Javier Milei a mis ses actes en accord avec ses paroles depuis qu’il dirige le pays. Et pendant ce temps là, en France, on cogite sur la meilleure façon d'augmenter encore un peu plus la fiscalité alors que nous sommes déjà champion du monde toutes catégories ! https://www.lefigaro.fr/vox/politique/l-editorial-du-figaro-magazine-la-lecon-argentine-20251031 "Large vainqueur aux législatives de mi-mandat, avec un peu plus de 40% des voix pour son parti au niveau national, Javier Milei a mis ses actes en accord avec ses paroles depuis qu’il dirige le pays. Une victoire éclatante. En remportant haut la main les dernières élections législatives en Argentine, Javier Milei a ridiculisé les pseudo-experts qui affirmaient qu’un président aussi libéral serait nécessairement désavoué par les électeurs. À travers ce scrutin, le peuple de ce pays nous administre une magnifique leçon de courage : oui, on peut choisir en toute conscience la voie du redressement, accepter des efforts douloureux, couper à la tronçonneuse dans les dépenses publiques si c’est la condition pour ne pas sombrer. Pour nous autres Français, les Argentins sont des Martiens. Malgré notre dette vertigineuse, notre administration obèse et nos prélèvements obligatoires suffocants, nous refusons collectivement de rompre avec un modèle pourtant à bout de souffle, comme si nous pouvions indéfiniment vivre à crédit sans en payer un jour le prix. L’essayiste Mathieu Laine dresse ce constat désabusé : « Les peuples ne deviennent libéraux que quand ils ont touché le fond de la piscine keynésienne. » Passer la publicité Nous en sommes loin. Le patron du Parti socialiste français, Olivier Faure, continue au contraire de claironner qu’ « il va falloir prendre l’argent là où il est, c’est-à-dire dans les poches de ceux qui ont les moyens ». Voilà les gens avec lesquels le premier ministre Sébastien Lecornu a dangereusement choisi de pactiser : des démagogues d’une médiocrité crasse qui vont tuer notre pays si on les laisse faire. Là-bas, Nicolás ne veut plus payer Pourquoi les Argentins sont-ils capables d’un sursaut auquel nous nous refusons, en tout cas pour l’instant ? La démographie est l’une des réponses : leur pyramide des âges est moins déséquilibrée que la nôtre. Plus nombreux et plus jeunes, les actifs ne veulent plus d’un système qui les empêche de vivre décemment. Là-bas, Nicolás ne veut plus payer. On connaît le franc-parler de Javier Milei. Quand on lui demande ce qu’il pense de ses adversaires progressistes, il les traite de « gauchistes de m… » et affirme : « Il ne faut pas leur laisser un millimètre, si vous le faites, ils vont l’utiliser pour vous détruire. »« Ma mission est de botter le cul des keynésiens et des fils de p… collectivistes. » Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement… Et sa franchise ne s’arrête pas aux discours. Contrairement à ce qui se passe habituellement avec la droite française quand elle est au pouvoir, le président argentin a mis ses actes en accord avec ses paroles depuis qu’il dirige le pays. Il a baissé la dépense publique de 30% et supprimé 60 000 postes de fonctionnaires. Le nombre de ministères est passé de 21 à 10. « Afuera » (ça dégage) ! Pour la gauche française, Milei est le mal personnifié. En rétablissant l’équilibre budgétaire de son pays (une première depuis 14 ans), il a coupé les vivres à des centaines de structures politiques, médiatiques et culturelles qui vivaient au crochet de l’État. Un cauchemar pour nos progressistes ; un modèle à suivre pour une droite digne de ce nom."
par Pierre Brochand (ancien directeur général de la DGSE) 18 octobre 2025
Immigration de masse, insécurité, risque de guerre civile... Le cri d’alarme de Pierre Brochand (ex-DGSE) "EXCLUSIF - Vingt ans après les émeutes qui avaient éclaté à Clichy-sous-Bois puis dans toutes les banlieues, l’ancien directeur général de la DGSE dresse le constat inquiétant d’une France au bord de la « confrontation interne »." Une tribune à lire dans FigaroVox : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/immigration-de-masse-insecurite-risque-de-guerre-civile-le-cri-d-alarme-de-pierre-brochand-ex-dgse-20251017 LE FIGARO MAGAZINE. - Il y a tout juste vingt ans, le 27 octobre 2005, éclataient les premières grandes émeutes de banlieue. Plus qu’une expression de violence passagère, était-ce le début d’un long processus nous conduisant à une forme de « guerre civile » ? Pierre BROCHAND. - Avec le recul, ce qui s’est passé, il y a vingt ans, apparaît, d’abord, comme un révélateur cruel de l’état du pays. Depuis les années 1980, s’était dessiné un paysage inédit : des émeutes ethniques, jamais vues, fusaient ponctuellement en zones urbaines, sur fond de délinquance, d’islamisation et de séparation. La vague d’octobre, en étendant l’incendie à plusieurs villes simultanément, a sonné un réveil en fanfare. Deux tiers de nos compatriotes en ont déduit qu’il fallait « arrêter l’immigration ». Ceux qui détenaient le pouvoir ne les ont pas écoutés. Résultat : rien n’a été fait. Ce qui nous amène directement aux angoisses d’aujourd’hui, que résume la prophétie de « guerre civile ». Je doute que celle-ci se réalise à court terme. En revanche, je tiens pour certaines les affirmations suivantes : – Si nous restons bras croisés, nous irons vers le pire. – Ce pire sera la régression de notre pays en tous domaines, à commencer par la sécurité de ses habitants et, plus généralement, leur bonheur de vivre. – L’épicentre en sera la débâcle de la confiance sociale, clé de voûte des peuples heureux, dont la perte disloque non seulement les sociétés « multi » mais aussi les fondements de l’État-providence. – Je ne vois pas d’autre ferment à ces ébranlements que l’irruption d’une immigration de masse, aux caractéristiques antagoniques des nôtres. Qu’est-ce qui vous rend dubitatif à l’égard du terme « guerre civile », pourtant repris par nombre de responsables politiques ? D’abord, les mots eux-mêmes. Je viens de le dire : pour moi, le fait générateur de troubles à venir ne peut être qu’importé. En effet, dans une démocratie avancée et apaisée, les différends, entre autochtones, ne semblent plus de nature à ressusciter la Révolution ou la Commune. La parenthèse de la « question sociale », ouverte en 1848, refermée en 1968, a laissé la place à des compromis quantitatifs sur le partage d’un gâteau commun, autour de la notion de pouvoir d’achat. De même, les problèmes sociétaux, qui ont pris la suite, n’ont jamais donné lieu à échanges de coups de feu : la haute tenue de la Manif pour tous en a fourni la preuve. Pour faire simple, je dirais qu’entre citoyens de souche, la violence, politique et sociale, n’est plus de mise : pour eux, l’Histoire est finie, au sens de Fukuyama. Leurs débats sont canalisés pour converger fatalement vers un centrisme bien-pensant, quel que soit le numéro de la République. Ceux qui le contestent ne sont pas nombreux : les black blocs ont affiché leurs limites, l’ultradroite parade modestement. L’échec des « gilets jaunes » a, en outre, confirmé qu’aucun projet, centré sur la redistribution du gâteau, ne pouvait renverser la table. Pour la même raison, j’écarte les concepts de « décivilisation » et d’« ensauvagement », qui, en douce, tendent à mettre tout le monde dans le même sac. J’irai plus loin : c’est le thème même de l’immigration, qui, par rétroaction, risque de susciter les plus graves dissensions chez les natifs, entre « universalistes » (mondialistes mercantiles, humanistes rêveurs, wokistes justiciers) et « localistes » (patriotes têtus, régionalistes renaissants, communautaires de tradition). Schisme, qui, d’ailleurs, réintroduit, dans le jeu belliqueux, certains de nos extrémistes, tenants d’une mythique « convergence des luttes », prêts à servir de cheval de Troie aux factions les plus militantes de l’immigration. Nos immigrés sont entrés avec de lourds bagages culturels, religieux, historiques, qu’ils n’ont pas abandonnés à la frontière Pierre Brochand Ensuite, le fait que les fauteurs de troubles de 2005, comme leurs prédécesseurs et successeurs, soient majoritairement de nationalité française ne change en rien le diagnostic. Nos immigrés sont entrés avec de lourds bagages culturels, religieux, historiques, qu’ils n’ont pas abandonnés à la frontière. Ces bagages étaient même si pesants qu’une partie de leurs arrière-petits-enfants continuent à les porter. Énumérons-les, une fois encore, puisque tout en découle : origine du tiers-monde, mœurs communautaires, majorité musulmane, culture de l’honneur, passé colonisé, démographie dynamique, endogamie élevée, faible niveau culturel, productivité et employabilité inférieures, coagulation en isolats géographiques et, surtout, donc, aggravation de ces dispositions au fil des générations dans un contexte global de vengeance du Sud sur le Nord. De ce point de vue, la distinction entre guerre « civile » et « étrangère » ressort brouillée. Nous sommes, au minimum, dans un cas hybride, qui efface, dès le départ, la dimension fratricide des luttes entre Armagnacs et Bourguignons, catholiques et protestants, et où la géopolitique intervient au moins autant que la politique. C’est pourquoi je préfère parler de confrontation interne, vulnérable à des ingérences extérieures. Dans ce tableau, il faut toutefois réserver un sort particulier à l’outre-mer, héritier lui aussi de l’ère coloniale, et doté d’une géographie lointaine et insulaire : on peut y voir des « laboratoires », où des débuts d’insurrection ont déjà opposé des citoyens français, selon leur origine ethnique. Enfin, une « vraie » guerre civile est une lutte armée, au sein d’une même collectivité, entre parties organisées qui s’en disputent le contrôle. Soit le basculement, brutal et total, d’un pays tout entier dans une violence physique concertée. Je le redis : cette vision paraît simpliste. Car d’innombrables hypothèses, plus complexes, sortant des sentiers battus, peuvent se vérifier. Même si nous pensons très fort à l’Empire romain, nul précédent ne saurait nous guider. Gardons à l’esprit qu’aucune société, avant la nôtre, n’a vécu sous le règne de l’individualisme de masse, sorte de terra incognita, sans carte ni boussole. Si nous ne nous dirigeons pas tout à fait vers une « guerre civile », vers quoi allons-nous ? Mon sentiment est le suivant. Bien avant d’en arriver à une bataille à mort pour la souveraineté, nous allons continuer de nous enfoncer dans des sables mouvants. Le raz-de-marée migratoire, s’il persiste, va produire un enchaînement de dégradations, à la fois sous-jacentes dans la durée et explosives dans l’instant. L’immigration actuelle est un fait social total dont les ondes de choc se font sentir partout. Pour les schématiser, elles raniment, d’abord, les clivages non négociables, c’est-à-dire non solubles en procédures, que nous pensions derrière nous : discorde religieuse, inimitié coloniale, fléau racial, gouffre culturel, allégeances nationales incompatibles, auxquels s’ajoute, pour faire bonne mesure, inadéquation économique. En bref, nous prenons, en pleine figure, le boomerang d’une Histoire, loin d’être finie ailleurs. Cheminement souterrain, donc, quand ces disruptions, imperceptibles au jour le jour, finissent par émerger à force de cumulation. Bouffées détonantes lorsque, de ces transformations, naissent des contradictions que les mécanismes d’absorption – autrefois performants avec les eurochrétiens – ne parviennent plus à surmonter. La violence devient, alors, la seule issue. Violence multiforme – délinquante, nihiliste, métapolitique –, d’abord sporadique et dispersée, mais prenant une tournure agglutinante, au fur et à mesure qu’empirent les dérèglements. Soit, au final, un processus quasi volcanique, associant un magma souterrain, porteur de tendances lourdes, et des éruptions soudaines, survenant à tout prétexte. Étant entendu que le choix n’est pas toujours entre la vie et la mort, mais aussi entre une existence qui mérite d’être vécue et d’autres qui n’en valent pas la peine. Sinon, à quoi bon ? J’ai bien conscience qu’ainsi esquissé, ce futur reste nébuleux. Ce qui n’interdit pas d’ouvrir un cadre de réflexion, qui, tout en essayant d’exclure la paranoïa – tâche parfois difficile – met en évidence un éventail de possibles. Sous la forme de l’État de droit, l’État régalien n’est plus que l’ombre de lui-même Pierre Brochand Vous parlez d’un « cadre de réflexion ». Pouvez-vous mieux le cerner ? À mon avis, il faut commencer par prendre conscience du point d’arrivée, lui, irrécusable : une France à majorité africaine et musulmane, bien avant la fin de ce siècle. Bouleversement que je défie quiconque d’espérer paisible et débonnaire. La logique conduit, donc, d’abord à identifier les acteurs de cette tragédie. Si l’on en croit la grille de lecture en vigueur, ils sont en nombre illimité, puisque tout n’est que cas particuliers. Ce n’est pas mon approche. Mon expérience professionnelle m’incite à commettre le péché d’amalgame. Les groupes restent des agents historiques déterminants, et le redeviennent encore plus quand refont surface les casus belli d’antan. Pour moi, ces groupes sont au nombre de quatre. Le plus proactif est constitué de « ceux venus d’ailleurs ». Le critère pertinent, pour l’analyser, est celui de l’acculturation. Faute de statistiques, je m’en tiendrais à l’intuition. Sur un effectif qui atteint désormais 25 à 30% des résidents (sur trois générations), les « assimilés » ne sont plus, à mon sens, que 5 à 10%, les « intégrés » comptent pour 30 à 40% et le reste flotte de la non-adhésion à la haine sur fond d’assistanat. La jeunesse masculine en représente le fer de lance. C’est à travers cette dernière strate que sont ravivés, dans l’espace public, les us et coutumes des pays de départ, avec lesquels nous n’avons jamais demandé à cohabiter. J’attire l’attention sur le fait que l’intégration, « espoir suprême et suprême pensée », n’est qu’un CDD (le respect de la loi contre l’emploi, chacun gardant son quant-à-soi) : en période de basculement, les intégrés pèseront naturellement dans ce sens. Restent « ceux d’ici », les « déjà-là », rejoints par la frange des assimilés. Là aussi, en usant d’une sociologie de la hache, j’y distinguerai trois sous-groupes. « Ceux d’en haut » forment un noyau dur minoritaire, à l’abri des métropoles, à partir desquelles ils font rayonner l’idéologie du « laissez passer, laissez tomber », apothéose prétendue de la « civilisation ». Métropoles où se nouent, d’autre part, des relations pragmatiques de connivence, au moins matérielles, avec « ceux d’ailleurs », rassemblés alentour. « Ceux d’en bas » (65 à 70% du grand total) n’ont pas la même vision : soumis en permanence à des chocs avec des « civilisations » (minuscules, plurielles) aux pratiques antithétiques des leurs, ils n’acceptent plus cette situation et cherchent à le faire savoir poliment, sans y parvenir. Néanmoins, le haut et le bas se retrouvent pour rejeter l’autodéfense et se blottir derrière un quatrième agent : les forces de l’ordre, seule formation armée autorisée sur le territoire français. Ce monopole de la violence est, toutefois, soumis à fortes contraintes. D’abord budgétaires : l’efficacité de ces « gardiens de la paix » est conditionnée par la taille de leurs effectifs, ce qui pose le problème crucial de leur saturation en cas de coup dur. Restrictions juridiques, surtout, sous la forme de l’État de droit, pierre angulaire de la « société des individus » : sous ce régime, l’État national régalien, modèle prédominant auparavant, n’est plus que l’ombre de lui-même. D’une certaine façon, il est même un adversaire à désarmer, car menaçant, du reste de son autorité, les droits fondamentaux de chacun, étrangers et malfaisants compris. Cette impuissance voulue est source d’une incohérence mortelle. En effet, l’immigration ne tombe pas du ciel. Elle est, elle aussi, la conséquence du renversement de paradigme, survenu dans les années 1970, quand nous sommes passés de l’autodétermination des peuples, délimitée par des frontières, à celle des individus, libres de se mouvoir à l’échelle planétaire. Révolution qui, d’un même élan, a donné le feu vert à des exodes massifs, et empêché la puissance publique des pays de destination de les entraver. Or, la survie d’un tissu social, aussi fragile que le nôtre, ne tient qu’à un fil : celui d’une homogénéité culturelle parfaite, autour d’un « néochristianisme païen » unanime, seul à même d’intérioriser l’injonction du vivre-ensemble. Personne ne niera que les nouveaux venus n’ont pas du tout – mais, alors, pas du tout – suivi ce parcours historique, qui nous a conduit à l’épuisement de l’inimitié. D’où la quadrature du cercle : une société qui se veut ouverte mais ne peut se perpétuer que fermée à ceux qui ne partagent pas sa xénophilie. Voilà pour la distribution de la pièce, où nous jouons notre survie. Les réseaux sociaux enclenchent des spirales de contamination aussi soudaines qu’incontrôlables. OLIVIER CORET / OLIVIER CORET pour le Figaro Mag Si nous continuons d’explorer votre cadre de réflexion entre ces acteurs, quels sont les paramètres principaux des évolutions à venir ? Ce que vous me demandez, c’est comment va évoluer le rapport des forces. Si l’on reprend la métaphore d’un fleuve souterrain incandescent, la question devient : quels sont les éléments qui l’accélèrent et ceux qui le ralentissent ? L’accélérateur décisif est, bien sûr, la démographie, indicateur le plus fiable des temps futurs. On ne le répétera jamais assez : nous nous acheminons vers une inversion de majorité, ethnique et religieuse, dans notre pays. Ce n’est plus l’épaisseur du trait. De surcroît, ce chassé-croisé, hors de contrôle, tend à l’exponentialité : il se nourrit des droits opposables, dont se prévalent les immigrés, mais aussi de l’auto-engendrement des diasporas, qui génèrent un fort excédent naturel, disparu chez « ceux d’ici ». En outre, l’immigration est une grandeur non scalable, dont la qualité mute avec la quantité. D’où la notion de masse critique, au-delà de laquelle ce qui était possible en deçà ne l’est plus. Les quartiers où tous ces seuils sont dépassés sont la vitrine de ce qui nous attend. On y retrouve les réminiscences des pays de départ, dont aucun n’est démocratique, développé et égalitaire : incivisme, xénophobie, intolérance, banditisme, omerta, consanguinité, corruption, clientélisme, etc. Ce chamboulement, annoncé par l’arithmétique, ne peut se dérouler sans convulsions. Il y a aussi des « retardants » au processus. Mais ce ne sont, hélas, que des expédients temporaires visant à reculer pour mieux sauter. Le premier est l’évitement, entre anciens et nouveaux. Chacun vote avec ses pieds et se regroupe par affinités, preuve par neuf qu’on ne s’apprécie que mollement : « ceux d’en haut » dans la zone verte des centres-villes, « ceux d’en bas » en France périphérique, « ceux d’ailleurs » dans les banlieues. À ce contournement primaire s’ajoutent des fuites secondaires : la ruée vers l’enseignement privé, l’expatriation des jeunes diplômés, l’alya des Français juifs. Mais le vase déborde déjà : en attestent la répartition autoritaire des demandeurs d’asile en milieu rural et l’implantation obligatoire de logements sociaux dans des villes qui n’en veulent pas. Ensuite, viennent les petits arrangements pour acheter la paix sociale, voire des gains électoraux, sans secouer le cocotier. Ces concessions unilatérales se pratiquent à tous les échelons, depuis la politique de la ville au niveau national, jusqu’aux compromissions municipales, avec des consultants peu recommandables (imams, caïds, grands frères). On songe à la du Barry : « Encore une minute, monsieur le bourreau ! » Autre aspect : les deux minorités actives, susceptibles de coordonner les « révoltés » – trafiquants et Frères musulmans –, n’ont pas intérêt à renverser immédiatement la table. Les premiers en sont au stade embryonnaire de la cartellisation (DZ Mafia), avec pour ambition d’éliminer la concurrence et d’exploiter la poule aux œufs d’or, sans l’achever. Les seconds préfèrent l’entrisme à bas bruit afin d’imposer progressivement les codes de leur religion, en comptant sur l’inexorable loi du nombre pour triompher. Reste le plus grand frein à la belligérance : le comportement des « natifs d’en bas ». Chacun admire leur retenue («vous n’aurez pas notre haine »). Certes, leurs votes, croissants, en faveur de la « maîtrise des flux » montrent que leur imaginaire demeure national. Mais leur choix dans l’isoloir ne se double d’aucune démonstration de rue, pourtant circuit le plus court pour se faire entendre en France. Le poids des seniors ne pousse, évidemment, pas à l’action ni aux changements de cap. Mais, surtout, l’ensemble de la société vit sous les sédatifs obligatoires, que réclame le traitement de l’anarchie individualiste et de l’agressivité multiculturaliste. Citons pêle-mêle : la recherche du bien-être par la consommation, comme unique but commun ; la manipulation des émotions tétanisantes, telles que la peur (épidémies, Russie, climat) et la culpabilité (Vichy, colonialisme, racisme) ; le recours transversal au divertissement. Encore davantage, l’individu-roi, replié sur lui-même, attache un prix démesuré à sa vie biologique, occasion unique à ne pas rater, face à des extraterrestres (terroristes, délinquants) dont les valeurs « héroïques » lui sont devenues illisibles. C’est pourquoi les manifestations qu’il s’autorise – marches blanches, bougies, peluches – clament, avant tout, son refus d’en découdre. Les Français n’ont-ils pas restitué 150.000 armes en 2022 ? Notre orgueil de civilisé est de refouler nos pulsions. Attitude louable et honorable. Mais, alors, ne nous plaignons pas si nous sommes confrontés à des dissidences, que notre passivité enhardit. "La tiers-mondisation de notre corps social n’ira pas sans gros dégâts collatéraux" Pierre Brochand Vous évoquez un fleuve souterrain qui avance, mais aussi fait éruption en surface. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce point ? Notre pronostic vital est-il engagé, comme vous l’envisagiez en 2023 ? Il faut partir de l’état des lieux ! 1500 portions de territoire, en « peau de léopard », échappent au plein contrôle des autorités publiques, et la pression sociale qui s’y exerce va à rebours de nos façons de vivre et de penser. Se répand, dans ces contre-sociétés enclavées, une guérilla de basse intensité contre ce qui y subsiste de l’État national et, plus généralement, d’influence française (pompiers, médecins, enseignants, arbitres). Un pessimiste y décèlerait même le retour, en mode mineur, des insurrections coloniales : commissariats-fortins, check-points, « hits and runs » réciproques, caves-sanctuaires, contraste jour/nuit, lutte pour la « conquête des cœurs » (la politique de la ville, resucée du Plan de Constantine, contre l’entraide sociale fournie par imams et dealers), recherche d’interlocuteurs valables, « porteurs de valise », omerta ordinaire, etc. Ne manque – et ce n’est pas rien – que l’armature du FLN. La crainte la plus plausible est que cet écosystème ne gagne en extension, fréquence et intensité, en vertu de la combinaison d’effectifs qui s’accroissent et d’une distance culturelle qui ne se réduit pas. Le modèle, que je privilégie, vous l’aurez compris, est celui de plaques tectoniques, mises en branle par le couple infernal individualisme-immigration, dont le frottement produit des étincelles qui finissent par embraser la plaine. Sur cette base, rien, hélas, n’interdit que soient franchis, un à un, des seuils critiques irréversibles : usage d’armes létales, pénétrations en « zone verte », submersion des forces classiques, entrée en scène de l’armée, prises d’otages, etc. Parmi les phénomènes déstabilisants, un sort à part doit être fait au terrorisme, bien sûr, mais encore plus aux pillages, auxquels les jeunes des quartiers se sont déjà adonnés : rien n’est plus facile, contagieux et efficace pour réduire à zéro la confiance sociale, libérer les instincts et mettre à genoux une société, bien au-delà des méfaits eux-mêmes. Et, voilà que, pour couronner le tout, pointent les drones, innovation stupéfiante qui met à portée de chacun des capacités incalculables de dissémination de la terreur. En fond de tableau, il faut aussi garder à l’esprit que nous vivons sur le fil du rasoir, en raison de notre dépendance à des réseaux, qui sont autant de catalyseurs de chaos. Les réseaux « sociaux » remettent au premier plan la psychologie des foules, décuplent le potentiel de tangage et enclenchent des spirales de contamination aussi soudaines qu’incontrôlables. Quant aux « vitaux » – électricité, eau, gaz, transports, communication –, leur rupture nous renverrait en un éclair à un état de nature, où régneraient les moins inhibés, dont on devine qui ils seraient. À l’échelle nationale, ce scénario, qui suppose un haut degré de planification et exécution, relève de la science-fiction et nous éloigne des quartiers pour nous renvoyer vers des activistes indigènes, voire des services étrangers. Mais, on ne saurait écarter des applications locales, dont tireraient parti les éléments incontrôlés, dont il est question ici. Quant aux détonateurs proprement dits, la liste en est plus longue qu’on ne croit : aux attentats d’ampleur, « bavures », heurts communautaires habituels s’ajoutent des situations insoupçonnées, comme une brutale sortie de l’euro, suscitant une ruée vers les banques et, par engrenage, une déstabilisation de la rue, livrée aux exactions. Sans doute aucun de ces « fantasmes raisonnés » ne se produira, à brève échéance. Sans doute allons-nous continuer à vivre sur les pentes d’un Etna, dont les projections ne frapperont pas tout le monde, tout le temps, mais de plus en plus de monde, de plus en plus souvent. En tout cas, restons sûrs que la tiers-mondisation de notre corps social n’ira pas sans gros dégâts collatéraux, y compris physiques. Jusqu’à l’engagement du pronostic vital ? À très long terme, on ne peut malheureusement qu’opiner, en raison de la dynamique démographique, hors laquelle, il faut bien le reconnaître, tout n’est que bavardage, plus ou moins informé. Cette grande régression peut-elle être enrayée ? Un redressement est-il possible ? Comment ? Contrairement aux apparences, c’est votre question la plus facile, car les réponses existent et sont devenues banales. Mais, elles sont aussi inévitablement féroces, à proportion du temps et du terrain perdus. S’il reste une petite chance d’éteindre la mèche, il n’est d’autre voie que celle d’un radicalisme sans remords. Soit, à la fois, réduire les flux d’entrée à leur plus simple expression, reprendre le contrôle des diasporas et rétablir l’ordre public. Ce qui est tout à fait possible, mais exige un formidable regain de volonté. D’abord, prendre des mesures immédiatement opérationnelles en matière d’immigration (gel des régularisations, réduction drastique des naturalisations, raréfaction des visas des pays à risque). Puis, enjamber le préambule constitutionnel, indispensable au rétablissement des droits, collectifs et autonomes, du peuple français. Enfin, sur ce canevas, faire flèche de tout bois : externaliser les demandes d’asile, ramener à zéro l’attractivité sociale et médicale de la France, dégonfler les diasporas en agissant sur les titres de séjour, muscler la laïcité en l’étendant à l’espace public. Plus généralement, s’attaquer au virus mortel de l’impunité, par une réforme pénale décomplexée, s’adressant au moins autant aux peines, telles qu’elles sont décidées et appliquées, en cas de récidive, qu’à leur quantum. Sous cette brève formulation, l’ordonnance cache, on le sait, une entreprise herculéenne, dont, les choses étant ce qu’elles sont, j’ai le plus grand mal à imaginer qu’elle soit mise en œuvre. Mais, à l’inverse, je suis en mesure de garantir à vos lecteurs que, si nous persistons à céder au biais de normalité, pour repousser à plus tard ce qui aurait dû être fait hier, nous ne préparons pas à nos descendants des lendemains qui chantent.
par Pierre Nerval 15 octobre 2025
Un post X de Pierre Nerval : Lundi 13 octobre 2025, Emmanuel Macron s’envolera pour l’Égypte, persuadé qu’il va marquer l’Histoire en soutenant la première phase du plan de paix élaboré sous l’impulsion de Donald Trump, en coordination avec le Qatar, la Turquie et l’Égypte. En réalité, il n’y marquera rien... sinon la confirmation d’un trouble narcissique devenu incompatible avec la fonction de chef d’État. Car tout, chez Emmanuel Macron, est désormais mise en scène. Ce déplacement, présenté comme un geste diplomatique fort, n’est qu’un nouveau chapitre du roman qu’il écrit sur lui-même : Macron, l’homme providentiel. Mais la diplomatie ne se nourrit pas de poses, et la paix ne se bâtit pas à coups de photos devant les pyramides. Ce président vit dans un théâtre permanent. Il ne gouverne pas, il se projette. Il n’écoute pas, il parle de lui. Il ne consulte pas, il s’impose. Chaque déplacement devient un plateau de tournage, chaque déclaration une réplique, chaque crise une occasion d’apparaître. La France, elle, n’est plus qu’un décor de prestige... un arrière-plan commode pour ses ambitions d’acteur global. ... Pendant qu’il parade au Caire, les Français s’enlisent dans la crise économique, la perte de confiance, la fatigue morale d’un pays sans cap. Et tandis que les grandes puissances mènent la partie diplomatique à coups d’influence, d’énergie et de stratégie, notre président se rêve en chef de paix universel sans en avoir ni les moyens ni la crédibilité. Il ne voit pas que son narcissisme étouffe l’efficacité, que sa parole lasse autant qu’elle divise, et que son image, devenue son obsession, ridiculise la France qu’il prétend incarner. Un président qui s’aime trop finit toujours par oublier son peuple. Ce voyage en Égypte, qu’on nous vend comme un acte de diplomatie, n’est qu’un pèlerinage à son propre culte. Macron n’ira pas chercher la paix : il ira chercher son reflet.
par Alexandre Devecchio dans FigaroVox 4 octobre 2025
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par Étienne Gernelle 1 octobre 2025
Un éditorial d'Étienne Gernelle dans Le Point : https://www.lepoint.fr/editos-du-point/etienne-gernelle-le-zucmano-lepenisme-ou-le-fantasme-du-quelqu-un-d-autre-paiera-25-09-2025-2599534_32.php L’incroyable opération Zucman a encore frappé. Dans une France oppressée de ses difficultés économiques, on peut comprendre que l’appel pour la beauté des démonstrations mathématiques, l’autorité conférée par l’aura d’une grande université américaine (Stanford, rien de moins !) et l’image flatteuse de l’exil fiscal retourné contre lui séduisent. Mais ce n’est pas parce qu’une idée est enrobée dans des habits de prestige qu’elle est juste. Gabriel Zucman, économiste de gauche, très respecté dans son milieu, mène depuis des années une campagne pour la création d’un impôt mondial sur la fortune. Son raisonnement est simple : puisque les riches peuvent déplacer leurs fortunes pour éviter l’impôt, il faut créer un prélèvement coordonné à l’échelle planétaire. Avec cette manœuvre habile, on peut faire passer l’utopie du grand soir pour un pragmatisme de bon sens. L’idée séduit les partis de gauche, évidemment, mais aussi le RN, qui l’utilise dans sa rhétorique « anti-riches » tout en caressant l’espoir de voir cet argent magique remplir les caisses de l’État français. Le problème est que l’impôt mondial, même présenté avec le sérieux des économistes bardés de diplômes, reste une chimère. Il n’existe aucune instance capable de le mettre en œuvre, aucun mécanisme de contrainte universelle pour obliger tous les pays à l’adopter, et encore moins à le percevoir et le redistribuer. Déjà qu’à l’échelle européenne, l’harmonisation fiscale ressemble à un chemin de croix interminable, on imagine mal la Chine, les États-Unis, l’Inde, la Russie et d’autres accepter de s’aligner sur une taxation commune des patrimoines. En réalité, cet impôt mondial, c’est un peu la version contemporaine du mythe de l’argent magique. L’idée que l’on pourrait financer les dépenses publiques toujours croissantes non pas en faisant des choix, en hiérarchisant, en arbitrant – bref en gouvernant –, mais en allant chercher ailleurs des ressources illimitées. Le grand fantasme du « quelqu’un d’autre paiera ». Dans son livre Le triomphe de l’injustice, Zucman, avec son complice Emmanuel Saez, avait déjà popularisé cette vision, qui a rencontré un immense écho. Le discours est rassurant, flatteur : si les services publics se dégradent, si la dette explose, ce n’est pas à cause d’un excès de dépenses, d’une fuite en avant budgétaire, mais de la rapacité des riches et de l’insuffisance de la redistribution. La réalité, d’abord, est que la France n’est pas avare en matière de prélèvements : elle figure parmi les pays les plus taxés au monde, avec une fiscalité déjà très redistributive. Ensuite, croire qu’un impôt mondial règlerait tout revient à s’installer dans une illusion dangereuse. Au lieu d’affronter nos problèmes réels – la faible productivité, l’absence de réformes structurelles, l’endettement chronique –, on préfère croire qu’une baguette magique fiscale viendra nous sauver. La facilité d’adoption de ce discours tient au fond à un trait bien français : le refus de la responsabilité budgétaire. Depuis quarante ans, la dépense publique croît sans frein, chaque gouvernement repoussant le moment de la vérité en empruntant davantage. Comme si le monde entier était condamné à payer notre confort. Bref, le zucmano-lépénisme est une jolie fiction. Mais elle ne résout rien. Au contraire, elle alimente notre incapacité à voir la réalité en face. À force de rêver d’un impôt universel et miraculeux, on se prive des vraies solutions, certes moins spectaculaires, mais infiniment plus efficaces : réformer, produire plus et dépenser mieux.
par Franz-Olivier Giesbert 1 octobre 2025
Un edito de Franz-Olivier Giesbert dans Le Point https://www.lepoint.fr/editos-du-point/fog-comme-un-champ-de-ruines-24-09-2025-2599462_32.php Que la gauche ait perdu toutes les élections depuis 2017, même quand elle clamait victoire, cela ne l’empêche pas de détenir les clés du pouvoir : tel est le paradoxe qui contribue à ruiner notre vieille démocratie. D’où le sentiment qu’ont les Français de n’être plus gouvernés et leur tentation de renverser la table. Certes, il est toujours sain, dans une démocratie, qu’un pouvoir soit confronté sans cesse à des contre-pouvoirs. Mais à condition que ceux-ci ne finissent pas par le paralyser ou par prendre sa place. Or la gauche d’atmosphère contrôle à peu près toutes les institutions de la République. Sur le papier, c’est beau comme l’antique : vigie de la République, le Conseil constitutionnel est censé vérifier notamment que les lois sont conformes à la Constitution. Sauf qu’il penche fortement à gauche et à la peur du crédit, notamment en censurant, l’an dernier, la commande d’Emmanuel Macron et de son ministre Laurent Fabius, près de soixante textes d’application de la loi immigration dédiée au contrôle et à l’intégration et pilotée, entre autres, par Bruno Retailleau. L’immigration est un totem, pas touche ! Le 19 juin, le Conseil constitutionnel, toujours dans la même logique immigrationniste, a réduit à néant la loi Attal sur la justice des mineurs, qui, dans notre pays, continuent ainsi de bénéficier d’une sorte de sauf-conduit après avoir commis leurs forfaits, au grand dam d’une majorité de Français. Le 7 août, il a encore enfoncé le même clou en retoquant, au nom de la liberté individuelle, la loi visant à autoriser le maintien en rétention d’étrangers jugés dangereux. En somme, le vénérable institut ignore de moins en moins le droit, tout comme le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, qui a inscrit dans le marbre le regroupement familial en 1978, sans en référer bien sûr à la souveraineté populaire. Les magistrats jugent souvent en fonction de leur conviction – de gauche ou d’extrême gauche. Pas tous, Dieu merci, mais, pour paraphraser La Fontaine, selon que vous serez de gauche ou de droite, les jugements vous rendront blanc ou noir. Une preuve parmi tant d’autres : apparemment, la justice a mis un mouchoir sur l’affaire des assistants des eurodéputés du parti de Jean-Luc Mélenchon, soupçonné de détournements de fonds, comme l’a rappelé opportunément l’Office européen de lutte antifraude, alors que, pour des faits semblables, François Bayrou a déjà été jugé et qu’une peine d’inéligibilité menace Marine Le Pen. Vous avez dit bizarre ? À voir ses « trophées », le célèbre Parquet national financier (PNF) est surtout une machine de guerre contre la droite, avec une obsession : Nicolas Sarkozy, coupable d’avoir comparé un jour les magistrats à des « cassation » à « des petits pois qui se ressemblent tous ». Pour avoir critiqué dans ce journal ses méthodes, nous savons à quoi nous en tenir : ce n’est pas l’objet du PNF, acharnant judiciairement depuis vingt ans à ruiner des hommes et des femmes, souvent avant même un début de moyens. C’est bien simple : avec sa présidence du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), l’audiovisuel public est presque totalement noyauté à gauche, sous la houlette de l’inévitable Arcom, « régulateur des médias » qui dépend, entre autres, de l’Éducation nationale... Dans sa “Déambulation dans les ruines”, un livre magnifique, Michel Onfray nous emmène en voyage dans la civilisation gréco-romaine, qui est morte pour laisser place à la nôtre, la judéo-chrétienne, aujourd’hui en point. Dans son introduction, il cite les Fragments posthumes de Nietzsche, où le philosophe allemand évoque les « valeurs du déclin », et force est de constater qu’elles commencent à recouvrir le mur sur notre vieux continent : la désagrégation de la volonté ; le triomphe de la populace ; la domination de la lâcheté sociale ; la honte du mariage et de la famille ; la haine de la tolérance ; la généralisation de la paresse ; le goût du remords ; une nouvelle conception de la vertu ; le dégoût de la situation présente. Réveillons-nous. Maintenant que, grâce à la pédagogie de François Bayrou, les Français saisissent la gravité de la situation financière du pays, il est temps de se ressaisir et de relever la tête. De passer à l’espoir ! Comme disait Tocqueville, « ce n’est pas parce qu’on voit poindre à l’horizon qu’il faut arrêter d’avancer ».