Irresponsabilité pénale ou irresponsabilité ministérielle ?

Natacha Gray • 20 juin 2019

Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, vient de faire part de son intention de fixer le seuil de l’irresponsabilité pénale à treize ans, déclenchant quelques prises de position favorables, notamment de membres du Syndicat de la Magistrature dont on connaît les engagements très à gauche, mais avant tout un torrent de protestations, surtout à droite.

Qu’en est-il exactement ? L’article ci-dessous fait le point longuement sur l’état très inquiétant de la délinquance des mineurs qui justifiait, jusqu’à présent, un certain consensus sur la nécessité de faire évoluer l’ordonnance de 1945, jugée inadaptée à la situation actuelle, dans le sens d’un durcissement. A contre-courant de la tendance générale, le projet Belloubet se dirige a contrario vers l’irresponsabilité pénale des mineurs de moins de treize ans, dont la part dans la délinquance des jeunes est pourtant en progression inquiétante. Même si dans les faits cette mesure ne va pas changer grand-chose à la situation, un enfant n’allant jamais en prison et les peines prononcées, quand il y en a, étant strictement éducatives, c’est pour beaucoup, sur le plan symbolique, un très mauvais signal, celui d’une impunité renforcée et d’une totale invisibilité de l’acte délictueux, que l’on donne d’une part à de jeunes délinquants souvent récidivistes qui défient déjà en permanence, conscients de ne pas craindre grand-chose, l’autorité parentale, policière, judiciaire, professorale, d’autre part aux réseaux crapuleux qui utilisent déjà de plus en plus fréquemment ces « intouchables » en raison, précisément, de leur impunité.

Pourquoi cet article sur Lignes Droites ? D’une part parce que la droite peut, au moins sur ce sujet précis, se rattraper de la négligence dans laquelle, dans un contexte national entièrement monopolisé par la crise des Gilets Jaunes, elle a laissé adopter en décembre dernier une réforme judiciaire de grande ampleur, votée dans l’indifférence générale, à l’exception des principaux intéressés (collectifs d’avocats, de magistrats, de greffiers dénonçant, entre autres, une Justice déshumanisée, privatisée et ubérisée). Mais au-delà des arguments apportés au moulin de ceux qui se dressent contre le projet Belloubet, il s’agit de pointer en quoi l’évolution envisagée est l’archétype d’une certaine gauche et, en tous cas, le modèle de tout ce que n’est pas, ne doit pas être, la droite. A l’heure où celle-ci, du moins ceux qui dans ses rangs n’ont pas rejoint la majorité présidentielle, cherche aujourd’hui, dans la débâcle électorale, à se définir quelque part entre la République en marche et le Rassemblement national, il est sans doute possible de trouver, au travers de cet exemple éloquent, matière à tracer les contours de ce que la « vraie » droite n’est pas et ne devra jamais être, que ce soit en termes de méthodes, d’idées ou de valeurs. Et de se souvenir, ce faisant, de ses fondamentaux indissociables : liberté, responsabilité, pragmatisme.

Le lecteur qui souhaite trouver matière à comprendre et à se faire un avis sur la question pénale pourra s’informer en parcourant les premiers chapitres (1. Le constat ; 2. Une délinquance aux causes multiples ; 3. … dopée par le sentiment d’impunité ; 4. Un projet irresponsable et à contre-courant).

Celui qui s’intéresse avant tout aux enseignements à tirer pour la droite en reconstruction peut directement se référer au dernier chapitre : 5. De quoi Nicole Belloubet est-elle le nom ?


1. Le constat : la délinquance des mineurs, un fléau en constante augmentation

La délinquance des mineurs, et plus généralement de ceux que les médias appellent pudiquement les « jeunes », même lorsqu’ils n’ont plus l’excuse de minorité, est un fléau en inquiétante augmentation. Ils sont même les principaux responsables des dégradations, agressions, violences et du climat de terreur qui règnent sur certains quartiers de jour et de nuit. Les statistiques (Chancellerie et Infostats Justice) et témoignages de terrain sont sans appel, même si elles sont considérablement minorées par rapport à la réalité: les chiffres officiels ne prennent en effet en compte que les affaires élucidées dont les auteurs ont été identifiés , ce qui ne se prête guère à la délinquance de rue (bandes mobiles, pas toujours identifiables ou refus d’identification de la part de victimes terrorisées par les menaces de représailles…). Encore faut-il qu’une plainte ait été déposée, ce qui exclut, comme d’ailleurs pour les faits de sexisme, d’homophobie, d’antisémitisme, la majorité des délits de petite, voire de grande, délinquance par peur d’une réaction de l’agresseur, certitude d’une démarche que l’on sait d’avance inutile car on ne retrouvera pas les coupables ou parce que l’on sait qu’ils resteront impunis.

Si l’on ne s’attache qu’aux mineurs parmi ces délinquants, le premier constat est qu’ils sont de plus en plus nombreux à commettre des délits, et de plus en plus violents , y compris entre eux. Ils se sont également féminisés . Et ils sont de plus en plus actifs : les faits qui leur sont reprochés ont bondi de plus de 50% en vingt ans, avec une nette accélération ces cinq dernières années. Leurs exactions sont aussi de plus en plus graves : aux « bêtises » traditionnelles (qui ont parfois, surtout en matière d’incendie, des conséquences mortelles!) comme les tags sur les murs, feux de poubelle, vandalisme sur le mobilier urbain, les incendies de voitures, les vols à l’arrachée, le trafic de stupéfiant, se sont ajoutés ce que la Chancellerie nomme des « faits particulièrement graves » et qui, selon les statistiques (sources de 2015) ont bondi de 58% en dix ans : dégradations à grande échelle (destruction de stades, mise à sac d’écoles), cambriolages non opportunistes –i.e programmés-, vols avec armes, généralement un couteau même si les armes à feu circulent aussi dans les zones de non-droit, augmentation significative des violences physiques non crapuleuses (en clair , les coups et blessures dits « gratuits »), les agressions sexuelles qui concernaient déjà, il y a quatre ans, 21% des mineurs interpellés pour des délits , et même des crimes (vengeances et assassinats entre adolescents pour un regard, une rivalité amoureuse, une dispute, une volonté d’appropriation d’un bien…). En 2019, 57% des infractions commises par les mineurs sont des atteintes violentes aux personnes !

Ils sont aussi de plus en plus jeunes : dans ce contexte d’explosion de la délinquance des mineurs, celle qui touche les moins de 13 ans augmente plus rapidement que dans les autres tranches d’âge. Si l’on cherche par exemple sur Internet la liste des écoles incendiées ou vandalisées, on tombe sur des listes interminables à la lecture desquelles on apprend que les auteurs, une fois identifiés, se révèlent être souvent des jeunes de 9 à 13 ans. C’est pourquoi de nombreux maires ont été contraints de mettre en place des couvre-feux pour les mineurs (comme celui de Marmande en octobre dernier), le dernier en date étant celui de Mazingarbe (juin 2019), près de Lens, explicitement destiné à empêcher les enfants de moins de 13 ans de traîner dans les rues entre 23h et 6 h du matin et mettre fin au climat de terreur dénoncé par les habitants (violences physiques, vols, feux de poubelles, mobilier urbain dégradé, représailles en cas de résistance…). Ajoutons que les très jeunes, en raison de leur impunité pénale, sont notamment utilisés par les dealers ou des réseaux pour le trafic de stupéfiant ou les vols.


2. Une délinquance aux causes multiples

Il n’est pas question ici de s’enfoncer dans le maquis des causes de cette augmentation exponentielle de la délinquance des jeunes, et notamment des très jeunes, qui s’inscrivent d’ailleurs d’une part dans un constat d’ensauvagement de la société française, d’hystérisation des rapports entre individus dont ces enfants et adolescents violents ne sont, finalement, que le reflet, d’autre part dans la multiplication des zones de non-droit, « territoires perdus de la République » où enfants et pré-adolescents sont largement utilisés par des réseaux crapuleux.

Emissions violentes , jeux-vidéos, réseaux sociaux , sexualité dépersonnalisée et ostentatoire, tout concourt à banaliser la violence voire l’éradication de celui qui gêne. L’enfant n’est plus un enfant : grâce aux films, aux jeux, à Internet, il connaît ses droits, qui sont immenses par rapport à ses devoirs, la loi, le moyen de la contourner, il sait et voit la violence du monde, à commencer celle d’autres enfants-soldats médiatisés que certains prennent comme modèles, il n’ignore rien de ce que l’on appelait « la vie », notamment en termes de sexualité, d’image stéréotypée de la virilité ou de la femme, et il tente à son tour de s’y conformer.

Les flux de migrants que la République n’intègre ni n’assimile plus, faute de moyens d’un côté, d’une réelle volonté d’assimilation pour certains de l’autre, ont ajouté un nouveau paramètre, surtout lorsqu’il s’inscrit, comme dans les autres cas, dans un phénomène de bande et d’affirmation de soi face au groupe.

Ces jeunes, notamment dans les quartiers dits difficiles , s’ils ne tombent pas d’eux-mêmes dans la délinquance, par imitation, envie d’appropriation, problème psychologique, sont de plus en plus sollicités par les grands frères et des bandes organisées, voire par de véritables réseaux crapuleux dont certains donnent leurs ordres depuis l’étranger car l’enfant de moins de 13 ans ne peut être poursuivi pénalement, ni être mis en garde à vue. Un article récent du Figaro témoignait du phénomène des « mineurs marocains » (dont très peu sont marocains, environ 1 sur 6, et encore moins sont réellement mineurs), qui agissent en bande au cœur de certaines grandes villes qu’ils écument (vols avec violence, agressions au couteau), ne parlant que peu le français mais parfaitement au courant de leurs droits et de leur impunité « en tant que mineurs », qu’ils récitent comme une fiche apprise par cœur, probablement briefés à l’avance par les personnes qui les manipulent et les utilisent au sein de ces filières organisées. Le même phénomène est connu depuis longtemps avec les enfants liés à des réseaux de Roms d’Europe de l’Est qui les envoient sur des vols à l’étalage, à l’arrachée, à la roulotte.

Il faut également prendre en compte l’islamisme radical qui, dans certains quartiers, en liant habilement les trafics illégaux et la question identitaire, justifie les agressions contre des mécréants et dresse des jeunes esprits manipulables contre la société française, et, au-delà, sa législation et ceux qui sont chargés de faire respecter les règles.

Dans les mêmes quartiers mais également dans des zones plus huppées, sont également à considérer l’effondrement des valeurs et le désengagement de parents dépassés ou négligents qui se reposent sur l’Ecole qui n’instruit plus mais est censée « éduquer » leurs gosses et pallier les carences parentales. Sauf que cette mission-là, l’’Ecole-nounou n’est plus en mesure de l’exercer correctement non plus.

Car à l’amont de la délinquance juvénile, on trouve évidemment l’échec de l’Education Nationale où les enseignants, dépouillés de toute autorité, voire discrédités et moqués, souvent méprisés et calomniés, longtemps soumis aux théories pédagogistes qui avaient envahi cabinets ministériels et Rectorats et qui dissimulent l’impuissance sous le beau nom de « bienveillance » (ne pas punir, ne pas contrarier, ne pas ennuyer l’élève, l’amuser, ne pas lui demander d’effort et surtout lui éviter toute frustration), n’ont plus les moyens d’instruire et encore moins d’éduquer des enfants-roi à qui l’on a donné tous les droits sans jamais exiger d’eux aucun devoir.

Le sentiment d’impunité s’acquiert tôt , de la famille démissionnaire ou contaminée par la bienveillance et l’égalitarisme (l’enfant est l’égal de l’adulte) à l’Ecole désarmée où, à l’inverse de leurs usagers, les enseignants sont désormais systématiquement soumis, par les parents et leur administration obnubilée par le « pas de vagues », à la « présomption de culpabilité ». Et c’est bien là que réside, dans leur impunité, et le fait qu’ils en ont parfaitement conscience, le principal problème qui empêche de regarder en face la question de la délinquance des mineurs.


3. Une délinquance dopée par le sentiment d’impunité.

A dire vrai cette impunité, plus qu’un sentiment, est une réalité juridique dont les conséquences sont désastreuses.

La majorité pénale est fixée à 18 ans, âge à partir duquel les prévenus sont jugés selon des procédures de droit commun. Pour les mineurs, depuis l’ordonnance de 1945 , les infractions, voire crimes et délits, sont jugés selon une procédure spécifique par des juges et tribunaux pour enfants. Cette Justice des mineurs privilégie les réponses éducatives à l’action pénale, en d’autres termes c’est une sorte d’action sociale judiciarisée qui considère le délinquant comme une victime à rééduquer. Et pour les moins de 13 ans, l’incarcération est impossible et ils ne peuvent pas être mis en garde à vue. Ceci dit, pour les plus de 13 ans, la détention, généralement provisoire, reste également une mesure grave et exceptionnelle.

Il n’y a pas, pour l’instant, d’«irresponsabilité pénale » pour autant: un juge peut aujourd’hui mettre l’enfant en examen et examiner les faits en fonction de la capacité de discernement du jeune délinquant que des spécialistes et lui-même sont chargés d’évaluer (et que la plupart des experts situent entre 7 et 8 ans ) . Avant dix ans la sanction consiste exclusivement en mesures éducatives : remise aux parents, services d’assistance à l’enfance, placement dans un établissement spécialisé…. Entre 10 et 13 ans des sanctions peuvent s’appliquer : interdiction de fréquenter certaines personnes, travaux scolaires, confiscation d’objets, stages de formation civique …. Entre 13 et 18 ans des peines plus lourdes sont possibles, dont la prison qui reste une mesure très rarement appliquée, ne serait-ce que faute de moyens (voir ci-dessous).

L’année dernière on a ainsi pu voir un juge mettre en examen un enfant de dix ans, coupable d’avoir volontairement incendié une tour à Aubervilliers et qui avait causé le décès d’une mère et de ses trois enfants. La sanction a été une mesure d’éloignement. Cette sanction peut paraître dérisoire mais elle n’a été possible, justement, que parce qu’il n’y a pas à ce jour d’irresponsabilité pénale des mineurs.


Le problème toutefois est que même les mesures éducatives (sanctions que l’on peut considérer comme « soft ») sont rarement mises en œuvre lorsqu’elles sont prescrites. Parfois même le délinquant en est exempté et ressort avec un énième rappel à la loi. Pour les vols simples, c’est le cas 7 fois sur 10, même en cas de récidive : c’est en toute impunité que le jeune délinquant peut ainsi collectionner ces mises en garde répétées, épées de Damoclès purement fictives, qui deviennent des trophées auprès de ses camarades. Il faut voir dans cette clémence certes la marque de l’idéologie partisane de certains juges laxistes qui se contenteront d’admonestations sans lendemain (dont les prévenus se contrefichent), mais plus souvent encore la conséquence d’un dramatique manque de moyens . En novembre 2018, 15 magistrats du Tribunal pour enfants de Bobigny lançaient un véritable signal d’alarme et appel au secours dans une tribune publiée dans Le Monde : ils y expliquaient que, faute d’être appliquées, les mesures qu’ils prennent restent « fictives » ; il dénonçaient la dégradation accélérée des dispositifs de protection de l’enfance, pointaient des délais de prise en charge « inacceptables » pour les mesures d’assistance éducative (900 familles désespérées étaient alors en attente), le manque de personnel, le sous-effectif des éducateurs au département ou dans les milieux associatifs, et même chez les greffiers du Tribunal totalement submergés ; ils prévenaient que cette impunité de fait provoquerait à l’âge adulte davantage de passages à l’acte criminel faute de rééducation par un suivi éducatif ou la possibilité d’un placement.

Cette insuffisance des moyens constitue donc un véritable casse-tête pour éducateurs, enseignants et policiers qui s’évertuent à faire respecter la loi à des jeunes parfaitement conscients qu’ils ne craignent rien . Témoignage confirmé l’autre jour à la radio par une mère dont l’enfant aujourd’hui majeur est tombé dans la délinquance depuis l’âge de douze ans. Cette femme criait sa colère et son désespoir : depuis des années elle avait frappé à toutes les portes pour obtenir de l’aide, en vain, que ce soit en raison d’une législation inadaptée (pas de possibilité de réponse pénale), de délais trop longs pour espérer une aide par les structures éducatives débordées, du manque de psychologues, du refus d’examiner la demande parentale de lui infliger au moins des travaux d’utilité générale, de la violence d’un mineur baraqué qui menace physiquement ses parents, éclate de rire devant les policiers en répétant qu’il ne risque rien en tant que mineur, qui n’a en 6 ans écopé que d’un seul rappel à la loi mais qui est allé jusqu’à porter plainte au commissariat au nom des droits de l’enfant lorsque son père, ne sachant plus comment lui faire entendre raison, a fini un jour par lui donner une claque.


Tout ceci entretient un sentiment, pire une certitude, d’impunité totalement délétère. Comme précisé plus haut, cela commence très tôt, dès l’école maternelle. Car ces jeunes se savent pratiquement intouchables, eux que l’enseignante et essayiste Barbara Lefebvre appelle la génération « j’ai le droit » : ils connaissent à l’école l’interdiction pour l’adulte de les toucher, de leur répondre, de les frapper, voire même de se défendre, usent fréquemment avec perversité de la provocation, voire de l’agression, puis de l’inversion accusatoire qui mettra en cause la parole de l’enseignant ou du policier (qui ont commencé, qui n’avaient pas qu’à les poursuivre, ou à les empêcher de …) et ils récitent leurs droits sitôt qu’ils se retrouvent dans la position de l’accusé. Il y a quelques années les chiffres de la Chancellerie montraient ainsi qu’un délinquant mineur de moins de 13 ans présentait 1,6 fois plus de risques de repasser à l’acte qu’un jeune condamné de 15 à 25 ans, et 2,3 fois plus qu’un délinquant condamné entre 30 et 39 ans. En clair, plus l’impunité et les risques sont réduits, plus on recommence. C’est cette impunité des mineurs qui est précisément utilisée par réseaux et filières pour accomplir leurs basses œuvres.

C’est pourquoi, depuis une vingtaine d’années un consensus s’était établi sur le fait que l’ordonnance de 1945, qui privilégiait des mesures éducatives plutôt que des réponses pénales, devait être profondément revue et modifiée et ne pouvait l’être que dans un sens qui amplifierait le répressif, aujourd’hui quasiment absent, au détriment de l’éducatif, qui ne fonctionne plus sur les générations nouvelles, réfractaires à l’autorité, sur des mineurs violents et parfaitement conscients de ce qu’ils font et de ce à quoi ils s’exposeraient s’ils étaient majeurs. Beaucoup réclamaient même l’abaissement à 16 ans, voire moins, de la majorité pénale à partir de laquelle des crimes et délits de droit commun sont jugés selon une procédure de droit commun et en encourant des sanctions de droit commun. Plusieurs projets de durcissement de la loi de 1945 ont ainsi vu le jour . Et même des réalisations, comme les Tribunaux correctionnels pour les mineurs récidivistes de 16 à 18 ans créées en 2011 mais supprimés, malgré une efficacité reconnue, dès 2013 par la Garde des Sceaux Christiane Taubira (suppression effective 2017).


4. Un projet irresponsable et à contre-courant !

Et voilà que dans ce triple contexte (la hausse inquiétante de la délinquance des moins de 13 ans, en particulier sur des faits graves ; la quasi impossibilité de la juguler compte tenu d’une législation inadaptée et d’un sentiment d’impunité de la part des fautifs ; la réflexion collective menée sur le durcissement de l’ordonnance de 1945), la Ministre de la Justice annonce dans les médias un projet personnel, déjà présenté en novembre et qui avait provoqué une levée de boucliers dans les milieux spécialisés, concocté sans concertation avec les parlementaires, visant à fixer cette fois le seuil de l’irresponsabilité pénale à 13 ans. Loin d’aller vers davantage de répression, comme demandé par de nombreux acteurs, on se dirige donc vers une dé-judiciarisation des délits, y compris les plus graves.

Officiellement, on avance qu’il faut se mettre en conformité avec la CIDE (Commission Internationale des Droits de l’Enfant) et avec les recommandations des experts de l’ONU qui demandent à ce que soit retenu un âge butoir.

Dans ce cas pourquoi 13 ans ? Les psychologues fixent l’âge du discernement, sauf cas particulier étudiés au cas par cas, entre 7 et 8 ans. Pour l’âge de responsabilité pénale, la Grèce a retenu 7 ans, l’Angleterre, le Pays de Galles, la Suisse 10 ans. Seules l’Espagne, le Portugal (16 ans) et l’Allemagne (14) sont au-dessus. Généralement il apparaît que cet âge a été fixé dans les différents pays en tenant compte du terrain et des réalités de la délinquance juvénile. Quelle réponse apportera-t-on aux enfants de moins de 13 ans qui feront bêtise sur bêtise si la justice n’intervient plus ? Pense-t-on les orienter vers l’ASE (Aide sociale à l’Enfance) et vers les services sociaux des départements déjà surchargés et exsangues ?

Pourquoi maintenant ? Comme l’ont déjà fait remarquer en novembre les parlementaires, députés et sénateurs, dont des commissions travaillent sur le sujet depuis des mois, alors que la Garde des Sceaux manifestait son intention de faire passer ces mesures de façon unilatérale par ordonnance, il y a « non-urgence ». Quel intérêt y a-t-il donc pour jeter ainsi sur la place publique un sujet d’experts que l’on sait clivant et que rien n’oblige à précipiter ? Comme pour la PMA, ne s’agit-il pas pour la Garde des Sceaux d’une volonté égotique de marquer la Justice de sa réforme mais en même temps d’une énième manœuvre politique pour détourner opinion des autres mesures impopulaires ? On sait que les questions sociétales sont le meilleur outil pour faire en sorte que les Français se déchirent et se polarisent sur des débats clivants, même lorsque ceux-ci ne concernent qu’une poignée d’individus et, par conséquent, qu’ils délaissent les autres questions.

Un autre argument avancé est le besoin de réduire le délai entre la faute et le traitement de la faute. En effet les délais sont longs (en moyenne huit mois) entre la constatation des faits et la décision d’un Tribunal. Le prévenu, souvent, n’a plus véritablement le souvenir de sa faute (surtout si, récidiviste, il a ajouté plusieurs délits entre temps), ce qui lui donne un sentiment d’incompréhension, voire d’injustice. Découpler ainsi pénal (qui disparaîtrait) et réponse éducative permettrait (en théorie) de réduire ce délai. En théorie car il faut qu’il y ait cette réponse éducative et l’on voit qu’aujourd’hui elle est déjà souvent, presque systématiquement, « oubliée » faute de pouvoir être appliquée. Au-delà du fait que pour de nombreux magistrats ce délai est au contraire nécessaire (examen des faits, préparation de la défense mais également temps nécessaire pour la victime pour se remettre, éventuellement s’éloigner, recherche de la meilleure solution éducative, puisqu’il n’en est pas de pénale stricto sensu ), on se rend compte qu’une fois encore, pour ne pas voir la maladie, on casse le thermomètre , alors qu’il faudrait au contraire renforcer les moyens de la Justice des mineurs, et des structures éducatives qui interviennent dans le traitement de la délinquance (sanction ou prévention) si l’on veut réduire ledit délai. Pas faire disparaître purement et simplement la possibilité d’intervenir ! Effectivement s’il y a irresponsabilité pénale, il n’y a plus de jugement, donc plus de sanction, donc la question du délai ne se pose plus. Il fallait y penser !

Mais, au-delà, il y a cette insupportable culture de l’irresponsabilité , de l’inversion de culpabilité et de la culpabilisation de l’autre portée par une certaine gauche bien-pensante, droitdelhommiste, pédagogiste et donneuse de leçons dont la Ministre de la Justice est l’incarnation: le coupable, c’est l’adulte, la société, ou celui qui possédait ce que l’enfant n’avait pas. Le mineur délinquant n’est considéré que comme un « enfant en danger ». En danger pour lui-même, il l’est assurément. Mais il est aussi, et même avant tout, un danger pour autrui. Quant au qualificatif d’enfant, l’est-on encore totalement, au-delà de l’âge que mentionne l’état civil, quand on traîne la nuit à 3h du matin en bandes, que l’on incendie volontairement les biens d’autrui, que l’on agresse sexuellement un autre enfant, que l’on programme des guets-apens parfois avec intention de tuer, que l’on parle de sexe et de virilité comme un adulte et que l’on récite des fiches législatives prouvant que l’on est parfaitement conscient de l’absence de risques encourus ? Sans compter que les jeunes d’aujourd’hui présentent souvent de nos jours, très tôt, un physique et un comportement d’homme ou de femme, du moins une attitude en conformité avec les stéréotypes véhiculés par les médias !

Alors certes on trouvera toujours, comme pour toute cause, des experts, ici des psychologues de l’enfance, pour valider la cause que l’on prétend juste, souvent déconnectés du terrain, comme les pédagogistes dans l’Education nationale dont on a pu constater les effets pervers de leurs théories bienveillantes. A l’exception des satisfecits prodigués au projet par des membres du Syndicat de la Magistrature, que l’on sait très à gauche et souvent accusé d’obéir à des intentions plus militantes qu’à des considérations juridiques, les réactions politiques, judiciaires, éducatives au projet Belloubet, en novembre comme ces jours-ci, sont majoritairement hostiles, voire scandalisées et inquiètes. La plupart rejoignent au moins la Garde des Sceaux pour reconnaître que toute transgression implique une réaction la plus rapide possible. Mais aucun ne propose de supprimer la responsabilité pénale pour autant, juste de trouver les moyens, qui sont avant tout financiers, de réduire les délais entre le délit et la réaction judiciaire.

Il ne s’agit évidemment pas de mettre des enfants en prison . A moins de 13 ans, aujourd’hui, ils n’y vont pas, et les réponses, quand toutefois elles existent, sont uniquement éducatives. Mais même plus âgés, même majeurs, ils y vont rarement. Certes ces enfants sont des « victimes », mais il ne faut pas oublier qu’ils sont avant tout coupables de transgressions et que, comme le montrait déjà un rapport alarmiste du Sénat en 2002, un grand nombre de leurs victimes sont d’autres mineurs, qu’il s’agit de protéger aussi et dont la résilience dépend aussi de la reconnaissance de la culpabilité de l’agresseur et d’une forme de sanction. Si on veut les faire progresser, leur redonner des valeurs citoyennes, les faire « grandir », il serait irresponsable de leur enlever leur part de responsabilité. Lorsque l’on fuit la police, que l’on fait tout pour dissimuler ses actes, que l’on prétend, même pris sur le fait, n’avoir aucune responsabilité, que l’on ment sur son identité et son âge, c’est que l’on est conscient d’avoir mal agi et de s’exposer à une sanction, ne serait-ce que parentale. Pourquoi la société ne serait-elle pas habilitée à s’autoriser, pour se défendre et se protéger, ce que tout parent responsable est incité à faire devant les désobéissances de ses enfants : interdire, fixer des limites, avertir, menacer de punition, puis punir en cas de transgression ? La menace et la certitude que la punition aura lieu, l’expérience aussi si l’on a déjà été sanctionné, suffisent d’ordinaire à dissuader l’enfant intelligent de franchir la ligne rouge qu’il connaît parfaitement. A contrario les parents qui sont en permanence dans l’avertissement sans passage à l’acte, la renonciation, la discussion d’égal à égal avec leur enfant, sont généralement débordés. Pourquoi cette exigence de responsabilisation de l’enfant ne s’appliquerait-elle pas hors de la sphère parentale, dans la Justice ?

Pour les éducateurs, les parents d’enfants délinquants, les enseignants, les policiers, il s’agit donc d’un très mauvais signal qui fera des primo-délinquants déclarés irresponsables pénalement, des multirécidivistes puis de véritables caïds à 18 ans, habitués à l’impunité. Car le sentiment d’impunité des jeunes déviants n’en sera que davantage renforcé. En outre cela risque de faire tomber plus encore les très jeunes, désormais intouchables pénalement, dans le réseau de la délinquance.


5. Mais de quoi Nicole Belloubet est-elle le nom ?

Elle représente assurément une certaine gauche, bien présente dans le gouvernement Philippe, tant sur le plan des méthodes que des idées.

Elle est l’archétype de cette gauche doctrinair e qui manque de pragmatisme , celle qui ne part jamais du réel mais de ses idées, qui plaque sur des réalités éprouvantes des concepts totalement inadaptés et qui tente ensuite de faire entrer le réel de force dans la doxa. Elle représente le gauchisme culturel dominant depuis mai 1968, qui défend une culture de l’irresponsabilité , de l’inversion de culpabilité , du procès d’intention et de l’excuse victimaire . Son irénisme, sa bonne conscience sur le dos des victimes, malheureusement ne colle plus, et de moins en moins, avec l’évolution de la société, des nouvelles générations et de ces « enfants » qui, justement, quittent l’enfance de plus en plus tôt.


Irresponsable parce que déconnectée de la réalité, l’ancienne rectrice de l’académie de Toulouse laisse transparaître dans ce projet une idéologie à la fois gauchiste et pédagogiste, une naïveté partisane et une vision compassionnelle de la Justice que l’on retrouve aussi à l’œuvre dans le Syndicat de la Magistrature. On peut y lire également le typique aveuglement de classe , celui des privilégiés qui n’ont jamais été confrontés à la délinquance violente, généralement en bandes et qui prennent pour des « fachos » sans cœur et des bourreaux d’enfants les gens qui osent réclamer davantage de sévérité (au moins un peu plus qu’un rappel à la loi) pour des voyous, même en culotte courte… Contrairement à ce que croit cette gauche, la sévérité n’est pas le totalitarisme et la liberté n’est pas celle de tout se permettre ni l’impunité. Parler de sécurité n’est pas antidémocratique, garantir celle des personnes et des biens est même la première mission de l’Etat.


Mais il y a évidemment une autre raison, qui tient du court-termisme, de l’électoralisme et de petits calculs budgétaires et d’une forme d’irresponsabilité ministérielle . La raison majeure de la mansuétude de la justice, surtout de gauche, envers les « jeunes », mineurs ou pas, tient en effet à la rencontre entre une idéologie compassionnelle et l’insuffisance des moyens : difficultés des services de police, limités juridiquement ainsi qu’en termes d’effectifs et de moyens face à des jeunes prêts à se victimiser, à chercher l’affrontement ou la blessure puis à hurler aux violences policières ; insuffisances de la Justice, également en termes de moyens mais aussi en raison d’une législation devenue inadéquate ; manquements des services d’accompagnement (pas assez de psychologues, de structures adaptées…).

Ne pas poursuivre des mineurs de plus de 13 ans ou de jeunes majeurs, c’est également lutter contre la surpopulation carcérale que l’on ne s’est pas donné les moyens de réduire autrement. Rappelons que sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy avait été lancé un plan de rattrapage dans la construction de prisons que Christiane Taubira s’est empressée d’annuler dès son arrivée place Vendôme. Son successeur, Jean-Jacques Urvoas, en homme d’Etat soucieux de la continuité de la fonction au-delà des alternances politiques, avait budgétisé avant son départ et pour son successeur un peu moins de la moitié des places de ce qui était jugé urgent (soit 30 000 places sur les 75 000 à construire), plan à nouveau annulé par N. Belloubet, E.Macron annonçant qu’on en construirait finalement…9000 ! L’argent prévu a certainement été utilisé pour renflouer les caisses trop rapidement entamées par les premiers cadeaux fiscaux du gouvernement.


Comme s’était évertué à le faire François Hollande par simple esprit partisan , il s’agit aussi pour cette gauche revancharde, intolérante et manichéenne de détruire ce qui marche parce que cela a été mis en place par les adversaires politiques. Ainsi en fut-il de la défiscalisation des heures supplémentaires, ou sur le plan judiciaire du « plan prisons », et cela à deux reprises, par Ch. Taubira puis par N. Belloubet, la première ayant de surcroît supprimé, entre autres, par une simple circulaire et sans concertation, comme mentionné ci-dessus, les tribunaux correctionnels pour les mineurs récidivistes de 16 à 18 ans créés en 2011.

Il s’agit également d’une manœuvre désormais parfaitement rodée : dès qu’il y a difficulté en vue pour le gouvernement, cette gauche, dont N. Belloubet a toujours fait partie sur son aile la plus dure, sort du chapeau telle ou telle réforme sociétale qu’elle sait clivante et qui occupera la scène médiatique et les débats pendant que le « reste » passera plus facilement. Cela s’accompagne, comme de bien entendu, d’un discours catastrophiste ou prétextant l’urgence, et d’une rhétorique compassionnelle , doublée de procès d’intention, qui fait passer toute critique du projet pour un manque de bienveillance, voire une tendance autoritaire.

La méthode employée également est révélatrice : il y a les sachants, le camp du Bien, qui sait et peut imposer ses décisions à tous puisque cela sera dans l’intérêt de ceux que l’on présente comme des victimes. Ces tentations totalitaires ne sont pas nouvelles. En novembre les parlementaires, qui travaillaient de longue date dans deux commissions, au Sénat et à l’Assemblée Nationale, sur la question de la prévention et du traitement de la délinquance des mineurs, ont eu la désagréable surprise de se voir présenter les projets de réforme de la Justice sans avoir été consultés, dans une démarche verticale et autoritaire top-down , modifications qui devaient leur être imposées par ordonnances et sur lesquelles ils n’étaient appelés qu’à donner un avis. Les événements concomitants liés à la fronde des Gilets Jaunes ont néanmoins différé l’actuel projet. Echaudée par les réactions d’alors, sa conceptrice le remet aujourd’hui sur la table, de façon plus souple, puisqu’on donnera cette fois aux parlementaires du temps pour le discuter, voire proposer des amendements.

Comme d’habitude à gauche, quand il y a un problème on casse le thermomètre. Cela commence dès l’école, que Belloubet a eue en charge dans l’Académie de Toulouse : on ne sait plus gérer des enfants de plus en plus agités, réfractaires à l’autorité ? On invente le concept de classe vivante (certains inspecteurs allant même aujourd’hui jusqu’à sanctionner les enseignants « à l’ancienne » qui tiennent trop leur classe !). On n’écoute plus le Maître, on est incapable de se concentrer ? On met en œuvre la classe inversée, où l’élève devient le professeur. Il y a du bordel ? On développe le concept de « bruit pédagogique ». De plus en plus d’enfants présentent des lacunes immenses en langue française et ne comprennent plus le sens des mots. On allège par conséquent les programmes de français, on simplifie la grammaire, on valorise l’oral, on enjoint de ne plus sanctionner l’orthographe, on réécrit la littérature jeunesse en expulsant adjectifs compliqués, adverbes, et temps du passé, tout en ayant au préalable jeté aux oubliettes les textes littéraires classiques jugés exigeants pour les remplacer par une sous-littérature correspondant aux goûts et au vocabulaire, aux tics de langage de jeunes illettrés. Il faut également saper l’autorité du professeur qui ne pourra plus sévir. Si l’on ne sévit plus, c’est qu’il n’y a pas de problème. Circulez, il n’y a plus rien à voir.


La suite est dans la même logique. On ne sait pas traiter la délinquance des mineurs ? On fait alors en sorte qu’on ne puisse plus parler de délinquance des mineurs. Pénalement irresponsables, ces mineurs feront des « bêtises », de plus en plus graves, de plus en plus nombreuses, de plus en plus violentes, mais elles seront désormais invisibles car volontairement invisibilisées , hors statistiques. Rappelons-nous que cette gauche, la gauche en général d’ailleurs, est nominaliste : seul existe ce que l’on peut nommer. Ce que l’on ne nomme pas n’existe donc plus. Inversement, en mettant un nom sur ce qui n’est pas (facho, populiste, danger, urgence …), on donne corps et réalité aux fantasmes et procès d’intention.


Qu’on ne prétende pas que Macron est à droite. Il le devient partiellement sur le plan économique mais il est pleinement de gauche sur le plan sociétal, à l’image de la ministre de la Justice qui semble une incarnation de cette gauche doctrinaire et déresponsabilisante. Aujourd’hui, dans la débâcle actuelle et l’effacement de ce qui pourtant se situe quelque part entre la République en marche et le Rassemblement National, beaucoup se demandent ce qu’est la droite, si ceux qui s’en réclament peuvent encore parvenir à se rassembler sur des fondamentaux communs en dépit de sensibilités différentes. Il n’est sans doute pas facile de dessiner les contours de ce qui reste à reconstruire. Mais comme dans toute définition, il est toujours possible de commencer par cerner une notion en éliminant ce qu’elle n’est pas . Et la droite n’est pas, ne doit pas être, tout ce qui a été décrit ci-dessus : peu pragmatique, doctrinaire, déconnectée du terrain, irresponsable, victimaire, dans une démarche autoritaire top down qui fait fi de la concertation, obsédée par la table rase, droitdelhommmiste et bien-pensante. Et s’il y a deux notions inséparables qui la caractérisent mais que la gauche ne sait pas conjuguer, c’est bien d’abord la liberté , dans le sens que lui donnaient les philosophes des Lumières, limitée pour chacun à l’endroit où commence celle du voisin, balisée par des limites et des sanctions, dans l’acceptation des règles du jeu collectif qui garantissent les droits, la sécurité, l’autorité de ceux qui en sont les dépositaires. Le second principe est celui de la responsabilité , qui devrait être le quatrième pilier, invisible, du Temple républicain. Et la seule méthode possible doit rester le pragmatisme , ancré dans la réalité et dans l’écoute des personnes concernées, loin de tout dogmatisme. La gauche part des idées, la droite doit s’ancrer sur le terrain et élaborer des solutions à partir de ses constatations. Devant les bêtises dangereuses de la gauche doctrinaire et déconnectée des réalités, la droite sait au moins ce qu’elle ne doit pas devenir et de quoi elle ne doit, en aucun cas, se montrer complice.


Annexes

L’ ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ainsi que ses principales modifications jusqu’en 2019 (il y en a eu 39)


https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006069158


L’article 122.8 sur la responsabilité pénale pour les mineurs capables de discernement (2002) . En résumé , les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables, sans limite d’âge même si en principe, les mineurs âgés de moins de 10 ans sont considérés comme irresponsables. https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006417222&cidTexte=LEGITEXT000006070719


Comparaison : le droit pénal des mineurs en Europe

http://www.justice.gouv.fr/europe-et-international-10045/etudes-de-droit-compare-10285/le-droit-penal-des-mineurs-en-europe-12987.html


Loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice

https://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-discussion/projet-loi-programmation-2018-2022-reforme-pour-justice.html

La CIDE (Convention Internationale des Droits de l’Enfant), qui demande à ce que les pays signataires fixent un âge butoir pour la responsabilité pénale. https://www.vie-publique.fr/focus/decrypter-actualite/convention-internationale-droits-enfant-cide-1989.html

Le Tribunal correctionnel pour mineurs (2012-2017)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Tribunal_correctionnel_pour_mineurs


Chaîne pénale (simplifiée) pour les mineurs http://www.justice.gouv.fr/art_pix/chainepen.pdf


par Une interview de François Lenglet par Ronan Planchon dans FigaroVox 5 août 2025
https://www.lefigaro.fr/vox/monde/francois-lenglet-la-commission-europeenne-court-comme-un-canard-sans-tete-desorientee-par-la-disparition-du-monde-d-hier-20250803 ENTRETIEN - Après l’accord signé avec les États-Unis de Donald Trump le 27 juillet en Écosse, l’Europe entame son «siècle de l’humiliation», estime le journaliste économique et essayiste. François Lenglet est éditorialiste économique à TF1-LCI et RTL. Son prochain livre : Qui sera le prochain maître du monde ?, Éditions Plon, octobre 2025. LE FIGARO. - Dans le cadre de son accord avec Trump , l’Union européenne accepte de voir la quasi-totalité de ses exportations de biens vers les États-Unis frappées de droits de douane à hauteur de 15 % et n’obtient ni ne sanctionne rien en retour. Une autre issue était-elle possible ? Passer la publicité François LENGLET. - Non, cet accord est tout sauf surprenant. Il matérialise le rapport de force entre l’Amérique de Trump et l’Europe : tout pour moi, le reste pour toi. C’est la conséquence du rôle nouveau qu’occupent les États-Unis dans les affaires du monde, la « superpuissance voyou », pour reprendre les termes de l’universitaire américain Michael Beckley. C’est-à-dire la puissance numéro un sans autre ambition que de se renforcer au détriment des autres, à commencer par les alliés de naguère - ce sont eux qui offrent le meilleur rendement dans le chantage, parce qu’ils sont faibles. Le plus frappant dans cette affaire, c’est que l’Union européenne est contente. Humiliée et satisfaite. Alors même qu’en plus des tarifs, Bruxelles piétine ses propres politiques, pour satisfaire Trump. Elle accepte ainsi d’investir 600 milliards en Amérique, alors que l’exode de l’investissement est justement le principal problème pointé par le rapport Draghi… Elle s’engage à acheter des armes américaines, alors qu’elle exhorte les pays membres à renforcer leur base industrielle de défense… Elle s’engage à acheter des tombereaux de gaz américains alors qu’elle œuvre pour le zéro carbone ! Quant à la prétendue « prévisibilité » offerte par l’accord aux exportateurs, c’est une vaste blague. Un condamné à dix ans de prison peut évidemment se féliciter de la prévisibilité de son cadre de vie pour la prochaine décennie. Londres a obtenu de la Maison-Blanche le taux de tarifs douaniers les plus bas possible à ce jour (10 %). Cette « victoire » participe-t-elle à la décrédibilisation de l’Union européenne ? Le commerce américain avec le Royaume-Uni n’est pas déficitaire, cela peut expliquer le traitement plus favorable qu’a obtenu Londres. Dans la hiérarchie des royaumes tributaires de l’empire américain, nous occupons un rang intermédiaire, entre le Royaume-Uni, qui s’en sort mieux, et le Japon, duquel Trump a obtenu le versement de plusieurs centaines de milliards directement au Trésor américain. Et tous ceux qui sont menacés aujourd’hui de 30 % ou 40 % s’ils ne concluent pas d’accord cette semaine. Si l’Union européenne n’était pas en position de force, est-ce parce qu’elle ne maîtrise aucune de ses positions stratégiques à l’échelle de l’économie globale ? Oui, sans aucun doute. Il faut se souvenir que l’Union européenne n’a pas été conçue pour peser dans le jeu mondial. La raison d’être fondamentale de la Commission de Bruxelles, c’est de surveiller les États membres pour qu’ils se soumettent aux règles du marché unique et de la concurrence. Bruxelles a été dressé pour éradiquer les frontières et le nationalisme économique à l’intérieur de l’Union. L’édification de ce marché unique a d’ailleurs été une propédeutique utile pour apprivoiser la mondialisation, surtout pour la France et sa bureaucratie. Mais les temps sont bouleversés. La mondialisation change de nature et de périmètre, elle se fragmente, à cause du recentrage de la puissance principale sur ses intérêts exclusifs au détriment d’un ordre mondial. Il ne peut y avoir de mondialisation sans maître du monde assumé. La Commission devrait donc s’appuyer sur les frontières et pratiquer une sorte de nationalisme européen, si cette expression n’était pas un oxymore, pour défendre les États membres dans la grande confrontation entre les empires. Elle en est incapable car il faudrait pour cela qu’elle renie les traités. Elle court donc comme un canard sans tête, désorientée par la disparition du monde d’hier. Bruxelles a passé des semaines à élaborer des contre-mesures punitives pour les États-Unis en expliquant que nous n’allions pas les utiliser… Les fonctionnaires ont inventé la version commerciale du pistolet à bouchon. François Lenglet L’Europe-puissance est une chimère, entretenue par les fédéralistes qui voudraient encore sauver leur rêve. C’est le dernier stade du déni, avant l’acceptation de la réalité : l’Europe entame son « siècle de l’humiliation », comme la Chine de 1842, après la guerre de l’opium. Trump, exactement comme les Britanniques de l’époque, force l’ouverture de nos ports. Avec ces accords, l’Europe signe donc son traité de Nankin, qui avait asservi l’empire du Milieu aux intérêts commerciaux britanniques. Mais à la décharge de Bruxelles, le problème est plus grave que celui de la seule Commission. Ce sont les citoyens eux-mêmes qui rechignent à la puissance et aux sacrifices qu’elle exigerait d’eux. « Nous n’avons pas été craints », aurait dit Emmanuel Macron juste après cet accord-capitulation. C’est ce qu’on appelle une litote… Le problème pour être craint, c’est bien sûr d’avoir des moyens de rétorsion, mais c’est surtout de vouloir les utiliser. Bruxelles a passé des semaines à élaborer des contre-mesures punitives pour les États-Unis en expliquant que nous n’allions pas les utiliser… Les fonctionnaires ont inventé la version commerciale du pistolet à bouchon. Pire, les officiels français expliquaient à la veille de l’accord qu’il n’y aurait pas de rétorsions tarifaires, car les économistes avaient calculé qu’elles seraient préjudiciables à nos consommateurs ! Pour Trump, ces tarifs visent-ils surtout à relocaliser la production aux États-Unis ? Oui, il veut siphonner la croissance mondiale. Il récuse la position de « consommateur en dernier ressort », qui avait toujours été celle du maître du monde, les États-Unis au XXe siècle, le Royaume-Uni au XIXe. Il vise au contraire la réindustrialisation de son pays. C’est pour cela qu’il veut des tarifs et un dollar faible, afin d’inciter les industriels du monde entier à s’installer aux États-Unis. Il ne s’arrêtera pas là. Ces tarifs vont servir à la coercition des partenaires, afin qu’ils réévaluent leurs devises ou financent gratuitement la dette américaine, avec les fameuses obligations à coupon zéro prônées par l’un des inspirateurs de Trump, Stephen Miran. L’autre objectif est bien sûr budgétaire. Les taxes douanières vont remplir les coffres de Washington. Rien que l’accord avec l’Europe pourrait lui fournir une centaine de milliards de ressources annuelles supplémentaires. Il s’agit de financer le « Big and Beautiful Budget », les baisses d’impôts votées par le Congrès le mois dernier. Dans les deux cas, c’est la stratégie de la prédation : l’Amérique pompe les investissements pour arroser son sol, et les ressources financières des autres pour les redistribuer à ses entreprises sous forme de baisse d’impôt. Ne surestime-t-on pas la victoire de Trump ? Les engagements d’achats et d’investissements européens n’ont d’autre valeur que politique… C’est vrai que les chiffres sont tellement fous qu’ils ne sont pas crédibles. Ursula von der Leyen s’est engagée à 250 milliards d’achats de gaz liquéfié par an, alors que nous sommes, pour l’Europe entière, en dessous de 100 milliards aujourd’hui… Mais cela crée quand même une pression pour les années qui viennent, et c’est sans doute ce que cherchaient les négociateurs américains. Aussi déraisonnables qu’ils soient, ces montants ont été semble-t-il validés par l’Europe. Et, au-delà des considérations sur les montants, une leçon doit être retenue : l’accès aux marchés internationaux a un prix, car il a une valeur. Et ce prix est à la hausse, depuis l’élection de Trump. L’Europe ferait donc bien de réfléchir au prix de l’accès à son propre marché, l’un des plus grands du monde, et à la façon de négocier les prochains accords commerciaux. À quoi peut-on s’attendre, concrètement, sur le plan commercial ? Toute la question est de savoir qui va payer les tarifs. En bonne logique, c’est le consommateur américain, qui verra augmenter le prix des biens importés. Non pas de 15 %, car dans le prix final, les coûts de distribution comptent pour jusqu’à un tiers. En réalité, chacun des intervenants dans le circuit commercial, exportateur, transporteur, importateur, distributeur et consommateur va être mis sous pression pour réduire ses marges ou payer un peu plus. La répartition de ces efforts sera variable en fonction du rapport de force sur le marché, très différent selon les secteurs. Tout cela devrait contracter les flux commerciaux à destination de l’Amérique. Avec des conséquences sur la croissance, moins fortes en France qu’en Allemagne et en Italie, plus exportatrices, comme on le constate déjà sur les chiffres du deuxième trimestre 2025. Le commerce retourne à sa place, asservi à des objectifs politiques. De ce point de vue, Trump nous donne une leçon douloureuse, mais fort utile. François Lenglet Quels seront les secteurs les plus touchés ? Les entreprises de luxe peuvent supporter à la fois une augmentation de prix et une contraction de leurs marges, qui sont importantes. En revanche, pour les produits laitiers et fromage, c’est l’un de nos postes d’exportation importants, le consommateur sera moins enclin à payer. Ce seront les exportateurs qui vont devoir encaisser la moins-value, s’ils ne veulent pas perdre des parts de marché. Idem pour la cosmétique, également l’une de nos forces à l’export. Le haut de gamme s’en sortira, grâce à la puissance des marques et à l’image du « made in France », mais les produits grand public, plus sensibles au prix, devraient souffrir. L’automobile n’est concernée qu’indirectement, car nous n’exportons pas de voitures françaises outre-Atlantique. Les équipementiers français, sous-traitants des constructeurs européens, pourraient toutefois subir les conséquences de la pression sur les exportateurs allemands. Dans tous ces domaines, les industriels vont tenter de produire davantage aux États-Unis, pour échapper aux taxes. Il peut donc y avoir une nouvelle vague de délocalisations. Restent enfin des industries dans l’incertitude, car leur régime douanier n’a pas encore été défini, comme la pharmacie. Peut-on s’attendre désormais à une marginalisation de la Commission européenne ? Von der Leyen va-t-elle devenir l’amie que les États membres n’assument plus ? Les questions commerciales divisent l’Europe depuis toujours, à la fois entre États membres, qui n’ont pas les mêmes intérêts, et d’un secteur à l’autre au sein d’un même pays. Cette fois-ci, pourtant, le continent n’est pas vraiment divisé, il se partage entre les perdants résignés et les perdants soulagés. Soulagés parce qu’ils redoutaient pire - c’est la force de Trump que d’avoir attendri la viande pendant les négociations, en menaçant de taxes encore plus punitives. Au-delà des jérémiades, il n’y a donc pas de réelle volonté de remettre en cause l’accord avalisé par la présidente de la Commission. De plus, plusieurs partenaires commerciaux des États-Unis ont déjà avalé leur pilule, le Japon, la Corée du Sud, et tous ceux qui attendent dans le couloir de la Maison-Blanche… Il n’y a plus guère que la Chine qui tienne tête à l’Amérique. Il faut espérer que cette affaire aura au moins eu pour effet de révéler à l’Europe, à ses citoyens et ses dirigeants, l’ampleur des changements en cours dans les relations internationales. Dans la confrontation qui s’intensifie, tout est stratégique, y compris les questions commerciales. Tout a un prix. Tout est levier pour obtenir de l’influence ou des ressources. Cela exige de nous une révolution, dans l’idéologie et dans l’action, après quarante ans où le libre-échange était considéré comme l’état naturel des rapports internationaux, indépendant des questions politiques et profitables à tous. Le commerce retourne à sa place, asservi à des objectifs politiques. De ce point de vue, Trump nous donne une leçon douloureuse, mais fort utile. Pour reprendre un aphorisme de l’économiste Marc de Scitivaux, dans la longue histoire du coup de pied au derrière, ce n’est pas toujours le pied le plus coupable.
par Henri Guaino 4 août 2025
"Lettre ouverte à Jean-Luc Mélenchon à propos de la langue française et de quelques autres sujets" Une tribune d'Henri Guaino parue dans Le Figaro le 28 juillet 2025 : https://www.notrefrance.fr/index.php/medias/
par Louise Morice 26 juillet 2025
"Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le solde naturel est négatif. Ce que l’on attendait pour 2027 est déjà là, en 2025. Trop tôt. Trop vite. Et pourtant, pas un sursaut. Pas un électrochoc. Le pays continue, imperturbable, comme sous anesthésie. Ce chiffre, pourtant fondamental, ne suscite ni débat national, ni mobilisation. On le constate, on le commente, puis on passe à autre chose. Comme toujours." https://www.frontieresmedia.fr/tribunes/tribune-louise-morice-le-silence-des-enfants-le-prix-du-renoncement
par Mathieu Bock-Côté 26 juillet 2025
Une tribune de Mathieu Bock-Côté dans FigaroVox (25/07/2025) https://www.lefigaro.fr/vox/politique/mathieu-bock-cote-de-la-fin-du-macronisme-20250724 CHRONIQUE - Le macronisme, dont Bruno Retailleau a prédit la fin une fois qu’Emmanuel Macron ne sera plus président de la République, a d’abord été le réflexe de survie d’un régime en panne, avant de se muer en une forme de centrisme autoritaire. C’est une des polémiques de l’été : sommes-nous témoins de la fin du macronisme ? La question peut se comprendre au premier degré : dans quelle mesure Emmanuel Macron peut-il encore peser jusqu’à l’élection présidentielle de 2027 ? Pour certains, elle relève de l’hérésie. La garde prétorienne du président accuse ainsi de lèse macronisme les figures du gouvernement qui n’ont pourtant jamais caché leur hostilité à son endroit. Voyons-y la joute politique ordinaire. À découvrir La question ne devient pourtant intéressante qu’en se détachant de la personnalité du président de la République pour faire plutôt le bilan de la synthèse qu’il a cherché à composer en 2017. Ce qui nous oblige à revenir à ses origines. Le macronisme fut d’abord le réflexe de survie d’un régime en panne, aux clivages devenus stériles, sentant monter une menace « populiste » et voulant se donner les moyens de la mater en ripolinant sa façade et en confiant la direction du pays à un jeune homme qu’on disait exceptionnel. Les élites politiques concurrentes qui, jusqu’alors, s’affrontaient selon la loi de l’alternance entre la gauche et la droite, se fédérèrent alors dans ce qu’on allait appeler un bloc central revendiquant le monopole de la République, de ses valeurs et de la légitimité démocratique, mobilisé contre des extrêmes, censées menacer la démocratie. L’alternative était posée : macronisme ou barbarie ! La rhétorique anti-extrêmes au cœur du macronisme masquait toutefois une fixation bien plus précise sur la droite nationale - alors qu’il convergeait culturellement avec la gauche radicale. Le macronisme n’a jamais cessé de proposer une offre politique conjuguant diversitarisme et mondialisme, auxquels s’est ajoutée la transition énergétique, sous le signe d’un empire européen à construire. L’homme européen auquel rêvent les macronistes a souvent eu les traits d’un l’homo sovieticus revampé. Le macronisme semblait faire du multiculturalisme une promesse. Il croyait les tensions dans les quartiers solubles dans la croissance, convaincu qu’il n’existe pas d’incompatibilité entre certaines civilisations, que l’islam est une religion comme une autre, et que le nombre, en matière migratoire, est une variable insignifiante. Il n’a pas vu et ne voit toujours pas la submersion migratoire, sauf pour la célébrer. Il se représente moins l’immigration comme une fatalité que comme un projet. Le macronisme s’est aussi rapidement dévoilé comme une forme de centrisme autoritaire qui préfère se faire appeler État de droit Mathieu Bock-Côté Le macronisme se voulait aussi un technocratisme : les meilleurs enfin rassemblés pourraient facilement résoudre les problèmes de la France, dégraisser l’État social, relancer l’économie et libérer les énergies du pays. La pensée unique trouvait sa traduction pratique et quiconque entendait gouverner à partir d’autres principes était accusé de se laisser emporter par des bouffées idéologiques délirantes. La situation financière de la France laisse croire que cette stratégie était moins performante que prévu. Le macronisme s’est aussi rapidement dévoilé comme une forme de centrisme autoritaire qui préfère se faire appeler État de droit. De 2017 à 2025, les initiatives se sont multipliées pour assurer une régulation publique de l’information, pour lutter contre les discours haineux, pour étendre la surveillance des pensées coupables au discours privé, sans oublier la dissolution de nombreux groupes identitaires, l’acharnement judiciaire et financier contre le RN et la fermeture d’une chaîne de télévision décrétée d’opposition. Le régime n’a plus de base populaire C’est ce qui a permis au macronisme de fédérer, l’an passé, les partis du système dans un front républicain allant de l’extrême gauche à la droite classique pour empêcher l’arrivée au pouvoir du RN. Le macronisme, à ce stade, abolissait le pluralisme politique authentique. Il n’y avait de diversité idéologique légitime qu’au sein du bloc central. L’extrême centre et la gauche radicale ont l’antifascisme en langage partagé. La droite classique, évidemment, s’est tue, de peur de déplaire. La seule opposition autorisée est celle qui se structure dans les paramètres du régime, et qui célèbre ses principes, avant de le contredire dans les détails. La révolte fiscale se fait entendre, la révolte identitaire et sécuritaire travaille la France depuis un bon moment, mais le macronisme est résolu à mater les gueux et les lépreux, qu’il se représente comme un peuple factieux, presque comme une meute de dégénérés dangereux. Le régime n’a plus vraiment de base populaire, mais ne s’en émeut guère. Le macronisme en est ainsi venu à confondre les palais de la République avec le maquis. Derrière les appels à répétition à sauver la démocratie, on trouve surtout une caste, qui est aussi une élite moins douée qu’elle ne le croit, résolue à prendre tous les moyens nécessaires pour conserver ses privilèges et ses avantages, effrayée devant la possibilité qu’une autre élite la congédie et la balaie. Les prébendes de la République valent bien la peine qu’on se batte pour elles.
par Julien Abbas (Valeurs Actuelles) 26 juillet 2025
Une tribune de Julien Abbas dans Valeurs Actuelles "La France, bercée par ses souvenirs de grandeur, se trouve aujourd’hui, après huit ans de présidence d’Emmanuel Macron, fragilisée sur l’échiquier mondial. L’action de Jean-Noël Barrot à la tête du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ne fait qu’accentuer cette dérive." https://www.valeursactuelles.com/politique/jean-noel-barrot-un-ministre-etranger-aux-affaires
par Eric Chol (L'Express) 26 juillet 2025
Un edito d'Eric Chol dans l'Express (16/07) Et si on appliquait le plan Pinay-Rueff à la France ? Arrivé à Matignon en 1958, le général de Gaulle trouve un pays au bord de la banqueroute, comparable à la situation actuelle. Le président de la République a eu beau appeler à « la force d’âme », le pays aura du mal à se défaire du bonnet d’âne qui désormais le caractérise en Europe. Car comment qualifier autrement l’abyssesse des finances publiques, rendue possible par une croissance moribonde et dix ans de promesses mensongères successifs pour l’intendance, de la démagogie d’un personnel politique plus soucieux des élections que de l’intérêt national, et de l’addiction incurable de nos compatriotes aux chèques et à l’Etat ? On connaît (depuis 1974) la chanson, mais n’y fait : la France, année après année, déchoit. Même le plan Bayrou ne lui ressemble qu’à une énième incantation qui nourrira une gêne ou elle sera vite oubliée. Et si l’on essayait vraiment un plan de redressement national ? C’est ce qu’avait fait l’un des ministres des Finances les plus brillants, Antoine Pinay, nommé en 1958 par le général de Gaulle. Un esprit comparable mentalement au plus lucide des conseillers de Gaulle, lorsqu’il arrive à Matignon, c’est d’avoir compris que la crise budgétaire de la France, anémique, asphyxiée par les dépenses, dissuadait le grand débiteur d’agir. Pinay demande donc l’aide d’un directeur général du FMI de l’époque, le Suédois Per Jacobsson, ni plus ni moins. Le plus fou est qu’à Paris, comme à Washington, ce fut le diagnostic économique qui fit l’unanimité : la France, dans sa totalité – Intérieur, Défense, Affaires étrangères… – devait rendre les comptes à l’Etat, dans les moindres détails. Et c’est à ce moment-là que le général de Gaulle, aidé par Jacques Rueff, inspecteur des finances, met le pied dans la fourmilière. L’événement économique déterminant de décembre 1958, pour assainir le pays, Car oui, c’était possible, et de Gaulle l’a fait. Comment ? Tout d’abord en misant sur Jacques Rueff, un inspecteur des finances habitué à voler au secours des économies fragiles : trente ans plus tôt, dépêché par la Société des nations, cet ancien du cabinet Poincaré avait testé l’efficacité de ses recettes en Bulgarie, en Grèce ou au Portugal. De ces sauvetages, le polytechnicien a tiré une devise : « Exigez l’ordre financier ou acceptez l’esclavage. » Le plan Pinay-Rueff, adopté en décembre 1958, n’a rien d’un chemin de roses : augmentation de taxes et des impôts, compression des dépenses publiques, fin de nombreuses subventions, dévaluation du franc… La purge a un goût amer. « Et bien, les Français crient. Et après ? », rétorque de Gaulle à ses ministres inquiets. Mais les Français n’ont pas crié, et les comptes de la nation ont été rétablis en six mois. « La force de ce programme, c’est qu’il touchait l’ensemble des classes sociales : agriculteurs, retraités, fonctionnaires, chefs d’entreprise… Tout le monde a dû mettre la main à la poche », analyse l’historienne Laure Quennouëlle-Corre. Le plan Pinay-Rueff avait d’autres atouts. La popularité de Pinay, pour faire passer la pilule auprès des Français. « Sa mise en œuvre a été faite par un homme fort qui disposait d’un ascendant et d’une majorité très importante dans le pays. Le plan a été accepté parce qu’il était porté par de Gaulle, » précise l’auteur du Dénî de la dette. Une histoire française (Flammarion). Sept décennies plus tard, on a la recette, mais incontestablement, on manque encore d’un chef !
par LD31 26 juillet 2025
On croyait que la suppression des 2 jours fériés, ce serait pour réduire le cout du travail ? Raté ... ce sera pour financer un impôt supplémentaire sur les entreprises !
par François Vannesson 17 juillet 2025
Un post Linkedin de François Vannesson, avocat au barreau des Hauts-de-Seine et fondateur du cabinet Morpheus Avocats Najat Vallaud-Belkacem, L’avatar capillaire du pédagogisme invertébré, vient d’être bombardée à la Cour des comptes. Une récompense bien méritée pour l’immense œuvre de destruction méthodique qu’elle a menée contre l’instruction publique : elle a vidé les cerveaux avec une cuillère en bois, puis repeint les murs de la salle de classe avec les restes. À l’époque, elle nous vendait l’école comme un espace d’auto-expression émotive où la syntaxe était fasciste, la chronologie raciste, la discipline patriarcale et l’excellence un attentat psychologique. Elle dirigeait le ministère comme on organise une orgie dans un hospice : sans scrupule, sans hygiène, sans témoin. Et maintenant elle va compter. Pas les fautes, non, ni les manques, ni les milliards égarés entre deux lubies. Elle va compter avec sa méthode : à la louche, au ressenti, à l’échelle du trauma perçu. Chaque déficit sera une blessure symbolique, chaque trou dans le budget une opportunité de réinvention inclusive. Mais la meilleure part, c’est le parrainage. François Bayrou, incarnation ambulante du compromis diarrhéique, l’a propulsée là. L’homme qui croit encore à son destin présidentiel comme un vieil ivrogne croit au retour de l’amour conjugal. Il négocie une nomination comme un souteneur distribue des faveurs : contre une abstention PS sur la censure. République mon amour, tu n’es plus qu’un kiosque à prostitutions morales. La scène est si grotesque qu’on en pleurerait de rage : l’ancienne démolisseuse de la langue française promue gardienne des comptes. L’incompétence sanctifiée, l’idéologie élevée au rang de compétence, l’erreur transformée en critère de sélection. Bientôt viendra son premier rapport : « Vers une comptabilité intersectionnelle : décoloniser les bilans, racialiser les soldes ». Elle y ajoutera une bibliographie lacrymale, quelques verbes en inclusif approximatif, et un graphique en arc-en-ciel pour masquer l’effondrement. La France, pendant ce temps, crève à petit feu. On supprime les jours fériés, on broie les actifs, on appuie sur la gorge des classes moyennes jusqu’à ce qu’elles n’aient plus que l’impôt pour respirer. Mais au sommet de la pyramide invertie, les fossoyeurs se félicitent. On ne leur demande plus d’être bons. Juste d’avoir bien nui. Et là, Najat coche toutes les cases. Avec application. Et un très joli stylo.
par Interview du philosoque Pierre-Henri Tavoillot par Eugénie Boilait dans FigaroVox 16 juillet 2025
ENTRETIEN - Le ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, a contesté sur LCP l’existence d’un quelconque « islamo-gauchisme » au sein de l’université française, arguant que le terme n’existait pas « en tant que terme universitaire ». Pour le philosophe Pierre-Henri Tavoillot*, cette affirmation est doublement erronée. * Maître de conférences à Sorbonne Université et président du Collège de philosophie, Pierre-Henri Tavoillot est aussi le référent laïcité de la région Île-de-France. https://www.lefigaro.fr/vox/societe/quoi-qu-en-dise-le-ministre-la-realite-du-terrain-confirme-l-existence-d-un-islamo-gauchisme-dans-les-universites-20250709 LE FIGARO. – Le ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, a contesté le 7 juillet sur LCP l’existence d’un quelconque « islamo-gauchisme » au sein de l’université française, arguant que le terme n’existait pas « en tant que terme universitaire ». « Il n’est même pas bien défini, donc cette notion n’existe pas », a-t-il assuré. Selon vous, cet argumentaire tient-il la route ? Passer la publicité Pierre-Henri TAVOILLOT. - À vrai dire, ce propos est doublement erroné : d’abord parce que le concept d’« islamo-gauchisme » est clairement identifié, et ensuite parce que, comme toute idéologie, il est évidemment présent à l’université, réceptacle naturel de toutes les idéologies existantes. Mais chaque chose en son temps. Revenons au concept qui a été construit par Pierre-André Taguieff dans les années 2000 et dont l’histoire est parfaitement connue. L’historien des idées l’évoque notamment dans son ouvrage Liaisons dangereuses. Islamo-nazisme, islamo-gauchisme (Hermann, 2021). À partir de là, la définition de l’idéal-type est simple à établir, avec trois points fondamentaux qui le caractérisent. Il y a d’abord l’idée que l’islam est la religion des « opprimés » - ce qui permet aux révolutionnaires de gauche d’abjurer leur aversion du religieux, la religion étant traditionnellement perçue comme l’« opium du peuple ». Et la révolte islamiste est, pour le révolutionnaire en herbe, une « divine surprise » qui permet de pallier la tendance conservatrice, voire réactionnaire, du prolétariat européen. En effet celui-ci se contente dorénavant de « défendre les acquis sociaux » ou de voter pour le Rassemblement national. Dans ces conditions, la révolution n’est plus envisageable avec lui, d’où la deuxième idée structurante qui réside dans l’urgence de faire venir un prolétariat actif et révolutionnaire. L’islamo-gauchisme soutient donc l’ouverture sans limite des frontières et l’accueil de ceux qu’ils pointent comme les « damnés de la terre ». Avec ces derniers, il redevient possible d’envisager la destruction de la pseudo-social-démocratie libérale et du système capitaliste. La troisième idée est que l’islamisme est lui-même une simple réaction de défense, légitime donc, face à un impérialisme occidental et néocolonial qui veut imposer à coups de canon son « idéologie des droits de l’homme » dans le monde entier. De ce point de vue, les plus à l’extrême vont percevoir les attentats comme des réactions, à l’instar du pogrom du 7 Octobre en Israël, que certains ont qualifié d’« acte de résistance ». D’ailleurs, la judéophobie est l’une des dernières composantes, et non des moindres, de cette idéologie. On a là un raisonnement qui donne sa cohérence à bien des prises de position étranges de la part de La France insoumise, notamment. Dire que le concept n’existe pas, c’est se priver du moyen de comprendre l’extrême gauche, et même une partie de la gauche, qui met par exemple Gaza et le drapeau palestinien en tête de toutes ses revendications. D’après le ministre, tous les atermoiements des dernières années à l’université témoignent donc simplement d’une tradition française bien ancrée, celle de la forte politisation des universités. Sur ce point, il n’a pas tort : qu’est-ce qui différencie vraiment la période actuelle ? Il existe tout de même une inquiétude supplémentaire par rapport au passé : on a affaire là, potentiellement, à de la violence. Ce ne sont pas seulement des débats d’idées. On a vu ce qui s’est passé à l’école avec Samuel Paty et Dominique Bernard quand la haine est attisée. Ces choses sont à prendre au sérieux. Ce n’est pas majoritaire, mais c’est une minorité fanatique. Entre les débats même violents que l’on a pu connaître par le passé à l’université et ceux d’aujourd’hui, il y a un potentiel changement de nature. Cette idéologie existe donc à l’université ? Elle n’est pas majoritaire ni structurelle, mais elle est bien présente. Et cela dépend largement des secteurs. On peut en donner bien des exemples : il n’a par exemple échappé à personne qu’un certain nombre de blocages qui avaient eu lieu ces derniers mois devant ou dans nos universités se justifiaient par l’hostilité envers la guerre à Gaza. De prime abord, on peut se demander pourquoi, dans une université française, on bloque les cours du fait de la guerre au Moyen-Orient ? En effet, la France n’est pas cobelligérante : sur le strict plan universitaire, ça n’a pas de sens. Il a donc fallu trouver des justifications et on les a trouvées au cœur de ce qu’on appelle l’islamo-gauchisme. Il faut arrêter ce déni qui, en plus d’être agaçant, donne l’impression que c’est l’ignorance qui prime Pierre-Henri Tavoillot Plus personnellement, en tant que référent laïcité de la région Île-de-France, j’ai de nombreuses remontées de terrain qui témoignent de ce que l’on appelle l’« entrisme islamiste ». Ce n’est pas un fantasme. Il y a quelques mois, notre collègue Fabrice Balanche a été interrompu dans son propre cours par des activistes. À Lyon, on sait aussi qu’il existe des salles de prière au sein des établissements. Il y a le spectacle de l’Unef dont la dimension de gauche laïque cède la place aujourd’hui à une dimension « frériste » - cela laisse d’ailleurs dans la stupéfaction ceux qui furent ses anciens militants. Les étudiants sont-ils les seuls concernés ? Les professeurs le sont également. J’ai de nombreux collègues proches de La France insoumise, et ils sont d’ailleurs dans leur bon droit. Certains, comme François Burgat, se revendiquent même de l’islamo-gauchisme. Preuve, s’il en fallait, que, si, aujourd’hui, pour nombre de gens, ce terme est péjoratif, il est en premier lieu descriptif et renvoie à des idées et à un raisonnement. Je ne suis pas d’accord avec cette position, mais elle a de la cohérence : ainsi, dire que ça n’existe pas n’a absolument aucun sens… C’est une grille incontestable qui explique une partie des débats aujourd’hui en France. Dans la classification de la gauche selon Jacques Julliard, il y a la gauche collectiviste, la gauche libertaire, la gauche libérale et la gauche jacobine. Il y a beaucoup d’antagonismes entre elles, mais ce qui réunit les gauches libertaire et collectiviste, c’est précisément l’islamo-gauchisme. Elles vont se retrouver ensemble comme à la manifestation contre l’islamophobie du 10 novembre 2019. Cette dernière avait réuni la CGT, l’Unef, le Parti communiste, Les Verts, Lutte ouvrière, LFI, le NPA. Il y avait une unification des deux gauches radicales qui s’opposaient, de ce point de vue, aux deux autres gauches, laïcardes. Il faut donc arrêter ce déni qui, en plus d’être agaçant, donne l’impression que c’est l’ignorance qui prime. D’autant qu’il est de plus en plus marginal. Il faut être clair pour établir un diagnostic fiable. Ce serait d’ailleurs bienheureux pour tout le monde, car cela nous empêcherait à la fois de sous-réagir et de surréagir. Il faut plutôt accepter le réel, pour, ensuite, voir ce qui relève de la liberté d’expression politique et ce qui relève des attitudes et des actions contraires à l’esprit et à la lettre des universités. Là est le véritable enjeu. D’autant que la prise de parole du ministre s’oppose à ce que disaient certains de ses prédécesseurs… Cet effet yoyo est une constante depuis que Jean-Michel Blanquer a cessé d’être ministre. Lui a eu l’immense mérite d’avoir une politique claire et de long terme sur le sujet. Maintenant, les allers-retours sont permanents, alors même que la réalité commence à apparaître au grand jour.
par Stéphane Loignon et Solenn Poullennec (Les Echos) 14 juillet 2025
Les propositions pour réformer les dépenses publiques ne manquent pas et le Sénat a rendu récemment une nouvelle copie. Mais François Bayrou aura t'il ne courage de n'en retenir ne serait ce que quelques unes plutôt que de tomber dans la lâcheté habituelle des augmentations d’impôts ... https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/budget-les-propositions-chocs-du-senat-pour-redresser-les-comptes-publics-2175473 Budget : les propositions chocs du Sénat pour redresser les comptes publics Gel des crédits, non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, jours de carence des fonctionnaires, « année blanche » sur les prestations sociales… La majorité sénatoriale a livré des recommandations drastiques pour redresser les comptes.Par Stéphane Loignon, Solenn Poullennec Le Sénat a rendu sa copie budgétaire au Premier ministre. Son contenu donne une idée de l'ampleur des sacrifices qui pourraient être demandés. Lundi, le président de la Chambre haute, Gérard Larcher, s'est rendu à Matignon pour dévoiler la contribution de la majorité sénatoriale au prochain budget, à une semaine de l'annonce par François Bayrou de son plan de redressement des finances publiques. « Les Echos » ont pu se procurer ce document révélé par Contexte. Sans prétendre remplacer le gouvernement, les sénateurs de la majorité du centre et de droite ont souhaité apporter leur pierre à l'édifice, en compilant des pistes d'économies pour ramener le déficit à 4,6 % du PIB l'an prochain, contre 5,4 % visés cette année. « Il y a une voie, qui est exigeante, mais c'est maintenant qu'il faut le faire », insiste le rapporteur général du budget, Jean-François Husson (LR), à l'issue de ce travail collégial entamé mi-mai. « On a essayé d'équilibrer entre les entreprises, les retraités, les actifs. Que chacun puisse considérer qu'il est soumis au même régime d'effort… », témoigne la sénatrice centriste Elisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des Affaires sociales. Selon elle, « ce n'est pas la copie définitive » mais plutôt « des options ». Baisse des dépenses Alors que le gouvernement a estimé l'effort nécessaire à 40 milliards d'euros en 2026, les propositions sénatoriales aboutissent à une fourchette comprise entre 30 à 50 milliards d'euros. « Sur les presque 50 milliards, environ 45 milliards concernent la baisse de la dépense publique, ça ne s'est jamais fait », souligne Jean-François Husson. Le recours à la fiscalité se limite à un éventuel gel du barème de l'impôt sur le revenu, dans le cadre d'une « année blanche » si les baisses de dépenses ne suffisent pas, et à la pleine application du dispositif contre la fraude CumCum (1,5 à 2 milliards d'euros à la clé), prévu au budget 2025 et que les sénateurs jugent bridé par un texte d'application de Bercy. Tout le reste repose sur la baisse des dépenses, en premier lieu de l'Etat. A minima, le Sénat recommande le gel en valeur des crédits budgétaires - hors défense, charge de la dette et contribution à l'Union européenne -, qui produirait 10 milliards d'euros d'économies par rapport à l'évolution spontanée des dépenses. Chaque baisse de 1 % des crédits hors loi de programmation rapporterait 2,4 milliards d'euros supplémentaires. Non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux Sauf pour les Armées, le Sénat propose même de « réinterroger » les lois de programmation qui encadrent les budgets du ministère de l'Intérieur, de la Justice et de la Recherche. Au maximum, ramener les crédits au niveau du dernier budget avant Covid (soit celui de 2019), en tenant compte de l'inflation, rapporterait carrément 22 milliards d'euros (un objectif qui ne pourrait être atteint que progressivement). Pour réaliser des économies dans la durée, les sénateurs veulent aussi que l'Etat reprenne le contrôle de sa masse salariale, qui a grimpé de 6,7 % l'an passé. Ils remettent sur la table le principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, mis en place sous le mandat de Nicolas Sarkozy puis abandonné sous François Hollande. La mesure rapporterait 500 millions d'euros l'an prochain. Ils réclament également l'harmonisation du régime des jours de carence dans la fonction publique (un jour actuellement) avec celui du privé (trois jours), avec 200 millions d'euros à la clé en 2026. La rationalisation des agences et opérateurs apporterait 540 millions d'euros d'économies sur leur fonctionnement, en suivant les recommandations du rapport de la sénatrice LR Christine Lavarde. « Année blanche » notamment sur les retraites. Les collectivités apporteraient un écot modeste au redressement des comptes, à hauteur d'un « maximum de 2 milliards d'euros », comme cette année. Celles-ci ne sont que « de manière anecdotique responsable de l'aggravation de la dette publique depuis 2019 », juge le Sénat, contrairement à la Cour des comptes. Les sénateurs voient en revanche de gros gains potentiels dans la lutte contre l'enchevêtrement des compétences entre Etat et collectivités. L'application des recommandations du rapport Ravignon rapporterait jusqu'à 7,5 milliards d'euros, éventuellement au bout de deux ans (3,8 milliards la première année). Une réforme des décrets tertiaires, dont le coût qui pèse sur les collectivités aurait atteint 3,3 milliards d'euros en 2023, permettrait de récupérer cette somme, potentiellement en deux ans. Enfin, la Sécurité sociale fournirait environ 10 milliards d'euros d'économies en 2026 dans le plan des sénateurs, notamment via une « année blanche » (non-indexation) des prestations sociales (5 milliards d'euros dont 3 milliards d'euros pour les retraites). L'Assurance Maladie apporterait aussi 5 milliards d'euros, par différentes mesures concernant entre autres la prise en charge des affections de longue durée, les médicaments et les dispositifs médicaux. Les assureurs santé pourraient se voir confier des missions de prévention, aujourd'hui assumées par la « Sécu ». Reste à savoir dans quelle mesure le gouvernement s'inspirera de ces nombreuses propositions.