Éducation Nationale : les lignes rouges sont franchies

Natacha Gray • 1 février 2018

La crise que traverse l'Education nationale est une opportunité pour la droite. Explications.

Entre la droite et l’Éducation Nationale, les relations ont souvent été difficiles. Mais à l’heure où il n’y a plus grand monde pour refuser de voir que le système éducatif français est entré dans une crise profonde, aboutissement d’un long processus de dégradation de l’autorité des professeurs, de la qualité des enseignements, de dévoiement des missions de l’École, la gauche (tant celle de gouvernement que celle des penseurs de l’acte d’enseigner, ces tristement célèbres pédagogistes qui ont inspiré les principales réformes depuis trente ans) semble à présent discréditée aux yeux de ses propres soutiens. Des voix s’y élèvent, de plus en plus nombreuses, pour réclamer le retour au bon sens, au pragmatisme, aux fondamentaux, pour penser et refonder l’École autrement et dénoncer les « imposteurs » du pédagogisme qui prétendaient représenter LA gauche et qui ont connu leur heure de gloire sous le quinquennat de François Hollande. En face que fait la droite ? Que propose-t-elle ? L’heure semble venue d’un retour à ces pratiques et valeurs que les apprentis-sorciers prétendaient être « de droite », « inégalitaires » (on sait qu’une partie de la gauche confond égalité et égalitarisme), « réactionnaires »: maîtriser la langue française tant à l’écrit qu’à l’oral, compter et réfléchir, instruire, aider l’individu à s’émanciper, revenir à la méritocratie républicaine, glorifier le travail et l’effort, la discipline et l’autorité. Dans ce contexte, plus que jamais, la droite ne peut se permettre de manquer ce rendez-vous avec le monde déboussolé et désespéré de l’Éducation Nationale, ancien fief incontesté de la gauche.

L’affaire Galliéni : un avertissement entendu !

L’histoire du lycée Gallieni à Toulouse où une soixantaine de professeurs se sont mis en grève pour protester contre la dégradation de leurs conditions de travail dans un lycée devenu espace de non-droit a mis brutalement sur le devant de la scène régionale puis nationale une situation qui n’a pourtant rien d’exceptionnel. Bien des établissements en France, et pas seulement en REP (réseau d’éducation prioritaire) la subissent depuis des années : d’un côté des enseignants et une majorité d’élèves qui jouent le jeu et vont travailler la peur au ventre, de l’autre une minorité d’élèves perturbateurs, totalement réfractaires à toute manifestation d’autorité, souvent déjà un pied au lycée, un pied au dehors, dont certains présentent déjà un casier judiciaire fourni et qui ont pris le pouvoir, en toute impunité. À Galliéni certains viennent en cours avec un bracelet électronique quand d’autres fument de l’herbe dans l’enceinte de l’établissement, intouchables (mineurs et/ou hors sanctions de la justice, si tant est qu’elle soit saisie par des équipes vivant dans la terreur et sous la menace parfois armée), multiplient les agressions verbales, souvent sexistes, mais également physiques envers leurs camarades et les équipes pédagogiques. De plus en plus nombreux sont ceux qui propagent une contre-culture en contradiction avec les programmes et le règlement intérieur (en sciences, en sport, dans les relations entre hommes et femmes), jusqu’à défendre et répandre pour certains l’idéologie djihadiste (d’où la présence de plusieurs « fichés S » au sein de l’établissement selon les enseignants grévistes). La situation de ce lycée est devenue explosive au point que l’Express en a fait la Une cette semaine (« Un lycée en état de guerre ») et que le Ministre de l’Éducation y a diligenté une équipe d’inspecteurs généraux qui viennent de lui rendre un rapport alarmant.

Lignes rouges franchies

Au-delà de ces cas dramatiques et médiatisés d’établissements qui entrent sous le feu de l’actualité parce que la violence déborde soudain des murs où l’on tentait de la cantonner dans le silence et le déni, la crise profonde que traverse l’Éducation nationale et qui semble enfin aujourd’hui évidente à tous, se traduit également, au niveau du territoire tout entier, par une démotivation des élèves mais aussi des enseignants, une inquiétante baisse du niveau général (et pas seulement dans les établissements difficiles) qui fait dégringoler la France dans les classements internationaux et un manque de sens civique souvent dénoncé chez ces jeunes générations individualistes et souvent irrespectueuses des codes, des usages et de l’autorité. Le manque d’éducation, tant parentale que scolaire, se manifeste de multiples façons dans une société sans repères ni valeurs communes car l’École ne parvient plus maintenant à jouer ce rôle de contre-pouvoir face à la démission des familles ou, pire, face à des idéologies toxiques inculquées à l’extérieur. Bien au contraire ce sont désormais de simples croyances (que l’on met sur le même plan que des sciences) et des usages culturels différents que les perturbateurs cherchent à s’imposer au sein des établissements allant jusqu’à mettre en cause violemment les connaissances historiques, les données physiques, astronomiques, biologiques, ou encore le bien fondé du règlement intérieur. Et les programmes les plus récents, loin de contribuer à aider des élèves d’origines culturelles différentes à s’émanciper tout en intégrant les valeurs de la République et donc à se décentrer par rapport à leurs origines, les ramènent en permanence à ce qu’ils sont et à leurs racines. Le problème pour la société dépasse donc largement les cas des élèves borderline qui, devenus majeurs, tentent de faire régner leur loi dans des zones de non-droit et des établissements à la dérive. Car c’est également celui de l’effondrement du niveau, des compétences et du sens civique, y compris pour les jeunes les plus « réglo », de plus en plus souvent dépeints par leurs employeurs comme incapables de faire face aux exigences du monde du travail (absentéisme, manque de conscience professionnelle et de résistance à l’effort, individualisme, indifférence face à l’intérêt collectif, défaut total d’autonomie, irresponsabilité voire incompétence …). L’ascenseur social est en panne, lui qui permettait hier encore à des populations pauvres, souvent culturellement différentes, de s’extirper de leur condition grâce à l’effort et au mérite (le fameux « élitisme républicain » rejeté par une gauche égalitariste qui n’a retenu de l’expression que le premier des deux mots, qui lui fait viscéralement horreur). Et pour cause, la méritocratie républicaine supposait un apprentissage du civisme, l’acceptation des codes, un certain sens de l’effort individuel et la maîtrise de la langue écrite et orale qui, quoi qu’on en dise, reste le principal marqueur de l’excellence, la ligne de démarcation de part et d’autre de laquelle se creusent aujourd’hui les inégalités les plus criantes.

Une priorité nationale !

Face à ces constats inquiétants on entend dire parfois et on lit fréquemment sur les réseaux que cela est l’affaire des enseignants, qu’ils l’ont « bien cherché » avec leur militantisme « gauchiste » qui leur interdisait d’interdire, leurs dénis de réalité pour ne pas « stigmatiser », leur pédagogisme hors-sol, loin des réalités de terrain, plus soucieux de faire « vivre ensemble » des générations à qui l’on donnait tous les droits (sans leur rappeler leurs devoirs !) que d’instruire et de donner aux plus défavorisés, comme autrefois, la chance de monter dans l’ascenseur social grâce à l’effort et au respect des règles et codes établis. Les professeurs ne récolteraient « que ce qu’ils ont semé ». À présent, « qu’ils se débrouillent ! » Tout cela n’est pas faux même si le corps enseignant n’est évidemment pas aussi monolithique ni leurs responsabilités aussi tranchées.

Bien au contraire, plus que jamais, parce qu’elle forme aujourd’hui les générations de demain, parce qu’elle est liée aux questions de sécurité, de respect, de civilité, parce qu’il ne sert à rien par exemple de vouloir rétablir un service national universel de quelques semaines voire quelques mois si l’on n’a pas éduqué à l’amont ces jeunes au respect de l’autorité, des règles, au civisme, à une certaine idée du collectif et de la nation, l’Éducation doit redevenir l’affaire de tous et bien évidemment une priorité nationale pour les gouvernements qui se succéderont. C’est d’ailleurs le message martelé par Jean-Michel Blanquer qui affirme que sa politique n’est ni de gauche ni de droite comme l’affirment ses adversaires mais simplement le retour du pragmatisme et du bon sens après des décennies d’idéologie et d’expérimentations pédagogistes. Et de fait l’anti-pédagogisme, d’essence citoyenne et républicaine, peut et doit venir de tous les côtés de l’échiquier politique.

Une gauche discréditée mais qui réagit

Il n’en reste pas moins que l’École a longtemps été la chasse gardée de la gauche, pour des raisons historiques aujourd’hui largement dépassées datant de la mise en place de l’école laïque, publique et obligatoire qui permit l’émancipation des plus défavorisés puis de ces « hussards noirs de la République », les instituteurs, qui voulaient donner une chance aux enfants d'ouvriers, de paysans, de petits propriétaires de se hisser plus haut que leurs parents sur l’échelle sociale. Dès 1870 le père de l’école publique, Jules Ferry, qui appartenait au courant de la Gauche républicaine, lui donnait pour objectif de « faire disparaître la dernière, la plus redoutable des inégalités qui vient de la naissance, l'inégalité d'éducation ». Rappelons qu’à l’époque l’enseignement était prioritairement aux mains de l’Église et de ses congrégations, essentiellement soutenues par la droite. L’École publique devint donc une sorte de chasse gardée pour la gauche qui se réclamait de Condorcet, de Hugo, de Ferry puis de Jaurès. Les professeurs sont restés longtemps majoritairement de gauche et le rejet de la droite, inscrit dans une sorte d’inconscient collectif et véhiculé par une formation des maîtres en vase clos, reproductrice de réflexes idéologiques, gardienne de cette mémoire corporatiste où la droite, arc-boutée à des privilèges de classe, ne tenait pas le beau rôle de l’histoire. Il semblait donc « naturel » d’être de gauche lorsque l’on devenait enseignant. Il n’est qu’à voir la surprise, voire l’indignation de certains enseignants apprenant que tel collègue n’était pas de gauche, ou pire se réclamait de la « droâte », mot à prononcer avec le mépris qu’il se doit, et cela d’autant plus qu’une droite honteuse n’osait plus de son côté affirmer ses valeurs, notamment dans ce milieu enseignant où elle était -et reste- largement minoritaire et sur lequel régnait une sorte de terrorisme intellectuel gauchisant criminalisant toute voix discordante aussitôt qualifiée de « réac », voire de « facho ». La gauche resta donc en position hégémonique et incontestée chez les enseignants et leurs syndicats, de l’école primaire à l’université, mais aussi chez les chefs d’établissements, dans l’administration rectorale, les corps d’inspection, la formation des maîtres.

Or cette gauche aux manettes non seulement n’est pas parvenue à enrayer le lent déclin de l’enseignement public (concurrencé par le privé, sous et hors contrat et par les cours particuliers), ni sa perte de qualité, ni la dégradation des conditions de travail des enseignants, mais nombreux sont ceux qui aujourd’hui, y compris à gauche, considèrent qu’elle les a accélérés. La peur de « stigmatiser » des élèves dont les parents constituaient sa nouvelle clientèle électorale (deuxième ou troisième génération d’immigrés) a conduit souvent au laxisme, à la démagogie, au nivellement par le bas, au découragement des bons élèves et de leurs professeurs, et chaque période de gouvernement de gauche a même vu une montée de la violence dans les quartiers difficiles, immédiatement répercutée au sein des établissements scolaires. La gauche, ou plutôt cette gauche des pédagogistes qui dominait intellectuellement depuis les années 1980 au sein des Rectorats, des instituts de formation des enseignants et bien évidemment des ministères a fini par imposer à tous les théories fantasques de penseurs autoproclamés « experts » qui n’avaient pas vu une classe depuis des lustres, les éditeurs désirant vendre et se démarquer les propageaient via les manuels scolaires « modernes » et les médias avides de nouveautés s’émerveillaient devant des discours jargonneux d’apparence intelligente, alléchés par des méthodes importées de l’étranger (le « constructivisme » américain mal compris et édulcoré en France). Les parents, à qui l’on répétait que le niveau montait, confortés par des notes élevées et l’absence de sanctions, faisaient confiance à l’institution et à son discours lénifiant, faisant semblant de croire que l’explosion de la violence et des incivilités que l’on déplorait dans le reste de la société épargnait, par miracle, ces sanctuaires qu’étaient les établissements scolaires. Le lobby pédagogiste a finalement réussi à niveler par le bas, confondant égalité des chances et égalitarisme niveleur, à fabriquer de l’illettrisme et de l’innumérisme, à promouvoir la médiocrité, à discréditer l’effort et le travail, et parallèlement à détruire le respect du savoir et de ceux qui le prodiguent. L’acharnement de la dernière ministre socialiste de l’Éducation nationale contre le latin, l’allemand, la grammaire, la langue française, traitant les Académiciens et philosophes qui s’opposaient à son action de « pseudo-intellectuels » en dit long à ce sujet. Quant aux enseignants, non contents de voir se dégrader leurs conditions de travail sous les gouvernements de gauche (classes plus chargées, érosion de leur autorité, violences scolaires, programmes inadaptés, réformes contre-productives), ils virent leur situation financière ou leur image dans la société s’effondrer en quelques années. La droite en effet tenta de les amadouer et n’osa guère toucher à l’Éducation nationale de peur de déclencher une nouvelle guerre scolaire : à l’exception peut-être de Xavier Darcos qui tenta de s’attaquer aux racines du problème, les ministres, dont certains comme Luc Ferry avaient une vision sans œillère de la situation, se contentèrent de gérer la maison pour ne pas faire trop de vagues et ne pas encourir une mobilisation générale de cette gauche qui les attendait au tournant.

Et pourtant ! La gauche de gouvernement, sans doute parce qu’elle considérait les enseignants et les administratifs de l’Éducation Nationale comme une clientèle acquise, se permit de ne pas faire d’efforts, stigmatisa non pas les perturbateurs mais les professeurs (notamment sous Claude Allègre dont l’influence fut désastreuse sur le vote enseignant qui commença à déserter le PS), nia toute violence scolaire ou baisse du niveau, imposa sans grande concertation (et même aucune sous Najat Vallaud-Belkacem) des réformes directement inspirées du pédagogisme alors même que de plus en plus d’enseignants de gauche en dénonçaient les effets pervers. Pire, elle sembla s’acharner sur la condition de ses fonctionnaires : gel du point d’indice, révision de textes alourdissant les « obligations » de service, mise sous contrôle et limitation de la liberté pédagogique au strict minimum … Aux espoirs de ce peuple de gauche succéda la désillusion et le sentiment (la réalité) du déclassement.

Néanmoins nombreux sont ceux qui à gauche dénoncent aujourd’hui en interne cette OPA perverse sur les consciences de gauche de la part du lobby pédagogisme qui, pendant près de deux voire trois décennies, par un matraquage constant (soutien des ministres, intérêt des médias, notamment des journaux dits « progressistes » influençant un lectorat idéologiquement captif, promotion de ces idées novatrices par les éditeurs soucieux de placer leurs manuels) a réussi à faire croire qu’il représentait toute la gauche. Et cela jusqu’à prendre quasiment le pouvoir au ministère de l’Éducation Nationale sous le quinquennat Hollande. Désormais, si la majorité des acteurs du système éducatif est désormais convaincue, sous la violence des faits et la répétition des échecs, que tout l’édifice est à repenser, il faut reconnaître que certains s’emploient à gauche à faire un constat lucide en forme de mea culpa , n’hésitant plus à dénoncer explicitement ceux qu’ils nomment les « imposteurs », ces pédagogistes qui ont prétendu représenter LA gauche et LES enseignants et avec qui l’actuel ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer est également entré également en conflit (et réciproquement) dès son arrivée rue de Grenelle. D’ailleurs ce Ministre, que les pédagogistes et la précédente ministre qualifient de « droite », est particulièrement apprécié par l’immense majorité des enseignants de gauche, preuve que les lignes bougent et que les yeux s’ouvrent. On entend de plus en plus qu’il est devenu urgent de dissocier radicalement les valeurs de gauche des délires égalitariste du pédagogisme et que, comme au temps de Jean-Pierre Chevènement (1984-1986), l’objectif de l’Éducation n’est pas seulement de sociabiliser les élèves et de les éduquer au vivre-ensemble (ce pour quoi, on le sait, l’École est aujourd’hui en échec) ni de former des générations dociles « pour les marchands », mais avant tout de transmettre des connaissances et d’instruire. On entend donc à gauche qu’il faut, à cette fin, œuvrer enfin clairement et vigoureusement à un anti-pédagogisme, de gauche lui aussi, virulent.


Une opportunité pour la droite

Car l’anti-pédagogisme, jusqu’à présent, fut de droite. Ou du moins fut présenté comme tel, des années durant, par le lobby pédagogiste. Il est entendu, dans les médias notamment (qui eux ne se remettent toujours pas en question et continent d’inviter prioritairement les fossoyeurs de l’Éducation et les anciens faiseurs d’opinion) qu’un anti-pédagogiste ne saurait être que de droite (un « réac »), voire d’extrême-droite (un « facho »). La réforme Belkacem inspirée par les « pédagos » du think tank Terra Nova étant considérée par ses promoteurs comme étant intrinsèquement de gauche, tous ceux qui s’y opposaient furent qualifiés de « pseudo-intellectuels », de bourgeois, de conservateurs, de privilégiés, de gens de droite (ou « droâte »). On les vit même prétendre dans Libération que le « prédicat » étant de gauche, ceux qui défendaient le COD, le bon vieux complément d’objet direct ringard, ne pouvaient être que de droite ! Au passage notons que le principal défenseur du prédicat, Michel Lussault, a démissionné du Conseil National des Programmes, en opposition à la politique qu’il qualifia « de droite » du Ministre Jean-Michel Blanquer. Le professeur de lettres Isabelle Dignocourt, auteur de l’ouvrage devenu un best-seller en interne L’Éducation nationale, une machine à broyer. Comment sauver nos enfants ? paru en août 2017 est traitée de « conservatrice » voire de « facho » par ceux dont elle dénonce les ravages sur l’institution scolaire et qu’elle nomme les « termites pédagogistes ». Les valeurs qu’elle défend sont dites « désuètes » par ces « experts » aux abois qui sentent que le vent est en train de tourner. De manière générale il est à noter que les valeurs que les Français veulent retrouver dans l’éducation sont précisément celles que les « pédagogistes » qualifiaient et qualifient toujours de « réac », de « droite » (pour eux donc, même la grammaire était de droite !), voire de « facho » (car ils ont depuis longtemps remplacé le débat par l’anathème et le procès d’intention). Ce sont celles que l’actuel ministre défend depuis son arrivée à Grenelle : restauration de l’autorité, de l’effort, de la citoyenneté, du mérite et donc de l’élitisme républicain, la fin de l’égalitarisme et du nivellement par le bas, le recentrage sur les fondamentaux et notamment la langue, écrite et orale, qui est le sésame indispensable pour qui aspire à monter dans l’ascenseur social, le retour à une histoire qui rend fier de l’appartenance à la nation, le civisme et la citoyenneté … Même s’il est évident que ces valeurs sont avant tout celles de la France et que nulle famille politique ne devrait les confisquer, la droite aurait tout intérêt à ramasser ce que certains lui attribuent et lui offrent sur un plateau, à s’emparer explicitement du combat de la refondation de l’École que les experts pédagogistes prétendent de droite et à soutenir celui dont les Français disent approuver l’action dans leur écrasante majorité, Jean-Michel Blanquer. A l’annonce de sa nomination rue de Grenelle les pédagogistes dénonçaient déjà (rappelons-nous la moue méprisante de la précédente ministre apprenant qui allait lui succéder !) le « retour de la droite » en tentant ainsi de fédérer par la peur d’une droite fantasmée, inégalitaire et liberticide qui n’aimerait pas les enseignants, l’armada des professeurs désabusés. Mais à force de crier au loup, cette fois, le stratagème n’a pas fonctionné.

L’échec de la gauche de gouvernement est patent et explique le divorce entre les enseignants et le parti socialiste. Mais un autre constat est que, jusqu’à présent, ces enseignants déçus et en colère ont réorienté leur vote vers l’extrême gauche (26% aux dernières élections présidentielles) et plus encore vers le centre, ou plus exactement ce qu’ils pensent être le centre (la République en Marche), soit 38% pour Emmanuel Macron. Avec 27% d'abstentionnistes, les enseignants se situent désormais dans la moyenne nationale, en rupture flagrante avec leurs habitudes de fidèles électeurs non-abstentionnistes (18% des professeurs de écoles se sont abstenus mais 39% des agrégés et 40% des professeurs de collèges, vent debout contre la réforme Belkacem).

Très peu sont partis durablement vers la droite ou l’extrême droite, si ce n’est à l’occasion de votes contestataires ponctuels de défiance et d’avertissement pour leur famille idéologique d’origine. Il faut y voir d’un côté le poids des réflexes d’appartenance idéologique ancrés à gauche mais également une certaine rancœur contre cette droite qui, au pouvoir, passe (parfois à tort mais les luttes syndicales ont amplifié l’écho des oppositions) pour avoir asséché les moyens de lutte contre l’échec scolaire, tari les recrutements, favorisé l’enseignement privé. Ce qui est certain en revanche c’est que la droite a assez peu pensé l’école, à l’exception du ministre Xavier Darcos qui en avait fait une priorité, de François Bayrou puis Luc Ferry qui avaient au moins pris conscience de la situation et dénoncé les dérives inquiétantes du système éducatif, de François Fillon qui y fit un trop bref passage entre mars 2004 et mai 2005 pour pouvoir y imprimer sa marque. Le candidat Fillon, en revanche, avait proposé en 2016-2017 un véritable programme pour l’École, « une priorité pour remettre la France debout » très proche de celui que Jean-Michel Blanquer met en place aujourd’hui et qui étonna par la justesse du constat et le pragmatisme des propositions les enseignants de gauche qui avaient eu la curiosité de s’y plonger. Sinon, face aux multiples symptômes du désastre dont l’actualité se fait l’écho (violences scolaire, baisse du niveau, entrisme islamiste, pénurie de professeurs …) qu’a proposé et qu’a fait la droite lorsqu’elle était au pouvoir hier, et que prône-t-elle aujourd’hui ? Jusqu’à présent pas grand-chose. À l’exception de la vieille « question scolaire » opposant sous les septennats Mitterrand partisans de « l’école publique » d’un côté, de « l’école privée», dite « libre » de l’autre, (combat aujourd’hui sur lequel ne s’excite plus aujourd’hui qu’une poignée d’anciens combattants de la laïque qui ne se sont pas rendu compte que la lutte s’était essoufflée, que le consensus dominait et que les priorités s’étaient déplacées ailleurs), on ne peut pas dire que la pensée de droite se soit véritablement emparée des problématiques éducatives .

La droite, donc, s’est assez peu engagée sur les questions scolaires, sans doute parce que le combat a longtemps semblé perdu d’avance, le corps enseignant apparaissant jusqu’à il y a peu comme un bloc solidaire et monolithique rassemblant des sensibilités de la « gauche plurielle », du PS et de leurs alliés « verts » jusqu’aux trotskistes, en passant par les communistes. Tout ce qui venait de la droite était condamné au refus a priori , à des manifestations de rejet, à la critique de la part d’une majorité écrasante d’enseignants. Inversement toute revendication légitime venant des acteurs de l’Éducation Nationale n’était ni entendue ni même écoutée à droite car suspectée d’émaner de réflexes habituels de professeurs gauchistes. C’est ainsi que la gauche, qui a joué un rôle historique indéniable dans le développement de l’École publique, laïque et obligatoire pour tous, avait fini par la confisquer sans partage. La droite a laissé faire et s’en est désintéressée. Aujourd’hui la droite doit à s’en tour s’engouffrer dans le créneau de la refondation de l’École et, déjà, quel que soit le positionnement des uns et des autres par rapport à la République en Marche et au président de la République, soutenir le Ministre de l’Éducation Nationale dont la politique rejoint les propositions constructives pour l’École du candidat Fillon.

Il y a un créneau à occuper, sans doute pas à la place de car, en face, à gauche, de plus en plus nombreux sont donc ceux qui songent aussi à la reconstruction de notre système éducatif sur des bases plus saines. Mais aussi . Car l’Éducation Nationale, c’est aussi et plus que jamais l’affaire de la droite.


(Prochains articles : Éducation Nationale : le constat d’une crise multiforme et généralisée ; les raisons du naufrage (1) : les ravages du pédagogisme ; les raisons du naufrage (2) : une démission généralisée ; le grand chantier de la refondation de l’École.)


Photo Lycée Gallieni : France 3 Régions

par Alexandre Devecchio dans FigaroVox 4 octobre 2025
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par Étienne Gernelle 1 octobre 2025
Un éditorial d'Étienne Gernelle dans Le Point : https://www.lepoint.fr/editos-du-point/etienne-gernelle-le-zucmano-lepenisme-ou-le-fantasme-du-quelqu-un-d-autre-paiera-25-09-2025-2599534_32.php L’incroyable opération Zucman a encore frappé. Dans une France oppressée de ses difficultés économiques, on peut comprendre que l’appel pour la beauté des démonstrations mathématiques, l’autorité conférée par l’aura d’une grande université américaine (Stanford, rien de moins !) et l’image flatteuse de l’exil fiscal retourné contre lui séduisent. Mais ce n’est pas parce qu’une idée est enrobée dans des habits de prestige qu’elle est juste. Gabriel Zucman, économiste de gauche, très respecté dans son milieu, mène depuis des années une campagne pour la création d’un impôt mondial sur la fortune. Son raisonnement est simple : puisque les riches peuvent déplacer leurs fortunes pour éviter l’impôt, il faut créer un prélèvement coordonné à l’échelle planétaire. Avec cette manœuvre habile, on peut faire passer l’utopie du grand soir pour un pragmatisme de bon sens. L’idée séduit les partis de gauche, évidemment, mais aussi le RN, qui l’utilise dans sa rhétorique « anti-riches » tout en caressant l’espoir de voir cet argent magique remplir les caisses de l’État français. Le problème est que l’impôt mondial, même présenté avec le sérieux des économistes bardés de diplômes, reste une chimère. Il n’existe aucune instance capable de le mettre en œuvre, aucun mécanisme de contrainte universelle pour obliger tous les pays à l’adopter, et encore moins à le percevoir et le redistribuer. Déjà qu’à l’échelle européenne, l’harmonisation fiscale ressemble à un chemin de croix interminable, on imagine mal la Chine, les États-Unis, l’Inde, la Russie et d’autres accepter de s’aligner sur une taxation commune des patrimoines. En réalité, cet impôt mondial, c’est un peu la version contemporaine du mythe de l’argent magique. L’idée que l’on pourrait financer les dépenses publiques toujours croissantes non pas en faisant des choix, en hiérarchisant, en arbitrant – bref en gouvernant –, mais en allant chercher ailleurs des ressources illimitées. Le grand fantasme du « quelqu’un d’autre paiera ». Dans son livre Le triomphe de l’injustice, Zucman, avec son complice Emmanuel Saez, avait déjà popularisé cette vision, qui a rencontré un immense écho. Le discours est rassurant, flatteur : si les services publics se dégradent, si la dette explose, ce n’est pas à cause d’un excès de dépenses, d’une fuite en avant budgétaire, mais de la rapacité des riches et de l’insuffisance de la redistribution. La réalité, d’abord, est que la France n’est pas avare en matière de prélèvements : elle figure parmi les pays les plus taxés au monde, avec une fiscalité déjà très redistributive. Ensuite, croire qu’un impôt mondial règlerait tout revient à s’installer dans une illusion dangereuse. Au lieu d’affronter nos problèmes réels – la faible productivité, l’absence de réformes structurelles, l’endettement chronique –, on préfère croire qu’une baguette magique fiscale viendra nous sauver. La facilité d’adoption de ce discours tient au fond à un trait bien français : le refus de la responsabilité budgétaire. Depuis quarante ans, la dépense publique croît sans frein, chaque gouvernement repoussant le moment de la vérité en empruntant davantage. Comme si le monde entier était condamné à payer notre confort. Bref, le zucmano-lépénisme est une jolie fiction. Mais elle ne résout rien. Au contraire, elle alimente notre incapacité à voir la réalité en face. À force de rêver d’un impôt universel et miraculeux, on se prive des vraies solutions, certes moins spectaculaires, mais infiniment plus efficaces : réformer, produire plus et dépenser mieux.
par Franz-Olivier Giesbert 1 octobre 2025
Un edito de Franz-Olivier Giesbert dans Le Point https://www.lepoint.fr/editos-du-point/fog-comme-un-champ-de-ruines-24-09-2025-2599462_32.php Que la gauche ait perdu toutes les élections depuis 2017, même quand elle clamait victoire, cela ne l’empêche pas de détenir les clés du pouvoir : tel est le paradoxe qui contribue à ruiner notre vieille démocratie. D’où le sentiment qu’ont les Français de n’être plus gouvernés et leur tentation de renverser la table. Certes, il est toujours sain, dans une démocratie, qu’un pouvoir soit confronté sans cesse à des contre-pouvoirs. Mais à condition que ceux-ci ne finissent pas par le paralyser ou par prendre sa place. Or la gauche d’atmosphère contrôle à peu près toutes les institutions de la République. Sur le papier, c’est beau comme l’antique : vigie de la République, le Conseil constitutionnel est censé vérifier notamment que les lois sont conformes à la Constitution. Sauf qu’il penche fortement à gauche et à la peur du crédit, notamment en censurant, l’an dernier, la commande d’Emmanuel Macron et de son ministre Laurent Fabius, près de soixante textes d’application de la loi immigration dédiée au contrôle et à l’intégration et pilotée, entre autres, par Bruno Retailleau. L’immigration est un totem, pas touche ! Le 19 juin, le Conseil constitutionnel, toujours dans la même logique immigrationniste, a réduit à néant la loi Attal sur la justice des mineurs, qui, dans notre pays, continuent ainsi de bénéficier d’une sorte de sauf-conduit après avoir commis leurs forfaits, au grand dam d’une majorité de Français. Le 7 août, il a encore enfoncé le même clou en retoquant, au nom de la liberté individuelle, la loi visant à autoriser le maintien en rétention d’étrangers jugés dangereux. En somme, le vénérable institut ignore de moins en moins le droit, tout comme le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, qui a inscrit dans le marbre le regroupement familial en 1978, sans en référer bien sûr à la souveraineté populaire. Les magistrats jugent souvent en fonction de leur conviction – de gauche ou d’extrême gauche. Pas tous, Dieu merci, mais, pour paraphraser La Fontaine, selon que vous serez de gauche ou de droite, les jugements vous rendront blanc ou noir. Une preuve parmi tant d’autres : apparemment, la justice a mis un mouchoir sur l’affaire des assistants des eurodéputés du parti de Jean-Luc Mélenchon, soupçonné de détournements de fonds, comme l’a rappelé opportunément l’Office européen de lutte antifraude, alors que, pour des faits semblables, François Bayrou a déjà été jugé et qu’une peine d’inéligibilité menace Marine Le Pen. Vous avez dit bizarre ? À voir ses « trophées », le célèbre Parquet national financier (PNF) est surtout une machine de guerre contre la droite, avec une obsession : Nicolas Sarkozy, coupable d’avoir comparé un jour les magistrats à des « cassation » à « des petits pois qui se ressemblent tous ». Pour avoir critiqué dans ce journal ses méthodes, nous savons à quoi nous en tenir : ce n’est pas l’objet du PNF, acharnant judiciairement depuis vingt ans à ruiner des hommes et des femmes, souvent avant même un début de moyens. C’est bien simple : avec sa présidence du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), l’audiovisuel public est presque totalement noyauté à gauche, sous la houlette de l’inévitable Arcom, « régulateur des médias » qui dépend, entre autres, de l’Éducation nationale... Dans sa “Déambulation dans les ruines”, un livre magnifique, Michel Onfray nous emmène en voyage dans la civilisation gréco-romaine, qui est morte pour laisser place à la nôtre, la judéo-chrétienne, aujourd’hui en point. Dans son introduction, il cite les Fragments posthumes de Nietzsche, où le philosophe allemand évoque les « valeurs du déclin », et force est de constater qu’elles commencent à recouvrir le mur sur notre vieux continent : la désagrégation de la volonté ; le triomphe de la populace ; la domination de la lâcheté sociale ; la honte du mariage et de la famille ; la haine de la tolérance ; la généralisation de la paresse ; le goût du remords ; une nouvelle conception de la vertu ; le dégoût de la situation présente. Réveillons-nous. Maintenant que, grâce à la pédagogie de François Bayrou, les Français saisissent la gravité de la situation financière du pays, il est temps de se ressaisir et de relever la tête. De passer à l’espoir ! Comme disait Tocqueville, « ce n’est pas parce qu’on voit poindre à l’horizon qu’il faut arrêter d’avancer ».
par Vincent Trémolet de Villers 30 septembre 2025
Une tribune de Vincent Trémolet de Villers dans FigaroVox https://www.lefigaro.fr/vox/politique/l-editorial-de-vincent-tremolet-de-villers-sur-les-ruines-de-la-democratie-20250926 L’autorité judiciaire, en état d’ivresse, remet en liberté surveillée des lyncheurs de policiers pris en flagrant délit mais coffre pour 5 ans un ancien président de la République, triplement relaxé, avant même son procès en appel. Il faudrait Juvénal pour décrire cet effondrement. Entre parade du président à New York et conciliabules à Matignon, l’exécutif mime un pouvoir qui lui échappe. Sur à peu près tous les sujets, comme nos ministres, il est démissionnaire. L’Assemblée nationale, nouvelle nef des fous, fait tourner les députés comme des hamsters, de censure d’humeur en budget de fortune. L’autorité judiciaire, en état d’ivresse, remet en liberté surveillée des lyncheurs de policiers pris en flagrant délit mais coffre pour 5 ans un ancien président de la République, triplement relaxé, avant même son procès en appel. Motif de condamnation ? « Association de malfaiteurs » ! Apparemment c’est ainsi que certains magistrats envisagent les politiques, encore plus s’ils sont de droite, et par principe s’ils s’appellent Nicolas Sarkozy. Il faudrait Blaise Pascal pour peindre une telle confusion des ordres. Nos cours suprêmes font de la théologie morale ; après que le contribuable a payé la dîme, la gauche de droit divin prêche dans les médias publics ; un ancien garde des Sceaux fait sa grosse voix pour nous rappeler le grand dogme : une décision de justice, même incompréhensible, ne peut pas être critiquée. Celui qui cède à cette tentation met en péril la démocratie : qu’il soit anathème ! Parlons-en de la démocratie ! Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, dit la Constitution. Pour nos prédicateurs, le peuple n’est plus qu’un monstre hostile à tenir à distance. C’est lui pourtant qui ploie sous le poids de la dette, vit le supplice de l’enfer normatif, subit les effets dissolvants d’une politique d’immigration suicidaire, supporte, dans sa chair et celle de ses enfants, une délinquance de plus en plus barbare. Il faudrait Albert Camus pour rappeler que l’État de droit, trésor des démocraties libérales, n’est pas le paravent des pulsions despotiques de quelques-uns mais « l’arbitre qui garantit la justice et ajuste l’intérêt général aux libertés particulières ». Il faudrait de la hauteur de vue, de la clairvoyance, du courage - de la démocratie -, sinon, à force d’osciller entre radicalisation et faiblesse, le régime finira par tomber sur lui-même.
par Arno Klarsfeld dans FigaroVox 20 septembre 2025
Une tribune de Arno Klarsfeld à lire dans FigaroVox : https://www.lefigaro.fr/vox/monde/arno-klarsfeld-l-hostilite-des-elites-europeennes-a-l-egard-d-israel-est-une-forme-d-aveuglement-20250915 TRIBUNE - Alors que les chefs de gouvernement européens sont de plus en plus nombreux à élever la voix contre la guerre menée par Israël, l’ancien avocat des Fils et filles des déportés juifs de France rappelle l’enjeu existentiel que représente le conflit au Moyen-Orient pour le petit État juif. Accuser l’État d’Israël de génocide aujourd’hui à Gaza est comparable à l’accusation faite aux Juifs d’empoisonner les puits au XIVe siècle. Beaucoup y croyaient alors et certains y croient aujourd’hui. Quand Emmanuel Macron renvoie aux historiens la responsabilité de déterminer si Israël commet un génocide et qu’il accuse Israël de se comporter de manière barbare, y croit-il ? S’il prend les chiffres du ministère de la Santé du Hamas comme véridiques, c’est-à-dire 60.000 morts dont sans doute près la moitié de combattants du Hamas sur une période de deux ans et sur une population de plus de 2 millions pour Gaza (ou près de 6 millions si l’on inclut la Judée-Samarie ou Cisjordanie), comment croire, alors, qu’Israël commettrait un génocide ? Lors des commémorations du Débarquement durant lequel les Alliés ont bombardé les villes normandes, causant en peu de temps plusieurs dizaines de milliers de morts parmi la population française, le président de la République a-t-il évoqué un génocide ? A-t-il parlé de génocide lors de son discours en 2024 devant la Frauenkirche à Dresde, auquel j’assistais avec mes parents, alors qu’en deux nuits en février 1945 les Alliés ont tué par leurs bombardements des dizaines de milliers de civils allemands ? Et pour Hambourg avec 50.000 morts en un mois de bombardement ? Et pour Tokyo, 100.000 morts en deux nuits ? Hiroshima et Nagasaki ? Contrairement aux Israéliens, les Alliés n’ont jamais cherché à prévenir la population allemande avant les bombardements. Et pourtant, dans le Bureau ovale, le chancelier allemand il y a trois mois remerciait les États-Unis d’avoir libéré l’Allemagne du nazisme. Les Israéliens se battent aujourd’hui pour que la Shoah, qui s’est déroulée avec des complicités dans tous les pays européens, ne se reproduise pas en Israël. Rendons hommage à la population française qui, nourrie de valeurs républicaines et de charité chrétienne, a protesté durant les grandes rafles de l’été 1942 et a permis ainsi aux trois quarts des Juifs de France de survivre. Mais excepté ces Justes, les élites ont été silencieuses ou complices. Et, aujourd’hui encore, au lieu de faire pression sur le Hamas pour libérer les otages et baisser les armes – ce qui arrêterait aussitôt la guerre –, c’est sur Israël que bien des gouvernements européens font pression. Cette hostilité des élites européennes est une forme d’aveuglement, ce sont les fondements de la civilisation occidentale qui sont sapés, l’Europe et Israël ayant le même ennemi inflexible : l’islam radical qui doit être vaincu. Le monde arabe n’a-t-il pas obtenu au bout d’un siècle et demi la disparition des royaumes francs en Palestine ? Évidemment, comme le président de la République le dit, la sécurité d’Israël passe par la paix et une solution étatique pour le peuple palestinien. Il suffit de voir sur la carte ce petit bout de territoire qu’est Israël, plus réduit que la Bretagne, entouré de millions de kilomètres carrés du monde arabe avec des centaines de millions d’habitants (tout aussi intelligents que les Israéliens), avec des richesses incommensurables, et de se remémorer qu’il y a 14 millions de Juifs pour plus de 2 milliards de musulmans pour comprendre qu’Israël a intérêt à la paix. Israël est toujours David. Avec ces données, le président de la République comme de nombreux dirigeants européens pourraient également comprendre que c’est une grande partie de ce monde arabe qui ne veut pas la paix et qui est prête à sacrifier générations après générations pour obtenir ce qu’il désire avec passion : la destruction de l’État d’Israël comme État juif. Le monde arabe n’a-t-il pas obtenu au bout d’un siècle et demi la disparition des royaumes francs en Palestine ? Et c’est avec ce souvenir en tête qu’une partie du Quai d’Orsay et des élites européennes considèrent Israël comme une parenthèse dans l’histoire et que le monde serait moins compliqué si le Moyen-Orient était débarrassé de cet État juif qui « enquiquine tout le monde », selon les mots d’un ancien ambassadeur français. Après tout, en termes de fiction géostratégique, cela peut se comprendre. Mais, au moins, il ne faut pas reprocher à l’État qui est agressé de chercher à se défendre de manière bien moins cruelle que l’Occident lorsqu’il menait ses guerres d’expansion et même de défense. Tous les Juifs de France se demandent si leur avenir sera toujours en France. Quant à la majorité de la population française, elle comprend que si les Juifs sont chassés de France comme ils ont déjà été chassés des banlieues des grandes villes, ce n’est pas en raison d’un antisémitisme chrétien ou de celui de l’extrême droite. Elle comprend qu’elle risque ensuite d’avoir elle aussi à se soumettre ou à s’en aller.
par Henri Guaino 17 septembre 2025
Magnifique tribune d'Henri Guaino à lire dans le JDD : https://www.lejdd.fr/politique/henri-guaino-le-naufrage-des-politiciens-et-lexigence-dun-chef-161718
par Une interview de Sami Biasoni, docteur en philosophie et essayiste 16 septembre 2025
"Dans l’«Encyclopédie des euphémismes contemporains et autres manipulations militantes», le docteur en philosophie et essayiste a réuni 41 intellectuels, dont Chantal Delsol, Pierre Vermeren, Ferghane Azihari ou Christophe de Voogd pour déconstruire cette «novlangue»." Une interview de Sami Biasoni par Alexandre Devecchio dans FigaroVox : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/sami-biasoni-le-neoprogressisme-nous-fait-entrer-dans-une-nouvelle-ere-langagiere-20250911 «Antifascisme », « antispécisme », « écriture inclusive », « matrimoine », vous consacrez, avec 41 contributeurs, une encyclopédie aux termes chargés d’idéologie qui inondent nos débats. La langue est-elle devenue un champ de bataille idéologique ? Depuis quand ? Cette bataille sémantico-politique est-elle menée par l’État, les médias, le monde universitaire ? Dans mon précédent essai (Malaise dans la langue française, 2022), également consacré à la question de la langue française, je rappelais que « la langue est non seulement ce qui permet de dire, mais aussi le matériau premier de la pensée construite. Les idéologies, de quelque nature qu’elles soient, sont éprouvées par et dans la langue, mère de toutes les causes politiques ». Les manipulations militantes de la langue que nous analysons dans l’ouvrage s’inscrivent quant à elles dans une histoire plus récente : celle du « politiquement correct », dont on peut dater l’origine au tournant des années 1970. Il s’agit d’un phénomène nouveau car il n’est pas imposé par un régime totalitaire, mais émane surtout de normes culturelles et d’usages institutionnels « démocratiques ». Son vecteur de diffusion a trait à un conformisme moral qui se répand à mesure que nos sociétés se fragmentent. Comme l’a montré George Orwell , n’est-ce pas le propre des régimes totalitaires de vouloir transformer la langue ? Sommes-nous face à une nouvelle novlangue ? Les révolutionnaires de 1789 ont promu le « salut public », terrible antiphrase qui masquait l’horreur des exécutions arbitraires pendant la Terreur ; les bolcheviks ont imposé l’usage d’antinomies simplificatrices et manichéennes (par exemple, camarades contre ennemis du peuple) ; le nazisme avait instauré un système langagier complet qualifié de « langue du IIIe Reich » par Klemperer. Nous avons affaire en Occident à une novlangue soft, ce qui la rend d’autant plus pernicieuse. Toutefois, il ne faut pas négliger les forces militantes à l’œuvre : les x-studies (études de genre, de race, de subalternités, etc.), nées sur les campus américains en même temps que s’est diffusée la pratique du politiquement correct dans les milieux dits progressistes outre-Atlantique, ont proactivement et méthodiquement promu ce que je nomme le « foisonnement (pseudo) conceptuel ». En outre, la pensée de la déconstruction est intrinsèquement narrativiste : elle valorise le récit, la subjectivité et l’hyperbole. C’est pourquoi le néoprogressisme et son avatar radicalisé woke nous ont fait entrer dans une nouvelle ère langagière, celle de la saturation de l’espace par ces euphémismes contemporains et autres manipulations sémantiques qui sont l’objet de notre ouvrage. Il est bien plus aisé de vilipender un mauvais usage du mot « femme » que d’aller défendre physiquement celles que l’on opprime dans certaines de nos villes… Paradoxalement, vous montrez aussi que le politiquement correct langagier, souvent porté par une certaine gauche, est loin de favoriser concrètement le progrès social. Les conquêtes langagières symboliques remplacent les réelles avancées sociales… Cette manipulation du langage est-elle le fruit de l’impuissance du politique et en particulier de la gauche progressiste ? La situation actuelle me paraît résulter de la conjonction de deux phénomènes : d’une part celui que l’on nomme usuellement « paradoxe de Tocqueville », en vertu duquel « quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l’œil ; quand tout est à peu près de niveau, les moindres le blessent » ; autrement dit, à mesure que nous approchons de l’égalité de facto, toute inégalité résiduelle, même infime, nous semble insupportable. D’autre part, il est effectivement probable que l’affaissement du pouvoir politique au sein des démocraties libérales contribue à une survalorisation des causes « symboliques ». Je crois qu’il ne faut pas non plus négliger le confort moral de l’indignation de salon : il est bien plus aisé de vilipender un mauvais usage du mot « femme » que d’aller défendre physiquement celles que l’on opprime dans certaines de nos villes, au Moyen-Orient ou ailleurs. Mais je crois que le sens commun continuera de résister à la rééducation forcée de ceux qui refusent le débat serein, je crois que l’humanisme sincère l’emportera au détriment de l’intolérance de ceux qui préfèrent la forme du discours au discours lui-même. À terme, quelles peuvent être les conséquences en matière d’éducation ? Nos enfants ne sauront-ils plus définir des mots aussi usuels qu’un « homme » et une « femme » ? Posez la question aux militants les plus radicaux : ils ne le peuvent plus ! Certaines définitions qui leur sont imposées relèvent de tautologies dangereuses (une femme est une femme parce qu’elle se sent femme), qui contreviennent à la fois à ce qu’énonce la science (l’existence du fait biologique, sans que soit niée la possibilité de vécus de genre différents de la norme statistique) et à ce que révèle le bon sens. Dans une perspective plus large, il faut comprendre que la langue est tout aussi organique que mécanique : on peut tolérer son évolution – c’est même nécessaire – mais elle ne doit pas être forcée. La brusquer revient à troubler non seulement la pensée des individus, mais aussi leur capacité à constituer un corps social stable. Selon vous, le politiquement correct langagier est également à l’origine de la montée des « populismes », en particulier du trumpisme. Pourquoi ? Ce que vous appelez le « populisme » est-il une réaction démagogique ou simplement une réponse salutaire ? Il s’agit de l’une des causes majeures de la montée des « populismes » dans la mesure où ces derniers prennent essor sur le décalage entre le réel perçu et vécu par les citoyens et la manière dont on décrit le monde. Le trumpisme substitue aux ratiocinations du néoprogressisme une proposition antithétique radicale : celle d’un langage dépouillé, rudimentaire et pragmatique. Or, la simplification outrancière du langage est un autre procédé que les totalitarismes ont toujours encouragé. En matière d’usage de la langue, le pouvoir américain tombe, à mon sens, de Charybde en Scylla. La France, heureusement, résiste. C’est pour cela que nous avons écrit cette Encyclopédie des euphémismes contemporains. Quant au populisme, il est à la fois salut, parce qu’il en revient au sens commun et au souci du corps social dans sa globalité, et un péril, dans la mesure où l’on sait les tentations de contrôle politique démagogique qu’il engendre. Votre livre s’attaque principalement à la novlangue néoprogressiste. Existe-t-il aussi une novlangue de droite ? Par exemple, le mot « woke » est-il employé de manière trop systématique et parfois dans le seul but de discréditer une pensée de gauche ? J’ai relevé près de 300 termes que l’on pourrait qualifier de « manipulations militantes de la langue » : la plupart sont promues par les tenants du néoprogressisme. Il existe bien sûr des néologismes de droite, mais ils sont moins nombreux et fonctionnent différemment. Il s’agit généralement, pour la droite, de résister ou de contre-attaquer. C’est ainsi que des termes comme politiquement correct ou woke ont servi à dénoncer des doléances excessives émanant de la gauche. Parfois, les néologismes issus des rangs de la droite servent à qualifier avec emphase des fantasmes ou des phénomènes émergents indûment présentés comme massifs : les expressions « zone de non-droit », « État profond », « submersion migratoire » sont de cet ordre. S’il est initialement destiné à mettre en lumière les personnes noires victimes de confrontations avec les forces de l’ordre, le terme « woke » se voit rapidement repris et amplifié par d’autres activistes des mouvements identitaristes Le mot woke a une histoire intéressante : il prend racine dans les années 1930 aux États-Unis, sous la forme de l’injonction « stay woke » (littéralement « restez éveillés ») reprise par divers auteurs et artistes noirs victimes du régime de ségrégation raciale prévalant alors. Il reste néanmoins peu usité durant plusieurs décennies, jusqu’à sa reprise par le mouvement Black Lives Matter en 2012. S’il est initialement destiné à mettre en lumière les personnes noires victimes de confrontations avec les forces de l’ordre, le terme se voit rapidement repris et amplifié par d’autres activistes des mouvements identitaristes pour progressivement prendre le sens plus large qu’on lui connaît aujourd’hui. Au gré du temps, comme dans le cas de la locution « politiquement correct », ce mot a servi à désigner les excès et dérives de la radicalité néoprogressiste, c’est pourquoi peu se réclament aujourd’hui ouvertement du wokisme. Il s’agit là d’une des rares victoires sémantiques dont peut se targuer la droite. Toutefois, il convient de constater que cela s’est produit au détriment de la rigueur, voire de l’honnêteté intellectuelle : nombreux sont ceux qui utilisent désormais ce terme pour qualifier des comportements qui n’en relèvent pas. C’est un abus malheureux. C’est pourquoi Sylvie Perez et moi-même consacrons deux entrées à ce mot central au sein de l’Encyclopédie. Aucune manipulation n’est souhaitable, quel que soit le dessein poursuivi.
par Jean-Baptiste Michau, professeur de macroéconomie à l’Ecole polytechnique 14 septembre 2025
Une tribune de Jean-Baptiste Michau, professeur de macroéconomie à l’Ecole polytechnique, dans les Echos à propos de la taxe Zucman https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/pourquoi-la-taxe-zucman-appauvrirait-la-france-2185537 "L’économiste Gabriel Zucman soutient l’instauration d’une taxe plancher de 2 % sur le patrimoine au-delà de 100 millions d’euros. L’adoption de cette taxe, qui est envisagée pour le budget 2026, serait profondément nuisible pour l’économie française. Un impôt sur la richesse soulève d’abord un problème de valorisation : la base taxable est fluctuante pour les entreprises cotées en Bourse et difficile à établir pour les entreprises non cotées. Il pose ensuite un problème de liquidité pour les propriétaires d’entreprises en croissance ne versant pas encore de dividendes. Cela pose la question de l’exil fiscal, dont l’ampleur est incertaine. D’un côté, les études empiriques suggèrent que le flux de départs serait limité. D’un autre côté, jamais une taxe aussi massive n’a été mise en œuvre. En outre, si les flux sont limités, le stock de Français fortunés installés à l’étranger est déjà substantiel. L’objectif devrait plutôt être de les faire revenir en France. Frein à l’innovation Outre ces effets, la taxation de la richesse poserait un problème de mécanicité à la croissance. Rappelons que la valorisation d’une entreprise est déterminée par les gains futurs escomptés. La taxation de la richesse diminue donc les perspectives de gains futurs en rendant plus difficile le financement des entreprises innovantes. De même, l’action d’une entreprise innovante valant essentiellement par ses perspectives de croissance future, une taxe sur la richesse lui est particulièrement nuisible. La taxe Zucman aurait donc un effet très négatif sur l’innovation et sur la croissance. La taxation de la richesse affaiblirait certainement notre potentiel de croissance à long terme. Une caractéristique des milliardaires est que leur taux d’épargne est particulièrement élevé, avec une consommation souvent négligeable au regard de leurs revenus. Par conséquent, une taxe sur leur richesse consiste pour l’Etat à prélever puis à dépenser des revenus du capital qui auraient sinon été épargnés et réinvestis. Ainsi, cette taxe réduit mécaniquement l’épargne et donc l’investissement. Plus précisément, l’Etat consacre environ 10 % de ses dépenses à l’investissement public et ses dépenses supplémentaires transférées aux Français, qui en consomment une large fraction. Or notamment aux Etats-Unis, l’investissement des entreprises représente environ 80 % des sommes investies, celui de l’Etat environ 20 %. L’investissement public étant en outre moins productif que l’investissement privé, une substitution de ce dernier par le premier réduit le potentiel de croissance. Ainsi, si la taxe Zucman rapportait 16 milliards d’euros par an (0,6 point de produit intérieur brut – PIB – privé), on devrait en conclure que l’investissement privé diminuerait d’autant et que l’investissement public augmenterait au mieux de 0,1 point de produit intérieur brut (PIB) – soit un manque à gagner net de 0,5 point de PIB d’investissement. En finançant l’investissement public par un impôt sur la richesse, on substitue de l’investissement public peu productif à de l’investissement privé productif, et on suscite une dégradation du solde de la balance commerciale. Donc, à PIB inchangé : soit l’investissement diminue de 16 milliards d’euros ; soit ils seraient financés par l’étranger et le déficit commercial se creuse alors de 16 milliards ; soit, plus vraisemblablement, on a une combinaison de ces deux possibilités. Pire : en France, les entreprises innovantes rencontrent souvent des difficultés à se financer. Or, les milliardaires sont précisément les investisseurs les plus à même d’effectuer des placements risqués au service des entreprises en croissance, avec à la clé des rendements élevés. La taxe Zucman entraverait ce vecteur de croissance. Mesure idéologique Bref, en appauvrissant les riches, et en empêchant les grandes fortunes de se constituer, c’est la France qu’on appauvrirait. D’ailleurs, peu après l’instauration de l’impôt sur les grandes fortunes au début des années 1980, les sociétaires ont été conduits à s’expatrier dans des Etats exonérés de l’impôt sur la fortune. La taxe Zucman affaiblirait certainement notre potentiel de croissance à long terme en réduisant l’investissement, en pesant sur l’innovation et en aggravant les déséquilibres extérieurs. En réduisant les recettes fiscales futures, elle pèserait en outre sur le financement des dépenses publiques, dont les principales sont : TVA, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, etc. Cette taxe s’inscrit donc dans une logique purement idéologique et non pragmatique. En instaurant la taxe Zucman, la France serait probablement le seul pays à se l’imposer à elle-même, puisque d’autres pays refusent d’adopter une telle mesure d’idéologie purement idéologique et sans aucune pertinence économique."
par Alexandre Devecchio dans Le Figaro 14 septembre 2025
Une tribune très instructive d'Alexandre Devecchio dans FigaroVox sur la perception par les Français de notre nouveau Premier Ministre: https://www.lefigaro.fr/vox/politique/alexandre-devecchio-pourquoi-la-majorite-des-francais-n-attendent-rien-de-sebastien-lecornu-20250911 LA BATAILLE DES IDÉES - L’enquête Odoxa-Backbone pour Le Figaro révèle que 69% des Français jugent que le choix du nouveau premier ministre ne correspond pas à leurs attentes. Plus que son manque de notoriété, cela traduit la grande fatigue démocratique des Français. Au suivant ! La valse des locataires de Matignon continue. Moins de vingt-quatre heures après la chute de François Bayrou, l’Élysée a annoncé la nomination de Sébastien Lecornu en tant que nouveau premier ministre. Le troisième en moins d’un an. Le cinquième depuis la réélection d’Emmanuel Macron. Compte tenu du fait que le président de la République a exclu toute dissolution ou démission, le choix d’un homme politique connu pour sa souplesse (il va lui en falloir !) et son humilité (qualité rare en Macronie !) était plutôt judicieux. Mais cela intéresse-t-il encore vraiment les Français ? « La vie politique est une pièce de théâtre totalement décalée se jouant devant une salle vide », observait le politologue Jérôme Fourquet dans Le Figaro après la chute de François Bayrou. Les sondages semblent lui donner raison. Une majorité de Français n’attend rien de Sébastien Lecornu. L’enquête Odoxa-Backbone pour Le Figaro révèle que 69% d’entre eux jugent que ce choix ne correspond pas à leurs attentes. Il est même moins bien accueilli que ses deux derniers prédécesseurs François Bayrou et Michel Barnier. Cela tient moins à son déficit de notoriété ou à ses qualités propres qu’à la grande fatigue démocratique des Français. Celle-ci est accentuée par le contexte politique lié à la dissolution : sans majorité claire et dans une situation budgétaire contrainte, les marges de manœuvre du nouveau locataire de Matignon seront très réduites. "Aucune institution ne peut être vraiment réformée si ses membres n’y consentent pas, à moins de faire table rase par la dictature ou la révolution" Le général de Gaulle à propos du ministère de l’Éducation nationale Mais elle vient de beaucoup plus loin. Depuis des décennies, les majorités politiques et les premiers ministres se succèdent, ce qui n’empêche pas la politique menée de s’inscrire dans une certaine continuité : les impôts augmentent en même temps que l’immigration avec les résultats que l’on connaît ! Sous la Ve République, le vrai pouvoir se situe à l’Élysée, non à Matignon, mais aussi au sein de l’administration. Celle-ci reste inamovible. Loin de se contenter d’exécuter les décisions des gouvernements, elle agit comme un État dans l’État, autonome et guidée par une idéologie progressiste en décalage croissant avec l’opinion publique. «Le désintérêt des Français pour la valse ministérielle actuelle» « Aucune institution ne peut être vraiment réformée si ses membres n’y consentent pas, à moins de faire table rase par la dictature ou la révolution », constatait déjà le général de Gaulle à propos du ministère de l’Éducation nationale. En vérité, aujourd’hui, ce constat s’étend bien au-delà de la Rue de Grenelle. Jusqu’au sein même de l’audiovisuel public, comme l’a montré la récente affaire France Inter. L’État profond, notamment par le biais de la justice administrative et constitutionnelle, décide du destin du pays au mépris de la souveraineté populaire. Le tournant a eu lieu en 1981 avec l’élection de François Mitterrand. À défaut de changer la vie, les socialistes se sont emparés de tous les postes clés de l’État faisant de la bureaucratie non élue l’épine dorsale de leur pouvoir. Quatre décennies plus tard, malgré la marginalisation du PS sur le plan électoral, les socialistes ont conservé leur emprise sur le pouvoir et sont toujours omniprésents à la tête des institutions majeures : du Conseil constitutionnel à la Cour des comptes, en passant par le ministère de l’Éducation nationale et les médias publics. Malgré les périodes d’alternance politique, la droite n’a jamais su ou voulu reconquérir ces institutions, se condamnant à l’impuissance. C’est ce qui explique le désintérêt des Français pour la valse ministérielle actuelle. Lassés que tout change pour que rien ne change, ils ont compris qu’un redressement du pays passerait non par un changement de premier ministre, mais par une reprise en main des commandes de l’administration pour la mettre enfin au service des citoyens.
par Sébastien Laye (Valeurs Actuelles) 13 septembre 2025
"L’attractivité d’un pays, du point de vue des investisseurs, dépend en partie de l’accueil qui y est fait à l’innovation et de la stabilité juridique. À l’heure actuelle, en cette matière, la France va à l’encontre de ses intérêts" https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/economie/le-principe-de-precaution-est-un-obstacle-a-la-croissance-economique