Éducation Nationale : les lignes rouges sont franchies
La crise que traverse l'Education nationale est une opportunité pour la droite. Explications.

Entre la droite et l’Éducation Nationale, les relations ont souvent été difficiles. Mais à l’heure où il n’y a plus grand monde pour refuser de voir que le système éducatif français est entré dans une crise profonde, aboutissement d’un long processus de dégradation de l’autorité des professeurs, de la qualité des enseignements, de dévoiement des missions de l’École, la gauche (tant celle de gouvernement que celle des penseurs de l’acte d’enseigner, ces tristement célèbres pédagogistes qui ont inspiré les principales réformes depuis trente ans) semble à présent discréditée aux yeux de ses propres soutiens. Des voix s’y élèvent, de plus en plus nombreuses, pour réclamer le retour au bon sens, au pragmatisme, aux fondamentaux, pour penser et refonder l’École autrement et dénoncer les « imposteurs » du pédagogisme qui prétendaient représenter LA gauche et qui ont connu leur heure de gloire sous le quinquennat de François Hollande. En face que fait la droite ? Que propose-t-elle ? L’heure semble venue d’un retour à ces pratiques et valeurs que les apprentis-sorciers prétendaient être « de droite », « inégalitaires » (on sait qu’une partie de la gauche confond égalité et égalitarisme), « réactionnaires »: maîtriser la langue française tant à l’écrit qu’à l’oral, compter et réfléchir, instruire, aider l’individu à s’émanciper, revenir à la méritocratie républicaine, glorifier le travail et l’effort, la discipline et l’autorité. Dans ce contexte, plus que jamais, la droite ne peut se permettre de manquer ce rendez-vous avec le monde déboussolé et désespéré de l’Éducation Nationale, ancien fief incontesté de la gauche.
L’affaire Galliéni : un avertissement
entendu !
L’histoire du lycée Gallieni à Toulouse où une soixantaine de professeurs se sont mis en grève pour protester contre la dégradation de leurs conditions de travail dans un lycée devenu espace de non-droit a mis brutalement sur le devant de la scène régionale puis nationale une situation qui n’a pourtant rien d’exceptionnel. Bien des établissements en France, et pas seulement en REP (réseau d’éducation prioritaire) la subissent depuis des années : d’un côté des enseignants et une majorité d’élèves qui jouent le jeu et vont travailler la peur au ventre, de l’autre une minorité d’élèves perturbateurs, totalement réfractaires à toute manifestation d’autorité, souvent déjà un pied au lycée, un pied au dehors, dont certains présentent déjà un casier judiciaire fourni et qui ont pris le pouvoir, en toute impunité. À Galliéni certains viennent en cours avec un bracelet électronique quand d’autres fument de l’herbe dans l’enceinte de l’établissement, intouchables (mineurs et/ou hors sanctions de la justice, si tant est qu’elle soit saisie par des équipes vivant dans la terreur et sous la menace parfois armée), multiplient les agressions verbales, souvent sexistes, mais également physiques envers leurs camarades et les équipes pédagogiques. De plus en plus nombreux sont ceux qui propagent une contre-culture en contradiction avec les programmes et le règlement intérieur (en sciences, en sport, dans les relations entre hommes et femmes), jusqu’à défendre et répandre pour certains l’idéologie djihadiste (d’où la présence de plusieurs « fichés S » au sein de l’établissement selon les enseignants grévistes). La situation de ce lycée est devenue explosive au point que l’Express en a fait la Une cette semaine (« Un lycée en état de guerre ») et que le Ministre de l’Éducation y a diligenté une équipe d’inspecteurs généraux qui viennent de lui rendre un rapport alarmant.
Lignes rouges franchies
Au-delà de ces cas dramatiques et médiatisés d’établissements qui entrent sous le feu de l’actualité parce que la violence déborde soudain des murs où l’on tentait de la cantonner dans le silence et le déni, la crise profonde que traverse l’Éducation nationale et qui semble enfin aujourd’hui évidente à tous, se traduit également, au niveau du territoire tout entier, par une démotivation des élèves mais aussi des enseignants, une inquiétante baisse du niveau général (et pas seulement dans les établissements difficiles) qui fait dégringoler la France dans les classements internationaux et un manque de sens civique souvent dénoncé chez ces jeunes générations individualistes et souvent irrespectueuses des codes, des usages et de l’autorité. Le manque d’éducation, tant parentale que scolaire, se manifeste de multiples façons dans une société sans repères ni valeurs communes car l’École ne parvient plus maintenant à jouer ce rôle de contre-pouvoir face à la démission des familles ou, pire, face à des idéologies toxiques inculquées à l’extérieur. Bien au contraire ce sont désormais de simples croyances (que l’on met sur le même plan que des sciences) et des usages culturels différents que les perturbateurs cherchent à s’imposer au sein des établissements allant jusqu’à mettre en cause violemment les connaissances historiques, les données physiques, astronomiques, biologiques, ou encore le bien fondé du règlement intérieur. Et les programmes les plus récents, loin de contribuer à aider des élèves d’origines culturelles différentes à s’émanciper tout en intégrant les valeurs de la République et donc à se décentrer par rapport à leurs origines, les ramènent en permanence à ce qu’ils sont et à leurs racines. Le problème pour la société dépasse donc largement les cas des élèves borderline qui, devenus majeurs, tentent de faire régner leur loi dans des zones de non-droit et des établissements à la dérive. Car c’est également celui de l’effondrement du niveau, des compétences et du sens civique, y compris pour les jeunes les plus « réglo », de plus en plus souvent dépeints par leurs employeurs comme incapables de faire face aux exigences du monde du travail (absentéisme, manque de conscience professionnelle et de résistance à l’effort, individualisme, indifférence face à l’intérêt collectif, défaut total d’autonomie, irresponsabilité voire incompétence …). L’ascenseur social est en panne, lui qui permettait hier encore à des populations pauvres, souvent culturellement différentes, de s’extirper de leur condition grâce à l’effort et au mérite (le fameux « élitisme républicain » rejeté par une gauche égalitariste qui n’a retenu de l’expression que le premier des deux mots, qui lui fait viscéralement horreur). Et pour cause, la méritocratie républicaine supposait un apprentissage du civisme, l’acceptation des codes, un certain sens de l’effort individuel et la maîtrise de la langue écrite et orale qui, quoi qu’on en dise, reste le principal marqueur de l’excellence, la ligne de démarcation de part et d’autre de laquelle se creusent aujourd’hui les inégalités les plus criantes.
Une priorité nationale !
Face à ces constats inquiétants on entend dire parfois et on lit fréquemment sur les réseaux que cela est l’affaire des enseignants, qu’ils l’ont « bien cherché » avec leur militantisme « gauchiste » qui leur interdisait d’interdire, leurs dénis de réalité pour ne pas « stigmatiser », leur pédagogisme hors-sol, loin des réalités de terrain, plus soucieux de faire « vivre ensemble » des générations à qui l’on donnait tous les droits (sans leur rappeler leurs devoirs !) que d’instruire et de donner aux plus défavorisés, comme autrefois, la chance de monter dans l’ascenseur social grâce à l’effort et au respect des règles et codes établis. Les professeurs ne récolteraient « que ce qu’ils ont semé ». À présent, « qu’ils se débrouillent ! » Tout cela n’est pas faux même si le corps enseignant n’est évidemment pas aussi monolithique ni leurs responsabilités aussi tranchées.
Bien au contraire, plus que jamais, parce qu’elle forme aujourd’hui les générations de demain, parce qu’elle est liée aux questions de sécurité, de respect, de civilité, parce qu’il ne sert à rien par exemple de vouloir rétablir un service national universel de quelques semaines voire quelques mois si l’on n’a pas éduqué à l’amont ces jeunes au respect de l’autorité, des règles, au civisme, à une certaine idée du collectif et de la nation, l’Éducation doit redevenir l’affaire de tous et bien évidemment une priorité nationale pour les gouvernements qui se succéderont. C’est d’ailleurs le message martelé par Jean-Michel Blanquer qui affirme que sa politique n’est ni de gauche ni de droite comme l’affirment ses adversaires mais simplement le retour du pragmatisme et du bon sens après des décennies d’idéologie et d’expérimentations pédagogistes. Et de fait l’anti-pédagogisme, d’essence citoyenne et républicaine, peut et doit venir de tous les côtés de l’échiquier politique.
Une gauche discréditée mais qui réagit
Il n’en reste pas moins que l’École a longtemps été la chasse gardée de la gauche, pour des raisons historiques aujourd’hui largement dépassées datant de la mise en place de l’école laïque, publique et obligatoire qui permit l’émancipation des plus défavorisés puis de ces « hussards noirs de la République », les instituteurs, qui voulaient donner une chance aux enfants d'ouvriers, de paysans, de petits propriétaires de se hisser plus haut que leurs parents sur l’échelle sociale. Dès 1870 le père de l’école publique, Jules Ferry, qui appartenait au courant de la Gauche républicaine, lui donnait pour objectif de « faire disparaître la dernière, la plus redoutable des inégalités qui vient de la naissance, l'inégalité d'éducation ». Rappelons qu’à l’époque l’enseignement était prioritairement aux mains de l’Église et de ses congrégations, essentiellement soutenues par la droite. L’École publique devint donc une sorte de chasse gardée pour la gauche qui se réclamait de Condorcet, de Hugo, de Ferry puis de Jaurès. Les professeurs sont restés longtemps majoritairement de gauche et le rejet de la droite, inscrit dans une sorte d’inconscient collectif et véhiculé par une formation des maîtres en vase clos, reproductrice de réflexes idéologiques, gardienne de cette mémoire corporatiste où la droite, arc-boutée à des privilèges de classe, ne tenait pas le beau rôle de l’histoire. Il semblait donc « naturel » d’être de gauche lorsque l’on devenait enseignant. Il n’est qu’à voir la surprise, voire l’indignation de certains enseignants apprenant que tel collègue n’était pas de gauche, ou pire se réclamait de la « droâte », mot à prononcer avec le mépris qu’il se doit, et cela d’autant plus qu’une droite honteuse n’osait plus de son côté affirmer ses valeurs, notamment dans ce milieu enseignant où elle était -et reste- largement minoritaire et sur lequel régnait une sorte de terrorisme intellectuel gauchisant criminalisant toute voix discordante aussitôt qualifiée de « réac », voire de « facho ». La gauche resta donc en position hégémonique et incontestée chez les enseignants et leurs syndicats, de l’école primaire à l’université, mais aussi chez les chefs d’établissements, dans l’administration rectorale, les corps d’inspection, la formation des maîtres.
Or cette gauche aux manettes non seulement n’est pas parvenue à enrayer le lent déclin de l’enseignement public (concurrencé par le privé, sous et hors contrat et par les cours particuliers), ni sa perte de qualité, ni la dégradation des conditions de travail des enseignants, mais nombreux sont ceux qui aujourd’hui, y compris à gauche, considèrent qu’elle les a accélérés. La peur de « stigmatiser » des élèves dont les parents constituaient sa nouvelle clientèle électorale (deuxième ou troisième génération d’immigrés) a conduit souvent au laxisme, à la démagogie, au nivellement par le bas, au découragement des bons élèves et de leurs professeurs, et chaque période de gouvernement de gauche a même vu une montée de la violence dans les quartiers difficiles, immédiatement répercutée au sein des établissements scolaires. La gauche, ou plutôt cette gauche des pédagogistes qui dominait intellectuellement depuis les années 1980 au sein des Rectorats, des instituts de formation des enseignants et bien évidemment des ministères a fini par imposer à tous les théories fantasques de penseurs autoproclamés « experts » qui n’avaient pas vu une classe depuis des lustres, les éditeurs désirant vendre et se démarquer les propageaient via les manuels scolaires « modernes » et les médias avides de nouveautés s’émerveillaient devant des discours jargonneux d’apparence intelligente, alléchés par des méthodes importées de l’étranger (le « constructivisme » américain mal compris et édulcoré en France). Les parents, à qui l’on répétait que le niveau montait, confortés par des notes élevées et l’absence de sanctions, faisaient confiance à l’institution et à son discours lénifiant, faisant semblant de croire que l’explosion de la violence et des incivilités que l’on déplorait dans le reste de la société épargnait, par miracle, ces sanctuaires qu’étaient les établissements scolaires. Le lobby pédagogiste a finalement réussi à niveler par le bas, confondant égalité des chances et égalitarisme niveleur, à fabriquer de l’illettrisme et de l’innumérisme, à promouvoir la médiocrité, à discréditer l’effort et le travail, et parallèlement à détruire le respect du savoir et de ceux qui le prodiguent. L’acharnement de la dernière ministre socialiste de l’Éducation nationale contre le latin, l’allemand, la grammaire, la langue française, traitant les Académiciens et philosophes qui s’opposaient à son action de « pseudo-intellectuels » en dit long à ce sujet. Quant aux enseignants, non contents de voir se dégrader leurs conditions de travail sous les gouvernements de gauche (classes plus chargées, érosion de leur autorité, violences scolaires, programmes inadaptés, réformes contre-productives), ils virent leur situation financière ou leur image dans la société s’effondrer en quelques années. La droite en effet tenta de les amadouer et n’osa guère toucher à l’Éducation nationale de peur de déclencher une nouvelle guerre scolaire : à l’exception peut-être de Xavier Darcos qui tenta de s’attaquer aux racines du problème, les ministres, dont certains comme Luc Ferry avaient une vision sans œillère de la situation, se contentèrent de gérer la maison pour ne pas faire trop de vagues et ne pas encourir une mobilisation générale de cette gauche qui les attendait au tournant.
Et pourtant ! La gauche de gouvernement, sans doute parce qu’elle considérait les enseignants et les administratifs de l’Éducation Nationale comme une clientèle acquise, se permit de ne pas faire d’efforts, stigmatisa non pas les perturbateurs mais les professeurs (notamment sous Claude Allègre dont l’influence fut désastreuse sur le vote enseignant qui commença à déserter le PS), nia toute violence scolaire ou baisse du niveau, imposa sans grande concertation (et même aucune sous Najat Vallaud-Belkacem) des réformes directement inspirées du pédagogisme alors même que de plus en plus d’enseignants de gauche en dénonçaient les effets pervers. Pire, elle sembla s’acharner sur la condition de ses fonctionnaires : gel du point d’indice, révision de textes alourdissant les « obligations » de service, mise sous contrôle et limitation de la liberté pédagogique au strict minimum … Aux espoirs de ce peuple de gauche succéda la désillusion et le sentiment (la réalité) du déclassement.
Néanmoins nombreux sont ceux qui à gauche dénoncent aujourd’hui en interne cette OPA perverse sur les consciences de gauche de la part du lobby pédagogisme qui, pendant près de deux voire trois décennies, par un matraquage constant (soutien des ministres, intérêt des médias, notamment des journaux dits « progressistes » influençant un lectorat idéologiquement captif, promotion de ces idées novatrices par les éditeurs soucieux de placer leurs manuels) a réussi à faire croire qu’il représentait toute la gauche. Et cela jusqu’à prendre quasiment le pouvoir au ministère de l’Éducation Nationale sous le quinquennat Hollande. Désormais, si la majorité des acteurs du système éducatif est désormais convaincue, sous la violence des faits et la répétition des échecs, que tout l’édifice est à repenser, il faut reconnaître que certains s’emploient à gauche à faire un constat lucide en forme de mea culpa , n’hésitant plus à dénoncer explicitement ceux qu’ils nomment les « imposteurs », ces pédagogistes qui ont prétendu représenter LA gauche et LES enseignants et avec qui l’actuel ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer est également entré également en conflit (et réciproquement) dès son arrivée rue de Grenelle. D’ailleurs ce Ministre, que les pédagogistes et la précédente ministre qualifient de « droite », est particulièrement apprécié par l’immense majorité des enseignants de gauche, preuve que les lignes bougent et que les yeux s’ouvrent. On entend de plus en plus qu’il est devenu urgent de dissocier radicalement les valeurs de gauche des délires égalitariste du pédagogisme et que, comme au temps de Jean-Pierre Chevènement (1984-1986), l’objectif de l’Éducation n’est pas seulement de sociabiliser les élèves et de les éduquer au vivre-ensemble (ce pour quoi, on le sait, l’École est aujourd’hui en échec) ni de former des générations dociles « pour les marchands », mais avant tout de transmettre des connaissances et d’instruire. On entend donc à gauche qu’il faut, à cette fin, œuvrer enfin clairement et vigoureusement à un anti-pédagogisme, de gauche lui aussi, virulent.
Une opportunité pour la droite
Car l’anti-pédagogisme, jusqu’à présent, fut de droite. Ou du moins fut présenté comme tel, des années durant, par le lobby pédagogiste. Il est entendu, dans les médias notamment (qui eux ne se remettent toujours pas en question et continent d’inviter prioritairement les fossoyeurs de l’Éducation et les anciens faiseurs d’opinion) qu’un anti-pédagogiste ne saurait être que de droite (un « réac »), voire d’extrême-droite (un « facho »). La réforme Belkacem inspirée par les « pédagos » du think tank Terra Nova étant considérée par ses promoteurs comme étant intrinsèquement de gauche, tous ceux qui s’y opposaient furent qualifiés de « pseudo-intellectuels », de bourgeois, de conservateurs, de privilégiés, de gens de droite (ou « droâte »). On les vit même prétendre dans Libération que le « prédicat » étant de gauche, ceux qui défendaient le COD, le bon vieux complément d’objet direct ringard, ne pouvaient être que de droite ! Au passage notons que le principal défenseur du prédicat, Michel Lussault, a démissionné du Conseil National des Programmes, en opposition à la politique qu’il qualifia « de droite » du Ministre Jean-Michel Blanquer. Le professeur de lettres Isabelle Dignocourt, auteur de l’ouvrage devenu un best-seller en interne L’Éducation nationale, une machine à broyer. Comment sauver nos enfants ? paru en août 2017 est traitée de « conservatrice » voire de « facho » par ceux dont elle dénonce les ravages sur l’institution scolaire et qu’elle nomme les « termites pédagogistes ». Les valeurs qu’elle défend sont dites « désuètes » par ces « experts » aux abois qui sentent que le vent est en train de tourner. De manière générale il est à noter que les valeurs que les Français veulent retrouver dans l’éducation sont précisément celles que les « pédagogistes » qualifiaient et qualifient toujours de « réac », de « droite » (pour eux donc, même la grammaire était de droite !), voire de « facho » (car ils ont depuis longtemps remplacé le débat par l’anathème et le procès d’intention). Ce sont celles que l’actuel ministre défend depuis son arrivée à Grenelle : restauration de l’autorité, de l’effort, de la citoyenneté, du mérite et donc de l’élitisme républicain, la fin de l’égalitarisme et du nivellement par le bas, le recentrage sur les fondamentaux et notamment la langue, écrite et orale, qui est le sésame indispensable pour qui aspire à monter dans l’ascenseur social, le retour à une histoire qui rend fier de l’appartenance à la nation, le civisme et la citoyenneté … Même s’il est évident que ces valeurs sont avant tout celles de la France et que nulle famille politique ne devrait les confisquer, la droite aurait tout intérêt à ramasser ce que certains lui attribuent et lui offrent sur un plateau, à s’emparer explicitement du combat de la refondation de l’École que les experts pédagogistes prétendent de droite et à soutenir celui dont les Français disent approuver l’action dans leur écrasante majorité, Jean-Michel Blanquer. A l’annonce de sa nomination rue de Grenelle les pédagogistes dénonçaient déjà (rappelons-nous la moue méprisante de la précédente ministre apprenant qui allait lui succéder !) le « retour de la droite » en tentant ainsi de fédérer par la peur d’une droite fantasmée, inégalitaire et liberticide qui n’aimerait pas les enseignants, l’armada des professeurs désabusés. Mais à force de crier au loup, cette fois, le stratagème n’a pas fonctionné.
L’échec de la gauche de gouvernement est patent et explique le divorce entre les enseignants et le parti socialiste. Mais un autre constat est que, jusqu’à présent, ces enseignants déçus et en colère ont réorienté leur vote vers l’extrême gauche (26% aux dernières élections présidentielles) et plus encore vers le centre, ou plus exactement ce qu’ils pensent être le centre (la République en Marche), soit 38% pour Emmanuel Macron. Avec 27% d'abstentionnistes, les enseignants se situent désormais dans la moyenne nationale, en rupture flagrante avec leurs habitudes de fidèles électeurs non-abstentionnistes (18% des professeurs de écoles se sont abstenus mais 39% des agrégés et 40% des professeurs de collèges, vent debout contre la réforme Belkacem).
Très peu sont partis durablement vers la droite ou l’extrême droite, si ce n’est à l’occasion de votes contestataires ponctuels de défiance et d’avertissement pour leur famille idéologique d’origine. Il faut y voir d’un côté le poids des réflexes d’appartenance idéologique ancrés à gauche mais également une certaine rancœur contre cette droite qui, au pouvoir, passe (parfois à tort mais les luttes syndicales ont amplifié l’écho des oppositions) pour avoir asséché les moyens de lutte contre l’échec scolaire, tari les recrutements, favorisé l’enseignement privé. Ce qui est certain en revanche c’est que la droite a assez peu pensé l’école, à l’exception du ministre Xavier Darcos qui en avait fait une priorité, de François Bayrou puis Luc Ferry qui avaient au moins pris conscience de la situation et dénoncé les dérives inquiétantes du système éducatif, de François Fillon qui y fit un trop bref passage entre mars 2004 et mai 2005 pour pouvoir y imprimer sa marque. Le candidat Fillon, en revanche, avait proposé en 2016-2017 un véritable programme pour l’École, « une priorité pour remettre la France debout » très proche de celui que Jean-Michel Blanquer met en place aujourd’hui et qui étonna par la justesse du constat et le pragmatisme des propositions les enseignants de gauche qui avaient eu la curiosité de s’y plonger. Sinon, face aux multiples symptômes du désastre dont l’actualité se fait l’écho (violences scolaire, baisse du niveau, entrisme islamiste, pénurie de professeurs …) qu’a proposé et qu’a fait la droite lorsqu’elle était au pouvoir hier, et que prône-t-elle aujourd’hui ? Jusqu’à présent pas grand-chose. À l’exception de la vieille « question scolaire » opposant sous les septennats Mitterrand partisans de « l’école publique » d’un côté, de « l’école privée», dite « libre » de l’autre, (combat aujourd’hui sur lequel ne s’excite plus aujourd’hui qu’une poignée d’anciens combattants de la laïque qui ne se sont pas rendu compte que la lutte s’était essoufflée, que le consensus dominait et que les priorités s’étaient déplacées ailleurs), on ne peut pas dire que la pensée de droite se soit véritablement emparée des problématiques éducatives .
La droite, donc, s’est assez peu engagée sur les questions scolaires, sans doute parce que le combat a longtemps semblé perdu d’avance, le corps enseignant apparaissant jusqu’à il y a peu comme un bloc solidaire et monolithique rassemblant des sensibilités de la « gauche plurielle », du PS et de leurs alliés « verts » jusqu’aux trotskistes, en passant par les communistes. Tout ce qui venait de la droite était condamné au refus a priori , à des manifestations de rejet, à la critique de la part d’une majorité écrasante d’enseignants. Inversement toute revendication légitime venant des acteurs de l’Éducation Nationale n’était ni entendue ni même écoutée à droite car suspectée d’émaner de réflexes habituels de professeurs gauchistes. C’est ainsi que la gauche, qui a joué un rôle historique indéniable dans le développement de l’École publique, laïque et obligatoire pour tous, avait fini par la confisquer sans partage. La droite a laissé faire et s’en est désintéressée. Aujourd’hui la droite doit à s’en tour s’engouffrer dans le créneau de la refondation de l’École et, déjà, quel que soit le positionnement des uns et des autres par rapport à la République en Marche et au président de la République, soutenir le Ministre de l’Éducation Nationale dont la politique rejoint les propositions constructives pour l’École du candidat Fillon.
Il y a un créneau à occuper, sans doute pas à la place de car, en face, à gauche, de plus en plus nombreux sont donc ceux qui songent aussi à la reconstruction de notre système éducatif sur des bases plus saines. Mais aussi . Car l’Éducation Nationale, c’est aussi et plus que jamais l’affaire de la droite.
(Prochains articles : Éducation Nationale : le constat d’une crise multiforme et généralisée ; les raisons du naufrage (1) : les ravages du pédagogisme ; les raisons du naufrage (2) : une démission généralisée ; le grand chantier de la refondation de l’École.)
Photo Lycée Gallieni : France 3 Régions


Les trois piliers du vote à droite — immigration, insécurité, identité — forment désormais un socle commun
Ce que les états-majors n’osent pas faire, les électeurs le feront



EXCLUSIF- Après les révélations du Figaro sur l’existence de dizaines de millions d’euros de subventions attribuées à des organismes proches de l’islam radical, le ministre délégué chargé de l’Europe Benjamin Haddad tape du poing sur la table, et appelle à renforcer la lutte contre les discours de haine.
Paris fera-t-il plier Bruxelles? Selon les informations exclusives du Figaro , la France va dénoncer très prochainement auprès de la Commission européenne les multiples financements que l’UE a attribués à des organismes promouvant l’islam radical, l’antisémitisme ou le séparatisme.
Dans une note consultée par Le Figaro , qui sera portée par le ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad, Paris appelle «l’Union européenne à redoubler ses efforts» dans la lutte contre l’antisémitisme et contre les discours de haine, et à «défendre les valeurs européennes (...) en évitant tout financement à des entités et personnes hostiles aux valeurs européennes». Ces « défaillances (...) sont de nature à nuire gravement à l’adhésion de nos concitoyens au projet européen» , peut-on aussi lire.
«Scandales réguliers»
D’après une source proche du dossier, cela fait suite à des «scandales réguliers» qui ont été révélés par Le Figaro il y a quelques semaines, et qui «démontrent un défaut de vigilance de la Commission et une capacité des organisations islamistes à se jouer de sa naïveté».
Rappelons en quelques lignes le fonctionnement des subventions européennes. En théorie, toutes organisations cherchant à en profiter doivent porter des actions «respectant les valeurs de l’UE» , à savoir la liberté, la démocratie, l’égalité, l’état de droit ou les droits de l’homme. Une fois les subventions approuvées en commissions - et il en existe pléthore -, elles sont référencées dans le système de transparence financière (STF), un site internet public dont le contenu est actualisé tous les 30 juin, et accordées dans le cadre de «programmes» et par des agences européennes spécifiques.
À titre d’exemple, l’UE a engagé en septembre 2024 une contribution de près de 2,5 millions d’euros pour le projet «LIFE Vinoshield» , qui cherche à protéger les vignes européennes contre les effets du dérèglement climatique. Un autre projet plus controversé, celui du « Coran européen » , qui souhaite prouver que «le Coran a joué un rôle important dans la formation de la diversité et de l’identité religieuses européennes médiévales et modernes» , a lui reçu 9,8 millions d’euros de subventions du Conseil européen de la recherche depuis son lancement en 2019. Des dizaines de milliers de projets aux ambitions aussi diverses que variées sont référencées ainsi sur le STF.
Une université qui appelait à l’«intifada mondiale»
Avec cette note, le gouvernement entend surtout dénoncer les organisations proches de l’islam radical ayant profité de l’argent européen. L’association FEMYSO, pour «Forum des organisations européennes musulmanes de jeunes et d’étudiants» , qui représente une trentaine d’associations de jeunesse dans 22 pays européens, est notamment en ligne de mire. Elle a reçu plus de 210.000 euros de l’UE. Pourtant, l’association a toujours été réputée comme étant proche des Frères musulmans.
Après avoir critiqué plusieurs lois françaises, notamment celle interdisant le port de signes religieux ostentatoires à l’école, FEMYSO, par la voix de sa présidente Hande Taner, avait critiqué la France dans une vidéo en novembre 2021, dans laquelle elle clamait que «la plus grosse exportation de la France est le racisme». Des propos tenus après le retrait d’une campagne de communication que l’association avait réalisé pour le Conseil de l’Europe, qui mettait en avant des affiches pro-voile, sur lesquelles on pouvait lire: «La beauté se trouve dans la diversité comme la liberté dans le hidjab» ou «Apportez de la joie, acceptez le hidjab».
L’ONG internationale Islamic Relief Worldwide a, elle, reçu pas moins de 18.834.433 euros de l’Europe entre 2014 et 2020. Cette association qui se présente comme caritative a pourtant été classée comme «terroriste» par Israël, la soupçonnant de financer le Hamas. L’un de ses responsables avait aussi qualifié en 2020 les juifs de «petits enfants de singes et de porcs». Son successeur avait lui caractérisé le Hamas comme étant le «plus pur mouvement de résistance de l’histoire moderne».
Les subventions versées à l’université islamique de Gaziantep sont également dans le collimateur de Paris. Cet établissement, situé en Turquie et qui a intégré le programme Erasmus+ en 2022, a profité d’un programme de subventions de 250.000 euros. Ses recteurs successifs avaient pourtant légitimé les mariages incestueux entre oncles et nièces, affirmé que les athées «adorent le diable» , que l’homosexualité est un «trouble psychologique» et appelé à une «intifada mondiale».
Près de deux millions d’euros ont aussi été versés à l’université islamique de Gaza, «établissement qui a accueilli des cadres du Hamas tels qu’ Ismail Haniyeh et Mohammed Deif » , expliquait au Figaro la sénatrice UDI de l’Orne Nathalie Goulet ( L’argent du terrorisme , éditions Le Cherche Midi, 2025).
«Lignes directrices»
Pour endiguer cette dilapidation d’argent public, la note portée par Benjamin Haddad soumet plusieurs propositions, comme la mise en place d’une «procédure de filtrage» et de «lignes directrices», pour que les agences européennes approuvant les subventions puissent être guidées face à des «concepts parfois abstraits, comme l’“hostilité aux valeurs européennes”», indique au Figaro notre source proche du dossier.
Elle appelle aussi à vérifier l’identité et les antécédents des personnes associées aux entités faisant la demande de financements. Actuellement, seuls les antécédents de l’entité elle-même sont scrutés - ce qui avait d’ailleurs été dénoncé en avril dernier par la Cour des comptes européenne dans un rapport au vitriol, portant sur l’opacité des subventions distribuées par l’UE. On pouvait y lire qu’ «aucune vérification n’est réalisée (par les gestionnaires) sur la dépendance financière ou les sources de financement (des entités subventionnées), alors que cela aurait permis d’obtenir des informations utiles sur les personnes qui se trouvent derrière (elles)».
La lutte contre l’antisémitisme comme priorité
Enfin, cette note prône une meilleure lutte contre l’antisémitisme, alors que les discours antijuifs ont explosé dans toute l’Europe depuis l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre 2023, et la guerre à Gaza qui a suivi.
Pour ce faire, Paris compte proposer d’étendre le champ des «eurocrimes» - ces méfaits considérés comme graves dans toute l’Union (terrorisme, mariage forcé...) - aux discours et crimes de haine.
La France appelle également la Commission à «utiliser tous les outils à sa disposition pour réguler les très grandes plateformes en ligne, en particulier grâce au règlement européen sur les services numériques (DSA)» , et à enseigner la mémoire de la Shoah dans tous les établissements scolaires en Europe.
La Commission européenne cernée de toutes parts
Cette note dite «libre» sera présentée dans un premier temps ce lundi à la ministre fédérale autrichienne des Affaires européennes, Claudia Plakolm, lors d’une réunion à Paris à laquelle le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et Benjamin Haddad doivent participer. Elle sera ensuite présentée formellement au Conseil des affaires générales (CAG), où les ministres des affaires européennes de l’ensemble des 27 ainsi qu’un représentant de la Commission européenne se réunissent une fois par mois.
Le sujet des subventions de l’UE se veut de plus en plus prégnant au sein des partis politiques. Toujours selon nos informations, à la suite des révélations du Figaro , la délégation du Rassemblement national au Parlement européen, menée par Jean-Paul Garraud, a adressé le 24 avril dernier une lettre à Ursula von der Leyen. Le courrier, cosigné par l’ensemble de la délégation dont Jordan Bardella, demandait à la présidente de la Commission européenne «de mettre fin définitivement à la subvention de toute association, ONG, université et autre structure liée de près ou de loin à l’islamisme. Il est temps que l’Union européenne mette fin à sa naïveté», pouvait-on lire. Pour l’heure, ce courrier est resté lettre morte. À voir si la note du gouvernement connaît le même sort.




