Éducation Nationale : les lignes rouges sont franchies

  • par Natacha Gray
  • 01 févr., 2018

La crise que traverse l'Education nationale est une opportunité pour la droite. Explications. 

Entre la droite et l’Éducation Nationale, les relations ont souvent été difficiles. Mais à  l’heure où il n’y a plus grand monde pour refuser de voir que le système éducatif français est entré dans une crise profonde, aboutissement d’un long processus de dégradation de l’autorité des professeurs, de la qualité des enseignements, de dévoiement des missions de l’École, la gauche (tant celle de gouvernement que celle des penseurs de l’acte d’enseigner, ces tristement célèbres pédagogistes qui ont inspiré les principales réformes depuis trente ans) semble à présent discréditée aux yeux de ses propres soutiens. Des voix s’y élèvent, de plus en plus nombreuses, pour réclamer le retour au bon sens, au pragmatisme, aux fondamentaux, pour penser et refonder l’École autrement et dénoncer les « imposteurs » du pédagogisme qui prétendaient représenter LA gauche et qui ont connu leur heure de gloire sous le quinquennat de François Hollande. En face que fait la droite ? Que propose-t-elle ? L’heure semble venue d’un retour à ces pratiques et valeurs que les apprentis-sorciers prétendaient être « de droite », « inégalitaires » (on sait qu’une partie de la gauche confond égalité et égalitarisme), « réactionnaires »: maîtriser la langue française tant à l’écrit qu’à l’oral, compter et réfléchir, instruire, aider l’individu à s’émanciper, revenir à la méritocratie républicaine, glorifier le travail et l’effort, la discipline et l’autorité. Dans ce contexte, plus que jamais, la droite ne peut se permettre de manquer ce rendez-vous avec le monde déboussolé et désespéré de l’Éducation Nationale, ancien fief incontesté de la gauche.    

L’affaire Galliéni : un avertissement entendu !

 L’histoire du lycée Gallieni à Toulouse où une soixantaine de professeurs se sont mis en grève pour protester contre la dégradation de leurs conditions de travail dans un lycée devenu espace de non-droit a mis brutalement sur le devant de la scène régionale puis nationale une situation qui n’a pourtant rien d’exceptionnel. Bien des établissements en France, et pas seulement en REP (réseau d’éducation prioritaire) la subissent depuis des années : d’un côté des enseignants et une majorité d’élèves qui jouent le jeu et vont travailler la peur au ventre, de l’autre une minorité d’élèves perturbateurs, totalement réfractaires à toute manifestation d’autorité, souvent déjà un pied au lycée, un pied au dehors, dont certains présentent déjà un casier judiciaire fourni et qui ont pris le pouvoir, en toute impunité. À Galliéni certains viennent en cours avec un bracelet électronique quand d’autres fument de l’herbe dans l’enceinte de l’établissement, intouchables (mineurs et/ou hors sanctions de la justice, si tant est qu’elle soit saisie par des équipes vivant dans la terreur et sous la menace parfois armée), multiplient les agressions verbales, souvent sexistes, mais également physiques envers leurs camarades et les équipes pédagogiques. De plus en plus nombreux sont ceux qui propagent une contre-culture en contradiction avec les programmes et le règlement intérieur (en sciences, en sport, dans les relations entre hommes et femmes), jusqu’à défendre et répandre pour certains l’idéologie djihadiste (d’où la présence de plusieurs « fichés S » au sein de l’établissement selon les enseignants grévistes). La situation de ce lycée est devenue explosive au point que l’Express en a fait la Une cette semaine (« Un lycée en état de guerre ») et que le Ministre de l’Éducation y a diligenté une équipe d’inspecteurs généraux qui viennent de lui rendre un rapport alarmant.

 Lignes rouges franchies

 Au-delà de ces cas dramatiques et médiatisés d’établissements qui entrent sous le feu de l’actualité parce que la violence déborde soudain des murs où l’on tentait de la cantonner dans le silence et le déni, la crise profonde que traverse l’Éducation nationale et qui semble enfin aujourd’hui évidente à tous, se traduit également, au niveau du territoire tout entier, par une démotivation des élèves mais aussi des enseignants, une inquiétante baisse du niveau général (et pas seulement dans les établissements difficiles) qui fait dégringoler la France dans les classements internationaux et un manque de sens civique souvent dénoncé chez ces jeunes générations individualistes et souvent irrespectueuses des codes, des usages et de l’autorité. Le manque d’éducation, tant parentale que scolaire, se manifeste de multiples façons dans une société sans repères ni valeurs communes car l’École ne parvient plus maintenant à jouer ce rôle de contre-pouvoir face à la démission des familles ou, pire, face à des idéologies toxiques inculquées à l’extérieur. Bien au contraire ce sont désormais de simples croyances (que l’on met sur le même plan que des sciences) et des usages culturels différents que les perturbateurs cherchent à s’imposer au sein des établissements allant jusqu’à mettre en cause violemment les connaissances historiques, les données physiques, astronomiques, biologiques, ou encore le bien fondé du règlement intérieur. Et les programmes les plus récents, loin de contribuer à aider des élèves d’origines culturelles différentes à s’émanciper tout en intégrant les valeurs de la République et donc à se décentrer par rapport à leurs origines, les ramènent en permanence à ce qu’ils sont et à leurs racines. Le problème pour la société dépasse donc largement les cas des élèves borderline qui, devenus majeurs, tentent de faire régner leur loi dans des zones de non-droit et des établissements à la dérive. Car c’est également celui de l’effondrement du niveau, des compétences et du sens civique, y compris pour les jeunes les plus « réglo », de plus en plus souvent dépeints par leurs employeurs comme incapables de faire face aux exigences du monde du travail (absentéisme, manque de conscience professionnelle et de résistance à l’effort, individualisme, indifférence face à l’intérêt collectif, défaut total d’autonomie, irresponsabilité voire incompétence …). L’ascenseur social est en panne, lui qui permettait hier encore à des populations pauvres, souvent culturellement différentes, de s’extirper de leur condition grâce à l’effort et au mérite (le fameux « élitisme républicain » rejeté par une gauche égalitariste qui n’a retenu de l’expression que le premier des deux mots, qui lui fait viscéralement horreur). Et pour cause, la méritocratie républicaine supposait un apprentissage du civisme, l’acceptation des codes, un certain sens de l’effort individuel et la maîtrise de la langue écrite et orale qui, quoi qu’on en dise, reste le principal marqueur de l’excellence, la ligne de démarcation de part et d’autre de laquelle se creusent aujourd’hui les inégalités les plus criantes.

 Une priorité nationale !

 Face à ces constats inquiétants on entend dire parfois et on lit fréquemment sur les réseaux que cela est l’affaire des enseignants, qu’ils l’ont « bien cherché » avec leur militantisme « gauchiste » qui leur interdisait d’interdire, leurs dénis de réalité pour ne pas « stigmatiser », leur pédagogisme hors-sol, loin des réalités de terrain, plus soucieux de faire « vivre ensemble » des générations à qui l’on donnait tous les droits (sans leur rappeler leurs devoirs !) que d’instruire et de donner aux plus défavorisés, comme autrefois, la chance de monter dans l’ascenseur social grâce à l’effort et au respect des règles et codes établis. Les professeurs ne récolteraient « que ce qu’ils ont semé ». À présent, « qu’ils se débrouillent ! » Tout cela n’est pas faux même si le corps enseignant n’est évidemment pas aussi monolithique ni leurs responsabilités aussi tranchées.

Bien au contraire, plus que jamais, parce qu’elle forme aujourd’hui les générations de demain, parce qu’elle est liée aux questions de sécurité, de respect, de civilité, parce qu’il ne sert à rien par exemple de vouloir rétablir un service national universel de quelques semaines voire quelques mois si l’on n’a pas éduqué à l’amont ces jeunes au respect de l’autorité, des règles, au civisme, à une certaine idée du collectif et de la nation, l’Éducation doit redevenir l’affaire de tous et bien évidemment une priorité nationale pour les gouvernements qui se succéderont. C’est d’ailleurs le message martelé par Jean-Michel Blanquer qui affirme que sa politique n’est ni de gauche ni de droite comme l’affirment ses adversaires mais simplement le retour du pragmatisme et du bon sens après des décennies d’idéologie et d’expérimentations pédagogistes. Et de fait l’anti-pédagogisme, d’essence citoyenne et républicaine, peut et doit venir de tous les côtés de l’échiquier politique.

 Une gauche discréditée mais qui réagit

 Il n’en reste pas moins que l’École a longtemps été la chasse gardée de la gauche, pour des raisons historiques aujourd’hui largement dépassées datant de la mise en place de l’école laïque, publique et obligatoire qui permit l’émancipation des plus défavorisés puis de ces « hussards noirs de la République », les instituteurs, qui voulaient donner une chance aux  enfants d'ouvriers, de paysans, de petits propriétaires de se hisser plus haut que leurs parents sur l’échelle sociale. Dès 1870 le père de l’école publique, Jules Ferry, qui appartenait au courant de la Gauche républicaine, lui donnait pour objectif de « faire disparaître la dernière, la plus redoutable des inégalités qui vient de la naissance, l'inégalité d'éducation ». Rappelons qu’à l’époque l’enseignement était prioritairement aux mains de l’Église et de ses congrégations, essentiellement soutenues par la droite. L’École publique devint donc une sorte de chasse gardée pour la gauche qui se réclamait de Condorcet, de Hugo, de Ferry puis de Jaurès. Les professeurs sont restés longtemps majoritairement de gauche et le rejet de la droite, inscrit dans une sorte d’inconscient collectif et véhiculé par une formation des maîtres en vase clos, reproductrice de réflexes idéologiques, gardienne de cette mémoire corporatiste où la droite, arc-boutée à des privilèges de classe, ne tenait pas le beau rôle de l’histoire. Il semblait donc « naturel » d’être de gauche lorsque l’on devenait enseignant. Il n’est qu’à voir la surprise, voire l’indignation de certains enseignants apprenant que tel collègue n’était pas de gauche, ou pire se réclamait de la « droâte », mot à prononcer avec le mépris qu’il se doit, et cela d’autant plus qu’une droite honteuse n’osait plus de son côté affirmer ses valeurs, notamment dans ce milieu enseignant où elle était -et reste- largement minoritaire et sur lequel régnait une sorte de terrorisme intellectuel gauchisant criminalisant toute voix discordante aussitôt qualifiée de « réac », voire de « facho ».  La gauche resta donc en position hégémonique et incontestée chez les enseignants et leurs syndicats, de l’école primaire à l’université, mais aussi chez les chefs d’établissements, dans l’administration rectorale, les corps d’inspection, la formation des maîtres.

Or cette gauche aux manettes non seulement n’est pas parvenue à enrayer le lent déclin de l’enseignement public (concurrencé par le privé, sous et hors contrat et par les cours particuliers), ni sa perte de qualité, ni la dégradation des conditions de travail des enseignants, mais nombreux sont ceux qui aujourd’hui, y compris à gauche, considèrent qu’elle les a accélérés. La peur de « stigmatiser » des élèves dont les parents constituaient sa nouvelle clientèle électorale (deuxième ou troisième génération d’immigrés) a conduit souvent au laxisme, à la démagogie, au nivellement par le bas, au découragement des bons élèves et de leurs professeurs, et chaque période de gouvernement de gauche a même vu une montée de la violence dans les quartiers difficiles, immédiatement répercutée au sein des établissements scolaires. La gauche, ou plutôt cette gauche des pédagogistes qui dominait intellectuellement depuis les années 1980 au sein des Rectorats, des instituts de formation des enseignants et bien évidemment des ministères a fini par imposer à tous les théories fantasques de penseurs autoproclamés « experts » qui n’avaient pas vu une classe depuis des lustres, les éditeurs désirant vendre et se démarquer les propageaient via les manuels scolaires « modernes » et les médias avides de nouveautés s’émerveillaient devant des discours jargonneux d’apparence intelligente, alléchés par des méthodes importées de l’étranger (le « constructivisme » américain mal compris et édulcoré en France). Les parents, à qui l’on répétait que le niveau montait, confortés par des notes élevées et l’absence de sanctions, faisaient confiance à l’institution et à son discours lénifiant, faisant semblant de croire que l’explosion de la violence et des incivilités que l’on déplorait dans le reste de la société épargnait, par miracle, ces sanctuaires qu’étaient les établissements scolaires. Le lobby pédagogiste a finalement réussi à niveler par le bas, confondant égalité des chances et égalitarisme niveleur, à fabriquer de l’illettrisme et de l’innumérisme, à promouvoir la médiocrité, à discréditer l’effort et le travail, et parallèlement à détruire le respect du savoir et de ceux qui le prodiguent. L’acharnement de la dernière ministre socialiste de l’Éducation nationale contre le latin, l’allemand, la grammaire, la langue française, traitant les Académiciens et philosophes qui s’opposaient à son action de « pseudo-intellectuels » en dit long à ce sujet. Quant aux enseignants, non contents de voir se dégrader leurs conditions de travail sous les gouvernements de gauche (classes plus chargées, érosion de leur autorité, violences scolaires, programmes inadaptés, réformes contre-productives), ils virent leur situation financière ou leur image dans la société s’effondrer en quelques années. La droite en effet tenta de les amadouer et n’osa guère toucher à l’Éducation nationale de peur de déclencher une nouvelle guerre scolaire : à l’exception peut-être de Xavier Darcos qui tenta de s’attaquer aux racines du problème, les ministres, dont certains comme Luc Ferry avaient une vision sans œillère de la situation, se contentèrent de gérer la maison pour ne pas faire trop de vagues et ne pas encourir une mobilisation générale de cette gauche qui les attendait au tournant.

Et pourtant ! La gauche de gouvernement, sans doute parce qu’elle considérait les enseignants et les administratifs de l’Éducation Nationale comme une clientèle acquise, se permit de ne pas faire d’efforts, stigmatisa non pas les perturbateurs mais les professeurs (notamment sous Claude Allègre dont l’influence fut désastreuse sur le vote enseignant qui commença à déserter le PS), nia toute violence scolaire ou baisse du niveau, imposa sans grande concertation (et même aucune sous Najat Vallaud-Belkacem) des réformes directement inspirées du pédagogisme alors même que de plus en plus d’enseignants de gauche en dénonçaient les effets pervers. Pire, elle sembla s’acharner sur la condition de ses fonctionnaires : gel du point d’indice, révision de textes alourdissant les « obligations » de service, mise sous contrôle et limitation de la liberté pédagogique au strict minimum … Aux espoirs de ce peuple de gauche succéda la désillusion et le sentiment (la réalité) du déclassement.

Néanmoins nombreux sont ceux qui à gauche dénoncent aujourd’hui en interne cette OPA perverse sur les consciences de gauche de la part du lobby pédagogisme qui, pendant près de deux voire trois décennies, par un matraquage constant (soutien des ministres, intérêt des médias, notamment des journaux dits « progressistes »  influençant un lectorat idéologiquement captif, promotion de ces idées novatrices par les éditeurs soucieux de placer leurs manuels) a réussi à faire croire qu’il représentait toute la gauche. Et cela jusqu’à prendre quasiment le pouvoir au ministère de l’Éducation Nationale sous le quinquennat Hollande. Désormais, si la majorité des acteurs du système éducatif est désormais convaincue, sous la violence des faits et la répétition des échecs, que tout l’édifice est à repenser, il faut reconnaître que certains s’emploient à gauche à faire un constat lucide en forme de mea culpa, n’hésitant plus à dénoncer explicitement ceux qu’ils nomment les « imposteurs », ces pédagogistes qui ont prétendu représenter LA gauche et LES enseignants et avec qui l’actuel ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer est également entré également en conflit (et réciproquement) dès son arrivée rue de Grenelle. D’ailleurs ce Ministre, que les pédagogistes et la précédente ministre qualifient de « droite », est particulièrement apprécié par l’immense majorité des enseignants de gauche, preuve que les lignes bougent et que les yeux s’ouvrent. On entend de plus en plus qu’il est devenu urgent de dissocier radicalement les valeurs de gauche des délires égalitariste du pédagogisme et que, comme au temps de Jean-Pierre Chevènement (1984-1986), l’objectif de l’Éducation n’est pas seulement de sociabiliser les élèves et de les éduquer au vivre-ensemble (ce pour quoi, on le sait, l’École est aujourd’hui en échec) ni de former des générations dociles « pour les marchands », mais avant tout de transmettre des connaissances et d’instruire. On entend donc à gauche qu’il faut, à cette fin, œuvrer enfin clairement et vigoureusement à un anti-pédagogisme, de gauche lui aussi, virulent.


Une opportunité pour la droite

 Car l’anti-pédagogisme, jusqu’à présent, fut de droite. Ou du moins fut présenté comme tel, des années durant, par le lobby pédagogiste. Il est entendu, dans les médias notamment (qui eux ne se remettent toujours pas en question et continent d’inviter prioritairement les fossoyeurs de l’Éducation et les anciens faiseurs d’opinion) qu’un anti-pédagogiste ne saurait être que de droite (un « réac »), voire d’extrême-droite (un « facho »). La réforme Belkacem inspirée par les « pédagos » du think tank Terra Nova étant considérée par ses promoteurs comme étant intrinsèquement de gauche, tous ceux qui s’y opposaient furent qualifiés de « pseudo-intellectuels », de bourgeois, de conservateurs, de privilégiés, de gens de droite (ou « droâte »). On les vit même prétendre dans Libération que le « prédicat » étant de gauche, ceux qui défendaient le COD, le bon vieux complément d’objet direct ringard, ne pouvaient être que de droite ! Au passage notons que le principal défenseur du prédicat, Michel Lussault, a démissionné du Conseil National des Programmes, en opposition à la politique qu’il qualifia « de droite » du Ministre Jean-Michel Blanquer. Le professeur de lettres Isabelle Dignocourt, auteur de l’ouvrage devenu un best-seller en interne L’Éducation nationale, une machine à broyer. Comment sauver nos enfants ? paru en août 2017 est traitée de « conservatrice » voire de « facho » par ceux dont elle dénonce les ravages sur l’institution scolaire et qu’elle nomme les « termites pédagogistes ». Les valeurs qu’elle défend sont dites « désuètes » par ces « experts » aux abois qui sentent que le vent est en train de tourner. De manière générale il est à noter que les valeurs que les Français veulent retrouver dans l’éducation sont précisément celles que les « pédagogistes » qualifiaient et qualifient toujours de « réac », de « droite » (pour eux donc, même la grammaire était de droite !), voire de « facho » (car ils ont depuis longtemps remplacé le débat par l’anathème et le procès d’intention). Ce sont celles que l’actuel ministre défend depuis son arrivée à Grenelle : restauration de l’autorité, de l’effort, de la citoyenneté, du mérite et donc de l’élitisme républicain, la fin de l’égalitarisme et du nivellement par le bas, le recentrage sur les fondamentaux et notamment la langue, écrite et orale, qui est le sésame indispensable pour qui aspire à monter dans l’ascenseur social, le retour à une histoire qui rend fier de l’appartenance à la nation, le civisme et la citoyenneté  … Même s’il est évident que ces valeurs sont avant tout celles de la France et que nulle famille politique ne devrait les confisquer, la droite aurait tout intérêt à ramasser ce que certains lui attribuent et lui offrent sur un plateau, à s’emparer explicitement du combat de la refondation de l’École que les experts pédagogistes prétendent de droite et à soutenir celui dont les Français disent approuver l’action dans leur écrasante majorité, Jean-Michel Blanquer. A l’annonce de sa nomination rue de Grenelle les pédagogistes dénonçaient déjà (rappelons-nous la moue méprisante de la précédente ministre apprenant qui allait lui succéder !) le « retour de la droite » en tentant ainsi de fédérer par la peur d’une droite fantasmée, inégalitaire et liberticide qui n’aimerait pas les enseignants, l’armada des professeurs désabusés. Mais à force de crier au loup, cette fois, le stratagème n’a pas fonctionné.

 L’échec de la gauche de gouvernement est patent et explique le divorce entre les enseignants et le parti socialiste. Mais un autre constat est que, jusqu’à présent, ces enseignants déçus et en colère ont réorienté leur vote vers l’extrême gauche (26% aux dernières élections présidentielles) et plus encore vers le centre, ou plus exactement ce qu’ils pensent être le centre (la République en Marche), soit 38% pour Emmanuel Macron. Avec 27% d'abstentionnistes, les enseignants se situent désormais dans la moyenne nationale, en rupture flagrante avec leurs habitudes de fidèles électeurs non-abstentionnistes (18% des professeurs de écoles se sont abstenus mais 39% des agrégés et 40% des professeurs de collèges, vent debout contre la réforme Belkacem).

Très peu sont partis durablement vers la droite ou l’extrême droite, si ce n’est à l’occasion de votes contestataires ponctuels de défiance et d’avertissement pour leur famille idéologique d’origine. Il faut y voir d’un côté le poids des réflexes d’appartenance idéologique ancrés à gauche mais également une certaine rancœur contre cette droite qui, au pouvoir, passe (parfois à tort mais les luttes syndicales ont amplifié l’écho des oppositions) pour avoir asséché les moyens de lutte contre l’échec scolaire, tari les recrutements, favorisé l’enseignement privé. Ce qui est certain en revanche c’est que la droite a assez peu pensé l’école, à l’exception du ministre Xavier Darcos qui en avait fait une priorité, de François Bayrou puis Luc Ferry qui avaient au moins pris conscience de la situation et dénoncé les dérives inquiétantes du système éducatif, de François Fillon qui y fit un trop bref passage entre mars 2004 et mai 2005 pour pouvoir y imprimer sa marque. Le candidat Fillon, en revanche, avait proposé en 2016-2017 un véritable programme pour l’École, « une priorité pour remettre la France debout » très proche de celui que Jean-Michel Blanquer met en place aujourd’hui et qui étonna par la justesse du constat et le pragmatisme des propositions les enseignants de gauche qui avaient eu la curiosité de s’y plonger. Sinon, face aux multiples symptômes du désastre dont l’actualité se fait l’écho (violences scolaire, baisse du niveau, entrisme islamiste, pénurie de professeurs …) qu’a proposé et qu’a fait la droite lorsqu’elle était au pouvoir hier, et que prône-t-elle aujourd’hui ? Jusqu’à présent pas grand-chose. À l’exception de la vieille « question scolaire » opposant sous les septennats Mitterrand partisans de « l’école publique » d’un côté, de « l’école privée», dite « libre » de l’autre, (combat aujourd’hui sur lequel ne s’excite plus aujourd’hui qu’une poignée d’anciens combattants de la laïque qui ne se sont pas rendu compte que la lutte s’était essoufflée, que le consensus dominait et que les priorités s’étaient déplacées ailleurs), on ne peut pas dire que la pensée de droite se soit véritablement emparée des problématiques éducatives .

La droite, donc, s’est assez peu engagée sur les questions scolaires, sans doute parce que le combat a longtemps semblé perdu d’avance, le corps enseignant apparaissant jusqu’à il y a peu comme un bloc solidaire et monolithique rassemblant des sensibilités de la « gauche plurielle », du PS et de leurs alliés « verts » jusqu’aux trotskistes, en passant par les communistes. Tout ce qui venait de la droite était condamné au refus a priori, à des manifestations de rejet, à la critique de la part d’une majorité écrasante d’enseignants. Inversement toute revendication légitime venant des acteurs de l’Éducation Nationale n’était ni entendue ni même écoutée à droite car suspectée d’émaner de réflexes habituels de professeurs gauchistes. C’est ainsi que la gauche, qui a joué un rôle historique indéniable dans le développement de l’École publique, laïque et obligatoire pour tous, avait fini par la confisquer sans partage. La droite a laissé faire et s’en est désintéressée. Aujourd’hui la droite doit à s’en tour s’engouffrer dans le créneau de la refondation de l’École et, déjà, quel que soit le positionnement des uns et des autres par rapport à la République en Marche et au président de la République, soutenir le Ministre de l’Éducation Nationale dont la politique rejoint les propositions constructives pour l’École du candidat Fillon.

 Il y a un créneau à occuper, sans doute pas à la place de car, en face, à gauche, de plus en plus nombreux sont donc ceux qui songent aussi à la reconstruction de notre système éducatif sur des bases plus saines. Mais aussi. Car l’Éducation Nationale, c’est aussi et plus que jamais l’affaire de la droite.

 

(Prochains articles : Éducation Nationale : le constat d’une crise multiforme et généralisée ; les raisons du naufrage (1) : les ravages du pédagogisme ; les raisons du naufrage (2) : une démission généralisée ; le grand chantier de la refondation de l’École.)


Photo Lycée Gallieni : France 3 Régions

par Aymeric Belaud 24 avril 2025
"Notre pays chute depuis 2020 et la période covid. De 66, sa note est descendue à 62,5 en 2024. Elle n’est certes pas la seule à voir son indice diminuer, mais elle reste une mauvaise élève parmi les pays développés. Elle a toujours été l‘une des dernières en Europe occidentale depuis la création de l’indice en 1995."
Une analyse intéressante de la liberté économique en France, pourtant qualifiée d'ultra libéral par certains ...

par Bernard Carayon 9 avril 2025
Magnifique tribunedans le JDD de notre ami Bernard Carayon qui souligne parfaitement toutes les incohérences de la Commission Européenne  en matière de défense !

par Pauline Condomines (VA) 8 avril 2025
"Ce mercredi 26 mars, au Palais des Sports, une conférence sur la menace islamiste a rassemblé un large public au Palais des Sports de Paris. Bruno Retailleau, Manuel Valls et de nombreux militants, chercheurs et auteurs ont appelé à la lutte contre un fléau qui “menace la République”."

par Lignes Droites 5 avril 2025

Nouveau grand succès pour la conférence de Lignes Droites du 3 avril !

Tous nos remerciements à Monsieur Patrice Michel pour son exposé très pédagogique sur le système judiciaire français, ses liens avec les instances européennes, son histoire, et son organisation au sein des différentes justices administratives, civiles et pénales.

Tous les participants (environ 75 personnes) ont particulièrement apprécié la clarté de cet exposé et quelques idées pour améliorer son efficacité. Deux rappels essentiels ont été fait :

- notre système judiciaire est là pour faire respecter la loi et bon nombre des reproches qui lui sont fait viennent en fait du politique.

- la neutralité de la justice française a été largement entamée par certains individus, en particulier issus du syndicat de la magistrature. Ce devrait être au Conseil Supérieur de la Magistrature de garantir cette neutralité politique.  Mais sans doute par corporatisme et lâcheté, il n'intervient pas assez, même face à des situations extrêmes comme celle du "mur des cons". Là encore ce devrait être au politique d'avoir le courage de mener à bien les réformes nécessaires pour s'assurer du bon fonctionnement du Conseil de la Magistrature.

par Maxime Duclos 4 avril 2025

Aujourd’hui, la France traverse un moment décisif. Dans une décision qui ne laisse aucun doute, Marine Le Pen se voit infliger une peine d’inéligibilité, à seulement deux ans des présidentielles. Ce verdict dépasse largement le simple domaine juridique pour s’inscrire dans un affrontement politique direct.

La magistrate Bénédicte de Perthuis affirme s’inspirer d’Eva Joly pour son parcours judiciaire et son engagement en tant que magistrate. Elle l’a d’ailleurs déclaré sans ambiguïté : « Eva Joly a changé mon destin. » lors d’un podcast en 2020. Une phrase forte, qui traduit bien plus qu’une simple admiration professionnelle. On y perçoit une affection profonde pour une figure dont les opinions, notamment sur la justice, sont tranchées et assumées.

Mais Eva Joly, au-delà de son parcours de magistrate, reste aussi un personnage politique clivant, dont l’engagement écologiste et les prises de position marquées ne laissent personne indifférent. L’apprécier, c’est souvent adhérer aussi, d’une certaine manière, à une certaine vision du monde et des combats idéologiques. Dès lors, difficile d’ignorer que cette inspiration, aussi sincère soit-elle, puisse laisser planer un doute sur une possible proximité idéologique.

Dans ce contexte, le Syndicat de la magistrature, connu pour ses positions marquées à gauche et ayant publiquement appelé à voter contre l’extrême droite le 12 juin 2024 ajoute une dimension particulière à cette affaire. Cette prise de position contribue à brouiller la frontière entre engagement idéologique et impartialité judiciaire.

Dès lors, difficile de ne pas voir dans cette condamnation un verdict dont l’écho dépasse le cadre strictement juridique pour résonner sur le terrain politique, au moment même où se prépare une échéance électorale majeure.

Encore plus inquiétant, l’identité des deux assesseurs qui ont participé au verdict reste inconnue, un manque de transparence qui renforce le sentiment d’un coup d’État judiciaire. Ce flou soulève des questions cruciales sur l’impartialité et l’indépendance de notre système judiciaire, surtout à l’approche d’un scrutin historique.

Ce moment demeure un symbole fort : la justice, qui devrait être la gardienne impartiale de nos lois, se retrouve aujourd’hui au centre d’interrogations profondes. Si la magistrate ne revendique pas ouvertement d’engagement politique, son admiration pour une figure aussi marquée qu’Eva Joly, ainsi que le contexte entourant cette décision, peuvent laisser penser que son jugement pourrait être influencé par une certaine orientation idéologique. Cela envoie un message clair à l’ensemble du paysage politique français et soulève inévitablement des questions sur la frontière, de plus en plus ténue, entre justice et politique.

Face à cette situation inédite, la nécessité de transparence s’impose, et il est essentiel que les interrogations sur l’indépendance de la justice soient pleinement abordées. Ce moment marque un tournant dans la vie politique française et pose une question fondamentale : la justice peut-elle encore être perçue comme une institution neutre, ou court-elle le risque d’être influencée par des dynamiques idéologiques qui dépassent son cadre strictement juridique ?

Comme l’ont souligné plusieurs responsables politiques, dans un moment aussi décisif, même si une condamnation doit être prononcée, le fait de rendre Marine Le Pen inéligible à seulement deux ans des présidentielles soulève des doutes légitimes sur la volonté politique et idéologique de l’empêcher d’accéder au pouvoir. Selon des estimations récentes de l’IFOP, Marine Le Pen aurait eu la possibilité d’obtenir entre 34 et 38% des voix au premier tour des présidentielles de 2027, selon plusieurs sondages récents. Cette décision semble dépasser le simple cadre juridique. Ce choix, dans un contexte aussi crucial, appartient au peuple et non à une juridiction.

Il en va de la confiance des 11 millions d’électeurs qui, sans pouvoir débattre, parlementer ou exercer leur droit démocratique, se voient privés de la possibilité de voter pour la représentante politique qui, selon les projections, aurait toutes les chances de jouer un rôle clé dans la politique de 2027. Cette décision semble porter une forme de nonchalance envers ces électeurs, en les privant de la possibilité d’exprimer leur voix de manière libre et démocratique. Ce n’est pas simplement une question de légalité, mais une tentative potentielle de déstabiliser le Rassemblement National, d’affaiblir ses capacités à se renforcer et à atteindre, d’ici 2027, une représentativité de 37% des suffrages, au moment où le débat politique pourrait être radicalement transformé par leur ascension.



NDLR : Merci à Maxime Duclos pour ses billets d'humeur toujours très intéressant. On pourrait ajouter queBénédicte de Perthuis n'avait pourtant pas une réputation de sévérité particulière puisque c’est elle qui avait prononcé la relaxe du ministre Olivier Dussopt, jugé pour favoritisme (et finalement condamné en appel !). Deux poids et deux mesures ?


par Pierre Lemaignen 2 avril 2025

Par la voix d'Eric Lombard, le ministre de l’économie, Bpifrance annonçait la semaine dernière vouloir collecter 450 millions d’euros auprès des Français pour les entreprises de défense, et la création à cette fin d’un fonds baptisé « Bpifrance Défense », réservé aux particuliers et destiné à la défense et à la cybersécurité.

Voyons le côté positif des choses : les Français vont peut-être enfin découvrir ce qu'est le private equity et ses bienfaits ! Sur la période 2013/2023, les rendements du private equity français ont été de l'ordre de 13% brut. Quelqu'un qui aurait investi 500 € en France dans cette classe d'actifs aurait aujourd'hui un capital net de frais d'environ 1000 €. Sur le papier, cet investissement a donc tout pour plaire avec des entreprises qui existent déjà et qui sont souvent bien implantées, un marché a priori florissant dans les années à venir et a priori une montagne de commandes à venir. Mais comme cela est répété pour toute publicité pour un placement financier : " Les performances passées ne préjugent pas des performances futures ". Car dans ce cas de figure en particulier, il y a des hics et pas des moindres ... Le problème essentiel n'est pas l'investissement ! Il y a énormément d'épargne et de trésorerie sur le marché actuellement. Le problème essentiel c'est qu'il faut des commandes sur le long terme. Or ces commandes publiques annoncées par les pays européens seront-elles encore là dans cinq ans ?

Il faut souligner plusieurs aspects sur le risque qui porte sur ces commandes publiques en particulier pour la France :

1. Chaque pays européen va investir en fonction de deux logiques :

- diplomatique : certains continueront à acheter du matériel américain quoi qu'il arrive

- industrielle : les commandes seront soumises à des impératifs nationaux pour soutenir l’industrie locale.

On peut donc toujours mettre en avant les investissements prévus pour l'ensemble de l'Europe, l'essentiel des retombées pour l'industrie française seront essentiellement issues de la politique nationale et pas seulement européenne ...

2. Quelle confiance peut-on avoir dans les annonces d'aujourd'hui ? L'Europe a toujours été une vraie girouette sur les sujets relatifs à la défense européenne, à la fois en termes de stratégie et d'investissement.

Encore aujourd'hui, un label ESG dans ce domaine est, de fait, quasi impossible (aux côtés de l’alcool, du tabac et des jeux d’argent ...).

Même la France qui a pourtant fait partie des bons élèves en termes d'investissement dans le domaine de la défense n'a pas toujours fait preuve d'une réelle constance (en particulier sous Hollande).

Au lendemain d'un inéluctable traité de paix signé entre l'Ukraine et la Russie dans l'année à venir, ou après un hypothétique effondrement du régime russe dont ils rêvent tous, l'hystérie collective de nos dirigeants européens sera-t-elle encore d'actualité ?

3. Acheter des chars est un investissement qui trouvera toujours des détracteurs acharnés dans notre société. Bien malin est celui capable aujourd'hui de nous dire qui sera au pouvoir en France en 2030 à l'échéance de ce fond d'investissement.  

4. Comment la France compte tenu de son endettement pourra-t-elle financer ces investissements ? Compte tenu de notre niveau d'endettement, il faudra soit augmenter la fiscalité (mais nous sommes déjà champion du monde ce qui plombe nos entreprises), soit trouver des arbitrages au détriment d'autres dépenses ... Mais quels sont les arbitrages que les français accepteront : la justice ? l'éducation ? La santé ? Je ne vous parle même pas des retraites ! Certains sondages montrent qu'une majorité de Français (et j'en fais partie) est favorable aujourd'hui à cette politique de réarmement ... Mais dès que le même sondage pose des questions sur les moyens de financer cette politique, d'ores et déjà, cette majorité s'effondre. Qu'en sera t'il dans deux ou trois ans ?

La France fait déjà aujourd'hui face à un mur de la dette absolument vertigineux ( la question n'est pas son existence mais la distance à laquelle il se trouve et le temps qu'il nous reste avant qu'on se le prenne en pleine figure) et une incapacité depuis 50 ans à apporter la moindre réforme à son modèle social. Comment peut on considérer sérieusement les annonces d'augmentation du budget français de la défense de plusieurs dizaines de milliards d'euros ?

Bref, ce type de financement peut éventuellement être une poule aux œufs d'or. Il présente aussi des risques intrinsèques majeurs ! Et il faudra regarder en détail l'offre qui sera faite et analyser de manière très prudente les engagements sur les commandes à venir. Mais il est fort à craindre que dans la précipitation, nous soyons en train de mettre la charrue avant les bœufs pour participer au développement de nos entreprises !

par LR31 1 avril 2025
par Lignes Droites 13 mars 2025
Lignes Droites soutiendra toutes les candidatures d’union des droites. Bonne chance à David Gerson et à sa future équipe !

par Emmanuel Chaunu 13 mars 2025
par Maxime Duclos, adhérent Lignes Droites 10 mars 2025
Billet d'humeur d'un de nos adhérents,Maxime Duclos :  


En 1997, l’année de ma naissance, le taux de fécondité était de 1,71 enfant par femme, un chiffre déjà bien inférieur au seuil de remplacement des générations, estimé à environ 2,1 enfants par femme, sans que cela signifie pour autant que la parentalité allait de soi. Mais en 2024, les chiffres sont sans appel : 1,62 enfant par femme, et une chute des naissances qui semble inarrêtable. Comment en est on arrivé là ? Et surtout, pourquoi les jeunes d’aujourd’hui ne veulent-ils plus fonder de famille ?

La natalité française a connu une première chute importante après 1972, Mai 68 a profondément transformé la société française, et même si la chute de la natalité après 1972 n’est pas directement causée par ces événements, ils ont joué un rôle dans l’évolution des mentalités et des comportements qui ont ensuite influencé la fécondité. L’entrée massive des femmes sur le marché du travail, l’accès à la contraception et la légalisation de l’IVG en 1975 ont profondément modifié les comportements familiaux. Cependant, après cette période de déclin, la fécondité s’est stabilisée autour de 1,8-2 enfants par femme pendant plusieurs décennies. Depuis 2010, en revanche, la chute est spectaculaire : entre 2010 et 2024, le nombre de naissances est passé de 832 800 à 663 000, soit une baisse de 21,50 %. Un effondrement historique qui ne cesse de s’accélérer, sans qu’aucun véritable sursaut ne semble pointer à l’horizon.

Les raisons sont multiples, mais elles pointent toutes vers une réalité inquiétante : avoir un enfant en 2024 est devenu un choix difficile, parfois même un luxe. Pourtant, il est essentiel d’être honnête avec nous-mêmes : la précarité économique, bien que réelle, n’explique pas tout. Trop de jeunes se cachent derrière cet argument pour justifier un refus d’engagement bien plus profond. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui préfèrent "profiter" avant d’avoir des enfants, cherchant un confort personnel au détriment de la responsabilité collective. Cette mentalité est en partie héritée d’une éducation plus permissive, où les limites ont été repoussées, où la contrainte est devenue un gros mot. Les méthodes pédagogiques modernes, comme Montessori, sont souvent citées comme un progrès, mais elles traduisent aussi un changement de paradigme issu des transformations post-68 : un enfant doit s’épanouir à son rythme, être libre de ses choix, et ne pas être contraint. Résultat ? Une génération qui repousse l’effort, qui cherche avant tout son propre bien-être, et qui voit la parentalité comme une privation de liberté plutôt que comme un accomplissement.

Au-delà de cette évolution sociétale, l’idée même de nation s’efface. Faire des enfants, c’est assurer le renouvellement des générations, maintenir une dynamique économique, préserver un équilibre social. Or, nous vivons dans une société où l’individualisme prime sur l’intérêt collectif. Nous consommons, nous voyageons, nous vivons pour nous-mêmes sans nous soucier des répercussions à long terme. Cette quête incessante de liberté, ce refus des obligations, nous mènent à une impasse. Car moins de naissances, c’est aussi moins de travailleurs demain, une économie qui s’essouffle, et des systèmes de retraite qui s’effondrent. Nous ne voulons plus d’enfants, mais qui paiera alors pour notre vieillesse ?

Peut-on encore inverser la tendance ? Il ne s’agit pas de forcer les jeunes à avoir des enfants, mais de redonner du sens à la parentalité. Il faut retrouver un intérêt commun, réapprendre à voir l’avenir autrement que par le prisme de la jouissance immédiate. Faire des enfants, ce n’est pas seulement une contrainte, c’est une transmission, une continuité, un acte fondateur pour une société. Il faut redonner envie, réhabiliter la famille comme un pilier essentiel du bien-être personnel et collectif, et non plus comme une entrave. Tant que nous resterons enfermés dans cette quête illusoire de liberté absolue, tant que nous refuserons de voir au-delà de notre propre existence, la chute des naissances n’aura aucune raison de s’arrêter. Et avec elle, c’est tout un modèle de société qui s’effondrera.

Sources :

INSEE “Bilan démographique annuel”

INED “Pratiques parentales et enfance"

Plus de posts