2000-2020 : La longue agonie de la droite toulousaine
- par David Gerson
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- 26 mai, 2020
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2000-2020 : LA LONGUE AGONIE DE LA DROITE TOULOUSAINE

En l’an 2000, le RPR31 et l’ UDF31 font partie des fédérations de la droite et du centre-droit les plus puissantes de France. Depuis 1983 la ville est dirigée par Dominique Baudis, qui est également député de la Haute-Garonne. Sa réélection comme premier magistrat de la ville a toujours été acquise, que ce soit en 1989 ou en 1995, où il fut élu haut la main dès le 1er tour. Sa majorité municipale est composée alors, à part à peu près égale, entre membres du RPR31 et de l’UDF31. Pendant douze années la droite obtiendra même plusieurs sièges de députés dans une région traditionnellement acquise aux socialistes et aux MRG, et dirigera le Conseil Régional. Seul manque à l’appel le Conseil départemental resté à gauche (sans discontinuer depuis 1945), malgré de belles victoires dans quelques cantons comme celui en 1994 d’un certain Jean-Luc Moudenc.
Pendant la période 1983-2000, Toulouse et les partis de droite ont profité des ambitions que Dominique Baudis avait pour la ville dont il avait la charge et à qui il voulait donner un rôle national d’importance : Toulouse est devenue l’une des plus belles villes de France, et le RPR31, au fil des années, une fédération puissante. Nous avions un Maire centriste certes mais sans ambiguïté de centre-droit.
C’est également au cours de cette période que la droite a conquis de grandes villes du département, comme Balma, L’Union, Castelginest, Luchon, Muret ou Cugnaux dont le Maire Michel Aujoulat a dirigé pendant la dernière décennie le RPR31.
En ce qui concerne les élections nationales, notre terre traditionnellement de gauche, votait en majorité pour les candidats PS, mais le score de Jacques Chirac en 1995 frôla quand même les 50%.
C’est ainsi qu’à l’entrée du 21ème siècle, la situation est au beau fixe pour la Droite à Toulouse et en Haute-Garonne, avec un positionnement clair du RPR local. Fin du 1er acte, début du 2ème.
La première ombre au tableau arrive au premier trimestre 2000 : la décision de Dominique Baudis de ne pas se représenter à l’élection municipale de 2001, alors qu’il était initialement prévu qu’il se retire pour celle de 2007. Il demande à Philippe Douste-Blazy, ancien ministre de la culture de Jacques Chirac et actuel Maire de Lourdes, de mener la liste. Ce dernier est Secrétaire Général du CDS (composante la plus centriste de l’UDF), et va composer une liste qui va, à ce moment-là, pencher un peu plus vers le centre et commencer à intégrer de plus en plus de personnes issues de la société civile n’appartenant à aucune formation politique. Douste-Blazy remporte l’élection, mais est mis en ballotage au 1er tour. Au cours de cette élection, les villes de Balma et Cugnaux basculent à gauche. Va commencer aussi, dès le début de la mandature, au sein de la majorité, une guerre d’influence entre les proches du clan Baudis et ceux du clan Douste-Blazy.
La deuxième ombre au tableau arrive en 2002, avec la présence de Jean-Marie Le Pen au 2nd tour de l’élection présidentielle, le fameux front républicain inventé par la gauche qui se met en place, et la création rapide de l’UMP à la fin de l’année, qui va avoir des conséquences néfastes pour la droite républicaine (https://www.lignes-droites.fr/2002-2019-la-longue-chute-de-la-droite-francaise). Comme je l’écrivais précédemment dans cet article, cohabiter le temps d’une élection ou gouverner ensemble au sein d’un groupe majoritaire dans une assemblée n’a rien à voir avec vivre ensemble de façon permanente. Pour le RPR31, qui doit se fondre dans l’UMP31, le problème est double car au moment de sa création ce sont surtout des personnalités du Centre qui sont les élus principaux (Douste-Blazy, Maire et député, et Christine De Veyrac unique eurodéputée du département). Pendant les deux premières années, avec la Mairie partagée entre d’anciens élus RPR et UDF, les choses se déroulent plutôt dans un bon esprit.
En mars 2004, Philippe Douste-Blazy est appelé par Jacques Chirac au ministère de la Santé et démissionne de son mandat de Maire de Toulouse. Une élection au sein du conseil municipal doit désigner le nouveau magistrat de la ville. En pleine affaire Allègre qui met en cause Dominique Baudis dans des affaires de parties fines et de proxénétismes aggravées (il en sortira complètement blanchi mais y laissera sa santé), les ex-RPR ne sont pas favorables au poulain désigné par Douste-Blazy qui est le centriste Jean Luc Moudenc. Une opposition se met alors en place, prête à faire un groupe dissident, mais ces opposants, soit par manque d’organisation, soit plus probablement, selon moi, par manque de courage politique et par peur de perdre leurs postes et sièges, se couchent, et JLM est élu Maire de Toulouse par le conseil municipal le 31 mars 2004.
Cette guerre fratricide qui s’est installée au sein du conseil municipal entre ex-RPR et ex-UDF est dissimulée par le contexte national, grâce à un homme, Nicolas Sarkozy, qui prend la tête de l’ UMP en décembre 2004 et qui est élu triomphalement en 2007 Président de la République. Les élections municipales décalées d’un an en 2008 pour cause de surcharge du calendrier électoral devaient alors bien s’annoncer… Mais aux élections législatives suivant les présidentielles, JLM est battu dans la 1ère circonscription qui appartenait à la droite depuis 1986 ! Un maire faisant partie de la majorité présidentielle qui perd aussi nettement devrait peut-être s’interroger sur l’image ou la politique qu’il défend… Au regard des résultats et du score plus élevé qu’avait obtenus Nicolas Sarkozy dans cette circonscription six semaines avant, on s’aperçoit que l’électorat de droite est resté à la maison. De plus, toutes les autres circonscriptions reviennent à la gauche et la fédération UMP31 n’a plus qu’une seule élue eurodéputée !
Pour garder Toulouse et d'autres villes du département à droite, on comprend qu'aucune voix de droite ne doit manquer, d'autant que la gauche s'est remobilisée depuis le début du quinquennat de Sarkozy. Mais au lieu de reconquérir les électeurs de droite, Jean-Luc Moudenc, dans sa campagne, va au contraire essayer de conquérir les électeurs du centre gauche en ouvrant sa liste à des personnalités toulousaines issues de la gauche, beaucoup de membres de la société civile, avec un programme insuffisamment porté sur les thèmes privilégiés de la droite…. La fédération UMP31, principalement dévouée à l’élection municipale de Toulouse, ne peut aller que dans le sens du Maire candidat. De plus sa campagne sur le terrain démarre assez tardivement … Le résultat du 1er tour laisse à penser que c’est jouable mais, la gauche unifiée qui n’avait jamais réalisé un aussi bon score, se mobilise encore plus pour le 2nd tour, et Pierre Cohen l’emporte de 1200 voix. Dans le reste du département c’est aussi la Bérézina, de nombreuses villes sont remportées par la gauche dès le 1er tour et cette dernière obtient une majorité plus qu’absolue à la Métropole.
C’est dans un contexte assez houleux que se déroulent donc les élections internes à l’UMP31 en décembre 2008. Bien sûr, on reproche la perte de Toulouse à JLM qui s’est porté candidat à la présidence de la fédération, et c’est Christine De Veyrac qui l’emporte. Fin 2008 la droite toulousaine, moribonde, se retrouve donc avec … une centriste à la tête de la fédération. Fin du 2ème acte, début du 3ème.
A la sortie de l’élection interne, JLM est considéré comme un looser, voire un pestiféré, sans aucun avenir politique. Mais c’est mal connaître le personnage : besogneux, travailleur infatigable, pouvant aussi gagner l’ingagnable (souvenez-vous du canton cité plus haut gagné en 1994), il décide de faire de son groupe d’opposition au conseil municipal, son fer de lance pour reconquérir le Capitole en 2014.
Analysant son échec, il comprend que la reconquête de l’électorat de droite est la première des conditions et, pour rendre légitime sa candidature future, il doit reprendre la main sur la fédération dont les élections internes se tiennent en 2010 : recrutement dans son équipe de jeunes adhérents UMP, composition dans toutes les circonscriptions d’une liste pour avoir la majorité au conseil départemental UMP31, et surtout, se retrouvant face à de Veyrac, un programme de droite et vraiment de droite. Les élections se déroulent dans une atmosphère plus que tendue et, au final, se traduisent par une victoire nette de la ligne JLM. Le voilà élu président ! Laurence Arribagé qui a soutenu sa candidature, est nommée Secrétaire départementale. La première des missions est remplie. La fédération UMP31 se retrouve pour la première fois avec une majorité d’anciens RPR à la tête des circonscriptions.
La deuxième mission est de remettre un premier pied au Capitole (malgré un groupe d’opposition dissident qui s’est constitué au CM, mais qui n’ira pas bien loin et se ralliera par la suite de nouveau à JLM) et rien de mieux que les élections législatives de 2012 et la 3ème circonscription retaillée en 2008 par Sarkozy et qui serait favorable à la droite. Soutenant activement la campagne de Nicolas Sarkozy et malgré la défaite de ce dernier, JLM remporte l’élection législative, preuve que, quand on sait parler à l’électorat de droite, celui-ci se déplace en masse dans les urnes. Sa victoire est courte mais dans une France qui a basculé majoritairement à gauche, elle prend encore plus de sens et le lance véritablement dans la course au Capitole pour 2014 , même si les sondages sont favorables à Cohen… Mais bon, on sait ce que sont les sondages….
Du côté de la fédération, on prépare les élections de la Présidence de l’UMP (on ne reviendra pas sur cette malheureuse page de l’histoire de la droite française). On y retrouve les deux camps de l’élection interne : ceux qui étaient majoritairement favorables à JLM soutiennent Copé et les autres Fillon. Le score à l’UMP31 est sans appel en faveur de Copé et de sa ligne de droite décomplexée qui réalise un score de près 70%.
En 2013, comprenant que seul JLM est en capacité de remporter la Mairie en 2014, tout le monde se rallie derrière lui. JLM réussit le tour de force de réunir tous les partis du centre et de droite derrière sa candidature. Dans toutes les villes du département nous réussissons à avoir un candidat affiché UMP et non dissimulé (dont je fais partie à Blagnac) et, là aussi, dans la plupart tous les partis partent ensemble dès le 1er tour. Dans une France qui, en fin 2013, bascule dans une réaction anti-Hollande, le programme porté par les candidats insiste sur les thèmes, tels que la sécurité, la fiscalité, l’urbanisme, qui sont chers à l’électorat de droite. Alors qu’on le donnait perdant encore une semaine avant l’élection, JLM remporte Toulouse, et nous réussissons à conquérir des villes (Cugnaux, Balma, Fenouillet, Pibrac, Saint-Orens, Rieumes), tout en manquant de peu d’autres villes comme Blagnac, qui se joue à moins de 300 voix. Plusieurs jeunes de moins de 35 ans intègrent les conseils municipaux dans plusieurs villes de la Haute-Garonne, grâce notamment à l’excellent travail réalisé par Xavier Spanghéro à la tête des jeunes actifs ces cinq dernières années. Nous avons la majorité à la Métropole, Laurence Arribagé remporte l’élection législative partielle en mai pour remplacer JLM, et aux élections sénatoriales 2 sénateurs de droite sont élus.
C’est ainsi qu’à l’été 2014, au moment je suis nommé délégué de la 1ère circonscription, la situation de la droite toulousaine et haute garonnaise n’a jamais été aussi bonne. La fédération compte plus de 5500 adhérents à jour de cotisation. Les élections départementales, qui ont lieu en mars 2015 (pour lesquelles j’ai été investi sur le canton de Blagnac), nous sont promises. Fin du 3ème acte, début du 4ème .
Mais voilà, alors que nous avions gagné en défendant nos valeurs, en parlant à notre électorat, pour une raison que je ne sais pas encore expliquer aujourd’hui, JLM mais aussi Laurence Arribagé ont amorcé un virage à 180 degrés.
Cela commence avec la mise en place des accords politiques pour les élections départementales, qui n’est pas un scrutin de liste mais un scrutin uninominal avec un homme et une femme. En 2012, je rappelle que François Bayrou, président du MoDem appelle à voter Hollande, ce qui restera une trahison pour le peuple de droite. Eh bien, pour ces élections, on devra faire candidature commune dans certains cantons avec des candidats MoDem. Ca sera le cas pour moi à Blagnac, alors que le MoDem soutenait la candidature de mon adversaire aux municipales six mois auparavant ! La raison invoquée pour ce choix est que nous gagnerons des voix à gauche ! Moi, à ce moment-là, je me posais plutôt la question de savoir combien de voix à droite nous allions perdre ! JLM pensait que ce qu’il avait réussi à Toulouse aux municipales se reproduirait dans tout le département. Mais ce n’est pas la même chose d’avoir deux ou trois MoDem sur une liste de soixante-neuf candidats, noyés dans la masse, que d’appeler des électeurs de droite à voter directement pour un candidat MoDem ! On peut ajouter à cela que le programme imposé à la plupart des cantons était tout, sauf de droite ! Alors qu’on nous promettait le basculement, pour la première fois à droite depuis 1945, du conseil départemental, l’échec en fut plus cuisant : 3 malheureux cantons remportés sur 27, et une élimination dans la majorité des cantons hors Toulouse dès le 1er tour (Blagnac en fait partie !)
Pensant que cet échec nous servirait de leçon, je me suis rendu compte lors du conseil de notre parti, en interpellant JLM sur cette erreur de stratégie, que rien n’avait été appris car la seule réponse que j’ai obtenue, c’est que si c’était à refaire, on referait pareil. Et, justement, on recommence immédiatement la même chose pour les élections régionales qui ont lieu six mois après, nous imposant un candidat inconnu, à qui on a imposé les mêmes accords, et qui au final n’est même pas soutenu sur le terrain par ceux qui l’ont mis en place. J’ai apprécié l’homme, qui est d’une grande intelligence, mais je me demande encore ce qu’il est venu faire dans cette galère !
Mais bon, fin 2015, l’unité du parti et de la fédération sont de mise : pour les élections internes en janvier 2016, seule Laurence Arribagé est candidate et adoubée par JLM. Nous décidons avec d’autres de lui faire confiance sur la stratégie et sur la ligne. La voilà élue et quelques amis et moi sommes réélus dans nos fonctions.
Pour préparer l’alternance promise en 2017 à la droite, nous devons préparer la campagne présidentielle suivie de celle des législatives, avec les candidats proposés par notre fédération à la commission nationale d’investiture LR de Paris. Commence ici le début de la disparition de la droite toulousaine : les candidats ne sont pas choisis pour leurs compétences et le travail accompli depuis plusieurs années sur le terrain. Mais sont désignées des personnes qui ne représentent aucun danger pour les membres de la direction départementale, soucieux avant tout de sauvegarder leur poste, ou d'autres à qui on n'a pas pu donner une place éligible aux élections régionales en 2015, qui s’empresseront une fois battues de quitter le parti vers LREM ou AGIR.
C’est ainsi qu’un tiers des circonscriptions sont données à d’autres partis qui ne représentent pas grand-chose ! On évince Nicolas Bonleux sur la 2, Xavier Spanghero sur la 5, Anne Borriello sur la 6 parce qu’ils ont simplement osé, en interne, porter une autre voix. Viennent par la suite les démissions de notre parti, ou les non renouvellements d’adhésion de nos élus tel que Serban Iclanzan, un des seuls conseillers départementaux, ou Elizabeth Pouchelon figure historique de notre fédération dénonçant la perte des idées de droite , le manque de positionnement, le manque de rassemblement. Car au lieu de chercher à les écouter, à les mettre autour de la table, la présidente et la secrétaire départementale se sont au contraire repliées sur elles-mêmes et ont mis en avant des gens qui n’avaient aucune conviction, aucune idée, à l’image de toutes les nominations qui n’étaient dues qu’à des liens d’amitié !
On ne revient pas sur les primaires de la droite et les élections présidentielles perdues mais il fallait tout faire pour que les candidats LR puissent gagner des circonscriptions. Mais c’est à ce moment-là que JLM signe l’appel à aider Emmanuel Macron dans le redressement du pays. Les élections législatives en juin sont une débâcle, 9 candidats sur 10 sont éliminés dès le 1er tour, et Laurence Arribagé perd la 3ème circonscription, celle qu’on considérait à droite comme imperdable !
A la suite de ces élections, vus les résultats obtenus, nous nous attendions à une véritable prise de conscience, à un véritable changement, à des prises de décision … Mais encore une fois, on a fermé les yeux. Nous avons par conséquent décidé avec quelques amis de quitter nos fonctions au sein de la fédération parce que nous ne pouvions plus cautionner cette ligne. Une ligne, qui malgré les échecs répétés depuis les élections victorieuses de 2014 et le changement de stratégie et d’alliances, ne changerait pas, mais qui, pire encore, s'amplifiera malheureusement encore à l’approche des municipales de 2020. Au niveau de LR31, pour la première fois pour des élections municipales aucun comité départemental n’est organisé pour investir des candidats en Haute-Garonne, aucune tête de liste n’affichera nos couleurs, jusqu’à notre secrétaire départementale elle-même à l’Union. Pire encore, une cadre de la fédération désignée à l’origine tête de liste d’une des villes les plus importantes démissionne de sa fonction jusqu’à rendre sa carte pour se rallier au Maire sortant de gauche ! A Toulouse la moitié des candidats LR qui sont dans la liste de JLM n’ont jamais été vus au sein de la fédération. Et le « phénomène de mode » de l’écologie à tout va rattrape notre candidat qui fait l’inverse de ce qu’il avait fait six ans plus tôt, ne parle que des préoccupations de ceux qu’on surnomme les « bobos de gauche », et passe du « bleu de droite » au « vert de l’écolo» !
Même si l’abstention record due à la peur face au Coronavirus a amplifié l’ampleur de nos mauvais résultats, il ne faut pas se cacher derrière cette interprétation très partielle d’un score décevant. Si l’électorat de droite ne s’est pas déplacé dans toutes les villes de la Métropole , c’est aussi lié aux lignes défendues depuis six ans qui fait que nous nous sommes coupés de notre électorat. Ne pas l’admettre, c’est le risque de partir à nouveau à l’échec aux futures élections municipales qui ont de grandes chances d’être finalement rejouées pour tous. Servons-nous de ces résultats comme match d’entraînement sans conséquence et faisons tout pour gagner, rectifier la ligne, le discours et le programme, sinon la désillusion va être énorme car, cette fois, nous n’aurons plus rien.
La morale de cette histoire est simple : quand nous avons affirmé nos valeurs, quand nous n’avons pas eu peur d’afficher nos convictions de droite, c’est alors que nous avons obtenu les meilleurs résultats possibles, que nous avons remporté de nombreuses indiscutables victoires, toutes élections confondues. Certes nous n’avions pas tout gagné mais, quand nous perdions, nous restions proches de la victoire.
Mais dès lors que nous éloignons de ce que nous sommes, nos électeurs sont sans pitié et nous le font comprendre.
La droite républicaine et ses valeurs n’attendent qu’une chose : qu’on les représente !

TRIBUNE - La façon caricaturale dont est présenté le libéralisme dans le débat public est la preuve d’un manque criant de culture sur cette école de pensée, son exercice pratique, mais aussi sur ses acteurs et leurs origines, regrettent la docteur en sciences et l’essayiste*.
* Aurélie Jean a récemment publié « Le code a changé. Amour et sexualité au temps des algorithmes » ( L’Observatoire, 2024). Erwan Le Noan est l’auteur de L’Obsession égalitaire. « Comment la lutte contre les inégalités produit l’injustice » (Presses de la Cité, 2023).
Admettons-le, en France le libéralisme n’a pas bonne presse. Il est réduit à une conflictualité sociale, à un chaos économique, à une vilenie humaine dont il faudrait se méfier et s’éloigner. Dans un contresens alimenté par quelques esprits acerbes ou ignorants, l’imaginaire collectif l’associe à des figures autoritaires, à des héros immoraux ou à des épisodes brutaux. Le débat politique le présente comme une idéologie, à la fois dominante et sans cesse vacillante, structurée mais incertaine. La caricature le décrit sous les traits de privilégiés avides, soucieux de leur égoïsme. Tout cela est faux et démontre un manque de culture populaire sur cette école de pensée et son exercice pratique, sur ses acteurs et sur leurs origines. Car, contre l’idée reçue, on ne naît pas libéral, on le devient !
Être libéral, c’est se demander sans cesse comment, en toutes circonstances, rendre chaque individu plus libre de choisir sa vie, en respectant celle des autres. Être libéral, c’est être convaincu que la meilleure voie pour y parvenir est l’autonomie (non l’indépendance) individuelle et l’échange, qui fait croître la richesse et le savoir - et la cohésion sociale par l’entraide. Être libéral, c’est se rappeler que la liberté est fragile et que la défendre est un combat continuellement renouvelé, qui n’accepte pas de solution unique et implique un questionnement permanent.
Le libéralisme ne propose ainsi qu’un guide de lecture, une référence dans toute réflexion : en revenir systématiquement au choix libre et responsable de l’individu, pour que chacun puisse déterminer par soi-même la voie de sa propre conception d’une vie réussie. C’est un goût pour le doute qui impose la modération et le changement en réponse aux déséquilibres sociaux, économiques et culturels. Le libéral assume de se tromper et corrige sa pensée.
Aussi, le libéralisme ne s’hérite pas, il s’acquiert. Les plus convaincus des libéraux et les plus convaincants sont certainement ceux qui, venant de tout horizon social et économique, ont fait un cheminement intellectuel propre à leurs expériences.
Sa quête est celle de la créativité. Être libéral, c’est reconnaître à chacun sa part de talent et d’inventivité – et donc sa légitimité à participer à l’enrichissement intellectuel ou matériel du monde.Le libéral est, très tôt, revêche à toute forme d’autorité qui ne se légitime pas ou qui vient limiter l’épanouissement de l’individu. Il aime, chez Camus, l’aspiration à la révolte philosophique. Il remet sans cesse en question les affirmations. Cet esprit de fronde naît parfois dès l’école, comme chez Stefan Zweig.
Cette indocilité du libéral est une inquiétude, qui le conduit à se méfier de tout pouvoir, surtout démesuré, surtout s’il n’accepte pas la contestation : le libéral est fébrile devant les réflexes courtisans de ceux qui s’aplatissent complaisamment devant le renforcement continu de la puissance publique et son contrôle de nos vies. Il se retrouve dans Tocqueville ou Montesquieu. Il ne peut oublier que, au XXe siècle, c’est l’État, pas l’entreprise, qui a été l’instrument privilégié des pires abominations de l’histoire : le fascisme, le communisme, le nazisme. Le secteur privé n’est pas parfait, mais lui est soumis à la contradiction permanente de la concurrence.
Défier les vérités imposées
La révolte libérale est, plus encore, celle de tous ceux qui, au nom de la dignité de l’individu, ont résisté par les mots ou par les armes, aux totalitarismes : Arendt, Aron, Havel, Voltaire… Un libéral cherche à défendre la liberté des autres, même celle de ses contradicteurs ou celle dont il ne bénéficie pas.
On devient libéral en doutant des choix subis, en défiant les vérités imposées : tous les individus étant égaux, personne n’a le droit de choisir votre vie à votre place sans votre consentement explicite. Le libéral se retrouve dans les combats de Simone Veil pour les femmes. Il est ouvert à une réflexion honnête sur les évolutions de la société : la liberté individuelle sera-t-elle confortée ou amoindrie si la société admet la GPA ou une loi sur la fin de vie ?
Le libéral ne saurait dès lors être conservateur et encore moins réactionnaire, car il refuse les états de fait, il conteste les vérités imposées, il renie les réflexes qui obstruent la pensée. Il s’inquiète, il s’interroge, il doute jusqu’à se forger une conviction intime, conscient qu’elle n’est pas nécessairement partagée.
Le libéral n’est pas non plus un révolutionnaire, car, convaincu de l’égalité entre les individus, il privilégie le droit et la délibération. Il croit à la dignité de chacun et à la légitimité de toutes les paroles. Il se défie de « l’homme providentiel ». Il est démocrate.
Dépasser nos propre limites
Le libéral est dans un questionnement régulier, même en contradiction avec les siens. Avec Germaine de Staël, il s’inquiète des passions - et des populistes qui prétendent clore le débat. Il a appris à dompter les élans emportés de la colère, il plaide pour maîtriser la violence, même légitime. Il refuse tout ce qui attache les individus à une caste et rejette les assignations. Avec Vargas Llosa, il repousse l’obligation d’appartenir à une « tribu » et ne reconnaît que les allégeances choisies.
Sa quête est celle de la créativité. Être libéral, c’est reconnaître à chacun sa part de talent et d’inventivité - et donc sa légitimité à participer à l’enrichissement intellectuel ou matériel du monde.
La quête libérale se réalise souvent dans l’entrepreneuriat, c’est-à-dire dans la recherche du dépassement de nos propres limites, de notre propre finitude, en prenant le risque de créer ce vers quoi ou ceux vers qui conduisent nos aspirations. Est libéral celui qui cherche à créer sa voie. En ce sens, il favorise le marché, car il y voit le meilleur instrument de coordination volontaire de milliards de volontés divergentes.
Certains deviennent enfin libéraux par émotion. Par une répulsion instinctive de l’oppression, de l’injustice, de l’écrasement. Par une bouffée charnelle de liberté. Par une volonté irréductible et indomptable de tromper le sort. Par la découverte d’une force intérieure ou d’une espérance inextinguible. On ne naît pas libéral. On le devient.


Nouveau grand succès pour la conférence de Lignes Droites du 3 avril !
Tous nos remerciements à Monsieur Patrice Michel pour son exposé très pédagogique sur le système judiciaire français, ses liens avec les instances européennes, son histoire, et son organisation au sein des différentes justices administratives, civiles et pénales.
Tous les participants (environ 75 personnes) ont particulièrement apprécié la clarté de cet exposé et quelques idées pour améliorer son efficacité. Deux rappels essentiels ont été fait :
- notre système judiciaire est là pour faire respecter la loi et bon nombre des reproches qui lui sont fait viennent en fait du politique.
- la neutralité de la justice française a été largement entamée par certains individus, en particulier issus du syndicat de la magistrature. Ce devrait être au Conseil Supérieur de la Magistrature de garantir cette neutralité politique. Mais sans doute par corporatisme et lâcheté, il n'intervient pas assez, même face à des situations extrêmes comme celle du "mur des cons". Là encore ce devrait être au politique d'avoir le courage de mener à bien les réformes nécessaires pour s'assurer du bon fonctionnement du Conseil de la Magistrature.

Aujourd’hui, la France traverse un moment décisif. Dans une décision qui ne laisse aucun doute, Marine Le Pen se voit infliger une peine d’inéligibilité, à seulement deux ans des présidentielles. Ce verdict dépasse largement le simple domaine juridique pour s’inscrire dans un affrontement politique direct.
La magistrate Bénédicte de Perthuis affirme s’inspirer d’Eva Joly pour son parcours judiciaire et son engagement en tant que magistrate. Elle l’a d’ailleurs déclaré sans ambiguïté : « Eva Joly a changé mon destin. » lors d’un podcast en 2020. Une phrase forte, qui traduit bien plus qu’une simple admiration professionnelle. On y perçoit une affection profonde pour une figure dont les opinions, notamment sur la justice, sont tranchées et assumées.
Mais Eva Joly, au-delà de son parcours de magistrate, reste aussi un personnage politique clivant, dont l’engagement écologiste et les prises de position marquées ne laissent personne indifférent. L’apprécier, c’est souvent adhérer aussi, d’une certaine manière, à une certaine vision du monde et des combats idéologiques. Dès lors, difficile d’ignorer que cette inspiration, aussi sincère soit-elle, puisse laisser planer un doute sur une possible proximité idéologique.
Dans ce contexte, le Syndicat de la magistrature, connu pour ses positions marquées à gauche et ayant publiquement appelé à voter contre l’extrême droite le 12 juin 2024 ajoute une dimension particulière à cette affaire. Cette prise de position contribue à brouiller la frontière entre engagement idéologique et impartialité judiciaire.
Dès lors, difficile de ne pas voir dans cette condamnation un verdict dont l’écho dépasse le cadre strictement juridique pour résonner sur le terrain politique, au moment même où se prépare une échéance électorale majeure.
Encore plus inquiétant, l’identité des deux assesseurs qui ont participé au verdict reste inconnue, un manque de transparence qui renforce le sentiment d’un coup d’État judiciaire. Ce flou soulève des questions cruciales sur l’impartialité et l’indépendance de notre système judiciaire, surtout à l’approche d’un scrutin historique.
Ce moment demeure un symbole fort : la justice, qui devrait être la gardienne impartiale de nos lois, se retrouve aujourd’hui au centre d’interrogations profondes. Si la magistrate ne revendique pas ouvertement d’engagement politique, son admiration pour une figure aussi marquée qu’Eva Joly, ainsi que le contexte entourant cette décision, peuvent laisser penser que son jugement pourrait être influencé par une certaine orientation idéologique. Cela envoie un message clair à l’ensemble du paysage politique français et soulève inévitablement des questions sur la frontière, de plus en plus ténue, entre justice et politique.
Face à cette situation inédite, la nécessité de transparence s’impose, et il est essentiel que les interrogations sur l’indépendance de la justice soient pleinement abordées. Ce moment marque un tournant dans la vie politique française et pose une question fondamentale : la justice peut-elle encore être perçue comme une institution neutre, ou court-elle le risque d’être influencée par des dynamiques idéologiques qui dépassent son cadre strictement juridique ?
Comme l’ont souligné plusieurs responsables politiques, dans un moment aussi décisif, même si une condamnation doit être prononcée, le fait de rendre Marine Le Pen inéligible à seulement deux ans des présidentielles soulève des doutes légitimes sur la volonté politique et idéologique de l’empêcher d’accéder au pouvoir. Selon des estimations récentes de l’IFOP, Marine Le Pen aurait eu la possibilité d’obtenir entre 34 et 38% des voix au premier tour des présidentielles de 2027, selon plusieurs sondages récents. Cette décision semble dépasser le simple cadre juridique. Ce choix, dans un contexte aussi crucial, appartient au peuple et non à une juridiction.
Il en va de la confiance des 11 millions d’électeurs qui, sans pouvoir débattre, parlementer ou exercer leur droit démocratique, se voient privés de la possibilité de voter pour la représentante politique qui, selon les projections, aurait toutes les chances de jouer un rôle clé dans la politique de 2027. Cette décision semble porter une forme de nonchalance envers ces électeurs, en les privant de la possibilité d’exprimer leur voix de manière libre et démocratique. Ce n’est pas simplement une question de légalité, mais une tentative potentielle de déstabiliser le Rassemblement National, d’affaiblir ses capacités à se renforcer et à atteindre, d’ici 2027, une représentativité de 37% des suffrages, au moment où le débat politique pourrait être radicalement transformé par leur ascension.
NDLR : Merci à Maxime Duclos pour ses billets d'humeur toujours très intéressant. On pourrait ajouter queBénédicte de Perthuis n'avait pourtant pas une réputation de sévérité
particulière puisque c’est elle qui avait prononcé la relaxe du ministre
Olivier Dussopt, jugé pour favoritisme (et finalement condamné
en appel !). Deux poids et deux mesures ?

Par la voix d'Eric Lombard, le ministre de l’économie, Bpifrance annonçait la semaine dernière vouloir collecter 450 millions d’euros auprès des Français pour les entreprises de défense, et la création à cette fin d’un fonds baptisé « Bpifrance Défense », réservé aux particuliers et destiné à la défense et à la cybersécurité.
Voyons le côté positif des choses : les Français vont peut-être enfin découvrir ce qu'est le private equity et ses bienfaits ! Sur la période 2013/2023, les rendements du private equity français ont été de l'ordre de 13% brut. Quelqu'un qui aurait investi 500 € en France dans cette classe d'actifs aurait aujourd'hui un capital net de frais d'environ 1000 €. Sur le papier, cet investissement a donc tout pour plaire avec des entreprises qui existent déjà et qui sont souvent bien implantées, un marché a priori florissant dans les années à venir et a priori une montagne de commandes à venir. Mais comme cela est répété pour toute publicité pour un placement financier : " Les performances passées ne préjugent pas des performances futures ". Car dans ce cas de figure en particulier, il y a des hics et pas des moindres ... Le problème essentiel n'est pas l'investissement ! Il y a énormément d'épargne et de trésorerie sur le marché actuellement. Le problème essentiel c'est qu'il faut des commandes sur le long terme. Or ces commandes publiques annoncées par les pays européens seront-elles encore là dans cinq ans ?
Il faut souligner plusieurs aspects sur le risque qui porte sur ces commandes publiques en particulier pour la France :
1. Chaque pays européen va investir en fonction de deux logiques :
- diplomatique : certains continueront à acheter du matériel américain quoi qu'il arrive
- industrielle : les commandes seront soumises à des impératifs nationaux pour soutenir l’industrie locale.
On peut donc toujours mettre en avant les investissements prévus pour l'ensemble de l'Europe, l'essentiel des retombées pour l'industrie française seront essentiellement issues de la politique nationale et pas seulement européenne ...
2. Quelle confiance peut-on avoir dans les annonces d'aujourd'hui ? L'Europe a toujours été une vraie girouette sur les sujets relatifs à la défense européenne, à la fois en termes de stratégie et d'investissement.
Encore aujourd'hui, un label ESG dans ce domaine est, de fait, quasi impossible (aux côtés de l’alcool, du tabac et des jeux d’argent ...).
Même la France qui a pourtant fait partie des bons élèves en termes d'investissement dans le domaine de la défense n'a pas toujours fait preuve d'une réelle constance (en particulier sous Hollande).
Au lendemain d'un inéluctable traité de paix signé entre l'Ukraine et la Russie dans l'année à venir, ou après un hypothétique effondrement du régime russe dont ils rêvent tous, l'hystérie collective de nos dirigeants européens sera-t-elle encore d'actualité ?
3. Acheter des chars est un investissement qui trouvera toujours des détracteurs acharnés dans notre société. Bien malin est celui capable aujourd'hui de nous dire qui sera au pouvoir en France en 2030 à l'échéance de ce fond d'investissement.
4. Comment la France compte tenu de son endettement pourra-t-elle financer ces investissements ? Compte tenu de notre niveau d'endettement, il faudra soit augmenter la fiscalité (mais nous sommes déjà champion du monde ce qui plombe nos entreprises), soit trouver des arbitrages au détriment d'autres dépenses ... Mais quels sont les arbitrages que les français accepteront : la justice ? l'éducation ? La santé ? Je ne vous parle même pas des retraites ! Certains sondages montrent qu'une majorité de Français (et j'en fais partie) est favorable aujourd'hui à cette politique de réarmement ... Mais dès que le même sondage pose des questions sur les moyens de financer cette politique, d'ores et déjà, cette majorité s'effondre. Qu'en sera t'il dans deux ou trois ans ?
La France fait déjà aujourd'hui face à un mur de la dette absolument vertigineux ( la question n'est pas son existence mais la distance à laquelle il se trouve et le temps qu'il nous reste avant qu'on se le prenne en pleine figure) et une incapacité depuis 50 ans à apporter la moindre réforme à son modèle social. Comment peut on considérer sérieusement les annonces d'augmentation du budget français de la défense de plusieurs dizaines de milliards d'euros ?
Bref, ce type de financement peut éventuellement être une poule aux œufs d'or. Il présente aussi des risques intrinsèques majeurs ! Et il faudra regarder en détail l'offre qui sera faite et analyser de manière très prudente les engagements sur les commandes à venir. Mais il est fort à craindre que dans la précipitation, nous soyons en train de mettre la charrue avant les bœufs pour participer au développement de nos entreprises !