Education

Education 

par Jean-Baptiste Noé (dans Contrepoints) 07 janv., 2024
Un article intéressant qui explique bien la levée de boucliers de nos écoles et universités contre l'adoption de la loi immigration et de ses impacts concernant l’accueil des étudiants étrangers !

"L’adoption de la Loi immigration a provoqué un tollé inattendu dans le monde universitaire : démission du ministre de l’Enseignement supérieur (refusée par Matignon et l’Élysée), tribunes de présidents d’écoles et d’universités, interventions médiatiques multiples contre les dispositions de la loi touchant aux étudiants. C’est qu’en effet, pour beaucoup d’écoles supérieures et d’universités, l’étudiant étranger est une manne financière indispensable. "

 
par François-Xavier Bellamy 22 avr., 2023

Magnifique texte de François-Xavier Bellamy publié cette semaine dans Le Figaro en réaction aux projets du ministre Pap Ndiaye d'imposer de nouvelles règles dans l'école privée sous contrat concernant la mixité sociale :

http://mjet.fxbellamy.fr/nl3/Xo8Cd2MpwjyA5LyjUxNoIQ



par Maxime Tandonnet 30 mai, 2022
"Le coup politique est réussi: la nomination du nouveau ministre de l’EN soulève un tollé qui fait passer les uns pour de doux progressistes et les autres pour des racistes extrémistes. La question que nul ne se pose nulle part est celle-ci: quelle est dans l’expérience personnelle de M. Pap N’Diaye – qui n’a jamais assumé de responsabilité de commandement à ce niveau – la bonne raison de penser qu’il est le mieux placé pour diriger efficacement et réformer un ministère de 1 million de fonctionnaires, dont 900 000 enseignants, et 12 millions d’usagers nos enfants, premier budget de l’Etat (après le remboursement de la dette). Le coup politique est réussi. Et voici nos 12 millions d’enfants pris en otage d’une opération politico-idéologique."


par MPF et AP pour LD31 02 mai, 2022

La réforme du lycée, à la rentrée 2019, pour les voies générales et technologiques, avec la suppression des classiques filières S, ES et L au profit d'un enseignement de tronc commun1 assorti de trois2 enseignements de spécialité (au choix parmi douze) est un véritable fiasco conçu par des technocrates illuminés. Et ceci, soi-disant, pour favoriser découverte et épanouissement des lycéens, ces pauvres chéris ô combien martyrisés par « les matières traditionnelles ».

Pourquoi ?

Constats :

1.     D’une part, ces derniers et notamment les moins accompagnés (euphémisme), ont cru bon de délaisser des matières essentielles pour lesquelles ils n’avaient pas un goût particulier ou par attirance ou non de tel ou tel professeur, ou encore par intérêt du « fun » (langage djeun) et du moindre effort. Donc ils ont fait comme chez Mc Do, menu à la carte avec beaucoup de sucreries, sans se soucier de leur régime à venir.

2.     D’autre part, les parents (les moins sachants) perdus dans cet embrouillamini de spécialités et n’arrivant plus à identifier les orientations futures ou conséquences de tel ou tel choix, s’en sont remis aux sélections de leurs chérubins ou pire au jeu de l’oie !

Conséquences immédiates :

1.    Cette réforme a suscité un mécontentement général des enseignants des matières dites générales (maths, physique, langues, …) qui ont vu leurs quotas d’heures diminués par classe et leurs disciplines régresser (tant en effectif qu’en niveau) voir par ex note 3.

2.    Un casse-tête au niveau des personnels chargés des emplois du temps et de l’organisation du fonctionnement des lycées.

3.    Un désespoir des parents et de certains élèves qui se sont aperçus un peu tard (Parcoursup) qu’ils n’avaient pas pris les « bonnes spécialités ».

4.    Disparition de la classe traditionnelle, lieu de socialisation et de repère pour les élèves qui sont regroupés maintenant tout au long de la semaine au gré des enseignements de tronc commun, de spécialités et d’options. Cette nouveauté rend très difficile et aléatoire l’étude des dossiers des élèves de Terminale pour leur orientation dans le supérieur.

Conséquences à court terme :

1.    Une inadéquation des connaissances attendues versus le prolongement dans le supérieur alors que des coups de boutoirs ont été dispensés par le ministère et comités Théodule associés envers les établissements du supérieur afin qu’ils adaptent leurs « sélections » d’entrée de candidats au « souk » engendré, heureusement, encore, sans trop de succès pour le recrutement de la rentrée 2021.

2.    La réforme du lycée est bien avancée quand les services ministériels s’aperçoivent qu’il n’y aura pas d’adéquation entre le programme de terminale et les différentes CPGE (Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles). Des commissions sont mises en place rapidement pour adapter les filières et les programmes. Cela n’aura pas de grandes conséquences (du moins au niveau des programmes et des filières) pour les classes scientifiques et littéraires. En revanche, l’évolution est nette pour la voie économique.

Il y avait auparavant 3 filières dans cette voie, correspondant aux différentes voies du baccalauréat : scientifique, économique et technologique. La filière technologique ne sera pas touchée, pour l’instant. Pour les deux autres, les lycéens pourront choisir entre quatre voies possibles qui correspondent à peu près aux choix de spécialités proposés dans le second cycle :

a.     Maths approfondies/Economie

b.     Maths approfondies/Histoire, Géopolitique

c.     Maths appliquées/Economie

d.     Maths appliquées/Histoire, Géopolitique

En théorie, aucun des choix faits par les lycéens au niveau de leurs spécialités en 1ère ou Terminale ne pourra les empêcher de candidater en CPGE ECG (Ecoles de Commerce et de Gestion). Quand on lit les intitulés des quatre voies possibles, commençant tous par « Maths », et que l’on connaît le volume horaire et le coefficient de cette matière en prépa économique, il sera très difficile pour un élève ayant abandonné les mathématiques en fin de seconde d’envisager une orientation couronnée de succès dans cette voie !

Conséquences à moyen/long terme :

1.    Un déclin du choix des matières scientifiques par les lycéens (abandon des Maths par environ 45% des élèves, cf. réf 1) alors que le besoin national pour des formations dans ces disciplines est absolument avéré pour les décennies à venir (un manque évalué à 20 - 35% par an).

2.     La réforme des CPGE est entrée en vigueur en septembre 2021, la baisse des effectifs est immédiate : -13%. La réaction des autorités ne se fait pas attendre : fermeture de classes annoncées dès le mois de novembre, réduction de la capacité d’accueil pour d’autres et à terme bien d’autres fermetures. Bien entendu, les classes fermées ne se trouvent pas dans les lycées prestigieux ou de centre-ville, mais dans les lycées dits de proximité, là où l’ascenseur social est à l’œuvre grâce à ces classes.

Les écoles de commerce, quant à elles, ont commencé à anticiper cette évolution en ouvrant à fond les places en Bachelor (titre et non diplôme de niveau bac+3, sauf pour certaines écoles accréditées au niveau national).

Si cette évolution n’est pas enrayée, le pays devra se passer, à moyen terme, de cadres supérieurs bien formés au niveau Master.

Le point 1 a été particulièrement mis en exergue (ref 1) par les représentants de la communauté scientifique, technique, éducative et de recherche en mathématiques, et plus généralement en sciences, dans une tribune du Monde de l’Education du 15/03/2022 à l’occasion d’une réunion d’un comité d’experts (comité installé le 16/02/2022 par le ministre de l’Education nationale), comité présidé par la même personne aux manettes de la réforme du lycée, sur l’enseignement des mathématiques pour rendre ses préconisations au ministre.

Selon la référence 4, "toutes les disciplines de spécialités scientifiques accusent une baisse d’heures importante, exceptée l’informatique. Globalement, la formation scientifique baisse de 17.5 % en volume alors que le nombre d’élèves ne baisse que de 3 %. Par discipline, la baisse en volume est de 31 % en SVT, 35 % en physique-chimie, 38 % en mathématiques, et 75 % en SI".

"sur tous les élèves de terminale générale, 200 000 suivaient un parcours scientifique en terminale S en 2019. En 2020, 165 000 élèves ont des parcours scientifiques, et plutôt 155 000 en 2021 selon les premières estimations de la DEPP. La baisse du nombre d’élèves en parcours scientifiques est donc d’environ 20 %".

Par ailleurs, en sortant les maths du tronc commun en 1ère et Terminale, les chiffres montrent que la réforme creuse le fossé entre les élèves (ref 2). Fossé entre les garçons et les filles qui, pour des raisons de stéréotype de genres, ont tendance à abandonner plus facilement la matière (a). Fossé aussi entre les élèves issus de milieux défavorisés et ceux de familles CSP + qui bénéficient davantage de soutien scolaire en cas de difficulté mais aussi d'informations sur les stratégies d'orientation (b).

a)     Parmi les élèves de 1ère ayant choisi la spécialité maths, on comptait 50,1 % de filles en 2019, 48,5 % en 2020 et 48,1 % en 2021 et parmi les Terminales ayant gardé la spé maths, seuls 41,9 % des élèves étaient des filles en 2020, 39,8 % en 2021 selon les statistiques de l'Education nationale.

b)     Les élèves très favorisés sont surreprésentés parmi les Terminales ayant choisi la spécialité maths (48 %) et les plus défavorisés sont surreprésentés en littérature (35 %) selon mêmes stats.

Il y a urgence à revoir le processus d’accès aux études scientifiques et techniques (ref 3), face au recul important du nombre d’élèves, passé en cinq ans de 193 000 bacheliers scientifiques à 79 000. De plus, malgré un réel effort pour attirer plus de jeunes filles, le taux de féminisation plafonne à 27 % depuis cinq ans dans nos écoles d’ingénieurs et reste en deçà de 28 %, en moyenne, dans les entreprises. Ceci n’est pas sans conséquence pour la réindustrialisation de la France et les métiers d’avenir (technologie dites 4.0).

De même cela aura des conséquences sur le PIB de notre pays. Décrochage de plus en plus important du PIB/habitant en France par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE depuis 30 ans. Si en 2012 l’écart de PIB/habitant était de 7% entre l’Allemagne et la France (34,13K€/31,8K€), il est passé à 18% en 2020 (40.12K€ vs 34K€) !

Perspectives

A L’issue des consultations et des efforts des représentants mentionnés ci-dessus, le comité de consultation de la place des maths au lycée a remis ses propositions au ministre de l'Éducation nationale. Il recommande d'ajouter 1h30 à 2h de maths en première dès la rentrée 2022 pour les élèves qui ne suivront pas la spécialité maths, et de réfléchir aux programmes pour la rentrée 2023.

Concrètement, les auteurs suggèrent d'ajouter ces temps dédiés aux maths dans le programme d'enseignement scientifique. La matière deviendrait alors "ESM" (enseignement scientifique et mathématique) et passerait de 2h actuellement à 3h30 ou 4h. Cet ajout concernerait uniquement les élèves n'ayant pas pris la spécialité mathématiques.

Le comité a toutefois ouvert quelques pistes pour la rentrée 2023 :

·      donner accès à l'ESM à tous les élèves de première, y compris ceux ayant la spécialité maths ;

·      revoir les programmes de mathématiques en seconde, en spécialité de première et en option complémentaire en terminale ;

·      ouvrir l'option maths complémentaires aux élèves n'ayant pas suivi la spécialité maths en première.

Il faut continuer, à l’instar de certaines institutions ou collectifs (par ex voir ref 5 et 6) de prendre en compte ces problèmes afin d’envisager un avenir plus serein.

 

Conclusions :

Souhaitons que le prochain ministre de l’EN du futur gouvernement ne soit pas encore pris d’une frénésie de destruction (ou déconstruction pour employer un terme à la mode) en décidant d’une nouvelle réforme et mette fin à cette course néfaste qui entraine le « casse du siècle4 permanent ».

Le Ministère de l’Education Nationale (MEN) doit cesser d’être un laboratoire d’expérimentations plus ou moins farfelues, piloté par des inspecteurs généraux bien éloignés du terrain et autres conseillers idéologues ou cabinets de conseils mandatés.

Les enfants, leurs parents, le corps enseignant méritent mieux et l’avenir de notre nation dans la formation des futurs cadres en dépend.

STOP au MENgate !!

Notes

1 pour les élèves de première, seules deux heures d'enseignement scientifique sont enseignées dans le tronc commun par semaine.

2puis 2 en terminale

3 l es mathématiques sont la matière qui a perdu le plus grand nombre d'heures d'enseignement entre 2018 et 2020 en première et en terminale. Bien que la spécialité mathématiques demeure la plus choisie par les élèves de terminale générale, le nombre d'heures dispensées par les professeurs de mathématiques a chuté de plus 18% sur cette période, ce qui représente 33.500 heures en moins. N’est-ce pas là la véritable raison de la Réforme ? l’Education Nationale peine à recruter des enseignants, en particulier de mathématiques. Sous couvert de discours ministériel moderniste, la baisse de l’horaire de mathématique pallie en fait la faiblesse du recrutement.

4casse initié depuis 1969 (XX siècle) et perdure depuis le début du XXI siècle

Références

1 Article Le Monde de l’Education du 15/03/2022 signé par le Collectif des sociétés savantes et associations de mathématiques, astronomie et astrophysique, biométrie, biophysique, informatique, ingénieures, physique, physique-chimie, classes préparatoires scientifiques.

2 Article de la Provence par Laurence Mildonian publié le 21/02/2022 et entretien avec Cédric Villani

3 Livre Blanc de L’IESF : Face aux défis du XXI siècle les Propositions et Recommandations des Ingénieurs et Scientifiques de France, publié le 22 novembre 2021.

4 Dépêche AEF n°667670 Enseignement / Recherche - Enseignement scolaire, rédigé par Erwin Canard, publiée le 18/02/2022.

5 Nous, polytechniciennes, nous nous unissons pour promouvoir les mathématiques auprès des jeunes filles ». Les mathématiques offrent des possibilités de carrières infinies et une rigueur nécessaire dans un monde surinformé, expliquent, dans une tribune au « Monde », cinquante polytechniciennes, parmi lesquelles Karine Berger, Nathalie Kosciusko, Catherine Sueur et Estelle Brachlianoff. Par Collectif de l’X Publié le 31 mars 2022 à 13h00.

6 La mission sénatoriale sur le "bilan des mesures éducatives du quinquennat" a rendu ses conclusions le 23 février 2022.

par Julien Aubert et Robin Reda 11 déc., 2020

Les députés Julien Aubert et Robin Redadénoncent « les menaces de procès, insultes et harcèlements » qui ont suivi la proposition de création, à l’Assemblée nationale, d’une mission d’information sur les dérives idéologiques à l’université

Il se développe "aujourd’hui dans les médias, sur les réseaux sociaux, dans les tribunaux mais aussi les lieux de savoir, une culture de la déconstruction identitaire particulièrement belliqueuse et sectaire. De manière plus inquiétante, les relais de ce qu’il faut bien appeler une idéologie se sentent suffisamment forts pour tenter de museler les parlementaires qui souhaitent s’informer et prendre la mesure du phénomène."

Tribune à lire dans l'Opinion :

https://www.lopinion.fr/edition/politique/nous-appelons-a-resistance-contre-culture-deconstruction-i...
par Marie Glinel, Antoine Loneux-Bianco et Joseph Gallard 07 déc., 2020
L'IUT et le DUT étaient jusqu'à maintenant des filières d'excellence reconnues par tousen matière de formation courte.
Joseph Gallard et Marie-Glinel analysent les évolutions envisagées par le gouvernement pour ces cycles de formation, et mettent en évidencela signature de l’égalitarisme gauchiste qui va sans aucun doute les dévaloriser.

par Joseph Gallard 02 janv., 2020

"L'université devait être un lieu d'apprentissage, de développement de l'esprit critique et d'élévation du niveau intellectuel. Sous l'influence de petits groupes, elle s'est transformée en un espace de militantisme et de revendications politiques ,regrette Joseph Gallard, étudiant en master 1 de Sciences Politiques et ancien élu au conseil d'administration de l'université de Nice - Sophia Antipolis.

Allant à l'encontre de notre liberté, de la liberté en générale, des étudiants d'extrême gauche choisissent la voie de la violence et du blocage des universités. C'est le cas dans de nombreuses facultés telles que Bordeaux où des groupes composés d'étudiants mais encore plus surprenant de personnels et de professeurs, ont décidé de bloquer le campus de la Victoire. Des groupes — minoritaires — qui se sont adjugés le droit de décider à la place de la majorité en reportant des examens prévus en décembre. Les examens se tiendront donc en janvier à Bordeaux mais également à Lille et à Paris 1. Dans d'autres campus, les directions ont choisi de fermer leurs facultés, se soumettant ainsi aux groupuscules d'extrême gauche ; c'est le cas du Mirail et de Science Po Toulouse. Des événements qu'il faut aussi rapprocher de la journée du 12 novembre 2019, avec la destruction des grilles du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, mais également des agressions et de l'annulation qui ont émaillé la conférence de François Hollande à Lille. On peut aussi rappeler la conférence annulée de Sylviane Agacinski à Bordeaux ou les terribles blocages du 5 et 6 décembre de l'Université de Rennes."


Toulouse est malheureusement souvent cité dès lors que les activistes d'extrème gauche veulent perturber les universités.  Suite de cette  analyse de ces blocages par Joseph Gallard à lire sur le site de Valeurs Actuelles :
par Natacha GRAY 09 juil., 2019
Triste constat

Y a-t-il encore un peu de bon sens dans cette pétaudière qui ressemble de plus en plus à un navire en perdition et un asile de fous? Le blocage y est devenu une alternative (voire un préalable) à la discussion et la négociation: étudiants, élèves et enseignants ont ainsi pris l’habitude depuis deux décennies de bloquer des amphis, des établissements du secondaire, des rectorats (où les plus radicaux ont même cherché cette année, à Toulouse, à empêcher les sujets de concours nationaux de sortir le matin des épreuves !), et aujourd’hui jusqu’aux notes du bac, ce totem autrefois sacré et intouchable, en retenant les résultats et les copies de certains candidats. Mais si l’on bloque des gens, des lieux, du matériel au sens physique du terme, il faut bien reconnaître qu’à l’inverse on y « débloque » à mort sur le plan du bon sens et des valeurs défendues, et cela à tous les niveaux, et pas simplement du côté d’une partie des enseignants jusqu’au-boutistes qui, par leur démarche suicidaire, aussi injuste que contre-productive, se sont tiré une rafale de balles dans le pied. Tous les récents événements, ainsi que la situation quasi désespérée des personnels et des résultats que traduisent les différents mouvements de protestation qui ont vu le jour cette année, prouvent que, dans cette grande maison, presque tout le monde marche désormais sur la tête.

Depuis quelques mois, et plus encore ces deux dernières semaines, l’Éducation nationale est en effet revenue au cœur des préoccupations médiatiques, et pas vraiment de la belle manière :
- Report des épreuves du brevet et mise en évidence, dans le même temps, de la stupidité et de l’hypocrisie d’un calendrier scolaire établi par des technocrates ou idéologues qui ne sont et ne vont pas sur le terrain;
- Blocage des notes du baccalauréat par une minorité de professeurs grévistes et solution de bricolage par le ministre pour dénouer la situation, avec comme conséquence une rupture (provisoire) d’égalité entre candidats et des menaces de sanctions aussi lourdes qu’inédites sur les grévistes, ce qui risque de tendre encore davantage une situation devenue explosive;
- Résultats catastrophiques des concours d’entrée dans l’enseignement (CAPES et agrégations) qui confirment un mouvement accéléré de désaffection pour le métier d’enseignant et l’incapacité désormais à remplir parfois jusqu’à la moitié des postes proposés ;
- Congés maladie longue durée, démissions, reconversions, voire suicides en progression inquiétante sur lesquels chefs d’établissements, rectorats, ministère et médias jettent un voile pudique en tentant de leur trouver d’autres causes et en se défaussant de toute responsabilité ;
- Succès autant inattendu que massif du mouvement des Stylos rouges, né sur Facebook après celui des Gilets jaunes, faisant entendre sur les réseaux la voix de dizaines de milliers de professeurs démotivés, ulcérés, qui décrivent des faits (et non des sensations) avec force anecdotes révélant déceptions, humiliations et déclassement tout en réclamant une revalorisation de leur salaire et de leur profession : leur audience a largement contribué à organiser la protestation autour de la grève du bac, malgré les réticences des syndicats ;
- Avalanche de témoignages saisissants, inquiétants et souvent émouvants tant la désespérance affleure sous chaque mot, autour du mouvement #pasdevagues lancé initialement sur Twitter où des milliers d’enseignants relatent les raisons de leur découragement, les agressions physiques, les insultes, les menaces, la peur au ventre en allant travailler, les difficultés à exercer leurs missions, à vivre décemment de leur salaire après 5 à 8 ans d’études, la remise en cause de leur autorité par des élèves soutenus par leurs familles (qui cassent du prof comme d’autres, souvent les mêmes d’ailleurs, cassent du policier) et du contenu des programmes s’il contrevient à leurs croyances, les coups de canifs permanents à la laïcité, à la « liberté pédagogique », le nivellement par le bas pour « avoir la paix » et ne pas « stigmatiser », voire l’impossibilité d’enseigner face à certains individus ingérables, jeunes ou parents intrusifs, et le silence, voire les dénis de réalité de leur hiérarchie qui ne leur apporte aucun soutien dans la majeure partie des cas. Pire, à chaque problème avec un élève, l’institution fait peser sur eux, avant toute discussion, une présomption de culpabilité.

Nous reprenons donc ici notre série d’articles initiée en 2018 , constats, explications, propositions sur le sujet de l’École, afin d’y voir un peu plus clair dans cette marmite en ébullition. Plus d’un an après ces premiers tableaux inquiétants, non seulement la situation n’a pas changé, mais elle a de toute évidence empiré malgré la bonne volonté d’un ministre manifestement limité par le manque de moyens et en qui la confiance d’une partie du corps professoral s’est érodée puis carrément rompue. Jean-Michel Blanquer a sans doute déçu, parce que le corps enseignant attendait trop de lui, et trop vite, commis des erreurs de méthode, semblé prendre des décisions incompréhensibles en reniant ses engagements (par exemple en laissant passer, finalement, l’accompagnement des sorties scolaires par des mères voilées, même si la décision finale ne lui est pas imputable ) mais c’est un paradoxe qu’il soit le premier à subir l’arme ultime de la rétention des notes, donc du sabotage d’examen, que les professeurs ont souvent agitée par le passé mais sans passer à l’acte, notamment en 2015, pour une réforme qui comporte, certes, des zones d'ombre, des risques d'inégalité entre établissements faute de financement suffisant, mais également de très nombreux points positifs, en tous cas infiniment moins contestée et destructrice que celle du collège, dont on mesure aujourd’hui les effets dévastateurs.

Sans doute les professeurs étaient-ils trop impatients, car ils avaient beaucoup misé sur ce ministre qui semblait les comprendre si bien, probablement aussi sont-ils inquiets et échaudés par la réforme du collège du quinquennat précédent, mais de toute évidence certains sont, tout simplement, complètement à bout. La parole s’est libérée et le ministre actuel subit la crise de nerfs, voire le pétage de plombs, d’enseignants démoralisés, découragés de ne pas être entendus depuis tant d’années, déclassés et méprisés, parmi lesquels beaucoup sont si désespérés qu’ils considèrent qu’ils n’ont « plus rien à perdre ». Un élément de langage qui relève de la rhétorique d’extrême-gauche, souvent entendu cette année dans la bouche des Gilets jaunes mais qui traduit ici une exaspération et une véritable désespérance dont on mesure mal les risques sur la stabilité voire la survie de l’institution. Et au-delà d’une simple formule choc, c’est une réalité, pour beaucoup qui se sentent piégés, trahis mais enfermés à vie dans le système sans possibilité d’en sortir, sans espoir d’amélioration (car rien, jusqu’à présent, n’est fait pour favoriser leur reconversion, bien au contraire). C’en est au point qu’à la limite, peut-être inconsciemment, une sanction disproportionnée ou une radiation pour ce que le ministère considère comme une faute professionnelle grave, apparaîtrait peut-être à certains à la fois comme une injustice mais aussi comme un coup de pouce du destin pour les précipiter vers une nouvelle vie et hors de l’École qu’une majorité d’entre eux (68% selon un sondage récent de SOS éducation) disent vouloir quitter mais ce à quoi une infime minorité parvient. Nombreuses en effet sont les embûches qui se dressent sur le chemin de la reconversion ou, tout simplement, de la démission, aujourd’hui systématiquement refusée, ce qui accentue le sentiment d’enfermement et la certitude de ne jamais pouvoir « en sortir ».

Entre les fantasmes des uns, il est vrai de moins en moins nombreux même si frustrations et préjugés ont la vie dure (ceux qui prétendent encore que les enseignants sont des privilégiés suffisamment payés avec trois mois de vacances), l’ignorance crasse du terrain dans les rectorats et chez de nombreux technocrates du ministère qui pensent sincèrement que les professeurs exagèrent ou généralisent des cas particuliers, le caractère complètement hors-sol des instituts de formation que le ministre tente avec peine de réformer, déconnectés des classes réelles et toujours englués dans les errances du pédagogisme, la lâche frilosité de chefs d’établissements qui font semblant de ne rien voir, l’intrusion souvent agressive de parents dans un domaine auquel ils ne comprennent rien, l’attitude réfractaire à toute critique et à l’effort, donc au dépassement de soi, d’une majorité d’élèves, enfants-roi de la génération j’ai-le-droit » de plus en plus ingérables, biberonnés à la « bienveillance » et nombreux à refuser toute autorité, le jeu trouble de la plupart des syndicats tiraillés entre leurs adhérents et leurs jeux de rôle dans la cogestion avec les instances ministérielles, et enfin – last but mot least - la radicalisation et les œillères idéologiques de nombreux professeurs, l’Éducation nationale, qui a renoncé à instruire et transmettre, semble aujourd’hui une machine à broyer (élèves comme professeurs), produisant à la chaîne échecs et inégalités, voire même une « fabrique du crétin » comme le suggérait le titre provocateur de Jean-Paul Brighelli en 2005.

On dira, à juste titre, au sujet des professeurs (au milieu desquels l’auteur de ces lignes, fille de prof, a été élevée puis qu’elle a côtoyés comme collègues pendant une trentaine d’années), qu’ils sont les premiers responsables de leurs malheurs actuels, qu’à force de crier au loup à chaque brise réformiste de la part d’un nouveau ministre (surtout si ce dernier avait – horresco referens- le malheur d’être de droite), ils ne sont plus audibles lorsqu’effectivement, ils auraient des raisons de se plaindre une fois que la tempête menace ou qu’elle a tout ravagé; que pour ce qui est de la perte d’autorité, des atteintes à la laïcité, des ravages du pédagogisme, ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes, au gauchisme culturel qui imprègne la maison depuis 1968, qui leur est inoculé dès l’université puis dans les instituts de formation et qu’ils diffusent à leur tour car, comme le disait Bossuet de Dieu, la société à présent « se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ». Il est vrai qu’à justifier tous les écarts, minimiser les contre-valeurs que certains idéologues et familles installent peu à peu au cœur de l’École, accepter que l’on piétine le contrat républicain, que l’on s’attaque insidieusement à la laïcité, de petit coup de canif en petit coup de canif, en confondant égalité des droits et égalitarisme niveleur, en cassant le thermomètre pour justifier leurs multiples dénis de réalité, en abandonnant la transmission des connaissances pour se faire les promoteurs d’un vivre ensemble fantasmé, en soutenant la relativité des connaissances et en acceptant de mettre sur le même plan sciences et croyances au nom d’un multiculturalisme mal pensé (ou, plus prosaïquement, pour avoir la paix), en troquant le sens de l’effort et la juste sanction pour une bienveillance molle qui n’est que le faux-nez du laxisme et de la démission face aux difficultés, bref en se comportant trop souvent davantage comme des militants, des assistantes sociales ou des nounous que comme des transmetteurs de savoir, introduisant en permanence l’idéologie en un lieu où la neutralité tant politique que confessionnelle est pourtant inscrite dans leur statut, ils ont eux-mêmes donné à leurs élèves, leurs parents, l’institution, le fouet pour les battre.
Tout ceci est vrai. Est-ce une raison pour ne pas réagir ? Ce ne sont pas simplement les professeurs qui sont menacés et qui, comme on l’a rappelé ci-dessus quittent le navire, à la moindre occasion, les uns après les autres. C’est la société tout entière. Va-t-on laisser l’école s’effondrer, les concours de l’enseignement faire fuir les meilleurs et continuer à recruter par défaut, comme aujourd’hui, en grande partie ceux qui n’ont pas eu d’autre choix (même s’il y a, évidemment, toujours des vocations et des profils d’excellence) et produire les monstres qui empoisonnent notre société et dont certains ont juré de la détruire ?

C’est une nouvelle génération d’élèves, formés par une école nouvelle qui, sur de nombreux points, ressemblera beaucoup à l’école d’autrefois, mais munie de nouveaux outils, qui reconstruira la France de demain par un savoir commun et des valeurs partagées, intégrant comme hier par assimilation et ressemblance, au lieu, comme aujourd’hui, de juxtaposer des différences et des inégalités. Il faut exiger des programmes qui ne conduisent plus à la haine de ce que nous sommes mais qui unissent à nouveau dans la fierté du passé, l’identité du présent et des projets où tous se reconnaîtront. Il est urgent d’y réfléchir ensemble, loin des postures politiques et des calculs électoralistes, et de soutenir les professeurs, en même temps que leur ministre, dans un certain nombre de leurs combats. Méprisés par les parents et leurs élèves, abandonnés d’une hiérarchie obnubilée par le pas de vagues et le court-termisme, aujourd’hui dans la perte de confiance face à un ministre qui avait néanmoins pris en compte leur malaise, le premier pourtant à ne pas faire de déni de réalité, les voilà bien seuls face aux maux qui par ailleurs gangrènent l’ensemble de la société (individualisme, islamisme, violence verbale et physique, sexisme, homophobie, antisémitisme, refus du moindre effort et de l’autorité, perte des valeurs traditionnelles qui permettaient le véritable vivre ensemble …), seuls pour tenter de redresser la barre et préparer la société de demain. Le risque est grand qu’ils baissent les bras. Pour nombre d’entre eux, c’est déjà fait. Soutenir ne veut pas dire évidemment en accepter les méthodes. Nous reparlerons dans un troisième article du très discutable blocage du bac, loin du manichéisme militant ou médiatique.

En attendant le suivant sera consacré au report du brevet et aux contradictions du calendrier scolaire.

[1] Natacha GRAY

  https://www.lignes-droites.fr/education-nationale-les-lignes-rouges-sont-franchies

https://www.lignes-droites.fr/education-nationale-le-constat-dune-crise-multiforme-et-generalisee

 

[1] La situation est plus complexe qu’il n’y paraît. Le Ministre s’était déclaré contre le port du voile pour les mères accompagnantes mais il ne souhaitait pas qu’il y ait une règlementation à ce sujet, s’en remettant aux décisions des chefs d’établissement, au bon sens et à la discussion sur le plan local. " Nous souhaitons tous des sorties scolaires avec des parents qui participent et des parents qui n'ont pas de signes ostentatoires ". Il y a eu un amendement LR à ce sujet au Sénat, qui s’est clairement positionné contre les accompagnantes voilées lors des sorties scolaires, dans la droite ligne de la circulaire Châtel de 2012 (abrogée deux ans plus tard par N.Vallaud Belkacem !). Mais l’amendement sénatorial a été rejeté par le gouvernement (et non par JMB seul) et à l’Assemblée nationale où la gauche et une partie de LREM, comme le député G. Attal ou Marlène Schiappa, étaient vent debout contre une mesure jugée discriminatoire. Le président de la République n’a pas tranché non plus, défendant l’interdiction (en 2018) et son contraire (2019) ou plus exactement les deux « en même temps ». Finalement, Sénat et Assemblée ne parvenant pas à s’entendre, c’est une CPN (Commission paritaire nationale : 7 sénateurs et 7 députés) qui a tranché en faveur des femmes voilées, ce qui est présentée comme une grande victoire par les islamistes, notamment l’association Allab. Ajoutons que la même CPN a abandonné la mention parent 1 et parent 2 (devant remplacer père et mère) également refusée par le Sénat (échange de bons procédés entre les représentants des deux assemblées ?).

 

[1]   https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/07/01/enseignants-en-reconversion-le-parcours-du-combattant_5483877_3224.html

 

[1] Barbara LEFEBVRE, Génération « j'ai le droit », la faillite de notre éducation , Albin Michel, 2018

 

[1] Isabelle DIGNOCOURT, L'éducation nationale une machine à broyer : Comment sauver nos enfants? Éditions du Rocher, 2017

 

[1] Jean-Paul BRIGHELLI, La fabrique du crétin : la mort programmée de l’école , éditions Gawsewitch, 2005
par Nicolas Bonleux 22 avr., 2018

Une école toulousaine, l’Ecole Sainte-Marie des Ursulines, a récemment décidé d’introduire le port obligatoire de l’uniforme à l’intérieur de l’établissement.

Cette décision constitue un acte d’une portée politique forte qu’il nous paraît important de souligner autant que de le citer en exemple.

L’école a pendant un siècle assimilé, intégré, et mélangé la jeunesse française dans un souci d’exigence, d’égalité et de construction de la Nation. Elle a ainsi cimenté le sentiment d’appartenance de tout notre peuple à notre histoire et à notre destinée communes.

La guerre d’usure que lui ont menée depuis quatre décennies l’individualisme et le laisser-aller des héritiers de mai 1968, le désintérêt pour notre peuple des fanatiques de la mondialisation, et les logiques insidieuses des communautaristes et relativistes de tous bords, l’ont rendue désormais incapable d’assurer cette fonction vitale pour notre société.

La désagrégation de notre corps social, que l’affaiblissement de l’école ne lui permet plus d’enrayer, est un authentique drame pour l’avenir de notre Nation. Elle rend notre peuple vulnérable aux pires dangers auxquels un pays peut se trouver exposé. Inverser ce processus de délitement est une impérieuse obligation.

L’un des remèdes est connu : pour rendre à l’école son rôle de celle des institutions qui cimente notre nation, donnons-lui à nouveau la place à part qui est la sienne, un lieu d’apprentissage et de respect, un lieu où l’on met de côté les modes, courants, tensions et bouleversements divers qui traversent notre société.

Rendre l’uniforme obligatoire nous paraît un moyen simple, très efficace, et en même temps hautement symbolique, du repositionnement de l’école comme lieu à part de notre vie sociale. Cette initiative permet d’ancrer dans l’esprit de nos enfants –et de leurs parents- qu’un comportement différent, adéquat, doivent y être adoptés, en vue de recevoir un message et un enseignement qui revêtent une signification particulière.

Il présente accessoirement l’avantage de nous rappeler que ce qui importe, quand il s’agit de construire collectivement l’avenir de notre pays, n’est pas d’exhiber les vêtements issus de la dernière vague de mode.

par Natacha Gray 19 févr., 2018

Nous avons évoqué dans un précédent article (ici) l’affaire du lycée Galliéni de Toulouse. Ces situations, lorsqu’elles éclatent au grand jour, médiatisées soit par des professeurs à bout de nerfs, soit par les élèves eux-mêmes fiers de leurs transgressions multiples (comme la gifle administrée en octobre dernier à une enseignante d’un lycée de Seine-Saint-Denis, filmée et diffusée sur les réseaux sociaux), provoquent la stupeur et l’indignation dans l’opinion publique. Nombreux sont ceux qui, il y a peu encore, considéreraient les écoles, collèges et lycées comme de véritables sanctuaires préservés des problèmes sociétaux et des comportements inciviques, à l’image de ce qu’ils avaient connu enfants puis adolescents : autant dire qu’ils tombent de haut en découvrant l’ampleur du désastre !

 Mais il faut bien savoir que ces scandales qui occupent ponctuellement l’actualité ne sont que la partie émergée et devenue caricaturale d’un iceberg qui fragilise de très nombreux établissements en France qui ne sont pourtant pas tous classés en zone sensible, c’est-à-dire dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP). Seuls quelques cas, les plus graves, arrivent à la connaissance du grand public. Mais les insultes, les coups, le harcèlement, les intrusions de personnes extérieures au sein des établissements scolaires, le refus de l’autorité, sont hélas aujourd’hui vécus par de nombreux usagers de l’Éducation nationale. Le mot d’ordre est de ne pas faire de vagues. Alors on s’habitue au pire et la plupart des incivilités, à l’exception des plus graves ou de celles qui débordent sur l’extérieur, se règlent en interne. Il a fallu au lycée Galliéni l’ouverture d’une nouvelle option et l’arrivée concomitante d’une vingtaine de professeurs pour que ces derniers, horrifiés, ouvrent les yeux des anciens qui avaient fini par accepter que le non-droit et la violence fassent ainsi partie de leur quotidien.

Cependant la crise que traverse l’Éducation nationale ne se réduit pas à ces faits divers violents dont les échos parviennent, de façon de plus en plus audible aujourd’hui, au reste de la société. Le mal est infiniment plus profond, silencieux et multiforme comme si les bases de la vénérable institution avaient été rongées insidieusement depuis plusieurs décennies jusqu’à menacer tout l’édifice d’un effondrement inéluctable. Les causes du mal seront évoquées dans un prochain article, celui de ce jour se contentera d’en énumérer les symptômes principaux . Il s’agira juste de montrer que les épisodes du lycée Galliéni ou de la gifle médiatisée ne sont que la partie émergée d’un iceberg qui se fissure de partout .

 

La remise en cause de l’autorité

 

Dans ces écoles, collèges, lycées en crise violente, nous assistons aujourd’hui à l’aboutissement d’un long processus de culpabilisation des victimes, de destruction de l’autorité et des bases de notre système éducatif, à l’œuvre depuis des années au mieux dans l’indifférence quasi générale, au pire dans un déni de réalité constant. La seule différence avec un lycée bourgeois de centre-ville c’est que ce refus de toute forme d’autorité et de la hiérarchie, qui s’exprime ici en menaces explicites, souvent mises à exécution (règlements de compte, destructions matérielles, vandalisme sur les véhicules des professeurs) ou en agressions physiques et verbales violentes, se traduit ailleurs, dans les lycées calmes, en bavardages incessants, en refus de travailler et en chahuts récurrents.

Un exemple : obtenir le silence, en l’absence de sanctions (systématiquement contestées et qui doivent s’inscrire dans un règlement intérieur qui les rend de plus en plus difficiles à donner), y compris dans une bonne classe, est devenu quasiment impossible au point que les penseurs de l’École, appelés en interne les « pédagos », dans leur grande créativité et surtout mauvaise foi dès lors que l’expérience met en échec leurs réflexions théoriques, ont dû inventer deux parades successives. S’il y a une vingtaine d’années ces apprentis-sorciers préconisaient auprès des enseignants stagiaires « le silence pédagogique  » (l’enseignant se tait jusqu’à ce que les élèves, surpris, fassent silence progressivement à leur tour afin que le cours recommence), certains en sont réduits aujourd’hui dans les instituts de formation des professeurs à vanter les mérites du « bruit pédagogique  » (les élèves parlent entre eux dans la classe, s’interrogent et se répondent, se déplacent, en quasi autonomie, ils doivent se sentir comme chez eux, car la classe « ça doit être comme la vie  », le professeur veillant juste à ce que le niveau des décibels reste supportable.

Dans les lycées qui font la une de l’actualité, il y a juste que le nivellement des exigences par le bas pour obtenir puis conserver un semblant de paix intérieure et le renoncement aux moyens de faire respecter l’autorité du professeur ou de l’administration ont commencé ici plus tôt qu’ailleurs, compte tenu souvent d’un contexte social et culturel particulier. Il ne fallait pas « stigmatiser » ni « décourager » des élèves venant des quartiers défavorisés, souvent de culture différente à la maison. La dégradation y est donc allée également plus vite, car les établissements scolaires ne sont plus des sanctuaires imperméables à tout ce qui se passe à l’extérieur de leurs enceintes : le trafic, le sexisme, les nouvelles formes de racisme, l’antisémitisme, la remise en cause des codes républicains et des valeurs françaises y entrent, en sortent, y entrent à nouveau, transformant ces anciens « sanctuaires » en zones de non-droit où la violence verbale et physique a remplacé les lois de la République par celles de la jungle. Et cela d’autant plus qu’au tournant des années 2000 les pédagogistes ont promu l’idée de « lycée ouvert  » sur son environnement, ce qui supposait des interactions avec l’extérieur (invitations mais aussi sorties hors-les murs) et une architecture particulière pour les établissements qui se construisaient alors (avec des zones publiques, réservées, semi-réservées). En définitive les maux de la société s’y propagent, et réciproquement, dans une dialectique toxique permanente, comme on le voit dans le cas du lycée Galliéni.

S’il fut aisé de détruire un à un les fondements de l’autorité, parce que certains pédagogues pensaient encore qu’il était interdit d’interdire, la restaurer aujourd’hui paraît nettement plus difficile, en particulier parce que les premières générations, à qui l’on a donné tous les droits sans les contraindre à respecter leurs devoirs, sont aujourd’hui sorties du système scolaire et ont « importé » leurs comportements individualistes, leur refus de l’autorité et de toute contrainte, leurs comportements d’anciens « enfants-roi » dans la société tout entière. La plupart des maux dont souffre l’École sont ceux qui minent de nos jours la société tout entière.

 

La génération « j’ai le droit »

 

Car nous assistons bel et bien presque partout, à l’exception d’établissements qui prônent encore l’excellence et l’élitisme républicain et qui sont d’ailleurs pris d’assaut par les familles qui ont les moyens de contourner la carte scolaire, à un phénomène d’acculturation, de destruction de nos civilités et de la morale citoyenne, au triomphe de la génération « J’ai le droit  » (pour reprendre le titre récent du professeur d’histoire-géographie Barbara Lefebvre [i] ).  La démotivation des bons élèves pousse sur le désert culturel qu’on propose au nom d’un égalitarisme niveleur. Il devient de plus en plus difficulté d’enseigner sa matière puisque de nombreux élèves, soutenus par leurs parents, contestent aujourd’hui le contenu des programmes scientifiques ou d’histoire-géographie s’il ne va pas dans le sens de leurs croyances et exigent parfois d’en être dispensés. Parallèlement nous assistons à l’augmentation constante des violences verbales et physiques dont les élèves les plus faibles ont été les premières victimes et qui atteint aujourd’hui les professeurs. L’enseignante giflée évoquée précédemment avait eu comme seul tort aux yeux de ces enfants-rois et petits caïds que d’avoir osé confisquer le portable d’un élève en pleine classe : à ses yeux et ceux de ses camarades, elle n’en avait pas le droit. Tout est prétexte d’une part à contestation (le travail donné à la maison, l’interrogation écrite, une sanction, une conversation interrompue en classe), d’autre part à l’affirmation de ses droits. Encore une fois « la survalorisation du moi » prônée par les pédagogistes en réaction à une éducation traditionnelle jugée peu épanouissante et trop contraignante a forgé des générations revendicatives centrées sur elles-mêmes et sur leurs droits. Le professeur n’a pas le droit de les ennuyer, de les contrarier, de contredire les principes éducatifs et les croyances inculqués à la maison, il ne doit pas contraindre ni punir mais convaincre et tant pis pour lui s’il n’y parvient pas. En revanche certains élèves s’arrogent celui de l’humilier, de le provoquer. De nombreux parents se sont déchargés de leurs responsabilités éducatives sur les « experts » qu’étaient censés être les enseignants. Scène vécue dans une école toulousaine : deux mamans convoquées par la directrice et la maîtresse de leurs enfants (racketteurs, violents, harceleurs), clament à la cantonade en sortant, furieuses : « si les maîtresses ne sont pas capables d’éduquer les gosses, qu’elles changent de métier  ».

 Mais comment convaincre les familles que l’objet principal de l’École est de transmettre des connaissances et des méthodes, d’émanciper les esprits, quand la secte pédagogiste se répand depuis vingt-cinq ans en interne, et dans les médias séduits par ces nouveaux discours, que l’important ce ne sont pas les connaissances mais « l’estime de soi  », « l’élève au centre du système éducatif  », « l’apprenant autonome construisant seul son propre savoir  » ,que la mission d’un enseignant est « d’éduquer au vivre ensemble  » et non pas d’instruire comme au temps du ministère de l’Instruction publique [ii]  !

 

L’entrisme islamiste

 

Sur ce point les problèmes rencontrés à l’école sont les mêmes que dans la société tout entière. Dans de nombreux établissements, et pas seulement dans les zones sensibles, l’École doit également faire face à la propagande islamiste qui pousse certains élèves à demander le droit de ne pas suivre certains cours qui heurtent leurs croyances ou qui contestent en permanence les enseignements. Il y a quelques mois l’ancien chef d’établissement Bernard Ravet [iii] témoignait du cas du collège marseillais dont il fut le principal, mais, au-delà, libéré du devoir de réserve, de celui de nombreux d’établissements publics où administration et enseignants, totalement démunis, sont confrontés à une véritable guerre de position menée par l’islamisme. Un enseignement parallèle et contradictoire est dispensé dans des écoles coraniques fréquentées par les élèves hors temps scolaire, par des brochures distribuées à la porte des établissements, des surveillants prosélytes, des élèves propagandistes et sexistes, des parents intrusifs. « Depuis plus de dix ans, écrit-il, le fanatisme frappe à la porte de dizaines d’établissements. Il cherche à empiéter sur le territoire physique de la République, centimètre par centimètre, en imposant ses signes et ses normes dans l’espace scolaire, dans les cours de récréation, les cantines, les piscines. Il cherche aussi à envahir les salles de classe. » Et Bernard Ravet de décrire comment, sur de multiples sujets (l’égalité entre les hommes et les femmes, darwinisme, Shoah, astronomie, SVT …), les professeurs sont de plus en plus contestés dans leur enseignement.

Le Livret sur la laïcité distribué aux enseignants en octobre 2015 stipule dangereusement qu’il « faut pouvoir éviter la confrontation ou la comparaison du discours religieux et du savoir scientifique. Dans les disciplines scientifiques (SVT, physique-chimie, etc.), il est essentiel de refuser d’établir une supériorité de l’un sur l’autre comme de les mettre à égalité ». Mais aujourd’hui on n’en est plus là : des élèves contestent les programmes, arguant qu’en cas de différences ou d’oppositions, c’est ce qui est écrit dans le Coran qui fait loi, ou que la charia est supérieure aux lois de la République. Les dispenses de sport abondent chez les jeunes filles voire les enfants musulmanes pour des raisons de « pudeur » souvent justifiées par des certificats médicaux de complaisance. Les relations entre certains garçons et les femmes professeurs (et bien entendu avec leurs camarades filles) dont ils refusent l’autorité et même la proximité physique sont devenues parfois délicates. Parallèlement, antisémitisme et sexisme progressent dans ces établissements grignotés et déstabilisés par les coups de boutoir islamistes.

 

La multiplication des enseignements parallèles.

 

Parallèlement il faut également noter l’éclosion d’établissements privés sous et hors contrat. Ces dernières sont majoritairement confessionnelles et musulmanes.

 

Le privé sous-contrat (environ 13 000 établissements), essentiellement confessionnel et catholique (fin 2015 il n’y avait que 3 écoles musulmanes sous contrat et environ 130 écoles juives) financé en partie et contrôlé par l’État, ne pose pas de problème car il applique des programmes nationaux et emploie des enseignants titulaires d’un concours de recrutement validé et organisé par l’Éducation nationale. Néanmoins son essor actuel est révélateur du malaise : ainsi l’enseignement catholique notamment ne peut-il plus faire face à la demande et a demandé à l’État de revoir les règles de financement (fixées au milieu des années 1980 selon le ratio de l’époque entre élèves inscrits dans le public et dans le privé) pour pouvoir répondre aux innombrables demandes insatisfaites de familles qui ne vont pas tant y chercher un enseignement religieux (en général facultatif et extrêmement discret) mais des valeurs et une instruction, les parents espérant retrouver la paix scolaire, de bonnes conditions d’étude, le respect ou la discipline qui sont trop souvent remises en cause dans le public. D’abord réservé aux classes sociales aisées, ce phénomène a gagné aujourd’hui des classes moyennes et modestes, et cela d’autant plus que le coût de la scolarité est généralement proportionnel aux ressources. Cet essor est un symptôme du désamour et de la rupture de confiance de nombreuses familles avec l’école publique.

 

Le principal problème est posé par les écoles hors contrat , à 90% musulmanes (et souvent de tendance salafiste), en plein essor : 500 000 enfants sont scolarisés actuellement dans un des 1300 établissements (début 2017) proposant une éducation confessionnelle ou, pour à peine 10% d’entre elles, alternative (méthodes Montessori, Steiner…). La dernière enquête diffusée publiquement datant de 2016, il y en a certainement davantage aujourd’hui : au premier trimestre 2017, pour la seule académie de Versailles, il y avait 40 ouvertures prévues. Un rapport interne y pointait déjà en 2016 « d’inquiétantes dérives dans les écoles inspectées, notamment une faillite éducative bien réelle  ». Car ces écoles ne sont pas tenues de suivre les programmes de l'Éducation nationale et leurs professeurs ne sont pas des fonctionnaires, l’État n’y a aucun droit de regard et une simple déclaration d’ouverture suffit. Certes il faut encore trouver le lieu ou le terrain, voire parfois des financements locaux, mais le clientélisme de certains maires y pourvoit malheureusement. Le gouvernement a tenté de mettre fin à cette lacune juridique en exigeant un droit de regard avant l’ouverture, mais le texte a été rejeté par le Conseil d’État l’année dernière. À défaut, de plus en plus de contrôles renforcés sont effectués sur les écoles déjà ouvertes, mais il est rare d’en obtenir la fermeture pour insuffisance pédagogique ou troubles à l'ordre public. Ainsi à Toulouse la justice a-t-elle annulé en août 2017 l’interdiction d’ouverture de l’école coranique Al Badr [iv] , qui avait ému au Rectorat en raison des risques de propagande salafiste. Pire, la plupart des contrôles sont aujourd’hui refusés par les responsables, faisant de ces écoles coraniques des lieux difficilement contrôlables, initialement financés de l’étranger, actuellement plutôt par les Frères musulmans via l’UOIF, comme en témoigne cet article du Figaro (ici) [v] relatant l’inquiétude du gouvernement socialiste dès 2016. Ainsi, les parents qui refusent de scolariser leurs enfants dans un établissement dépendant de l’Éducation nationale en raison de programmes et codes contraires à leur culture et leurs croyances, peuvent-ils éviter que leurs enfants ne soient confrontés au contre-modèle que l’École est censée offrir aux élèves bénéficiant d’une double culture.

Enfin citons, à un échelon d’apprentissage supérieur, l’entrisme islamiste ou de mouvements communautaristes contraires à la tradition universaliste républicaine dans les universités ou dans la formation des enseignants, entorses récurrentes sur lesquelles le Grand Orient de France [vi] alertait explicitement en décembre dernier par une adresse publique au Président de la République et aux parlementaires, citant notamment quelques cas dont certains ont fait l’actualité (comme les stages syndicaux en non-mixité) et rompant avec les vagues invocations républicaines généralement de mise dans ce genre de communiqué.

 

Depuis une quinzaine d’années, le marché du soutien scolaire privé connaît également un essor spectaculaire, creusant encore les inégalités entre les élèves, alors que le gauchisme de salon qui a longtemps inspiré réformes et programmes prétendait précisément les réduire. Le recours aux cours particuliers, autrefois réservé aux classes aisées s’est étendu aux classes moyennes et même aux ménages les plus modestes.   Des entreprises le dominent (Complétude, Acadomia, Bordas, Keepschool …) et tentent de se démarquer de l’enseignement traditionnel (fondé sur le bachotage et la restitution de savoirs) en vantant l’acquisition des savoir-faire et en se présentant comme des « contre-modèles » du système scolaire, profitant ainsi de la détérioration de son image et des inquiétudes parentales. La distance s’accroît entre élèves qui peuvent en bénéficier (occasionnellement, un peu, beaucoup, au tarif étudiant ou avec des professeurs expérimentés) et entre ces derniers et ceux qui n’y ont pas accès.

Presque partout, et pas seulement dans les quartiers défavorisés, on cherche donc à échapper à la baisse des exigences et à la violence scolaire en évitant telle école, tel collège, tel lycée par le privé sous et hors contrat ou par diverses ruses pour contourner la carte scolaire. Les stratégies parentales d'évitement et de complément ne sont pas la cause du problème, comme l'ancienne ministre de l'Éducation le faisait croire par une culpabilisation des familles, elles sont les symptômes les plus manifestes de la détérioration de notre école publique.

 

Un effondrement du niveau

 

Une des conséquences en effet de cette situation désastreuse c’est bien évidemment l’effondrement du niveau que soulignent de plus en plus fréquemment des enquêtes internes ou internationales depuis 25 ans, quel que soit le niveau socioprofessionnel des familles.

C’est ainsi que l’étude Pirls (Progress in International Reading Literacy Study) réalisée tous les cinq ans en 50 pays sur des classes de CM1 a révélé en décembre 2017 le faible niveau des écoliers français en matière de lecture et de compréhension . Non seulement notre pays, arrivé en 34e position, régresse dans le classement, mais il passe au-dessous de la moyenne européenne. C’est là sans doute l'échec le plus emblématique de l'école « de la République » qui ne permet même plus à une classe d’âge de sortir du système scolaire en maîtrisant sa propre langue. C’est aussi la faillite la plus grave, car elle conditionne toutes les autres. Les causes, sur lesquelles nous reviendrons dans un prochain article, en sont multiples : des méthodes d’apprentissage que le ministre actuel a annoncé vouloir réformer ; la vacuité dangereuse des idéologies pédagogistes (respecter le « rythme » des élèves, ne jamais contraindre, leur donner le temps, refuser le redoublement, supprimer les devoirs de mécanisation et mémorisation des apprentissages, affirmer que la grammaire vient toute seule, par « l’usage », ce qui témoigne au passage d’un incroyable mépris pour l’intelligence des élèves et leur capacité à progresser par l’effort, en particulier ceux des quartiers difficiles) ; et enfin le recrutement au rabais, faute de vocations, d’enseignants mal formés dont une enquête récente pointait en décembre les graves lacunes en orthographe, grammaire et syntaxe [vii]

Pour ce qui est des sciences, en décembre 2016 l’enquête Pisa (programme international pour le suivi des acquis des élèves) avait testé dans 70 pays le niveau des élèves de 3e en mathématiques, culture scientifique et compréhension de l'écrit : les résultats montraient un recul de quatre points en mathématiques et 40 % d’élèves défavorisés en difficulté (contre 34 % en moyenne ailleurs).

En septembre 2017 une autre enquête Pisa testant le niveau de 3e pour 32 pays pour ce qui est du travail en groupe , révélait que la France était classée 20e sur 32 pays. Un bon tiers des élèves se situait au niveau le plus bas, seuls 6 % des élèves français décrochaient la note maximale.

  L’enquête Timss ( Trends in International Mathematics and Science Study ), publiée en novembre 2016 et testant le niveau de CM1 (50 pays) et de terminale scientifique (9 pays) témoignait que la France dans ces disciplines était très en dessous de la moyenne internationale, devancée très largement par plusieurs pays d’Asie, mais également par des pays voisins comme l’Allemagne ou le Portugal. À peine 11 % des élèves français arrivent à se hisser au niveau des meilleurs en mathématiques et sciences. Les résultats de cette étude révélaient également que seul 1 % réussissaient à se classer dans le niveau avancé contre 15 % 1995, 11 % à un niveau élevé contre … 64 % en 95 !

Plus inquiétant encore : la dictée du ministère de l’Éducation nationale sur le niveau CM2 testé en 1987, 2007 et 2015, ce qui permet d’étudier le niveau des élèves sur le temps long et dans un même pays, révélait qu’il y avait bel et bien un déclin important : non seulement les écoliers d’aujourd’hui faisaient 7 fautes de plus que leurs prédécesseurs des années 80, mais la catégorie de ceux qui font « au moins 25 fautes  » a bondi de de 5,4 % à 19,8 ! Et pourtant le texte ne présentait aucune difficulté linguistique particulière, les lacunes portaient essentiellement sur des accords simples et sur le respect de la syntaxe.

Évidemment, comme à chaque enquête qui pointe du doigt la dégringolade, on trouve toujours au sein de l’institution quelques obstinés dans le déni pour prétendre que les outils s’appliquent mal à la France, que tel contexte n’était pas comparable à tel autre. Il n’en reste pas moins qu’en ce qui concerne le niveau des écoliers ou des étudiants français les études se suivent et se ressemblent hélas. Toutes pointent le retard de la France par rapport aux meilleurs standards européens.

 

Des professeurs en souffrance

 

À la démotivation des élèves, y compris les meilleurs qui ne trouvent plus de sens dans les apprentissages, les programmes déconnectés des besoins réels et les exigences au rabais, répond depuis des années celle des enseignants. Plus que la démotivation, la souffrance ! Le succès inattendu de l’ouvrage paru en août 2017 « Éducation nationale une machine à broyer  » d’Isabelle Dignocourt, professeur de français depuis 25 ans, témoigne par l’écho qu’il a reçu en interne d’un titre qui fait mouche.

À l’appui de ce constat, on peut citer par exemple la multiplication inquiétante des démissions constatées par un rapport sénatorial (rapport Carles-Ferrat) en janvier 2017, lesquelles avaient triplé depuis 2012 pour les jeunes enseignants en collège, doublé au lycée. Il en est de même parmi les enseignants titulaires qui sont deux fois plus nombreux en 2017 à démissionner que 6 ans auparavant. Les statistiques des syndicats un an plus tard témoignent non seulement de la poursuite, mais aussi d’une explosion du phénomène. Et encore la tendance est-elle freinée par la difficulté actuelle à pouvoir poser sa démission, celle-ci étant de plus en plus refusée ou retardée en raison des « nécessités du service  ».

Les congés maladie pour dépression augmentent et il faut des semaines voire des mois pour obtenir un rendez-vous dans les cellules reconversion des Rectorats. Car les stratégies de reconversion se multiplient, le site « Aide aux Profs » devenu depuis 2016 « Après Prof » dit avoir été contacté depuis sa fondation en 2006 par 13 000 enseignants et les accompagne dans la volonté de changer de carrière (en 2014 une enquête ministérielle montrait que 68% des enseignants envisageaient de quitter la profession). Fort heureusement pour l’institution, les professeurs, fonctionnant en vase clos et peu ouverts sur les réalités économiques de la société, non aidés voire entravés aujourd’hui dans cette volonté de seconde carrière par leur administration, en restent souvent au niveau des intentions.

Non seulement l’Éducation nationale ne retient plus ses enseignants (surtout les jeunes effrayés et découragés par cette confrontation brutale au réel après cinq ans d’études minimum et de nombreux fantasmes sur un métier rêvé), mais elle fait face dans le même temps à une crise profonde du recrutement des professeurs puisque l’on ne parvient plus à remplir les postes offerts aux différents concours de recrutement, faute de candidats ou parce que les jurys, conservant encore quelques exigences de qualité académique refusent bien souvent des candidats dont le niveau est bien en deçà du minimum exigible. Ce sont donc de nombreux contractuels qui comblent les postes vacants, souvent pris sur une licence ou un simple CV. C’est ainsi qu’en plus des candidatures spontanées, il est arrivé que des chefs d’établissements, désespérés d’attendre en vain un enseignant ou un remplaçant que le Rectorat peine à dégoter, recrutent directement via … Le Bon Coin ! On en est là.

Une série d’autres symptômes traduit d’ailleurs en négatif la crise que de l’extérieur le grand public peine peut-être à imaginer : les syndicats dénoncent en effet une tendance de l’administration en 2017 à refuser toute demande de détachement dans le Supérieur aux enseignants du secondaire qui avaient obtenu un poste de PrCe (professeur certifié) ou PrAg (professeur agrégé) dans une université. Les Rectorats émettent un avis négatif sur les demandes de congé formation, refusent les temps partiels, y compris le prolongement de ceux qui déjà avait été obtenu depuis des années, font la sourde oreille devant les démissions posées. Comme toujours, au lieu de réfléchir aux causes, on tente, de façon autoritaire, de mettre la poussière sous le tapis et d’en masquer les symptômes. Augmentant en cela le désespoir d’enseignants qui ne voient plus de porte de sortie et perdent l’estime d’eux-mêmes devant ce manque de considération tout en ruminant leur rancœur contre l’institution.

 

Devant cette série de constats alarmants qui, pour la première fois, sont enfin reconnus publiquement au plus haut niveau, on comprend les espoirs immenses placés par le corps enseignant, le personnel non enseignant et les parents dans les réformes et mesures à venir. La rénovation de l’École, devant un tel chantier, ne pourra se faire que sur le temps long, loin de toute idéologie et posture politicienne, et dans le climat de confiance réciproque que Jean-Michel Blanquer, qui bénéficie déjà de celle des usagers, a restaurée entre tous les acteurs de terrain et leur ministère de tutelle. Il était temps !

 

Dans les deux prochains articles, nous nous demanderons comment notre École a pu en arriver là, des responsabilités sociétales au triomphe et aux ravages des théories pédagogistes.  



Notes et références

[i]Barbara LEFEVRE, Génération « J’ai le droit », la faillite de notre éducation , Albin Michel, 2018 

[ii] Le ministère de l’Instruction publique a pris le nom d’Éducation nationale » sous le gouvernement Herriot en 1932. Depuis certains, comme Jean-Pierre Chevènement (ministre de l’EN de 1984 à 1986) avaient tenté de rappeler que l’objectif premier de l’éducation était d’instruire et de nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour souhaiter que ce ministère retrouve son nom initial. 

[iii] Bernard RAVET, Principal de collège ou imam de la République ? , Edition Kéro, 2017 

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