Réseaux tentaculaires, organisation secrète, quartiers islamisés... Le rapport choc sur les Frères musulmans qui veulent instaurer la charia en France

Jean Chichizola et Christophe Cornevin (Le Figaro) • 22 mai 2025

Réseaux tentaculaires, organisation secrète, quartiers islamisés... Le rapport choc sur les Frères musulmans qui veulent instaurer la charia en France

Un rapport explosif révélé par le Figaro !


« Nous, les Frères musulmans, sommes comme un immense hall dans lequel n’importe quel musulman peut entrer par n’importe quelle porte pour partager ce qu’il souhaite. Rechercherait-il le soufisme, il le trouverait. Rechercherait-il la compréhension de la jurisprudence islamique, il la trouverait. Rechercherait-il du sport et du scoutisme, cela est ici. Rechercherait-il le combat et la lutte armée, il les trouverait. (…) Vous êtes venus à nous avec la préoccupation pour la “ nation ”. Ainsi je vous accueille. » Cette harangue a été proférée en 1928 par Hassan-Banna, fondateur des Frères musulmans à Ismalia, dans la banlieue du Caire. Ce virulent prosélytisme, jamais démenti depuis lors, n’avait qu’un dessein : recruter pour instaurer à terme un état islamique et le joug de la charia. Près d’un siècle plus tard, force est de constater que la France est devenue une porte d’entrée, ouverte, béante. Le rapport choc du gouvernement intitulé « Les Frères musulmans et islamisme politique en France », récemment remis à la demande du ministre de l’intérieur Bruno Retailleau et que dévoile Le Figaro en exclusivité, suffit à s’en convaincre.

Pour fonder leur démonstration, les auteurs, un préfet et un ambassadeur, ont, au cours du premier semestre 2024, effectué dix déplacements de terrain en France et quatre en Europe, avec une mise à contribution du réseau diplomatique. Avant de rendre ce document explosif, estampillé «secret» dans sa version originale et commandé il y a un an par trois ministères (Affaires étrangères, Armées et Intérieur), ils ont rencontré pas moins de 45 universitaires français et étrangers de sensibilités diverses. Sans oublier une série de rencontres avec les responsables musulmans, tant au niveau national que local, dont trois avec ceux de Musulmans de France, considérée comme l’émanation des Frères musulmans en France. Outre une recension des articles et ouvrages académiques sur la question, ils ont enfin eu des échanges approfondis avec les services de renseignement, le Quai d’Orsay et l’ensemble des administrations impliquées dans l’analyse et la surveillance du phénomène.

139 lieux de culte concernés

Sur 73 pages documentées par les services de renseignement, le document brosse le tableau édifiant d’un pays miné de l’intérieur par une confrérie qui y a structuré un « important réseau d’implantations ». Le rapport révèle ainsi qu’« un total de 139 lieux de culte, affiliés aux Musulmans de France », présentés comme « la principale émanation des frères en France » bien qu’ils s’en défendent, sont « recensés sur le territoire national, auxquels s’ajoutent 68 considérés comme proches de la fédération, répartis sur 55 départements ». « Soit 7% des 2800 lieux de cultes musulmans répertoriés sur le sol national et 10% de ceux ouverts sur la période 2010 – 2020 (45 sur 447) » précisent les auteurs qui estiment que « la fréquentation globale des mosquées affiliées ou proches de la mouvance s’élève en moyenne à 91 000 fidèles le vendredi ». Si « la fédération des Musulmans de France ne revendique aujourd’hui l’affiliation que de 53 associations », le document, déclassifié avant sa diffusion, affirme que les « éléments réunis font toutefois état de 280 associations rattachées à la mouvance, opérant dans une multitude de secteurs encadrant la vie du musulman (cultuel mais également caritatif, scolaire, professionnel, jeunesse ou encore financier) ». Le « cercle restreint » de la mouvance, c’est-à-dire le « noyau dur » « susceptible d’être assermenté » pour piloter cette organisation secrète, « serait estimé selon les « observateurs attentifs de la mouvance » à « 400 personnes et n’excéderait pas, en tout état de cause, un maximum de 1000 personnes ». « Le budget de Musulmans de France, serait, selon ses dires, de l’ordre de 500.000 euros, en diminution de moitié depuis cinq ans », évaluent les analystes qui observent que « l’absence d’organisation du rassemblement annuel du Bourget, qui rassemblait dans les années 2010 plus de 100.000 musulmans de toutes sensibilités, a pesé lourdement sur ses finances ». Via des fonds de dotations auxquels la mouvance a eu « massivement recours à la fin des années 2000 » ainsi que des SCI, « les projets de Musulmans de France ont pu bénéficier jusqu’en 2019 de financements étrangers en provenance du Qatar », relève le rapport qui énumère les sites de Strasbourg, Mulhouse, Villeneuve-d’Ascq, Schiltigheim, Lille, Marseille et des mosquées de Seine-Saint-Denis. Des fonds venus de l’Arabie saoudite seraient en outre venus irriguer une structure à Mulhouse ainsi que l’Institut européen des sciences humaines (IESH), spécialisé dans l’enseignement de l’arabe et l’apprentissage du Coran.

Un solide noyau d’écoles confessionnelles, des associations caritatives foisonnantes et un puissant vivier de prédicateurs. « Le secteur éducatif apparaît comme la priorité de la branche française des frères musulmans , à un degré qui la distingue des homologues européens » note le rapport qui révèle qu’en septembre 2023, « 21 établissements étaient identifiés comme liés à la mouvance “frériste” (18 directement et trois réputés proches) qui accueille un total de 4200 élèves pour l’année en cours ». « Seuls cinq établissements musulmans disposent d’un contrat d’association avec l’État, dont trois sont affiliés à la Fédération nationale de l’enseignement privé musulman (Fnem)», ajoute le document qui notamment fait le point sur la situation du lycée Averroès de Lille, dont le préfet a demandé la résiliation du contrat d’association avec l’État. Décrit comme « l’établissement phare de l’enseignement musulman en France », ce dernier a fait l’objet d’un contrôle diligenté par la chambre régionale des comptes qui a « révélé la perception de financements illicites sous forme de prêts avec abandon de créances de mosquées voisines et par le centre islamique de Villeneuve-d’Ascq, lui-même financé par le Koweït, le Qatar et l’Égypte (..) », « des carences graves parmi les ressources pédagogiques mises à disposition des élèves » et la présence d’ouvrages au « contenu contraire aux valeurs républicaines », notamment des ouvrages signés par l’imam Iquioussen, d’obédience frériste, fiché S et expulsé vers le Maroc et « quarante hadiths de l’imam An-Nawawi » prônant « l’interdiction aux femmes de se mêler aux hommes et de se faire ausculter par un homme, la prohibition de l’apostasie sous peine de mort et la prééminence des lois divines sur toute autre ».

Les éléments recueillis sur le lycée Al Kindi, installé à Decines près de Lyon, pourraient conduire la préfecture à engager des « procédures à son encontre » , prévient le rapport qui affirme que cet établissement « élitiste », qui « scolarise 608 élèves », « constitue avec la mosquée de Villeurbanne l’une des fondations principales de la mouvance frériste du Rhône ». « L’investissement de cette dernière dans le secteur éducatif se déploie dans un contexte d’augmentation continue des atteintes à la laïcité recensées en milieu scolaire, alimentées par l’activité des prédicateurs en ligne », insiste le document déclassifié qui évoque un « pic » de 3309 « atteintes à la laïcité pour le seul premier trimestre de l’année 2023/2024 », marqué par l’interdiction de l’abaya en septembre, le massacre du 7 octobre et la guerre à Gaza, puis l’attentat commis contre Dominique Bernard en octobre. Les données dévoilées par le rapport sont vertigineuses, à l’image de ces « 815 écoles coraniques recensées début 2024 sur tout le territoire (hors outre-mer et Paris), accueillant un total de 66 050 élèves mineurs ». Plus d’un tiers d’entre elles « évoluent dans un courant fondamentaliste de l’islam, dont 114 rattachées à la mouvance frériste ».

«Prédication 2.0»

Sur les réseaux sociaux, le « dynamisme de la « prédication 2.0 » prend le relais, avec les « influenceurs » qui « sont souvent une première porte d’entrée dans la découverte de l’islam et sont devenus le lien entre les idéologies islamistes et les jeunes francophones européens ». Le document tire le signal d’alarme sur « l’activisme d’une nouvelle génération de prédicateurs, souvent formés par les premiers cadres religieux de la mouvance et (..) sujets d’une hybridation avec le salafisme » qui « constitue un facteur majeur de diffusion de l’islamisme via les réseaux sociaux, où ils rencontrent une large audience ». Parmi « la vingtaine d’influenceurs ayant un vrai impact sur les réseaux », le rapport cite « ce militant islamiste se référant très souvent à Tariq Ramadan». Selon une source informée, il s’agirait de Marwan Muhammad, ex-directeur du Collectif contre l’islamophobie en France, aujourd’hui exilé au Canada. À bas bruit, la pieuvre frériste resserre son emprise grâce à un tissu d’une « trentaine d’associations caritatives islamistes identifiées à l’échelle nationale, dont 16 dirigées par les salafistes et quatre relevant ou ayant relevé de la mouvance frériste ». L’une d’elles, Humani’terre, créée en 2018 pour collecter des fonds à destination de la population palestinienne, est visée par une enquête préliminaire pour financement d’entreprise terroriste au bénéfice du Hamas.

À la recherche constante de « légitimation et de respectabilité », les Frères musulmans avancent masqués pour créer de véritables écosystèmes. Dès les années 1980, la mouvance cherche à s’inscrire dans le cadre légal de l’ex-UOIF - Union des organisations islamiques en France - qui, assure le rapport, « ne déclare qu’une partie de ses activités et des associations qui lui sont affiliées pour limiter la surveillance des autorités françaises sur l’ampleur exacte du mouvement ». Très renseignés, les auteurs du document décrivent : « une double organisation est mise en place, la structure officielle se doublant d’un conseil de direction islamique, uniquement connu des membres et chargés d’établir la stratégie de l’organisation ». Faisant du voile le « porte-étendard de la préservation de la religion en contexte sécularisé et laïc » après l’affaire des jeunes filles voilées du collège de Creil en 1989, la mouvance « mobilise » en outre sur la « mise en place d’une filière halal, la promotion de la finance islamique ». « Ces thématiques irriguent toujours les adhérents de Musulmans de France et sont recensées dans certains territoires », insiste le rapport qui rappelle aussi que la question « de l’« islamophobie » et de son corollaire, la victimisation (…) reste, aujourd’hui très présente à l’échelle des associations locales ». Si le discours public de l’UOIF puis de la Fédération des musulmans de France évite d’allumer le feu sur « l’islamophobie d’état », laissant ce champ à l’ex-Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), le rapport insiste sur les appels à « l’engagement dans la vie associative et publique pour faire valoir une identité musulmane ». Tout en douceur, la mouvance lisse son image pour amadouer les autorités, en particulier le ministère de l’intérieur, jusqu’à intégrer le Conseil français du culte musulman (CFCM).

«Encadrer la vie du musulman»

La mouvance « se trouve ainsi légitimée et cette respectabilité nouvelle a accentué le développement des écosystèmes au plan local », déplore le rapport. Les analystes démontent les rouages d’une inexorable mécanique. Dès les années 1990, ces écosystèmes permettant « d’encadrer la vie du musulman de sa naissance à sa mort » sont phagocytés à l’échelle territoriale grâce aux relais d’acteurs (associations, influenceurs, à l’occasion élus) parfois connectés à la mouvance mais agissant de plus en plus dans une hybridation avec le salafisme. « Constitués autour d’une mosquée offrant généralement des cours d’éducation coranique », ces écosystèmes comprennent des « commerces communautaires ou des activités sportives distinctes de la mosquée, avec [une volonté] d’investir le champ de l’enseignement privé ». « Les voyages, le développement personnel, l’aide à l’emploi ou les sites de rencontres font partie de l’éventail des activités développées », décrit le rapport, qui précise que la carte de ces écosystèmes recoupe celle des concentrations musulmanes. « Prenant racine dans des quartiers à majorité musulmane généralement paupérisés, le plus souvent territoire d’intervention prioritaire de la politique de la ville, ils répondent à des besoins de la population », insiste le rapport qui poursuit : « Les responsables, souvent des militants aguerris, entrent en interaction avec la commune, le plus souvent dans le cadre d’une relation clientéliste, pour faire progresser leurs positions. Des normes sociales (voile, barbe, vêtements, respect du jeûne du ramadan) s’imposent çà et là, à mesure que l’écosystème se solidifie ». Si la gangrène semble gagner tout le pays, « ils apparaissent les plus denses en région Rhône-Alpes, dans le Nord, le Grand Est, en Île-de-France et dans les Bouches-du-Rhône ».

Articulée au sein de « baronnies moins dépendantes de l’échelon national », cette « modalité d’action territoriale est aujourd’hui répliquée par d’autres associations, indépendantes ou appartenant à d’autres sensibilités, hybridées sur le plan idéologique, notamment pour répondre à une quête identitaire des jeunes musulmans ». Inquiets, les analystes relèvent que les promoteurs d’une réislamisation de la société « empruntent à la militance revendicative de la mouvance frériste et au salafisme, voire au malikisme traditionnel, pour mobiliser leurs adhérents ». Dans la région lyonnaise, pas moins d’« une cinquantaine d’associations musulmanes (…) affichant plus généralement une sensibilité frériste sont recensées », révèle le rapport qui explique que « deux mosquées importantes », dont celle de Villeurbanne selon nos informations, et un établissement scolaire jouent un « rôle structurant ». Omniprésents, les religieux influent tous azimuts « dans les domaines du caritatif et de l’humanitaire, la formation religieuse, la famille, le mariage, l’insertion professionnelle, l’entrepreneuriat musulman, la protection des consommateurs, le service à la personne, la formation pour adultes » et, bien sûr, la « lutte contre l’islamophobie ». Cette emprise totale se traduit par une « rigorisation de la pratique religieuse avec un nombre très élevé de jeunes filles portant l’abaya et l’augmentation massive et visible de petites filles portant le voile ». Soutenu « par un puissant ressort wahhabo-salafiste » , ce « phénomène de voilement » concerne désormais des enfants de « parfois 5-6 ans ». Des « bébés lionceaux » de l’islam radical qui augurent le pire dans une République menacée.

Une offensive depuis 70 ans

Le rapport rappelle que, en France et en Europe, cette offensive frériste a commencé il y a quelque 70 ans. « À la faveur de mouvements migratoires et de la répression engagée à leur encontre dans le monde musulman à partir des années 1950 », les premiers Frères musulmans venus du Moyen-Orient « s’installent en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Suisse ». Puis certains « s’implantent en Belgique, en France et en Italie ». En France, toujours dans les années 50, une « conscience religieuse émerge dans le milieu des travailleurs musulmans immigrés autour notamment de la figure d’un érudit indien, réfugié politique, Mohammed Hamidullah, qui prêche à Paris, à la mosquée Daawa, rue de Tanger.» Hamidullah est à l’origine de la création en 1963 de l’Association des étudiants islamiques de France (AEIF). Dans le même temps, le gendre d’Hassan al-Banna (fondateur de la confrérie en Égypte en 1928), Saïd Ramadan est obligé de quitter son Égypte natale et gagne la Suisse. Il fonde en 1961 le Centre islamique de Genève, « créé avec le soutien de l’Arabie saoudite et qui se rapproche rapidement de l’AEIF naissante en France, avec laquelle des liens se développent ».

Dans la France des années 70 et 80, l’on observe « la structuration de la mouvance avec la contribution de courants syrien et égyptien ». Arrivés au début des années 1980, deux étudiants, érudits en sciences religieuses, parviennent à les unifier. Faycal Mawlawi, de nationalité libanaise, et le Tunisien Ahmed Jaballah, sont « identifiés comme des émissaires directs de la Confrérie et considérés comme les plus importants intellectuels organiques » d’une mouvance française, qui se structure à partir de 1983 au sein de l’Union des organisations islamiques en France (UOIF).

Cette progression remarquable s’explique par le fait que, dès l’origine, « les Frères musulmans ont conçu la matrice de l’islamisme politique adapté pour être implanté en Occident » . La construction de l’idéologie de la confrérie est détaillée. « Dès l’origine, précise le texte, l’islam est conçu par les Frères musulmans comme un système intégraliste, régissant tous les domaines de la vie du musulman, au-delà du seul champ religieux ». Pour Hassan al-Banna, le fondateur en 1928 de la confrérie dans une Égypte dominée par les Anglais, « l’islam est la solution [face à l’] invasion militaire, politique, ethnique et sociale venue d’Occident ». Son projet s’articule « autour de deux objectifs : la création d’un État islamique et l’application de la charî’a ». Il théorise une « s tratégie de conquête occidentale » : « nous poursuivrons cette force maléfique jusqu’à ses propres terres, envahirons son cœur occidental et lutterons pour la vaincre jusqu’à ce que le monde entier crie au nom du Prophète ».

Idéologie politique «occidentalisée»

Pour les rapporteurs, « issue d’une idéologie politique qui a été occidentalisée pour être implantée en Europe, la matrice de l’islamisme posée par les Frères musulmans allie inculturation d’une tradition moyen-orientale dans les pays d’implantation et dissimulation tactique d’un intégralisme subversif ». Les déterminants de ce projet sont rappelés par le rapport. D’abord la « prééminence de la loi coranique ». Ensuite une « conception de l’altérité, notamment religieuse, à géométrie variable », par exemple quand un cadre de la mouvance met en avant ses amitiés ecclésiastiques et fustige en vidéo « les mensonges répandus au nom du christianisme » en affirmant « la supériorité du récit coranique et la fausseté des autres ». Autre déterminant pour une idéologie restant « fondée sur une détermination « sexo-spécifique, voire sexuée » qui érige la non-mixité en règle et instrumentalise le port du voile » : « l’infériorisation de la femme mais la valorisation de la femme voilée » avec le rôle actif par des épouses de cadres de la mouvance et « une troisième génération de femmes ».

Dernier déterminant majeur : « le conflit israélo-palestinien, éternel ressort de l’antisionisme, voire d’un antisémitisme de plus en plus manifeste » . Ce conflit agit « comme un catalyseur de l’antisionisme historiquement porté par la confrérie et de sa mutation en antisémitisme au sein de la mouvance, à la faveur de ressorts comme « l’argumentation complotiste, la réduction ad Israël (faisant l’amalgame entre Israéliens et juifs), l’idée d’une identité musulmane irréductible (référence à l’antijudaïsme islamique) ou d’une inimitié naturelle entre juifs et musulmans ». En France, note le rapport, « l’antisémitisme reste présent dans les discours des membres de la mouvance ». « Depuis les attaques du 7 octobre , insistent les experts, on constate une montée des activités antisionistes au sein [de] mosquées, à la faveur de la colère suscitée par le bilan humain des représailles israéliennes à Gaza ». Dans une mosquée de l’Essonne, en l’occurrence celle de Massy assurent des sources très informées, « des prédicateurs et conférenciers antisionistes » ont été ainsi invités « afin d’évoquer la situation en Palestine » et un ancien ministre palestinien y proclamant « je suis Hamas » sous les applaudissements des fidèles…

Dissimulation et dénonciation de l’islamophobie

La stratégie d’implantation de la confrérie s’appuie enfin sur la dissimulation, la quête de légitimation et la dénonciation de l’islamophobie. Adepte du culte du secret, la confrérie, que les membres intègrent après avoir suivi un «processus en dix étapes», se fonde, révèle le rapport, sur une « double organisation, l’une officielle pour respecter le cadre légal et l’autre secrète, autour d’un conseil des juges ». En matière de double discours, le rapport cite Chakib Benmakhlouf, ancien président de la Fédération des organisations islamiques d’Europe, aujourd’hui le Conseil des Musulmans Européens, qui reconnaît que le cadre juridique européen permet de « présenter le modèle d’un musulman décent qui est considéré comme un bon modèle pour propager l’islam de manière positive sans attirer l’attention […] sur le fait que nous islamisons l’Occident ».

Le concept de l’islamophobie s’est imposé depuis les années 2000. Le rapport note que l’UOIF ou Musulmans de France « ont conservé un positionnement prudent sur le sujet laissant la main à des associations de la mouvance plus identitaire » comme, « au premier chef », le CCIF, dissous en 2020 et devenu dans la foulée le CCIE installé à Bruxelles. Enfin les deux auteurs relèvent également « qu’une porosité existe entre militants de la lutte contre « l’islamophobie » et « décoloniaux » » comme « le Parti des Indigènes de la République ». « De façon plus générale , conclut leur étude, les interfaces entre mouvance frériste et militantisme intersectionnel existent mais restent à ce jour ponctuelles (ex. marche nationale contre l’islamophobie du 10 novembre 2019) du fait de divergences importantes, notamment la question LGBT ».

Le rapport juge par ailleurs « qu’en perte d’influence dans le monde arabo-musulman, les Frères musulmans concentrent leur action en Europe ». Leur influence est ainsi « en recul continu en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ». Seuls le Sénégal et la Mauritanie feraient exception avec toutefois une influence modérée. La Turquie d’Erdogan est présentée comme une « exception » , et comme « l’épicentre moyen-oriental de la confrérie ». « À l’échelle du Moyen-Orient, est-il précisé, la Turquie a constitué avec le Qatar un puissant axe de soutien aux Frères musulmans, qui s’oppose à celui formé par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ». Ankara est ainsi devenue « la base arrière » de campagnes comme celle de boycott des produits français après le discours des Mureaux d’Emmanuel Macron sur le séparatisme. La Turquie « fournit par ailleurs un indispensable soutien logistique et financier à la branche européenne de la confrérie ».

Une confrérie qui mise beaucoup sur l’Europe. D’abord par « un réseau d’organisations structuré, notamment pour le lobbying auprès des institutions communautaires » avec une « clé de voûte » : le Conseil des musulmans européens (CEM). Viennent ensuite « les organisations activistes, satellites du CEM » : le Conseil européen de la fatwa et de la recherche (avec trois cadres de Musulmans de France), le Forum des organisations européennes de jeunesse musulmane (FEMYSO), les Instituts européens des sciences humaines (« enseignement supérieur privé »), Europe Trust (« bras financier »), Islamic Relief Worldwide (humanitaire), Conseil européen des imams sans oublier « la structuration d’un réseau de femmes ».

Cette base associative permet « une stratégie d’entrisme des institutions européennes » au service, remarquent les rapporteurs avec un brin d’ironie, d’une « vision singulière de la liberté religieuse faite de dénonciation de « l’islamophobie » , de revendication de la pénalisation du blasphème, ou encore de déploiement du halal »… Ces mêmes institutions européennes « sont également une source majeure de financement pour la mouvance ». Or, à Paris et concernant les financements européens et le programme Erasmus+, le ministère de l’Enseignement supérieur enregistre « depuis deux ans une augmentation des alertes liées au financement de projets contraires aux valeurs républicaines et relevant de l’islamisme radical »…

Le rapport souligne l’efficacité de cette politique d’influence. Et l’on se souvient encore des tensions entre la France avec la Commission et certains États membres sur la question des financements. Une timidité de certains pays d’autant plus étonnante que la confrérie dispose « de solides implantations nationales en Europe ». Ainsi en Belgique, qualifiée de « carrefour européen de la mouvance frériste », avec un « maillage étroit d’associations et d’organisations ». Mais aussi de l’Autriche et de l’Allemagne « historiquement premières terres d’implantation de la mouvance » où de surcroît se fait sentir l’influence de Millî Görüs, « l’autre mouvance islamiste européenne d’inspiration frériste », directement liée à Ankara. Pour sa part l’Europe du Nord (Pays-Bas, Danemark, Suède) est qualifiée de « territoire d’implantation moindre mais réel de la mouvance ».

Poussée dans les Balkans

Le Royaume-Uni est, selon le rapport, « un poste avancé de la mouvance moyen-orientale » sur le continent. Enfin, les analystes estiment que, quelque trente ans après la guerre en ex-Yougoslavie, les Balkans sont « le principal prospect de développement de la mouvance en Europe ». Avec le projet très opportuniste de profiter du rapprochement de la région avec l’Union européenne. En 2022, un Conseil européen pour le Saint Coran a ainsi été créé à Sarajevo avant de déménager pour Milan. « Le risque d’extension, note le rapport, des financements du dispositif Erasmus aux établissements coraniques implantés dans les Balkans dans les pays candidats sont à la fois un risque pour l’UE et une opportunité bien identifiée par la mouvance »…

Soucieux de reprendre la main, l’État veut susciter une « prise de conscience des effets de l’islamisme politique en France » . Face à la percée de la mouvance frériste, « l’action des pouvoirs publics se heurte encore à une insuffisante appréhension du phénomène », cingle le rapport. Pour expliquer cet « angle mort » mortifère, les auteurs évoquent la « temporalité » d’une menace « moins immédiate que celle présentée par le risque terroriste ». Un préfet résume : « Entre un islamiste qui creuse son sillon à une génération et un radicalisé susceptible de passer à l’acte, l’arbitrage est fait ». À cela se rajoutent le « culte du secret » et la « politique de respectabilité » observée par la confrérie, qui prospère à bas bruit sur un « échelon local plus que national ». Face à cette offensive, la France devra, plus que jamais, fourbir la riposte.



par Une interview de François Lenglet par Ronan Planchon dans FigaroVox 5 août 2025
https://www.lefigaro.fr/vox/monde/francois-lenglet-la-commission-europeenne-court-comme-un-canard-sans-tete-desorientee-par-la-disparition-du-monde-d-hier-20250803 ENTRETIEN - Après l’accord signé avec les États-Unis de Donald Trump le 27 juillet en Écosse, l’Europe entame son «siècle de l’humiliation», estime le journaliste économique et essayiste. François Lenglet est éditorialiste économique à TF1-LCI et RTL. Son prochain livre : Qui sera le prochain maître du monde ?, Éditions Plon, octobre 2025. LE FIGARO. - Dans le cadre de son accord avec Trump , l’Union européenne accepte de voir la quasi-totalité de ses exportations de biens vers les États-Unis frappées de droits de douane à hauteur de 15 % et n’obtient ni ne sanctionne rien en retour. Une autre issue était-elle possible ? Passer la publicité François LENGLET. - Non, cet accord est tout sauf surprenant. Il matérialise le rapport de force entre l’Amérique de Trump et l’Europe : tout pour moi, le reste pour toi. C’est la conséquence du rôle nouveau qu’occupent les États-Unis dans les affaires du monde, la « superpuissance voyou », pour reprendre les termes de l’universitaire américain Michael Beckley. C’est-à-dire la puissance numéro un sans autre ambition que de se renforcer au détriment des autres, à commencer par les alliés de naguère - ce sont eux qui offrent le meilleur rendement dans le chantage, parce qu’ils sont faibles. Le plus frappant dans cette affaire, c’est que l’Union européenne est contente. Humiliée et satisfaite. Alors même qu’en plus des tarifs, Bruxelles piétine ses propres politiques, pour satisfaire Trump. Elle accepte ainsi d’investir 600 milliards en Amérique, alors que l’exode de l’investissement est justement le principal problème pointé par le rapport Draghi… Elle s’engage à acheter des armes américaines, alors qu’elle exhorte les pays membres à renforcer leur base industrielle de défense… Elle s’engage à acheter des tombereaux de gaz américains alors qu’elle œuvre pour le zéro carbone ! Quant à la prétendue « prévisibilité » offerte par l’accord aux exportateurs, c’est une vaste blague. Un condamné à dix ans de prison peut évidemment se féliciter de la prévisibilité de son cadre de vie pour la prochaine décennie. Londres a obtenu de la Maison-Blanche le taux de tarifs douaniers les plus bas possible à ce jour (10 %). Cette « victoire » participe-t-elle à la décrédibilisation de l’Union européenne ? Le commerce américain avec le Royaume-Uni n’est pas déficitaire, cela peut expliquer le traitement plus favorable qu’a obtenu Londres. Dans la hiérarchie des royaumes tributaires de l’empire américain, nous occupons un rang intermédiaire, entre le Royaume-Uni, qui s’en sort mieux, et le Japon, duquel Trump a obtenu le versement de plusieurs centaines de milliards directement au Trésor américain. Et tous ceux qui sont menacés aujourd’hui de 30 % ou 40 % s’ils ne concluent pas d’accord cette semaine. Si l’Union européenne n’était pas en position de force, est-ce parce qu’elle ne maîtrise aucune de ses positions stratégiques à l’échelle de l’économie globale ? Oui, sans aucun doute. Il faut se souvenir que l’Union européenne n’a pas été conçue pour peser dans le jeu mondial. La raison d’être fondamentale de la Commission de Bruxelles, c’est de surveiller les États membres pour qu’ils se soumettent aux règles du marché unique et de la concurrence. Bruxelles a été dressé pour éradiquer les frontières et le nationalisme économique à l’intérieur de l’Union. L’édification de ce marché unique a d’ailleurs été une propédeutique utile pour apprivoiser la mondialisation, surtout pour la France et sa bureaucratie. Mais les temps sont bouleversés. La mondialisation change de nature et de périmètre, elle se fragmente, à cause du recentrage de la puissance principale sur ses intérêts exclusifs au détriment d’un ordre mondial. Il ne peut y avoir de mondialisation sans maître du monde assumé. La Commission devrait donc s’appuyer sur les frontières et pratiquer une sorte de nationalisme européen, si cette expression n’était pas un oxymore, pour défendre les États membres dans la grande confrontation entre les empires. Elle en est incapable car il faudrait pour cela qu’elle renie les traités. Elle court donc comme un canard sans tête, désorientée par la disparition du monde d’hier. Bruxelles a passé des semaines à élaborer des contre-mesures punitives pour les États-Unis en expliquant que nous n’allions pas les utiliser… Les fonctionnaires ont inventé la version commerciale du pistolet à bouchon. François Lenglet L’Europe-puissance est une chimère, entretenue par les fédéralistes qui voudraient encore sauver leur rêve. C’est le dernier stade du déni, avant l’acceptation de la réalité : l’Europe entame son « siècle de l’humiliation », comme la Chine de 1842, après la guerre de l’opium. Trump, exactement comme les Britanniques de l’époque, force l’ouverture de nos ports. Avec ces accords, l’Europe signe donc son traité de Nankin, qui avait asservi l’empire du Milieu aux intérêts commerciaux britanniques. Mais à la décharge de Bruxelles, le problème est plus grave que celui de la seule Commission. Ce sont les citoyens eux-mêmes qui rechignent à la puissance et aux sacrifices qu’elle exigerait d’eux. « Nous n’avons pas été craints », aurait dit Emmanuel Macron juste après cet accord-capitulation. C’est ce qu’on appelle une litote… Le problème pour être craint, c’est bien sûr d’avoir des moyens de rétorsion, mais c’est surtout de vouloir les utiliser. Bruxelles a passé des semaines à élaborer des contre-mesures punitives pour les États-Unis en expliquant que nous n’allions pas les utiliser… Les fonctionnaires ont inventé la version commerciale du pistolet à bouchon. Pire, les officiels français expliquaient à la veille de l’accord qu’il n’y aurait pas de rétorsions tarifaires, car les économistes avaient calculé qu’elles seraient préjudiciables à nos consommateurs ! Pour Trump, ces tarifs visent-ils surtout à relocaliser la production aux États-Unis ? Oui, il veut siphonner la croissance mondiale. Il récuse la position de « consommateur en dernier ressort », qui avait toujours été celle du maître du monde, les États-Unis au XXe siècle, le Royaume-Uni au XIXe. Il vise au contraire la réindustrialisation de son pays. C’est pour cela qu’il veut des tarifs et un dollar faible, afin d’inciter les industriels du monde entier à s’installer aux États-Unis. Il ne s’arrêtera pas là. Ces tarifs vont servir à la coercition des partenaires, afin qu’ils réévaluent leurs devises ou financent gratuitement la dette américaine, avec les fameuses obligations à coupon zéro prônées par l’un des inspirateurs de Trump, Stephen Miran. L’autre objectif est bien sûr budgétaire. Les taxes douanières vont remplir les coffres de Washington. Rien que l’accord avec l’Europe pourrait lui fournir une centaine de milliards de ressources annuelles supplémentaires. Il s’agit de financer le « Big and Beautiful Budget », les baisses d’impôts votées par le Congrès le mois dernier. Dans les deux cas, c’est la stratégie de la prédation : l’Amérique pompe les investissements pour arroser son sol, et les ressources financières des autres pour les redistribuer à ses entreprises sous forme de baisse d’impôt. Ne surestime-t-on pas la victoire de Trump ? Les engagements d’achats et d’investissements européens n’ont d’autre valeur que politique… C’est vrai que les chiffres sont tellement fous qu’ils ne sont pas crédibles. Ursula von der Leyen s’est engagée à 250 milliards d’achats de gaz liquéfié par an, alors que nous sommes, pour l’Europe entière, en dessous de 100 milliards aujourd’hui… Mais cela crée quand même une pression pour les années qui viennent, et c’est sans doute ce que cherchaient les négociateurs américains. Aussi déraisonnables qu’ils soient, ces montants ont été semble-t-il validés par l’Europe. Et, au-delà des considérations sur les montants, une leçon doit être retenue : l’accès aux marchés internationaux a un prix, car il a une valeur. Et ce prix est à la hausse, depuis l’élection de Trump. L’Europe ferait donc bien de réfléchir au prix de l’accès à son propre marché, l’un des plus grands du monde, et à la façon de négocier les prochains accords commerciaux. À quoi peut-on s’attendre, concrètement, sur le plan commercial ? Toute la question est de savoir qui va payer les tarifs. En bonne logique, c’est le consommateur américain, qui verra augmenter le prix des biens importés. Non pas de 15 %, car dans le prix final, les coûts de distribution comptent pour jusqu’à un tiers. En réalité, chacun des intervenants dans le circuit commercial, exportateur, transporteur, importateur, distributeur et consommateur va être mis sous pression pour réduire ses marges ou payer un peu plus. La répartition de ces efforts sera variable en fonction du rapport de force sur le marché, très différent selon les secteurs. Tout cela devrait contracter les flux commerciaux à destination de l’Amérique. Avec des conséquences sur la croissance, moins fortes en France qu’en Allemagne et en Italie, plus exportatrices, comme on le constate déjà sur les chiffres du deuxième trimestre 2025. Le commerce retourne à sa place, asservi à des objectifs politiques. De ce point de vue, Trump nous donne une leçon douloureuse, mais fort utile. François Lenglet Quels seront les secteurs les plus touchés ? Les entreprises de luxe peuvent supporter à la fois une augmentation de prix et une contraction de leurs marges, qui sont importantes. En revanche, pour les produits laitiers et fromage, c’est l’un de nos postes d’exportation importants, le consommateur sera moins enclin à payer. Ce seront les exportateurs qui vont devoir encaisser la moins-value, s’ils ne veulent pas perdre des parts de marché. Idem pour la cosmétique, également l’une de nos forces à l’export. Le haut de gamme s’en sortira, grâce à la puissance des marques et à l’image du « made in France », mais les produits grand public, plus sensibles au prix, devraient souffrir. L’automobile n’est concernée qu’indirectement, car nous n’exportons pas de voitures françaises outre-Atlantique. Les équipementiers français, sous-traitants des constructeurs européens, pourraient toutefois subir les conséquences de la pression sur les exportateurs allemands. Dans tous ces domaines, les industriels vont tenter de produire davantage aux États-Unis, pour échapper aux taxes. Il peut donc y avoir une nouvelle vague de délocalisations. Restent enfin des industries dans l’incertitude, car leur régime douanier n’a pas encore été défini, comme la pharmacie. Peut-on s’attendre désormais à une marginalisation de la Commission européenne ? Von der Leyen va-t-elle devenir l’amie que les États membres n’assument plus ? Les questions commerciales divisent l’Europe depuis toujours, à la fois entre États membres, qui n’ont pas les mêmes intérêts, et d’un secteur à l’autre au sein d’un même pays. Cette fois-ci, pourtant, le continent n’est pas vraiment divisé, il se partage entre les perdants résignés et les perdants soulagés. Soulagés parce qu’ils redoutaient pire - c’est la force de Trump que d’avoir attendri la viande pendant les négociations, en menaçant de taxes encore plus punitives. Au-delà des jérémiades, il n’y a donc pas de réelle volonté de remettre en cause l’accord avalisé par la présidente de la Commission. De plus, plusieurs partenaires commerciaux des États-Unis ont déjà avalé leur pilule, le Japon, la Corée du Sud, et tous ceux qui attendent dans le couloir de la Maison-Blanche… Il n’y a plus guère que la Chine qui tienne tête à l’Amérique. Il faut espérer que cette affaire aura au moins eu pour effet de révéler à l’Europe, à ses citoyens et ses dirigeants, l’ampleur des changements en cours dans les relations internationales. Dans la confrontation qui s’intensifie, tout est stratégique, y compris les questions commerciales. Tout a un prix. Tout est levier pour obtenir de l’influence ou des ressources. Cela exige de nous une révolution, dans l’idéologie et dans l’action, après quarante ans où le libre-échange était considéré comme l’état naturel des rapports internationaux, indépendant des questions politiques et profitables à tous. Le commerce retourne à sa place, asservi à des objectifs politiques. De ce point de vue, Trump nous donne une leçon douloureuse, mais fort utile. Pour reprendre un aphorisme de l’économiste Marc de Scitivaux, dans la longue histoire du coup de pied au derrière, ce n’est pas toujours le pied le plus coupable.
par Henri Guaino 4 août 2025
"Lettre ouverte à Jean-Luc Mélenchon à propos de la langue française et de quelques autres sujets" Une tribune d'Henri Guaino parue dans Le Figaro le 28 juillet 2025 : https://www.notrefrance.fr/index.php/medias/
par Louise Morice 26 juillet 2025
"Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le solde naturel est négatif. Ce que l’on attendait pour 2027 est déjà là, en 2025. Trop tôt. Trop vite. Et pourtant, pas un sursaut. Pas un électrochoc. Le pays continue, imperturbable, comme sous anesthésie. Ce chiffre, pourtant fondamental, ne suscite ni débat national, ni mobilisation. On le constate, on le commente, puis on passe à autre chose. Comme toujours." https://www.frontieresmedia.fr/tribunes/tribune-louise-morice-le-silence-des-enfants-le-prix-du-renoncement
par Mathieu Bock-Côté 26 juillet 2025
Une tribune de Mathieu Bock-Côté dans FigaroVox (25/07/2025) https://www.lefigaro.fr/vox/politique/mathieu-bock-cote-de-la-fin-du-macronisme-20250724 CHRONIQUE - Le macronisme, dont Bruno Retailleau a prédit la fin une fois qu’Emmanuel Macron ne sera plus président de la République, a d’abord été le réflexe de survie d’un régime en panne, avant de se muer en une forme de centrisme autoritaire. C’est une des polémiques de l’été : sommes-nous témoins de la fin du macronisme ? La question peut se comprendre au premier degré : dans quelle mesure Emmanuel Macron peut-il encore peser jusqu’à l’élection présidentielle de 2027 ? Pour certains, elle relève de l’hérésie. La garde prétorienne du président accuse ainsi de lèse macronisme les figures du gouvernement qui n’ont pourtant jamais caché leur hostilité à son endroit. Voyons-y la joute politique ordinaire. À découvrir La question ne devient pourtant intéressante qu’en se détachant de la personnalité du président de la République pour faire plutôt le bilan de la synthèse qu’il a cherché à composer en 2017. Ce qui nous oblige à revenir à ses origines. Le macronisme fut d’abord le réflexe de survie d’un régime en panne, aux clivages devenus stériles, sentant monter une menace « populiste » et voulant se donner les moyens de la mater en ripolinant sa façade et en confiant la direction du pays à un jeune homme qu’on disait exceptionnel. Les élites politiques concurrentes qui, jusqu’alors, s’affrontaient selon la loi de l’alternance entre la gauche et la droite, se fédérèrent alors dans ce qu’on allait appeler un bloc central revendiquant le monopole de la République, de ses valeurs et de la légitimité démocratique, mobilisé contre des extrêmes, censées menacer la démocratie. L’alternative était posée : macronisme ou barbarie ! La rhétorique anti-extrêmes au cœur du macronisme masquait toutefois une fixation bien plus précise sur la droite nationale - alors qu’il convergeait culturellement avec la gauche radicale. Le macronisme n’a jamais cessé de proposer une offre politique conjuguant diversitarisme et mondialisme, auxquels s’est ajoutée la transition énergétique, sous le signe d’un empire européen à construire. L’homme européen auquel rêvent les macronistes a souvent eu les traits d’un l’homo sovieticus revampé. Le macronisme semblait faire du multiculturalisme une promesse. Il croyait les tensions dans les quartiers solubles dans la croissance, convaincu qu’il n’existe pas d’incompatibilité entre certaines civilisations, que l’islam est une religion comme une autre, et que le nombre, en matière migratoire, est une variable insignifiante. Il n’a pas vu et ne voit toujours pas la submersion migratoire, sauf pour la célébrer. Il se représente moins l’immigration comme une fatalité que comme un projet. Le macronisme s’est aussi rapidement dévoilé comme une forme de centrisme autoritaire qui préfère se faire appeler État de droit Mathieu Bock-Côté Le macronisme se voulait aussi un technocratisme : les meilleurs enfin rassemblés pourraient facilement résoudre les problèmes de la France, dégraisser l’État social, relancer l’économie et libérer les énergies du pays. La pensée unique trouvait sa traduction pratique et quiconque entendait gouverner à partir d’autres principes était accusé de se laisser emporter par des bouffées idéologiques délirantes. La situation financière de la France laisse croire que cette stratégie était moins performante que prévu. Le macronisme s’est aussi rapidement dévoilé comme une forme de centrisme autoritaire qui préfère se faire appeler État de droit. De 2017 à 2025, les initiatives se sont multipliées pour assurer une régulation publique de l’information, pour lutter contre les discours haineux, pour étendre la surveillance des pensées coupables au discours privé, sans oublier la dissolution de nombreux groupes identitaires, l’acharnement judiciaire et financier contre le RN et la fermeture d’une chaîne de télévision décrétée d’opposition. Le régime n’a plus de base populaire C’est ce qui a permis au macronisme de fédérer, l’an passé, les partis du système dans un front républicain allant de l’extrême gauche à la droite classique pour empêcher l’arrivée au pouvoir du RN. Le macronisme, à ce stade, abolissait le pluralisme politique authentique. Il n’y avait de diversité idéologique légitime qu’au sein du bloc central. L’extrême centre et la gauche radicale ont l’antifascisme en langage partagé. La droite classique, évidemment, s’est tue, de peur de déplaire. La seule opposition autorisée est celle qui se structure dans les paramètres du régime, et qui célèbre ses principes, avant de le contredire dans les détails. La révolte fiscale se fait entendre, la révolte identitaire et sécuritaire travaille la France depuis un bon moment, mais le macronisme est résolu à mater les gueux et les lépreux, qu’il se représente comme un peuple factieux, presque comme une meute de dégénérés dangereux. Le régime n’a plus vraiment de base populaire, mais ne s’en émeut guère. Le macronisme en est ainsi venu à confondre les palais de la République avec le maquis. Derrière les appels à répétition à sauver la démocratie, on trouve surtout une caste, qui est aussi une élite moins douée qu’elle ne le croit, résolue à prendre tous les moyens nécessaires pour conserver ses privilèges et ses avantages, effrayée devant la possibilité qu’une autre élite la congédie et la balaie. Les prébendes de la République valent bien la peine qu’on se batte pour elles.
par Julien Abbas (Valeurs Actuelles) 26 juillet 2025
Une tribune de Julien Abbas dans Valeurs Actuelles "La France, bercée par ses souvenirs de grandeur, se trouve aujourd’hui, après huit ans de présidence d’Emmanuel Macron, fragilisée sur l’échiquier mondial. L’action de Jean-Noël Barrot à la tête du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ne fait qu’accentuer cette dérive." https://www.valeursactuelles.com/politique/jean-noel-barrot-un-ministre-etranger-aux-affaires
par Eric Chol (L'Express) 26 juillet 2025
Un edito d'Eric Chol dans l'Express (16/07) Et si on appliquait le plan Pinay-Rueff à la France ? Arrivé à Matignon en 1958, le général de Gaulle trouve un pays au bord de la banqueroute, comparable à la situation actuelle. Le président de la République a eu beau appeler à « la force d’âme », le pays aura du mal à se défaire du bonnet d’âne qui désormais le caractérise en Europe. Car comment qualifier autrement l’abyssesse des finances publiques, rendue possible par une croissance moribonde et dix ans de promesses mensongères successifs pour l’intendance, de la démagogie d’un personnel politique plus soucieux des élections que de l’intérêt national, et de l’addiction incurable de nos compatriotes aux chèques et à l’Etat ? On connaît (depuis 1974) la chanson, mais n’y fait : la France, année après année, déchoit. Même le plan Bayrou ne lui ressemble qu’à une énième incantation qui nourrira une gêne ou elle sera vite oubliée. Et si l’on essayait vraiment un plan de redressement national ? C’est ce qu’avait fait l’un des ministres des Finances les plus brillants, Antoine Pinay, nommé en 1958 par le général de Gaulle. Un esprit comparable mentalement au plus lucide des conseillers de Gaulle, lorsqu’il arrive à Matignon, c’est d’avoir compris que la crise budgétaire de la France, anémique, asphyxiée par les dépenses, dissuadait le grand débiteur d’agir. Pinay demande donc l’aide d’un directeur général du FMI de l’époque, le Suédois Per Jacobsson, ni plus ni moins. Le plus fou est qu’à Paris, comme à Washington, ce fut le diagnostic économique qui fit l’unanimité : la France, dans sa totalité – Intérieur, Défense, Affaires étrangères… – devait rendre les comptes à l’Etat, dans les moindres détails. Et c’est à ce moment-là que le général de Gaulle, aidé par Jacques Rueff, inspecteur des finances, met le pied dans la fourmilière. L’événement économique déterminant de décembre 1958, pour assainir le pays, Car oui, c’était possible, et de Gaulle l’a fait. Comment ? Tout d’abord en misant sur Jacques Rueff, un inspecteur des finances habitué à voler au secours des économies fragiles : trente ans plus tôt, dépêché par la Société des nations, cet ancien du cabinet Poincaré avait testé l’efficacité de ses recettes en Bulgarie, en Grèce ou au Portugal. De ces sauvetages, le polytechnicien a tiré une devise : « Exigez l’ordre financier ou acceptez l’esclavage. » Le plan Pinay-Rueff, adopté en décembre 1958, n’a rien d’un chemin de roses : augmentation de taxes et des impôts, compression des dépenses publiques, fin de nombreuses subventions, dévaluation du franc… La purge a un goût amer. « Et bien, les Français crient. Et après ? », rétorque de Gaulle à ses ministres inquiets. Mais les Français n’ont pas crié, et les comptes de la nation ont été rétablis en six mois. « La force de ce programme, c’est qu’il touchait l’ensemble des classes sociales : agriculteurs, retraités, fonctionnaires, chefs d’entreprise… Tout le monde a dû mettre la main à la poche », analyse l’historienne Laure Quennouëlle-Corre. Le plan Pinay-Rueff avait d’autres atouts. La popularité de Pinay, pour faire passer la pilule auprès des Français. « Sa mise en œuvre a été faite par un homme fort qui disposait d’un ascendant et d’une majorité très importante dans le pays. Le plan a été accepté parce qu’il était porté par de Gaulle, » précise l’auteur du Dénî de la dette. Une histoire française (Flammarion). Sept décennies plus tard, on a la recette, mais incontestablement, on manque encore d’un chef !
par LD31 26 juillet 2025
On croyait que la suppression des 2 jours fériés, ce serait pour réduire le cout du travail ? Raté ... ce sera pour financer un impôt supplémentaire sur les entreprises !
par François Vannesson 17 juillet 2025
Un post Linkedin de François Vannesson, avocat au barreau des Hauts-de-Seine et fondateur du cabinet Morpheus Avocats Najat Vallaud-Belkacem, L’avatar capillaire du pédagogisme invertébré, vient d’être bombardée à la Cour des comptes. Une récompense bien méritée pour l’immense œuvre de destruction méthodique qu’elle a menée contre l’instruction publique : elle a vidé les cerveaux avec une cuillère en bois, puis repeint les murs de la salle de classe avec les restes. À l’époque, elle nous vendait l’école comme un espace d’auto-expression émotive où la syntaxe était fasciste, la chronologie raciste, la discipline patriarcale et l’excellence un attentat psychologique. Elle dirigeait le ministère comme on organise une orgie dans un hospice : sans scrupule, sans hygiène, sans témoin. Et maintenant elle va compter. Pas les fautes, non, ni les manques, ni les milliards égarés entre deux lubies. Elle va compter avec sa méthode : à la louche, au ressenti, à l’échelle du trauma perçu. Chaque déficit sera une blessure symbolique, chaque trou dans le budget une opportunité de réinvention inclusive. Mais la meilleure part, c’est le parrainage. François Bayrou, incarnation ambulante du compromis diarrhéique, l’a propulsée là. L’homme qui croit encore à son destin présidentiel comme un vieil ivrogne croit au retour de l’amour conjugal. Il négocie une nomination comme un souteneur distribue des faveurs : contre une abstention PS sur la censure. République mon amour, tu n’es plus qu’un kiosque à prostitutions morales. La scène est si grotesque qu’on en pleurerait de rage : l’ancienne démolisseuse de la langue française promue gardienne des comptes. L’incompétence sanctifiée, l’idéologie élevée au rang de compétence, l’erreur transformée en critère de sélection. Bientôt viendra son premier rapport : « Vers une comptabilité intersectionnelle : décoloniser les bilans, racialiser les soldes ». Elle y ajoutera une bibliographie lacrymale, quelques verbes en inclusif approximatif, et un graphique en arc-en-ciel pour masquer l’effondrement. La France, pendant ce temps, crève à petit feu. On supprime les jours fériés, on broie les actifs, on appuie sur la gorge des classes moyennes jusqu’à ce qu’elles n’aient plus que l’impôt pour respirer. Mais au sommet de la pyramide invertie, les fossoyeurs se félicitent. On ne leur demande plus d’être bons. Juste d’avoir bien nui. Et là, Najat coche toutes les cases. Avec application. Et un très joli stylo.
par Interview du philosoque Pierre-Henri Tavoillot par Eugénie Boilait dans FigaroVox 16 juillet 2025
ENTRETIEN - Le ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, a contesté sur LCP l’existence d’un quelconque « islamo-gauchisme » au sein de l’université française, arguant que le terme n’existait pas « en tant que terme universitaire ». Pour le philosophe Pierre-Henri Tavoillot*, cette affirmation est doublement erronée. * Maître de conférences à Sorbonne Université et président du Collège de philosophie, Pierre-Henri Tavoillot est aussi le référent laïcité de la région Île-de-France. https://www.lefigaro.fr/vox/societe/quoi-qu-en-dise-le-ministre-la-realite-du-terrain-confirme-l-existence-d-un-islamo-gauchisme-dans-les-universites-20250709 LE FIGARO. – Le ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, a contesté le 7 juillet sur LCP l’existence d’un quelconque « islamo-gauchisme » au sein de l’université française, arguant que le terme n’existait pas « en tant que terme universitaire ». « Il n’est même pas bien défini, donc cette notion n’existe pas », a-t-il assuré. Selon vous, cet argumentaire tient-il la route ? Passer la publicité Pierre-Henri TAVOILLOT. - À vrai dire, ce propos est doublement erroné : d’abord parce que le concept d’« islamo-gauchisme » est clairement identifié, et ensuite parce que, comme toute idéologie, il est évidemment présent à l’université, réceptacle naturel de toutes les idéologies existantes. Mais chaque chose en son temps. Revenons au concept qui a été construit par Pierre-André Taguieff dans les années 2000 et dont l’histoire est parfaitement connue. L’historien des idées l’évoque notamment dans son ouvrage Liaisons dangereuses. Islamo-nazisme, islamo-gauchisme (Hermann, 2021). À partir de là, la définition de l’idéal-type est simple à établir, avec trois points fondamentaux qui le caractérisent. Il y a d’abord l’idée que l’islam est la religion des « opprimés » - ce qui permet aux révolutionnaires de gauche d’abjurer leur aversion du religieux, la religion étant traditionnellement perçue comme l’« opium du peuple ». Et la révolte islamiste est, pour le révolutionnaire en herbe, une « divine surprise » qui permet de pallier la tendance conservatrice, voire réactionnaire, du prolétariat européen. En effet celui-ci se contente dorénavant de « défendre les acquis sociaux » ou de voter pour le Rassemblement national. Dans ces conditions, la révolution n’est plus envisageable avec lui, d’où la deuxième idée structurante qui réside dans l’urgence de faire venir un prolétariat actif et révolutionnaire. L’islamo-gauchisme soutient donc l’ouverture sans limite des frontières et l’accueil de ceux qu’ils pointent comme les « damnés de la terre ». Avec ces derniers, il redevient possible d’envisager la destruction de la pseudo-social-démocratie libérale et du système capitaliste. La troisième idée est que l’islamisme est lui-même une simple réaction de défense, légitime donc, face à un impérialisme occidental et néocolonial qui veut imposer à coups de canon son « idéologie des droits de l’homme » dans le monde entier. De ce point de vue, les plus à l’extrême vont percevoir les attentats comme des réactions, à l’instar du pogrom du 7 Octobre en Israël, que certains ont qualifié d’« acte de résistance ». D’ailleurs, la judéophobie est l’une des dernières composantes, et non des moindres, de cette idéologie. On a là un raisonnement qui donne sa cohérence à bien des prises de position étranges de la part de La France insoumise, notamment. Dire que le concept n’existe pas, c’est se priver du moyen de comprendre l’extrême gauche, et même une partie de la gauche, qui met par exemple Gaza et le drapeau palestinien en tête de toutes ses revendications. D’après le ministre, tous les atermoiements des dernières années à l’université témoignent donc simplement d’une tradition française bien ancrée, celle de la forte politisation des universités. Sur ce point, il n’a pas tort : qu’est-ce qui différencie vraiment la période actuelle ? Il existe tout de même une inquiétude supplémentaire par rapport au passé : on a affaire là, potentiellement, à de la violence. Ce ne sont pas seulement des débats d’idées. On a vu ce qui s’est passé à l’école avec Samuel Paty et Dominique Bernard quand la haine est attisée. Ces choses sont à prendre au sérieux. Ce n’est pas majoritaire, mais c’est une minorité fanatique. Entre les débats même violents que l’on a pu connaître par le passé à l’université et ceux d’aujourd’hui, il y a un potentiel changement de nature. Cette idéologie existe donc à l’université ? Elle n’est pas majoritaire ni structurelle, mais elle est bien présente. Et cela dépend largement des secteurs. On peut en donner bien des exemples : il n’a par exemple échappé à personne qu’un certain nombre de blocages qui avaient eu lieu ces derniers mois devant ou dans nos universités se justifiaient par l’hostilité envers la guerre à Gaza. De prime abord, on peut se demander pourquoi, dans une université française, on bloque les cours du fait de la guerre au Moyen-Orient ? En effet, la France n’est pas cobelligérante : sur le strict plan universitaire, ça n’a pas de sens. Il a donc fallu trouver des justifications et on les a trouvées au cœur de ce qu’on appelle l’islamo-gauchisme. Il faut arrêter ce déni qui, en plus d’être agaçant, donne l’impression que c’est l’ignorance qui prime Pierre-Henri Tavoillot Plus personnellement, en tant que référent laïcité de la région Île-de-France, j’ai de nombreuses remontées de terrain qui témoignent de ce que l’on appelle l’« entrisme islamiste ». Ce n’est pas un fantasme. Il y a quelques mois, notre collègue Fabrice Balanche a été interrompu dans son propre cours par des activistes. À Lyon, on sait aussi qu’il existe des salles de prière au sein des établissements. Il y a le spectacle de l’Unef dont la dimension de gauche laïque cède la place aujourd’hui à une dimension « frériste » - cela laisse d’ailleurs dans la stupéfaction ceux qui furent ses anciens militants. Les étudiants sont-ils les seuls concernés ? Les professeurs le sont également. J’ai de nombreux collègues proches de La France insoumise, et ils sont d’ailleurs dans leur bon droit. Certains, comme François Burgat, se revendiquent même de l’islamo-gauchisme. Preuve, s’il en fallait, que, si, aujourd’hui, pour nombre de gens, ce terme est péjoratif, il est en premier lieu descriptif et renvoie à des idées et à un raisonnement. Je ne suis pas d’accord avec cette position, mais elle a de la cohérence : ainsi, dire que ça n’existe pas n’a absolument aucun sens… C’est une grille incontestable qui explique une partie des débats aujourd’hui en France. Dans la classification de la gauche selon Jacques Julliard, il y a la gauche collectiviste, la gauche libertaire, la gauche libérale et la gauche jacobine. Il y a beaucoup d’antagonismes entre elles, mais ce qui réunit les gauches libertaire et collectiviste, c’est précisément l’islamo-gauchisme. Elles vont se retrouver ensemble comme à la manifestation contre l’islamophobie du 10 novembre 2019. Cette dernière avait réuni la CGT, l’Unef, le Parti communiste, Les Verts, Lutte ouvrière, LFI, le NPA. Il y avait une unification des deux gauches radicales qui s’opposaient, de ce point de vue, aux deux autres gauches, laïcardes. Il faut donc arrêter ce déni qui, en plus d’être agaçant, donne l’impression que c’est l’ignorance qui prime. D’autant qu’il est de plus en plus marginal. Il faut être clair pour établir un diagnostic fiable. Ce serait d’ailleurs bienheureux pour tout le monde, car cela nous empêcherait à la fois de sous-réagir et de surréagir. Il faut plutôt accepter le réel, pour, ensuite, voir ce qui relève de la liberté d’expression politique et ce qui relève des attitudes et des actions contraires à l’esprit et à la lettre des universités. Là est le véritable enjeu. D’autant que la prise de parole du ministre s’oppose à ce que disaient certains de ses prédécesseurs… Cet effet yoyo est une constante depuis que Jean-Michel Blanquer a cessé d’être ministre. Lui a eu l’immense mérite d’avoir une politique claire et de long terme sur le sujet. Maintenant, les allers-retours sont permanents, alors même que la réalité commence à apparaître au grand jour.
par Stéphane Loignon et Solenn Poullennec (Les Echos) 14 juillet 2025
Les propositions pour réformer les dépenses publiques ne manquent pas et le Sénat a rendu récemment une nouvelle copie. Mais François Bayrou aura t'il ne courage de n'en retenir ne serait ce que quelques unes plutôt que de tomber dans la lâcheté habituelle des augmentations d’impôts ... https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/budget-les-propositions-chocs-du-senat-pour-redresser-les-comptes-publics-2175473 Budget : les propositions chocs du Sénat pour redresser les comptes publics Gel des crédits, non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, jours de carence des fonctionnaires, « année blanche » sur les prestations sociales… La majorité sénatoriale a livré des recommandations drastiques pour redresser les comptes.Par Stéphane Loignon, Solenn Poullennec Le Sénat a rendu sa copie budgétaire au Premier ministre. Son contenu donne une idée de l'ampleur des sacrifices qui pourraient être demandés. Lundi, le président de la Chambre haute, Gérard Larcher, s'est rendu à Matignon pour dévoiler la contribution de la majorité sénatoriale au prochain budget, à une semaine de l'annonce par François Bayrou de son plan de redressement des finances publiques. « Les Echos » ont pu se procurer ce document révélé par Contexte. Sans prétendre remplacer le gouvernement, les sénateurs de la majorité du centre et de droite ont souhaité apporter leur pierre à l'édifice, en compilant des pistes d'économies pour ramener le déficit à 4,6 % du PIB l'an prochain, contre 5,4 % visés cette année. « Il y a une voie, qui est exigeante, mais c'est maintenant qu'il faut le faire », insiste le rapporteur général du budget, Jean-François Husson (LR), à l'issue de ce travail collégial entamé mi-mai. « On a essayé d'équilibrer entre les entreprises, les retraités, les actifs. Que chacun puisse considérer qu'il est soumis au même régime d'effort… », témoigne la sénatrice centriste Elisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des Affaires sociales. Selon elle, « ce n'est pas la copie définitive » mais plutôt « des options ». Baisse des dépenses Alors que le gouvernement a estimé l'effort nécessaire à 40 milliards d'euros en 2026, les propositions sénatoriales aboutissent à une fourchette comprise entre 30 à 50 milliards d'euros. « Sur les presque 50 milliards, environ 45 milliards concernent la baisse de la dépense publique, ça ne s'est jamais fait », souligne Jean-François Husson. Le recours à la fiscalité se limite à un éventuel gel du barème de l'impôt sur le revenu, dans le cadre d'une « année blanche » si les baisses de dépenses ne suffisent pas, et à la pleine application du dispositif contre la fraude CumCum (1,5 à 2 milliards d'euros à la clé), prévu au budget 2025 et que les sénateurs jugent bridé par un texte d'application de Bercy. Tout le reste repose sur la baisse des dépenses, en premier lieu de l'Etat. A minima, le Sénat recommande le gel en valeur des crédits budgétaires - hors défense, charge de la dette et contribution à l'Union européenne -, qui produirait 10 milliards d'euros d'économies par rapport à l'évolution spontanée des dépenses. Chaque baisse de 1 % des crédits hors loi de programmation rapporterait 2,4 milliards d'euros supplémentaires. Non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux Sauf pour les Armées, le Sénat propose même de « réinterroger » les lois de programmation qui encadrent les budgets du ministère de l'Intérieur, de la Justice et de la Recherche. Au maximum, ramener les crédits au niveau du dernier budget avant Covid (soit celui de 2019), en tenant compte de l'inflation, rapporterait carrément 22 milliards d'euros (un objectif qui ne pourrait être atteint que progressivement). Pour réaliser des économies dans la durée, les sénateurs veulent aussi que l'Etat reprenne le contrôle de sa masse salariale, qui a grimpé de 6,7 % l'an passé. Ils remettent sur la table le principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, mis en place sous le mandat de Nicolas Sarkozy puis abandonné sous François Hollande. La mesure rapporterait 500 millions d'euros l'an prochain. Ils réclament également l'harmonisation du régime des jours de carence dans la fonction publique (un jour actuellement) avec celui du privé (trois jours), avec 200 millions d'euros à la clé en 2026. La rationalisation des agences et opérateurs apporterait 540 millions d'euros d'économies sur leur fonctionnement, en suivant les recommandations du rapport de la sénatrice LR Christine Lavarde. « Année blanche » notamment sur les retraites. Les collectivités apporteraient un écot modeste au redressement des comptes, à hauteur d'un « maximum de 2 milliards d'euros », comme cette année. Celles-ci ne sont que « de manière anecdotique responsable de l'aggravation de la dette publique depuis 2019 », juge le Sénat, contrairement à la Cour des comptes. Les sénateurs voient en revanche de gros gains potentiels dans la lutte contre l'enchevêtrement des compétences entre Etat et collectivités. L'application des recommandations du rapport Ravignon rapporterait jusqu'à 7,5 milliards d'euros, éventuellement au bout de deux ans (3,8 milliards la première année). Une réforme des décrets tertiaires, dont le coût qui pèse sur les collectivités aurait atteint 3,3 milliards d'euros en 2023, permettrait de récupérer cette somme, potentiellement en deux ans. Enfin, la Sécurité sociale fournirait environ 10 milliards d'euros d'économies en 2026 dans le plan des sénateurs, notamment via une « année blanche » (non-indexation) des prestations sociales (5 milliards d'euros dont 3 milliards d'euros pour les retraites). L'Assurance Maladie apporterait aussi 5 milliards d'euros, par différentes mesures concernant entre autres la prise en charge des affections de longue durée, les médicaments et les dispositifs médicaux. Les assureurs santé pourraient se voir confier des missions de prévention, aujourd'hui assumées par la « Sécu ». Reste à savoir dans quelle mesure le gouvernement s'inspirera de ces nombreuses propositions.