Nationalisme corse et identités régionales
- par Natacha Gray
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- 19 mars, 2018
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En France le problème corse est revenu au cœur de l’actualité avec l’incontestable victoire des nationalistes en décembre aux élections pour la nouvelle collectivité spécifique entrée en fonction le 1er janvier 2018, puis début février avec le voyage du président Macron sur l’île et sa fin de non-recevoir à la plupart des revendications qui lui ont été présentées. Où en sont les Corses ? Que veulent-ils ? Que veulent-ils encore ajouteront certains ? Un scénario à la catalane, avec le référendum pour l’indépendance et le bras de fer avec l’État espagnol, est-il possible ici ? Nous avons achevé le précédent article consacré à l’identité de la France (à consulter en cliquant ici) sur l’idée d’identités emboîtées, du local à l’Europe, complémentaires et qui ne s’excluraient pas. L’identité corse peut-elle s’affirmer sans mettre en péril le caractère « un et indivisible » de la République française ? Le problème est complexe et demande une analyse dépassionnée, bien loin de la vision manichéenne et caricaturale qu’en donnent, depuis des années, les médias obsédés par le sensationnalisme ainsi que de nombreux politiques qui peinent à dépasser les incantations (République, indivisibilité…), les postures méprisantes, les rancœurs héritées de la violence terroriste du FLNC contre les intérêts continentaux et leurs craintes d’affaiblissement de l’État central.
Un constat : le renouveau des revendications régionales.
Un peu partout en Europe on assiste en effet à la montée de revendications identitaires à l’échelle régionale : Catalogne, Corse, Écosse, Italie du Nord, Flandre... Des coalitions regroupant partisans d’une autonomie approfondie et indépendantistes gagnent les élections locales, des référendums légaux (Écosse) ou non reconnus (Catalogne) sont organisés en vue d’obtenir l’indépendance. En Espagne on pensait les revendications progressivement éteintes depuis que la Constitution de 1978 avait donné de larges prérogatives aux « autonomías » aux identités marquées, mais le grave conflit entre la majorité nationaliste élue à la Generalitat suite au referendum d’autodétermination d’octobre 2017 et l’État espagnol montre qu’il n’en est rien. De même les tensions et provocations, de part et d’autre, qui ont accompagné le voyage du président Macron en Corse sont révélatrices du malaise et de l’incompréhension persistante entre pouvoir central et élus locaux.
Certes, tous les mouvements indépendantistes ont renoncé, les uns après les autres en Europe, à la lutte armée : en Catalogne Terra Lliure a abandonné les armes dès 1991, l’ETA a déposé officiellement les siennes en 2011 au Pays basque, le FLNC en a fait de même en Corse en 2014. On est bien loin des années 1970-1980 quand le nationalisme s’exprimait au travers de règlements de comptes, de mouvements terroristes, de bombes et d’assassinats politiques, le dernier en date étant celui du Préfet Érignac en Corse le 6 février 1998. De cette époque ne restent que quelques prisonniers purgeant leur peine, que les États centraux considèrent comme relevant du droit commun et que les forces nationalistes revendiquent en tant que prisonniers politiques. Cet abandon de la violence correspond de fait à de réelles avancées institutionnelles, issues d’un dialogue renoué dans un cadre démocratique et que nous évoquerons plus tard.
Bien évidemment le sentiment identitaire ne date pas d’aujourd’hui ni même d’hier et repose sur le sentiment d’appartenance à une nation (au sens démographique, sociologique et historique du terme), qu’il faut distinguer de la nation (pays) au sens de laquelle le territoire régional est englobé. Pour éviter la confusion avec l’échelle de la France, on qualifie parfois de « régionales » les revendications nationalistes dans des régions historiquement dotées d’un fort sentiment d’appartenance (Corse, Catalogne). Rappelons qu’une nation rassemble des personnes, généralement sur un même territoire (même si une nation peut être diasporique), qui partagent entre elles un passé commun, une langue, une culture propre, souvent une religion et, dans le présent, « le consentement mutuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de faire valoir l’héritage que l’on a reçu indivis » pour reprendre une définition d’Ernest Renan. Cette définition est évidemment indissociable de la notion de peuple. La nation ajoute à l’idée de peuple la délimitation d’un territoire historique, des institutions ou, à défaut, la volonté de construire quelque chose ensemble pour conserver un certain nombre de valeurs, un patrimoine culturel, architectural, juridique, des pratiques, des coutumes. À ce titre, il est indéniable que les Corses, les Catalans, les Écossais, les Flamands furent et restent des nations, seule « l’identité padane », parmi ces courants nationalistes qui se font entendre aujourd’hui, semble être une construction récente (XXe siècle) de la Ligue du Nord (devenue la Ligue pour dépasser son périmètre historique)[i].
Nier la spécificité de la Corse et que ses habitants forment un peuple bien particulier, sur le prétexte que l’île est une collectivité territoriale française, c’est faire peu de cas de l’histoire et de la géographie, et se laisser aveugler par l’idéologie ou la rancœur héritée des temps où des militants indépendantistes armés défiaient la République, cagoulés et armés, tout en posant des bombes contre les intérêts continentaux. Difficile en effet d’oublier également, vingt ans après, le traumatisme face à la forfaiture impardonnable que fut, y compris pour de nombreux Corses, l’assassinat d’un préfet pour le seul motif qu’il incarnait par sa haute fonction la présence de l’État français sur l’île. Mais, quoi que l’on pense des revendications autonomistes ou indépendantistes, quelles que soient nos sympathies ou antipathies pour cette région longtemps « remuante » et frondeuse, cela ne doit pas conduire à des dénis de réalité qui empêchent tout dialogue constructif.
Géographes et sociologues peuvent témoigner que, comme toute île, sauf celles qui sont aisément reliées à un continent, la Corse a créé une civilisation originale qui est le syncrétisme de plusieurs influences, ce que Anne Meistersheim[ii] dans ses travaux sur le fait insulaire nomme la « dialectique de l’ouverture/fermeture » : une île est ouverte sur le monde, elle fut une étape sur les routes maritimes, recevant ainsi de nombreuses influences. Mais elle peut également se refermer sur elle-même, surtout quand il s’agit d’un espace montagneux, de faible superficie, et construire, au fil du temps, par synthèse des diverses influences, une civilisation originale à celle du continent lorsqu’il s’agit d’un espace intégré à un État plus ou moins lointain. Toutes les approches phénoménologiques, transdisciplinaires, s’appuyant sur le vécu des insulaires et l’expérience externe des continentaux, montrent la solidarité de fait entre les habitants, un lien social très vivant, des lois particulières fondées sur un code de l’honneur (toutes les îles méditerranéennes furent ainsi longtemps des régions de vendetta), des pratiques et coutumes spécifiques, un fort attachement au territoire et à ses spécificités, à la transmission de ce qui fait l’identité îlienne, et souvent une langue spécifique qui n’est pas un patois et a survécu aux multiples influences extérieures. Et de fait la Corse n’est française que depuis 1769, quand elle fut conquise militairement après 4 siècles de rattachement à la République de Gènes et quelques décennies d’indépendance au cours desquels elle mit en application la première constitution démocratique de l’Histoire, accordant même le droit de vote aux femmes en 1755 ! L’Université de Corse (à Corte) fut d’ailleurs pionnière dans l’étude des spécificités des espaces insulaires, mettant en évidence une triple caractéristique : l’insularité (ce qui caractérise un espace entouré par la mer, généralement montagneux, avec des coûts liés à l’éloignement, une économie particulière…), l’iléité (les coutumes, la vie quotidienne, le lien social, le fait d’être et de se sentir un îlien) et l’insularisme (une certaine propension à la révolte et aux revendications, la capacité à se soulever contre l’État central quand une île est rattachée administrativement à un espace exogène).
Ces caractéristiques s’appliquent à la Corse, il faudrait être aveugle ou de bien mauvaise foi pour le nier et faire semblant de croire que, parce que la collectivité relève administrativement de la République française, elle en aurait perdu de facto toute spécificité et que son identité particulière se serait effacée.
Les causes de ce renouveau régional sont multiples.
De façon générale cette progression des revendications régionales[iii] et leur durcissement récent peuvent être mis en relation avec plusieurs facteurs et il faut bien en prendre conscience afin de se convaincre que cette affirmation des nationalismes locaux est une réalité, qu’elle sera durable et ne fera qu’augmenter. Refuser le dialogue ne fera pas disparaître ce phénomène, bien au contraire.
D’une part la réaction à la mondialisation et l’homogénéisation des modes de vie, des paysages, la disparition de traditions locales, la crainte de l’extinction de langues locales faute de nouveaux locuteurs, l’ouverture des frontières et la mobilité résidentielle produisent à toutes les échelles un retour aux « racines », la volonté de s’ancrer dans un territoire, une culture, une histoire, de préserver les héritages du passé, de réactiver une identité propre. À cet égard le renouveau des nationalismes, qui dès les années 1980 a fait éclater des États comme la Yougoslavie qui fédérait plusieurs « nations » n’est qu’une traduction parmi d’autres (citons le renouveau des parlers et langues locaux, les régionalismes, le retour des produits à l’ancienne, le succès de la littérature du terroir…) de cet ancrage identitaire dans le local face à la perte de repères collectifs et individuels.
D’autre part le déclinisme français, les programmes scolaires qui n’enseignent plus la fierté d’appartenir à une patrie glorieuse, l’essor d’un communautarisme clivant ont effrité peu à peu le sentiment d’appartenance national et, par contrecoup, renforcé les mécanismes d’identification à des repères locaux.
En outre la réaction parfois rigide, à certaines périodes de l’histoire récente, des États centraux à toute demande d’approfondissement de l’autonomie n’ont fait que cristalliser le mécontentement et cela d’autant plus que les populations concernées ont l’impression qu’il y a véritablement deux poids deux mesures dans la prise en compte du sentiment identitaire. Sur le plan interne en effet les mêmes élus ou leaders politiques qui acceptent l’affirmation visible (par exemple par le vêtement) d’autres modes de vie et croyances, des entorses multiples aux lois de la République de populations d’origine exogène au nom d’un relativisme culturel très permissif sont souvent ceux qui se montrent les plus intransigeants envers les revendications identitaires de leurs propres minorités historiques (corses, basques, catalanes…). Sur le plan extérieur on félicite de même les Kurdes pour un référendum sans bases légales quand on le reproche aux Catalans, suscitant un profond sentiment d’injustice et un immense élan de solidarité pour la Catalogne espagnole chez les autonomistes et indépendantistes de régions françaises à forte identité. La France, reconnaîtrait aux autres peuples ce qu’elle refuse à ses propres minorités nationales. Pour se faire entendre, il s’agit donc de demander le plus pour obtenir au moins quelque chose. C’est ce qu’il s’est passé en Catalogne où nombre de votants, autonomistes, disent avoir soutenu l’indépendance pour faire pression sur l’État central face au blocage et au refus de dialogue depuis 2010 mis en place par le Partido popular.
En Corse les mêmes causes produisent les mêmes effets qu’ailleurs. Il est d’ailleurs amusant et (en apparence) paradoxal que le sentiment d’une démission de l’État central sur les questions identitaires ait fait des Corses au cours de l’été 2016, à la fois dans ce qu’ils exprimaient et dans le regard de nombreux continentaux, les défenseurs de l’identité nationale française lors de mouvements de protestations « musclés » face à des provocations et une agression islamiste sur la plage de Sisco, entraînant un arrêté municipal interdisant le burkini. Ce genre de réaction collective, épidermique, immédiate et identitaire, était présenté jadis par les médias comme une manifestation de xénophobie voire de racisme d’une île fermée sur elle-même hostile à toute modernité. Aujourd’hui elle est vécue par beaucoup au contraire comme un attachement aux valeurs laïques et une défense de l’identité et des modes de vie occidentaux face aux partisans de la charia. Les réseaux sociaux ont largement contribué à restaurer l’image de la Corse et à tempérer la présentation caricaturale de l’île par les politiques et les médias, incapables d’expliquer la complexité de ce territoire particulier et de sortir d’un manichéisme réducteur.
Rappelons que de très nombreuses revendications corses ont été satisfaites depuis les années 1980. La loi du 2 mars 1982 portant statut particulier de la région corse, complétée par la loi du 30 juillet 1982 relative aux compétences a été suivie par la promulgation de la loi du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse qui fait de l’île l’exemple unique d’une collectivité territoriale qui n’était plus une véritable région mais qui restait malgré tout régi par le droit applicable aux régions, sauf dans tous les cas où existait une disposition spécifique. La loi du 22 janvier 2002 lui a donné des compétences nouvelles sans en modifier le statut. Et le 7 août 2015 la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République comporte plusieurs nouvelles dispositions : la Corse n’est plus qualifiée de « collectivité territoriale », mais de « collectivité de Corse ». Enfin, à compter du 1er janvier 2018 la Corse est devenue une collectivité à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution qui remplace à la fois les deux conseils départementaux et l’actuelle collectivité territoriale. C’est qu’à partir de la présidence de François Mitterrand, en particulier avec Pierre Joxe ministre de l’Intérieur (pourtant particulièrement jacobin mais qui eut une compréhension particulièrement éclairée du problème corse), il y eut une réelle volonté politique de traiter un problème lui-aussi avant tout politique, que l’on déclinait ensuite en termes juridiques et constitutionnels, ce qui faisait apparaître des limites dans la concrétisation des décisions (comme avec la notion de « peuple corse », proposée par Pierre Joxe mais rejetée par le Conseil Constitutionnel). Ces précisions méthodologiques ont toute leur importance car l’on verra un peu plus tard que la démarche actuelle du Président Macron est inversée, partant d’arguties juridiques qui empêchent de considérer le problème sur le plan politique.
La situation n’était donc pas bloquée, ce qui explique d’ailleurs que les revendications politiques passent aujourd’hui par la voie légale de l’élection et non plus, comme autrefois, par la violence terroriste. Alors comment comprendre aujourd’hui les nouvelles revendications corses, à la fois institutionnelles et sociétales, présentées comme une surenchère par certains ?
Il y a déjà le fait que les nationalistes, alliés au sein de la coalition Pè a Corsica, ont obtenu une victoire indiscutable (56,5 %) aux élections de décembre 2017 pour la nouvelle collectivité territoriale unique qui a vu le jour au 1er janvier 2018, réunissant les deux courants rivaux, les autonomistes autour de Gilles Simeoni (élu président de l’Exécutif de Corse) et les indépendantistes avec Jean-Guy Talamoni (président de l’assemblée de Corse). Le programme est clair : « obtenir sous trois ans un véritable statut d’autonomie de plein droit et de plein exercice et de le mettre en œuvre en dix ans », reconnaissant que l’indépendance, que tous les membres de la coalition ne demandent évidemment pas, est dans « l’imaginaire collectif » mais qu’elle n’est pas d’actualité. Les « natio » Corses, depuis le renouveau du nationalisme local dans les années 1960, se sont toujours vu conseiller par les politiques continentaux d’user d’abord de la voie légale pour porter leurs revendications, ensuite de se faire élire dans les assemblées représentatives. On en reparlerait après. Or c’est fait. Forts de cette nouvelle onction du suffrage universel, les deux présidents ont engagé un dialogue depuis cet été avec Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, et avec le Président du Sénat Gérard Larcher.
Ensuite, comme on l’a rappelé précédemment, le renouveau des nationalismes est un phénomène mondial face à ce qui est perçu comme une double menace, la mondialisation qui homogénéise les identités et les provocations islamistes qui touchent également l’île dans une moindre mesure que sur le continent.
En outre la révision constitutionnelle de 2003 a accordé de très larges statuts d’autonomie à d’autres collectivités en Outremer (statut ex generis pour la Nouvelle Calédonie avec compétence pour adopter des « lois de pays », compétences à la carte pour les autres), permis quelques « entorses » aux lois républicaines dans certains territoires, prix du maintien dans la République (rois à Wallis-et-Futuna, polygamie à Mayotte). Les Corses demandent donc une inscription spécifique et séparée de la collectivité dans la Constitution. Parallèlement ils mettent en avant la comparaison avec d’autres espaces insulaires en Europe qui bénéficient d’un plus large statut d’autonomie (Sardaigne, Sicile, Baléares, Canaries et Madère). L’idée soutenue par de nombreux juristes (non corses) est celle d’un nouveau statut hybride qui donnerait davantage d’autonomie à la collectivité à l’instar de ses voisines méditerranéennes et des territoires français ultramarins (notamment sur le foncier, la fiscalité et la langue) mais qui ne contreviendrait pas au principe « d’indivisibilité de la République ».
A ces considérations institutionnelles s’ajoutent des revendications que l’on pourrait qualifier de sociétales, celles qui ont directement un impact sur la vie quotidienne des habitants de l’île. Il en est ainsi de l’amnistie réclamée pour ceux que les Corses considèrent comme des « prisonniers politiques » (des prisonniers suspectés d’être mêlés à des affaires de terrorisme) ou à défaut d’un « rapprochement familial » par une incarcération locale pour faciliter la visite des proches. La langue corse est également un point de discorde fondamental avec Paris : les nationalistes demandent sa coofficialité sur le territoire, notamment l’autorisation d’employer le corse à égalité avec le français dans les collectivités locales, l’enseignement, le droit insulaire, etc. Le bilinguisme serait obligatoire à l’école et un rapport de l’exécutif préconise même une obligation statutaire de formation en langue corse pour les fonctionnaires, agents publics et personnels des médias. Les Corses souhaitent également la création d’un statut de résident pour lutter contre la spéculation immobilière et de voir l’île envahie par des résidences secondaires et les locaux, dans l’incapacité d’acheter, contraints de partir sans espoir de retour. On rejoint ici les revendications institutionnelles : empêcher les gens qui en ont les moyens d’acheter en Corse au détriment des insulaires serait évidemment une discrimination, donc contraire à la Constitution, sauf si l’on y insère un dispositif spécifique pour la Corse, ce qui est précisément demandé.
Une situation qui semble bloquée
Du côté corse de nombreux espoirs avaient été placés dans la récente visite du Président Macron sur l’Île. Hélas, malgré de timides avancées, la situation paraît bloquée. Le Président avait choisi manifestement des symboles (la date anniversaire de l’assassinat du Préfet Érignac il y a vingt ans ; se faire accompagner de Jean-Pierre Chevènement, un des plus fermes opposants à l’autonomie corse et qui avait même démissionné en 2000 en raison de son hostilité aux accords de Matignon[iv]; assister à une cérémonie d’hommage au préfet avant même de rencontrer les élus nationalistes de l’île) auxquels a répondu un autre symbole (le refus initial d’installer le drapeau français aux côtés des drapeaux corse et européen). Aujourd’hui le paradoxe est qu’au moment où le fait politique s’est renforcé, on ne prend plus en compte la spécificité de l’île. Si on compare avec d’autres périodes de discussions entre la Corse et l’État que ce soit en 1982 avec Mitterrand, en 1989 avec Joxe, en 1998-2002 avec Jospin, il y a eu, à chaque fois, d’abord un cadre et une volonté politiques qui révélaient l’acceptation claire par l’État de l’existence d’une spécificité corse. Ensuite on tentait de décliner ces avancées en termes juridiques et constitutionnels. Aujourd’hui on ergote au contraire sur des difficultés juridiques en pinaillant sur des mots : peut-il y avoir plusieurs peuples (dont le peuple corse) au sein d’un peuple (le peuple français) ? Pierre Joxe voulait l’inscrire dans la Constitution, le Conseil d’État avait rejeté cette proposition au nom de l’indivisibilité de la République : une nation, un peuple[v]. Vingt-cinq ans après, on revient et on bloque sur cette question purement sémantique en l’enrobant de grands principes incantatoires ! A l’heure où les nationalistes corses ont obtenu une écrasante majorité par les urnes, le gouvernement inverse la question et ne pose plus le problème en termes politiques mais insiste sur des difficultés techniques et juridiques, posant des préalables et des lignes rouges infranchissables. C’est un dialogue de sourds qui révèle d’une part l’absence de prise en compte du fait politique corse par le Président de la République et sa méconnaissance du dossier, non pas parce qu’il serait incapable de le comprendre mais parce que, de toute évidence, cette échelle locale ne l’intéresse pas. Son attitude cassante lors de sa venue sur l’île démontre clairement qu’il n’y a pas de volonté politique de situer le dialogue en cours à la hauteur des enjeux. C’est le triste constat fait par les nationalistes, principalement par Gilles Simeoni, parlant « d’occasion historique manquée » de faire avancer conjointement les revendications corses tout en inscrivant l’île plus fermement dans le cadre de la République française.
Certes le problème n’est pas simple. Bien évidemment beaucoup, à commencer par nos dirigeants, craignent que la reconnaissance d’identités locales affaiblisse le sentiment d’appartenance à la nation, déjà fort mal en point. Or l’on sait que, face aux multiples menaces qui pèsent sur nos États (terrorisme, déclassement économique…), l’échelle nationale doit être plus que jamais renforcée. À ceci s’ajoute le fait que la reconnaissance de micro-États affaiblirait des économies nationales déjà en crise. En effet les territoires « sécessionnistes » sont souvent riches (mais pas toujours, comme le montre l’exemple corse) et, à ce titre, contribuent à la solidarité nationale bien plus qu’ils n’en reçoivent, et cela sans contrepartie en termes d’approfondissement de l’autonomie. C’était notamment le cas des Catalans qui non seulement n’ont rien obtenu en termes d’autonomie fiscale ou de reconnaissance symbolique au niveau de la Constitution mais qui, en outre, ont vu reculer certains de leurs droits spécifiques reconnus par l’Estatut de 2006, supprimés en 2010. Enfin le morcellement de l’Europe en États nouveaux rendrait tout accord majoritaire de plus en plus difficile. Et à l’heure où l’on parle de mettre en place une défense européenne, elle n’en serait que plus compromise par l’indépendance de petits territoires dont on sait que la défense n’est pas une dépense prioritaire et qu’ils délèguent cette compétence aux États les plus puissants.
Le maintien du dialogue est nécessaire
Au-delà des ressentiments (et l’auteur de cet article a toujours du mal à oublier les groupuscules cagoulés défiant la République et le traumatisme de l’assassinat d’un préfet de la République) et des convictions personnelles (à dominante jacobine ou girondine, pour reprendre la vieille opposition politique), l’honnêteté intellectuelle oblige à dépasser le manichéisme, à tenter de penser la complexité et à agir avec pragmatisme dans la recherche du Bien commun.
La réaffirmation de l’identité nationale et des valeurs françaises est une priorité, mais il faut bien comprendre, comme nous l’expliquent les autonomistes, qu’elle n’exclut nullement la reconnaissance des identités régionales et des « nationalismes » au sens historique du terme (Corses, Catalans…).
Le fait est que cette affirmation identitaire est une réalité, qu’elle s’est constituée sur des bases historiques et culturelles, qu’elle sera durable et ne fera qu’augmenter. Refuser le dialogue ne fera pas disparaître ce phénomène, bien au contraire. Le dialogue est plus que jamais nécessaire afin de renforcer le camp autonomiste et éviter une escalade des revendications indépendantistes comme en Catalogne, dont les élus ont été contraints, devant la surdité de l’État central, de demander le plus pour espérer relancer le processus et avancer a minima. Ensuite la puissance d’une nation repose, entre autres éléments essentiels, sur le consensus, l’envie de populations disparates de se réunir sur des valeurs, un héritage et un projet commun.
Il faut donc reconnaître ces cultures communautaires, ces usages régionaux, ces spécificités marquées, et en Corse en particulier, dès lors que le sentiment identitaire ne se conçoit plus majoritairement en dehors du continent mais dans un système d’identités emboîtées et complémentaires et où de nombreux « natios » envisagent désormais une autonomie renforcée en parfaite intégration dans la République française. Il s’agit de comprendre la spécificité de ce bout de France îlien, comme on l’a fait pour les territoires ultramarins lors de la révision constitutionnelle de 2003. Il semble définitivement acté, puisque le Président Macron s’y est, comme Mme Gouraud, engagé, qu’un article spécifique sera consacré à la Corse dans la Constitution (ce qui permettra de ne plus la ramener aux articles 72, 73 et 74 qui énumèrent les statuts et compétences des diverses collectivités au sein de la République). Mais ce n’est là qu’un aspect de ce que les nationalistes veulent présenter au Président Macron. Les questions relevant de la vie quotidienne sont prioritaires aux yeux des électeurs corses. Le contexte est favorable, un rendez-vous historique reste possible après le dialogue de sourds de février. Puisse le chef de l’État être bien conseillé ou prendre la peine d’étudier le dossier corse au-delà des caricatures, des rancœurs et des a priori.
[i] Il est néanmoins est indéniable que l’unité italienne est récente et que le morcellement géographique de l’Italie a permis, jusqu’au siècle dernier, la permanence de territoires multiples aux identités variées, irréductibles aux autres, comme l’avait si bien montré Fernand Braudel dans son ouvrage sur la Méditerranée et le monde méditerranéen.
[ii] Anne Meistersheim, Figures de l’île, Ajaccio, 2001
[iv] Les « Accords de Matignon», résultats de tractations entre le gouvernement de Lionel Jospin et les mouvements nationalistes corses, avaient pour objectif de redéfinir la place de la langue corse et les relations avec les mouvements nationalistes. Ils aboutissent à la loi de janvier 2002 et à la démission le 29 août 2000 du Ministre de l’Intérieur, en désaccord avec le Premier Ministre et qui en avait appelé à « la vigilance républicaine » : « Les nationalistes corses doivent être — politiquement s’entend — combattus ».
[v] L’article 1er du statut de 1991, adopté par le Parlement malgré l’avis défavorable du Conseil d’État, qui l’avait considéré comme inconstitutionnel, disposait que « la République française garantit à la communauté historique et culturelle vivante que constitue le peuple corse, composante du peuple français, les droits à la préservation de son identité culturelle et à la défense de ses intérêts économiques et sociaux spécifiques ». Le Conseil constitutionnel a jugé que « la mention faite par le législateur du “peuple corse, composante du peuple français” est contraire à la Constitution, laquelle ne connaît que le peuple français sans distinction d’origine, de race ou de religion » (cons. n° 13).

TRIBUNE - La façon caricaturale dont est présenté le libéralisme dans le débat public est la preuve d’un manque criant de culture sur cette école de pensée, son exercice pratique, mais aussi sur ses acteurs et leurs origines, regrettent la docteur en sciences et l’essayiste*.
* Aurélie Jean a récemment publié « Le code a changé. Amour et sexualité au temps des algorithmes » ( L’Observatoire, 2024). Erwan Le Noan est l’auteur de L’Obsession égalitaire. « Comment la lutte contre les inégalités produit l’injustice » (Presses de la Cité, 2023).
Admettons-le, en France le libéralisme n’a pas bonne presse. Il est réduit à une conflictualité sociale, à un chaos économique, à une vilenie humaine dont il faudrait se méfier et s’éloigner. Dans un contresens alimenté par quelques esprits acerbes ou ignorants, l’imaginaire collectif l’associe à des figures autoritaires, à des héros immoraux ou à des épisodes brutaux. Le débat politique le présente comme une idéologie, à la fois dominante et sans cesse vacillante, structurée mais incertaine. La caricature le décrit sous les traits de privilégiés avides, soucieux de leur égoïsme. Tout cela est faux et démontre un manque de culture populaire sur cette école de pensée et son exercice pratique, sur ses acteurs et sur leurs origines. Car, contre l’idée reçue, on ne naît pas libéral, on le devient !
Être libéral, c’est se demander sans cesse comment, en toutes circonstances, rendre chaque individu plus libre de choisir sa vie, en respectant celle des autres. Être libéral, c’est être convaincu que la meilleure voie pour y parvenir est l’autonomie (non l’indépendance) individuelle et l’échange, qui fait croître la richesse et le savoir - et la cohésion sociale par l’entraide. Être libéral, c’est se rappeler que la liberté est fragile et que la défendre est un combat continuellement renouvelé, qui n’accepte pas de solution unique et implique un questionnement permanent.
Le libéralisme ne propose ainsi qu’un guide de lecture, une référence dans toute réflexion : en revenir systématiquement au choix libre et responsable de l’individu, pour que chacun puisse déterminer par soi-même la voie de sa propre conception d’une vie réussie. C’est un goût pour le doute qui impose la modération et le changement en réponse aux déséquilibres sociaux, économiques et culturels. Le libéral assume de se tromper et corrige sa pensée.
Aussi, le libéralisme ne s’hérite pas, il s’acquiert. Les plus convaincus des libéraux et les plus convaincants sont certainement ceux qui, venant de tout horizon social et économique, ont fait un cheminement intellectuel propre à leurs expériences.
Sa quête est celle de la créativité. Être libéral, c’est reconnaître à chacun sa part de talent et d’inventivité – et donc sa légitimité à participer à l’enrichissement intellectuel ou matériel du monde.Le libéral est, très tôt, revêche à toute forme d’autorité qui ne se légitime pas ou qui vient limiter l’épanouissement de l’individu. Il aime, chez Camus, l’aspiration à la révolte philosophique. Il remet sans cesse en question les affirmations. Cet esprit de fronde naît parfois dès l’école, comme chez Stefan Zweig.
Cette indocilité du libéral est une inquiétude, qui le conduit à se méfier de tout pouvoir, surtout démesuré, surtout s’il n’accepte pas la contestation : le libéral est fébrile devant les réflexes courtisans de ceux qui s’aplatissent complaisamment devant le renforcement continu de la puissance publique et son contrôle de nos vies. Il se retrouve dans Tocqueville ou Montesquieu. Il ne peut oublier que, au XXe siècle, c’est l’État, pas l’entreprise, qui a été l’instrument privilégié des pires abominations de l’histoire : le fascisme, le communisme, le nazisme. Le secteur privé n’est pas parfait, mais lui est soumis à la contradiction permanente de la concurrence.
Défier les vérités imposées
La révolte libérale est, plus encore, celle de tous ceux qui, au nom de la dignité de l’individu, ont résisté par les mots ou par les armes, aux totalitarismes : Arendt, Aron, Havel, Voltaire… Un libéral cherche à défendre la liberté des autres, même celle de ses contradicteurs ou celle dont il ne bénéficie pas.
On devient libéral en doutant des choix subis, en défiant les vérités imposées : tous les individus étant égaux, personne n’a le droit de choisir votre vie à votre place sans votre consentement explicite. Le libéral se retrouve dans les combats de Simone Veil pour les femmes. Il est ouvert à une réflexion honnête sur les évolutions de la société : la liberté individuelle sera-t-elle confortée ou amoindrie si la société admet la GPA ou une loi sur la fin de vie ?
Le libéral ne saurait dès lors être conservateur et encore moins réactionnaire, car il refuse les états de fait, il conteste les vérités imposées, il renie les réflexes qui obstruent la pensée. Il s’inquiète, il s’interroge, il doute jusqu’à se forger une conviction intime, conscient qu’elle n’est pas nécessairement partagée.
Le libéral n’est pas non plus un révolutionnaire, car, convaincu de l’égalité entre les individus, il privilégie le droit et la délibération. Il croit à la dignité de chacun et à la légitimité de toutes les paroles. Il se défie de « l’homme providentiel ». Il est démocrate.
Dépasser nos propre limites
Le libéral est dans un questionnement régulier, même en contradiction avec les siens. Avec Germaine de Staël, il s’inquiète des passions - et des populistes qui prétendent clore le débat. Il a appris à dompter les élans emportés de la colère, il plaide pour maîtriser la violence, même légitime. Il refuse tout ce qui attache les individus à une caste et rejette les assignations. Avec Vargas Llosa, il repousse l’obligation d’appartenir à une « tribu » et ne reconnaît que les allégeances choisies.
Sa quête est celle de la créativité. Être libéral, c’est reconnaître à chacun sa part de talent et d’inventivité - et donc sa légitimité à participer à l’enrichissement intellectuel ou matériel du monde.
La quête libérale se réalise souvent dans l’entrepreneuriat, c’est-à-dire dans la recherche du dépassement de nos propres limites, de notre propre finitude, en prenant le risque de créer ce vers quoi ou ceux vers qui conduisent nos aspirations. Est libéral celui qui cherche à créer sa voie. En ce sens, il favorise le marché, car il y voit le meilleur instrument de coordination volontaire de milliards de volontés divergentes.
Certains deviennent enfin libéraux par émotion. Par une répulsion instinctive de l’oppression, de l’injustice, de l’écrasement. Par une bouffée charnelle de liberté. Par une volonté irréductible et indomptable de tromper le sort. Par la découverte d’une force intérieure ou d’une espérance inextinguible. On ne naît pas libéral. On le devient.


Nouveau grand succès pour la conférence de Lignes Droites du 3 avril !
Tous nos remerciements à Monsieur Patrice Michel pour son exposé très pédagogique sur le système judiciaire français, ses liens avec les instances européennes, son histoire, et son organisation au sein des différentes justices administratives, civiles et pénales.
Tous les participants (environ 75 personnes) ont particulièrement apprécié la clarté de cet exposé et quelques idées pour améliorer son efficacité. Deux rappels essentiels ont été fait :
- notre système judiciaire est là pour faire respecter la loi et bon nombre des reproches qui lui sont fait viennent en fait du politique.
- la neutralité de la justice française a été largement entamée par certains individus, en particulier issus du syndicat de la magistrature. Ce devrait être au Conseil Supérieur de la Magistrature de garantir cette neutralité politique. Mais sans doute par corporatisme et lâcheté, il n'intervient pas assez, même face à des situations extrêmes comme celle du "mur des cons". Là encore ce devrait être au politique d'avoir le courage de mener à bien les réformes nécessaires pour s'assurer du bon fonctionnement du Conseil de la Magistrature.

Aujourd’hui, la France traverse un moment décisif. Dans une décision qui ne laisse aucun doute, Marine Le Pen se voit infliger une peine d’inéligibilité, à seulement deux ans des présidentielles. Ce verdict dépasse largement le simple domaine juridique pour s’inscrire dans un affrontement politique direct.
La magistrate Bénédicte de Perthuis affirme s’inspirer d’Eva Joly pour son parcours judiciaire et son engagement en tant que magistrate. Elle l’a d’ailleurs déclaré sans ambiguïté : « Eva Joly a changé mon destin. » lors d’un podcast en 2020. Une phrase forte, qui traduit bien plus qu’une simple admiration professionnelle. On y perçoit une affection profonde pour une figure dont les opinions, notamment sur la justice, sont tranchées et assumées.
Mais Eva Joly, au-delà de son parcours de magistrate, reste aussi un personnage politique clivant, dont l’engagement écologiste et les prises de position marquées ne laissent personne indifférent. L’apprécier, c’est souvent adhérer aussi, d’une certaine manière, à une certaine vision du monde et des combats idéologiques. Dès lors, difficile d’ignorer que cette inspiration, aussi sincère soit-elle, puisse laisser planer un doute sur une possible proximité idéologique.
Dans ce contexte, le Syndicat de la magistrature, connu pour ses positions marquées à gauche et ayant publiquement appelé à voter contre l’extrême droite le 12 juin 2024 ajoute une dimension particulière à cette affaire. Cette prise de position contribue à brouiller la frontière entre engagement idéologique et impartialité judiciaire.
Dès lors, difficile de ne pas voir dans cette condamnation un verdict dont l’écho dépasse le cadre strictement juridique pour résonner sur le terrain politique, au moment même où se prépare une échéance électorale majeure.
Encore plus inquiétant, l’identité des deux assesseurs qui ont participé au verdict reste inconnue, un manque de transparence qui renforce le sentiment d’un coup d’État judiciaire. Ce flou soulève des questions cruciales sur l’impartialité et l’indépendance de notre système judiciaire, surtout à l’approche d’un scrutin historique.
Ce moment demeure un symbole fort : la justice, qui devrait être la gardienne impartiale de nos lois, se retrouve aujourd’hui au centre d’interrogations profondes. Si la magistrate ne revendique pas ouvertement d’engagement politique, son admiration pour une figure aussi marquée qu’Eva Joly, ainsi que le contexte entourant cette décision, peuvent laisser penser que son jugement pourrait être influencé par une certaine orientation idéologique. Cela envoie un message clair à l’ensemble du paysage politique français et soulève inévitablement des questions sur la frontière, de plus en plus ténue, entre justice et politique.
Face à cette situation inédite, la nécessité de transparence s’impose, et il est essentiel que les interrogations sur l’indépendance de la justice soient pleinement abordées. Ce moment marque un tournant dans la vie politique française et pose une question fondamentale : la justice peut-elle encore être perçue comme une institution neutre, ou court-elle le risque d’être influencée par des dynamiques idéologiques qui dépassent son cadre strictement juridique ?
Comme l’ont souligné plusieurs responsables politiques, dans un moment aussi décisif, même si une condamnation doit être prononcée, le fait de rendre Marine Le Pen inéligible à seulement deux ans des présidentielles soulève des doutes légitimes sur la volonté politique et idéologique de l’empêcher d’accéder au pouvoir. Selon des estimations récentes de l’IFOP, Marine Le Pen aurait eu la possibilité d’obtenir entre 34 et 38% des voix au premier tour des présidentielles de 2027, selon plusieurs sondages récents. Cette décision semble dépasser le simple cadre juridique. Ce choix, dans un contexte aussi crucial, appartient au peuple et non à une juridiction.
Il en va de la confiance des 11 millions d’électeurs qui, sans pouvoir débattre, parlementer ou exercer leur droit démocratique, se voient privés de la possibilité de voter pour la représentante politique qui, selon les projections, aurait toutes les chances de jouer un rôle clé dans la politique de 2027. Cette décision semble porter une forme de nonchalance envers ces électeurs, en les privant de la possibilité d’exprimer leur voix de manière libre et démocratique. Ce n’est pas simplement une question de légalité, mais une tentative potentielle de déstabiliser le Rassemblement National, d’affaiblir ses capacités à se renforcer et à atteindre, d’ici 2027, une représentativité de 37% des suffrages, au moment où le débat politique pourrait être radicalement transformé par leur ascension.
NDLR : Merci à Maxime Duclos pour ses billets d'humeur toujours très intéressant. On pourrait ajouter queBénédicte de Perthuis n'avait pourtant pas une réputation de sévérité
particulière puisque c’est elle qui avait prononcé la relaxe du ministre
Olivier Dussopt, jugé pour favoritisme (et finalement condamné
en appel !). Deux poids et deux mesures ?

Par la voix d'Eric Lombard, le ministre de l’économie, Bpifrance annonçait la semaine dernière vouloir collecter 450 millions d’euros auprès des Français pour les entreprises de défense, et la création à cette fin d’un fonds baptisé « Bpifrance Défense », réservé aux particuliers et destiné à la défense et à la cybersécurité.
Voyons le côté positif des choses : les Français vont peut-être enfin découvrir ce qu'est le private equity et ses bienfaits ! Sur la période 2013/2023, les rendements du private equity français ont été de l'ordre de 13% brut. Quelqu'un qui aurait investi 500 € en France dans cette classe d'actifs aurait aujourd'hui un capital net de frais d'environ 1000 €. Sur le papier, cet investissement a donc tout pour plaire avec des entreprises qui existent déjà et qui sont souvent bien implantées, un marché a priori florissant dans les années à venir et a priori une montagne de commandes à venir. Mais comme cela est répété pour toute publicité pour un placement financier : " Les performances passées ne préjugent pas des performances futures ". Car dans ce cas de figure en particulier, il y a des hics et pas des moindres ... Le problème essentiel n'est pas l'investissement ! Il y a énormément d'épargne et de trésorerie sur le marché actuellement. Le problème essentiel c'est qu'il faut des commandes sur le long terme. Or ces commandes publiques annoncées par les pays européens seront-elles encore là dans cinq ans ?
Il faut souligner plusieurs aspects sur le risque qui porte sur ces commandes publiques en particulier pour la France :
1. Chaque pays européen va investir en fonction de deux logiques :
- diplomatique : certains continueront à acheter du matériel américain quoi qu'il arrive
- industrielle : les commandes seront soumises à des impératifs nationaux pour soutenir l’industrie locale.
On peut donc toujours mettre en avant les investissements prévus pour l'ensemble de l'Europe, l'essentiel des retombées pour l'industrie française seront essentiellement issues de la politique nationale et pas seulement européenne ...
2. Quelle confiance peut-on avoir dans les annonces d'aujourd'hui ? L'Europe a toujours été une vraie girouette sur les sujets relatifs à la défense européenne, à la fois en termes de stratégie et d'investissement.
Encore aujourd'hui, un label ESG dans ce domaine est, de fait, quasi impossible (aux côtés de l’alcool, du tabac et des jeux d’argent ...).
Même la France qui a pourtant fait partie des bons élèves en termes d'investissement dans le domaine de la défense n'a pas toujours fait preuve d'une réelle constance (en particulier sous Hollande).
Au lendemain d'un inéluctable traité de paix signé entre l'Ukraine et la Russie dans l'année à venir, ou après un hypothétique effondrement du régime russe dont ils rêvent tous, l'hystérie collective de nos dirigeants européens sera-t-elle encore d'actualité ?
3. Acheter des chars est un investissement qui trouvera toujours des détracteurs acharnés dans notre société. Bien malin est celui capable aujourd'hui de nous dire qui sera au pouvoir en France en 2030 à l'échéance de ce fond d'investissement.
4. Comment la France compte tenu de son endettement pourra-t-elle financer ces investissements ? Compte tenu de notre niveau d'endettement, il faudra soit augmenter la fiscalité (mais nous sommes déjà champion du monde ce qui plombe nos entreprises), soit trouver des arbitrages au détriment d'autres dépenses ... Mais quels sont les arbitrages que les français accepteront : la justice ? l'éducation ? La santé ? Je ne vous parle même pas des retraites ! Certains sondages montrent qu'une majorité de Français (et j'en fais partie) est favorable aujourd'hui à cette politique de réarmement ... Mais dès que le même sondage pose des questions sur les moyens de financer cette politique, d'ores et déjà, cette majorité s'effondre. Qu'en sera t'il dans deux ou trois ans ?
La France fait déjà aujourd'hui face à un mur de la dette absolument vertigineux ( la question n'est pas son existence mais la distance à laquelle il se trouve et le temps qu'il nous reste avant qu'on se le prenne en pleine figure) et une incapacité depuis 50 ans à apporter la moindre réforme à son modèle social. Comment peut on considérer sérieusement les annonces d'augmentation du budget français de la défense de plusieurs dizaines de milliards d'euros ?
Bref, ce type de financement peut éventuellement être une poule aux œufs d'or. Il présente aussi des risques intrinsèques majeurs ! Et il faudra regarder en détail l'offre qui sera faite et analyser de manière très prudente les engagements sur les commandes à venir. Mais il est fort à craindre que dans la précipitation, nous soyons en train de mettre la charrue avant les bœufs pour participer au développement de nos entreprises !