Municipales : La fausse bonne idée de la gratuité des transports en commun

  • par Natacha GRAY
  • 26 nov., 2019

La gratuité des transports publics est une idée à la mode, portée par le contexte de la prise de conscience écologique.

La gratuité des transports publics est une idée à la mode, portée par le contexte de la prise de conscience écologique. À l’approche des municipales de 2020 le débat prend donc de l’ampleur mais il est loin de faire l’unanimité, même à gauche où l’on semble en avoir fait un des principaux chevaux de bataille. Toulouse n’échappe pas à la règle. Récemment Pierre Cohen au nom de Génération.s, se positionnant sur « l’enjeu de la mobilité », prévoyait de lancer une étude sur l’opportunité de rendre les transports entièrement gratuits[1], position déjà affichée depuis des mois par Jean-Christophe Sellin, pour le Parti de Gauche, prônant une gratuité étendue à tous. Au PS on dit étudier la question mais on s’est déjà prononcé pour la gratuité lors des pics de pollution et pour une tarification adaptée en fonction des ressources (qui existe déjà !). Ainsi, lors de la 18e semaine de la mobilité en septembre dernier, l’opposition municipale est-elle déjà montée au créneau pour critiquer le bilan de l’actuelle majorité en matière de mobilité, preuve que le thème sera un enjeu majeur lors des prochaines élections.

 Chez les partisans de la gratuité, on évoque les exemples de plus en plus nombreux de villes qui l’ont mise en place. Mais ces réseaux sont-ils comparables à ceux qui irriguent la métropole toulousaine ? Le chercheur Maxime Huré, maître de conférences à Perpignan, recense 36 réseaux qui auraient abandonné la tarification commerciale, mais ce sont dans leur écrasante majorité des réseaux peu étendus qui ne proposent que quelques liaisons de bus. Seul Dunkerque fait exception (200 000 habitants) depuis septembre 2018 ainsi que Châteauroux, Aubagne, Niort (120 000 habitants). À Grenoble et à Clermont, la possibilité est à l’étude. Par contre, à Paris, Anne Hidalgo y a renoncé après avoir lancé l’idée de la gratuité dans son programme de campagne.

 

1. Tout d’abord il faut sortir des postures idéologiques caricaturales que dément la réalité et qui relèvent d’éléments de langage et de doctrines datant de plus d’un siècle : la gauche se devrait de défendre la gratuité au nom de considérations sociales ou écologiques face à une droite qui ne verrait que l’aspect financier et qui ne se préoccuperait pas des plus démunis. Il faut ensuite renoncer aux prises de positions péremptoires : il y a encore très peu de recherches en France sur les effets attendus de la gratuité des transports publics et, à l’exception de premières constations à court terme, l’on n’a pas assez de recul dans les villes qui l’ont adoptée pour juger de la viabilité financière et des effets positifs ou négatifs qu’elle entraîne (en matière écologique, sur les incivilités, sur la fréquentation à long terme une fois passé l’engouement de la mise en place de la mesure…).

 On peut néanmoins signaler qu’un certain nombre de villes qui, à l’étranger, ont instaurée cette gratuité l’ont abandonnée après quelques années de recul permettant d’en mesurer les effets par rapports aux objectifs attendus : il en est ainsi à Bologne (400 000 hab) où la gratuité, adoptée en 1973, a été abandonnée en 1977 ou à Castellon de la Plana (166 000 hab) où elle a disparu au bout de 6 ans de pratique (1990-1996) : dans les deux cas car elle fut jugée trop coûteuse et ne permettant pas de maintenir une offre performante. En France, où les expériences sont plus récentes, on cite encore le cas de Manosque qui a supprimé la gratuité sur le Manobus, cette fois essentiellement pour cause de hausse des incivilités, tout comme Perpignan renonçant à la liaison non tarifée vers le Perthus pour les mêmes raisons.

 

Les chercheurs regrettent que le débat soit escamoté par des postures et des prises de position idéologiques et incitent à étudier chaque cas en fonctions de paramètres locaux, aucune situation n’étant comparable à une autre. Ils s’accordent en tous cas sur un point : quelle que soit la ville, il est impossible de passer du jour au lendemain à la gratuité, elle doit absolument, si le contexte permet éventuellement de l’envisager, se mettre en place progressivement, au risque, sinon, de perturber l’équilibre financier de la commune ou de la métropole concernées.

 

2. Il faut ensuite, avant toute chose, se poser la question des objectifs, en fonction de quoi l’on peut débattre de la pertinence de la mesure et, ultérieurement, juger de son efficacité.

 

 Cherche-t-on une dynamisation d’un réseau largement sous-utilisé ? C’était le cas à Châteauroux mais n’est évidemment pas celui de Toulouse où la fréquentation, compte tenue de l’offre, est déjà extrêmement satisfaisante et en hausse permanente.

S’agit-il de rendre à nouveau attractif un centre-ville délaissé, comme à Dunkerque et Clermont? Toulouse n’est évidemment pas concernée par cette inquiétude.

Veut-on convaincre de nouveaux usagers, notamment les automobilistes dont on souhaiterait un report modal, pour lutter contre la pollution atmosphérique (comme c’est le cas à Dunkerque, dans les études préparatoires à Grenoble) ? Encore une fois, à Toulouse, la politique de dissuasion par la réduction des places de stationnement, la disparition des places gratuites, le temps limité de stationnement, parallèlement à des mesures incitatives (mise en place de parcs relais près des terminus de métro, réseau étoffé, modernisé et performant articulant métro, tramway, pistes cyclables et lignes de bus dont lignes rapides Lineo sur tracés réaménagés avec priorité aux carrefours - ont déjà porté leurs fruits.

On peut souhaiter également favoriser la mobilité de populations à bas revenus et de familles. Effectivement les familles ont encore parfois intérêt financièrement à prendre leur voiture qui évite l’achat de plusieurs tickets (même s’il existe un ticket « tribu » très avantageux). Pour les personnes à faibles revenus (seniors, retraités, jeunes, demandeurs d’emploi, personnes à mobilité réduite) il existe déjà une tarification solidaire très avantageuse (de -70 à -80% jusqu’à 100% d’exonération) sur justificatifs de ressources. Notons aussi qu’à Toulouse, contrairement à d’autres villes comparables comme Bordeaux, il est possible à plusieurs personnes de voyager sur un seul ticket de 10 voyages, ce qui permet une économie substantielle. Et le réseau toulousain, avec sa tarification unique ne pénalisant pas les périphéries de la métropole et sa variété de tarifs adaptés, reste aujourd’hui pour la quasi-totalité des formules le moins cher de France à taille d’agglomération comparable[2].

 

On le voit, la gratuité des transports ne semble pas être ici une priorité par rapport à d’autres villes, quel que soit l’objectif envisagé. Mais serait-ce seulement possible ? Et les conséquences à terme ne seraient-elles pas contraires aux effets recherchés?

 

3. Financièrement, la gratuité serait un gouffre dangereux, handicapant finalement l’entretien, la modernisation et l’extension du réseau. Elle n’est pas tenable sur le long terme.

 

Les chercheurs font remarquer que la gratuité, que ce soit en France, en Allemagne, aux États-Unis… concerne quasi exclusivement des réseaux de bus modestes, dans des villes petites ou de taille moyenne. Les recettes générées par les transports n’y sont pas élevées et leur part dans le financement des transports publics se situe généralement en-dessous de 5%, barre admise par la plupart des spécialistes de la mobilité qui considèrent qu’au-dessus la gratuité est impossible dans la durée, le reste venant non pas du prix du ticket mais des entreprises et des collectivités locales qui y financent aisément l’essentiel du réseau.  Or à Toulouse, la contribution des entreprises représente en euros 250 millions, celle des collectivités locales 103 millions, et les recettes commerciales liées à la vente des billets et abonnements 78,2 millions d’euros, soit un peu plus de 18% des recettes. On voit qu’on est loin de la barre des 5% à ne pas dépasser fixée par les spécialistes des mobilités.

 

Car, comme dans la plupart des grandes métropoles, il y a déjà un réseau lourd en site propre à financer et entretenir (tramway et métro)  mais également des projets ambitieux qui vont améliorer considérablement la mobilité des habitants de Toulouse et de ses périphéries dans les années à venir : doublement des rames sur la ligne A, troisième ligne de métro, prolongement de la ligne de tramway jusqu’au nouveau Parc des Expositions, lignes Linéo, téléphérique urbain de Rangueil . Sans surprise la gauche répond, par la voix de J.C. Sellin du Parti de Gauche, par l’inévitable slogan habituel : « il n’y a qu’à faire payer les entreprises ». Or, comme le rappelle Jean-Michel Lattes, premier adjoint au maire, vice-président de la Métropole et président de Tisseo collectivités, une collectivité n’a pas le pouvoir de modifier le taux de Versement Transport, qui est de compétence législative.

       

Alors où trouver les ressources nécessaires à cet entretien et au financement des nouveaux projets si l’on abandonne les recettes commerciales qui pèsent lourd dans l’équilibre du système en place ? On ne peut donc toucher au taux du Versement Transport. Compte tenu de la diminution de leurs ressources par la baisse des dotations et la disparition de la taxe d’habitation (la dotation compensatoire de l’Etat est hypothétique sur la durée), les communes sont au taquet et ne pourront que difficilement participer davantage au financement. Supprimer les recettes commerciales reviendrait donc inévitablement primo à sacrifier des projets, deuxio à empêcher toute modernisation ou extension, tertio à augmenter les impôts locaux pour continuer à faire fonctionner tant bien que mal le réseau.

Rappelons en effet qu’un transport gratuit n’est jamais « gratuit », il ne l’est éventuellement que pour les usagers. Il y a bien quelqu’un qui le paie à l’amont : collectivités, entreprises et contribuables. Et c’est sur ces derniers, donc les propriétaires via le seul impôt local résiduel pour les particuliers, la taxe foncière, que retombera l’effort en cas de gratuité. Est-ce vraiment ce que l'on souhaite à l’heure où la pression fiscale est devenue insupportable tant aux citoyens qu’aux entreprises ?

 

Ajoutons que dans les villes qui ont adopté la gratuité on a assisté assez vite à une augmentation spectaculaire de la fréquentation de la part de populations qui utilisaient peu le réseau (cyclistes et piétons, jeunes désœuvrés qui passer leurs journées dans les transports…), les grandes métropoles sont ainsi, plus que les villes petites et moyennes, menacées par la sursaturation des réseaux, qui supposera des coûts croissants pour augmenter la capacité et la fréquence des passages, réparer, remplacer, entretenir davantage. Et le serpent se mord la queue : si l’on veut des transports à la hauteur, qui restent attractifs, il faut contribuer à leur financement. Sinon le réseau se dégrade et la fréquentation baisse.

 

La question du financement se pose donc inexorablement non à moyen terme mais à long terme. D’où l’abandon de la gratuité par des métropoles mondiales qui ont du recul et sa quasi-absence dans des métropoles de plus de 200 000 habitants, Dunkerque étant en France la première et la seule exception. La gratuité reviendrait à revoir totalement le modèle économique ou à le mettre en péril. Ce fut d’ailleurs l’argument avancé à Paris pour justifier l’abandon du projet de gratuité des transports, imprudemment et un peu vite avancée pour des raisons électorales.

 

4. L’argument écologique ne tient pas non plus : l’expérience montre que les nouveaux usagers sont avant tout des gens qui ne se déplaçaient pas, ou peu, ou des anciens piétons ou cyclistes. Les quelques études existantes prouvent que cela n’a pas changé grand-chose pour les automobilistes[3]. Ceux-ci renoncent à leur voiture non en raison d’une alternative modale attractive mais par les politiques de dissuasion : coût et temps réduit du stationnement, amendes, réduction de nombre de places de parking, temps de cheminement alourdi par des stratagèmes dissuasifs (sens interdits, détours obligatoires…). La seule politique incitative repose sur une articulation des transports en communs lourds (métro, tramway) ou plus léger (BHNS : bus à haut niveau de service), rapides car en site propre, avec des parcs relais en périphérie. Or la construction de ces parking dits autrefois de « dissuasion » (ou de persuasion) permettant l’intermodalité suppose également de nouveaux financements, ceux que permettent en particulier … les recettes commerciales. Et le serpent se mord la queue une fois encore !

 

            5. Enfin, certaines questions se posent autour de la citoyenneté et de la crainte de voir croître les incivilités.

La disparition de la taxe d’habitation ne pose pas seulement un problème financier aux communes : elle était pour beaucoup le principal lien qui faisait participer l’habitant d’une ville au financement des services dont il bénéficie (d’où la proposition de l’établissement d’un taxe urbaine, modeste -environ 5% de l’ancienne TH- par l’AMGVF, associations des maires des grandes villes de France, moins pour des raisons économiques que pour maintenir un lien et la responsabilisation de chacun envers les services utilisés).  La participation de l’usager au financement des transports en commun reste donc aujourd’hui pour beaucoup le dernier lien citoyen, sur le plan financier, avec sa commune.  Il ne serait pas normal que le dernier contribuable qui restera bientôt pour les collectivités locales (le propriétaire) participe à lui seul, au côté des autres vaches à lait, les entreprises, au financement de la gestion de services que tous utilisent, dont les transports en commun. On peut revoir les tarifs, en alléger le coût pour certaines catégories de population (c’est déjà le cas) mais il ne faut pas déresponsabiliser, «décitoyenniser» davantage encore l’usager.

 

            En outre, on note là où la gratuité a été instaurée, qu’elle conduit trop souvent, a contrario, à des comportements non-citoyens. C’est également, en plus des problèmes de financement, la principale raison avancée par les communes qui renoncent à la gratuité des transports. On peut citer les témoignages des chauffeurs de bus et de métro chaque fois que la question est en débat sur les ondes de radio, et qui disent faire pression, là où la gratuité existe, pour un retour en arrière. De même la FNAUT (la Fédération Nationale des Usagers des Transports)  et l’UTP (L’Union des Transporteurs Publics), comme nombre d’anciens usagers qui ne prennent plus les transports en commun,  dénoncent la dégradation des infrastructures, conséquence  «d’une image dévalorisée des transports publics véhiculée par leur gratuité totale». «Ce qui est gratuit n’a pas de valeur»[4]. C’est ainsi que, par exemple, le maire de Châteauroux reconnaît sur un an l‘augmentation des incivilités, bien qu’il reste favorable à la gratuité : «Avec la gratuité, il y a parfois des jeunes qui passent leur mercredi après-midi dans le bus». Ce sont justement ces usagers ventouses qui sont dénoncés par les fédérations de transporteurs et d’usagers (dégradations du matériel, agressions et harcèlement de passagers...). On imagine ce que cela peut donner dans une métropole possédant plusieurs quartiers difficiles. À Châteauroux la solution a été de multiplier les contrôleurs pour rétablir la sécurité et la tranquillité, et calmer le mécontentement des usagers classiques qui se détournaient de ce mode de transport, quitte à revenir vers d’autres modes de déplacement, dont la voiture. Avec succès mais en dépensant d’avantage.

 

 

            En conclusion la gratuité des transports en commun semble inapplicable à Toulouse compte tenu du contexte social, du poids de la tarification du billet dans le modèle économique, du comportement de nombreux usagers et des projets ambitieux d’extension et de modernisation du réseau. Cela n’empêche pas de réfléchir à une tarification adaptée, qui existe déjà, à des journées gratuites le weekend (comme ce qui se fait déjà au mois d’août pour favoriser le tourisme et la fréquentation des commerces du centre), à la gratuité lors des pics de pollution, ou sur les lignes de nuit. Comme nous avons essayé de le démontrer, la gratuité se paie, d’une manière ou d’une autre, ne serait-ce que parce qu’elle entraîne à terme des coûts supplémentaires. Si ce n’est pas l’usager qui les prend partiellement en charge (partiellement car il ne paie jamais le coût réel d’un service public mais une infime partie), ce sera le contribuable restant, le propriétaire, qui, rappelons-le, n’est pas nécessairement un usager. Ni nécessairement quelqu’un d’aisé. Quoi qu’il en soit, il va falloir contrer cette mesure, et cela sera d’autant plus difficile qu’elle est évidemment populaire, comme tout ce qui promet de raser gratis, et que d’autres villes (généralement de moins de 50000 hab) en font un des thèmes de campagne pour les municipales.

 

 



1 Ou de rétablir au moins la gratuité pour les personnes âgées. Rappelons que l’équipe municipale a supprimé l’ancienne tarification qui avait établi la gratuité pour les personnes de plus de 65 ans depuis les années 1970, jugée trop coûteuse car attribuée sans conditions, pour la remplacer par une gratuité ou une tarification adaptée en fonction des revenus, comme dans la plupart des villes françaises.

par Aurélie Jean et Erwan Le Noan dans FigaroVox 26 avril 2025
Une fois n'est pas coutume, une très belle tribune sur le libéralisme à lire dans FigaroVox :


TRIBUNE - La façon caricaturale dont est présenté le libéralisme dans le débat public est la preuve d’un manque criant de culture sur cette école de pensée, son exercice pratique, mais aussi sur ses acteurs et leurs origines, regrettent la docteur en sciences et l’essayiste*.

* Aurélie Jean a récemment publié « Le code a changé. Amour et sexualité au temps des algorithmes  » ( L’Observatoire, 2024). Erwan Le Noan est l’auteur de L’Obsession égalitaire. « Comment la lutte contre les inégalités produit l’injustice » (Presses de la Cité, 2023).


Admettons-le, en France le libéralisme n’a pas bonne presse. Il est réduit à une conflictualité sociale, à un chaos économique, à une vilenie humaine dont il faudrait se méfier et s’éloigner. Dans un contresens alimenté par quelques esprits acerbes ou ignorants, l’imaginaire collectif l’associe à des figures autoritaires, à des héros immoraux ou à des épisodes brutaux. Le débat politique le présente comme une idéologie, à la fois dominante et sans cesse vacillante, structurée mais incertaine. La caricature le décrit sous les traits de privilégiés avides, soucieux de leur égoïsme. Tout cela est faux et démontre un manque de culture populaire sur cette école de pensée et son exercice pratique, sur ses acteurs et sur leurs origines. Car, contre l’idée reçue, on ne naît pas libéral, on le devient !

Être libéral, c’est se demander sans cesse comment, en toutes circonstances, rendre chaque individu plus libre de choisir sa vie, en respectant celle des autres. Être libéral, c’est être convaincu que la meilleure voie pour y parvenir est l’autonomie (non l’indépendance) individuelle et l’échange, qui fait croître la richesse et le savoir - et la cohésion sociale par l’entraide. Être libéral, c’est se rappeler que la liberté est fragile et que la défendre est un combat continuellement renouvelé, qui n’accepte pas de solution unique et implique un questionnement permanent.

Le libéralisme ne propose ainsi qu’un guide de lecture, une référence dans toute réflexion : en revenir systématiquement au choix libre et responsable de l’individu, pour que chacun puisse déterminer par soi-même la voie de sa propre conception d’une vie réussie. C’est un goût pour le doute qui impose la modération et le changement en réponse aux déséquilibres sociaux, économiques et culturels. Le libéral assume de se tromper et corrige sa pensée.

Aussi, le libéralisme ne s’hérite pas, il s’acquiert. Les plus convaincus des libéraux et les plus convaincants sont certainement ceux qui, venant de tout horizon social et économique, ont fait un cheminement intellectuel propre à leurs expériences.

Sa quête est celle de la créativité. Être libéral, c’est reconnaître à chacun sa part de talent et d’inventivité – et donc sa légitimité à participer à l’enrichissement intellectuel ou matériel du monde.

Le libéral est, très tôt, revêche à toute forme d’autorité qui ne se légitime pas ou qui vient limiter l’épanouissement de l’individu. Il aime, chez Camus, l’aspiration à la révolte philosophique. Il remet sans cesse en question les affirmations. Cet esprit de fronde naît parfois dès l’école, comme chez Stefan Zweig.

Cette indocilité du libéral est une inquiétude, qui le conduit à se méfier de tout pouvoir, surtout démesuré, surtout s’il n’accepte pas la contestation : le libéral est fébrile devant les réflexes courtisans de ceux qui s’aplatissent complaisamment devant le renforcement continu de la puissance publique et son contrôle de nos vies. Il se retrouve dans Tocqueville ou Montesquieu. Il ne peut oublier que, au XXe siècle, c’est l’État, pas l’entreprise, qui a été l’instrument privilégié des pires abominations de l’histoire : le fascisme, le communisme, le nazisme. Le secteur privé n’est pas parfait, mais lui est soumis à la contradiction permanente de la concurrence.


 Défier les vérités imposées

La révolte libérale est, plus encore, celle de tous ceux qui, au nom de la dignité de l’individu, ont résisté par les mots ou par les armes, aux totalitarismes : Arendt, Aron, Havel, Voltaire… Un libéral cherche à défendre la liberté des autres, même celle de ses contradicteurs ou celle dont il ne bénéficie pas.

On devient libéral en doutant des choix subis, en défiant les vérités imposées : tous les individus étant égaux, personne n’a le droit de choisir votre vie à votre place sans votre consentement explicite. Le libéral se retrouve dans les combats de Simone Veil pour les femmes. Il est ouvert à une réflexion honnête sur les évolutions de la société : la liberté individuelle sera-t-elle confortée ou amoindrie si la société admet la GPA ou une loi sur la fin de vie ?

Le libéral ne saurait dès lors être conservateur et encore moins réactionnaire, car il refuse les états de fait, il conteste les vérités imposées, il renie les réflexes qui obstruent la pensée. Il s’inquiète, il s’interroge, il doute jusqu’à se forger une conviction intime, conscient qu’elle n’est pas nécessairement partagée.

Le libéral n’est pas non plus un révolutionnaire, car, convaincu de l’égalité entre les individus, il privilégie le droit et la délibération. Il croit à la dignité de chacun et à la légitimité de toutes les paroles. Il se défie de « l’homme providentiel ». Il est démocrate.


 Dépasser nos propre limites

Le libéral est dans un questionnement régulier, même en contradiction avec les siens. Avec Germaine de Staël, il s’inquiète des passions - et des populistes qui prétendent clore le débat. Il a appris à dompter les élans emportés de la colère, il plaide pour maîtriser la violence, même légitime. Il refuse tout ce qui attache les individus à une caste et rejette les assignations. Avec Vargas Llosa, il repousse l’obligation d’appartenir à une « tribu » et ne reconnaît que les allégeances choisies.

Sa quête est celle de la créativité. Être libéral, c’est reconnaître à chacun sa part de talent et d’inventivité - et donc sa légitimité à participer à l’enrichissement intellectuel ou matériel du monde.


La quête libérale se réalise souvent dans l’entrepreneuriat, c’est-à-dire dans la recherche du dépassement de nos propres limites, de notre propre finitude, en prenant le risque de créer ce vers quoi ou ceux vers qui conduisent nos aspirations. Est libéral celui qui cherche à créer sa voie. En ce sens, il favorise le marché, car il y voit le meilleur instrument de coordination volontaire de milliards de volontés divergentes.

Certains deviennent enfin libéraux par émotion. Par une répulsion instinctive de l’oppression, de l’injustice, de l’écrasement. Par une bouffée charnelle de liberté. Par une volonté irréductible et indomptable de tromper le sort. Par la découverte d’une force intérieure ou d’une espérance inextinguible. On ne naît pas libéral. On le devient.



par Aymeric Belaud 24 avril 2025
"Notre pays chute depuis 2020 et la période covid. De 66, sa note est descendue à 62,5 en 2024. Elle n’est certes pas la seule à voir son indice diminuer, mais elle reste une mauvaise élève parmi les pays développés. Elle a toujours été l‘une des dernières en Europe occidentale depuis la création de l’indice en 1995."
Une analyse intéressante de la liberté économique en France, pourtant qualifiée d'ultra libéral par certains ...

par Bernard Carayon 9 avril 2025
Magnifique tribunedans le JDD de notre ami Bernard Carayon qui souligne parfaitement toutes les incohérences de la Commission Européenne  en matière de défense !

par Pauline Condomines (VA) 8 avril 2025
"Ce mercredi 26 mars, au Palais des Sports, une conférence sur la menace islamiste a rassemblé un large public au Palais des Sports de Paris. Bruno Retailleau, Manuel Valls et de nombreux militants, chercheurs et auteurs ont appelé à la lutte contre un fléau qui “menace la République”."

par Lignes Droites 5 avril 2025

Nouveau grand succès pour la conférence de Lignes Droites du 3 avril !

Tous nos remerciements à Monsieur Patrice Michel pour son exposé très pédagogique sur le système judiciaire français, ses liens avec les instances européennes, son histoire, et son organisation au sein des différentes justices administratives, civiles et pénales.

Tous les participants (environ 75 personnes) ont particulièrement apprécié la clarté de cet exposé et quelques idées pour améliorer son efficacité. Deux rappels essentiels ont été fait :

- notre système judiciaire est là pour faire respecter la loi et bon nombre des reproches qui lui sont fait viennent en fait du politique.

- la neutralité de la justice française a été largement entamée par certains individus, en particulier issus du syndicat de la magistrature. Ce devrait être au Conseil Supérieur de la Magistrature de garantir cette neutralité politique.  Mais sans doute par corporatisme et lâcheté, il n'intervient pas assez, même face à des situations extrêmes comme celle du "mur des cons". Là encore ce devrait être au politique d'avoir le courage de mener à bien les réformes nécessaires pour s'assurer du bon fonctionnement du Conseil de la Magistrature.

par Maxime Duclos 4 avril 2025

Aujourd’hui, la France traverse un moment décisif. Dans une décision qui ne laisse aucun doute, Marine Le Pen se voit infliger une peine d’inéligibilité, à seulement deux ans des présidentielles. Ce verdict dépasse largement le simple domaine juridique pour s’inscrire dans un affrontement politique direct.

La magistrate Bénédicte de Perthuis affirme s’inspirer d’Eva Joly pour son parcours judiciaire et son engagement en tant que magistrate. Elle l’a d’ailleurs déclaré sans ambiguïté : « Eva Joly a changé mon destin. » lors d’un podcast en 2020. Une phrase forte, qui traduit bien plus qu’une simple admiration professionnelle. On y perçoit une affection profonde pour une figure dont les opinions, notamment sur la justice, sont tranchées et assumées.

Mais Eva Joly, au-delà de son parcours de magistrate, reste aussi un personnage politique clivant, dont l’engagement écologiste et les prises de position marquées ne laissent personne indifférent. L’apprécier, c’est souvent adhérer aussi, d’une certaine manière, à une certaine vision du monde et des combats idéologiques. Dès lors, difficile d’ignorer que cette inspiration, aussi sincère soit-elle, puisse laisser planer un doute sur une possible proximité idéologique.

Dans ce contexte, le Syndicat de la magistrature, connu pour ses positions marquées à gauche et ayant publiquement appelé à voter contre l’extrême droite le 12 juin 2024 ajoute une dimension particulière à cette affaire. Cette prise de position contribue à brouiller la frontière entre engagement idéologique et impartialité judiciaire.

Dès lors, difficile de ne pas voir dans cette condamnation un verdict dont l’écho dépasse le cadre strictement juridique pour résonner sur le terrain politique, au moment même où se prépare une échéance électorale majeure.

Encore plus inquiétant, l’identité des deux assesseurs qui ont participé au verdict reste inconnue, un manque de transparence qui renforce le sentiment d’un coup d’État judiciaire. Ce flou soulève des questions cruciales sur l’impartialité et l’indépendance de notre système judiciaire, surtout à l’approche d’un scrutin historique.

Ce moment demeure un symbole fort : la justice, qui devrait être la gardienne impartiale de nos lois, se retrouve aujourd’hui au centre d’interrogations profondes. Si la magistrate ne revendique pas ouvertement d’engagement politique, son admiration pour une figure aussi marquée qu’Eva Joly, ainsi que le contexte entourant cette décision, peuvent laisser penser que son jugement pourrait être influencé par une certaine orientation idéologique. Cela envoie un message clair à l’ensemble du paysage politique français et soulève inévitablement des questions sur la frontière, de plus en plus ténue, entre justice et politique.

Face à cette situation inédite, la nécessité de transparence s’impose, et il est essentiel que les interrogations sur l’indépendance de la justice soient pleinement abordées. Ce moment marque un tournant dans la vie politique française et pose une question fondamentale : la justice peut-elle encore être perçue comme une institution neutre, ou court-elle le risque d’être influencée par des dynamiques idéologiques qui dépassent son cadre strictement juridique ?

Comme l’ont souligné plusieurs responsables politiques, dans un moment aussi décisif, même si une condamnation doit être prononcée, le fait de rendre Marine Le Pen inéligible à seulement deux ans des présidentielles soulève des doutes légitimes sur la volonté politique et idéologique de l’empêcher d’accéder au pouvoir. Selon des estimations récentes de l’IFOP, Marine Le Pen aurait eu la possibilité d’obtenir entre 34 et 38% des voix au premier tour des présidentielles de 2027, selon plusieurs sondages récents. Cette décision semble dépasser le simple cadre juridique. Ce choix, dans un contexte aussi crucial, appartient au peuple et non à une juridiction.

Il en va de la confiance des 11 millions d’électeurs qui, sans pouvoir débattre, parlementer ou exercer leur droit démocratique, se voient privés de la possibilité de voter pour la représentante politique qui, selon les projections, aurait toutes les chances de jouer un rôle clé dans la politique de 2027. Cette décision semble porter une forme de nonchalance envers ces électeurs, en les privant de la possibilité d’exprimer leur voix de manière libre et démocratique. Ce n’est pas simplement une question de légalité, mais une tentative potentielle de déstabiliser le Rassemblement National, d’affaiblir ses capacités à se renforcer et à atteindre, d’ici 2027, une représentativité de 37% des suffrages, au moment où le débat politique pourrait être radicalement transformé par leur ascension.



NDLR : Merci à Maxime Duclos pour ses billets d'humeur toujours très intéressant. On pourrait ajouter queBénédicte de Perthuis n'avait pourtant pas une réputation de sévérité particulière puisque c’est elle qui avait prononcé la relaxe du ministre Olivier Dussopt, jugé pour favoritisme (et finalement condamné en appel !). Deux poids et deux mesures ?


par Pierre Lemaignen 2 avril 2025

Par la voix d'Eric Lombard, le ministre de l’économie, Bpifrance annonçait la semaine dernière vouloir collecter 450 millions d’euros auprès des Français pour les entreprises de défense, et la création à cette fin d’un fonds baptisé « Bpifrance Défense », réservé aux particuliers et destiné à la défense et à la cybersécurité.

Voyons le côté positif des choses : les Français vont peut-être enfin découvrir ce qu'est le private equity et ses bienfaits ! Sur la période 2013/2023, les rendements du private equity français ont été de l'ordre de 13% brut. Quelqu'un qui aurait investi 500 € en France dans cette classe d'actifs aurait aujourd'hui un capital net de frais d'environ 1000 €. Sur le papier, cet investissement a donc tout pour plaire avec des entreprises qui existent déjà et qui sont souvent bien implantées, un marché a priori florissant dans les années à venir et a priori une montagne de commandes à venir. Mais comme cela est répété pour toute publicité pour un placement financier : " Les performances passées ne préjugent pas des performances futures ". Car dans ce cas de figure en particulier, il y a des hics et pas des moindres ... Le problème essentiel n'est pas l'investissement ! Il y a énormément d'épargne et de trésorerie sur le marché actuellement. Le problème essentiel c'est qu'il faut des commandes sur le long terme. Or ces commandes publiques annoncées par les pays européens seront-elles encore là dans cinq ans ?

Il faut souligner plusieurs aspects sur le risque qui porte sur ces commandes publiques en particulier pour la France :

1. Chaque pays européen va investir en fonction de deux logiques :

- diplomatique : certains continueront à acheter du matériel américain quoi qu'il arrive

- industrielle : les commandes seront soumises à des impératifs nationaux pour soutenir l’industrie locale.

On peut donc toujours mettre en avant les investissements prévus pour l'ensemble de l'Europe, l'essentiel des retombées pour l'industrie française seront essentiellement issues de la politique nationale et pas seulement européenne ...

2. Quelle confiance peut-on avoir dans les annonces d'aujourd'hui ? L'Europe a toujours été une vraie girouette sur les sujets relatifs à la défense européenne, à la fois en termes de stratégie et d'investissement.

Encore aujourd'hui, un label ESG dans ce domaine est, de fait, quasi impossible (aux côtés de l’alcool, du tabac et des jeux d’argent ...).

Même la France qui a pourtant fait partie des bons élèves en termes d'investissement dans le domaine de la défense n'a pas toujours fait preuve d'une réelle constance (en particulier sous Hollande).

Au lendemain d'un inéluctable traité de paix signé entre l'Ukraine et la Russie dans l'année à venir, ou après un hypothétique effondrement du régime russe dont ils rêvent tous, l'hystérie collective de nos dirigeants européens sera-t-elle encore d'actualité ?

3. Acheter des chars est un investissement qui trouvera toujours des détracteurs acharnés dans notre société. Bien malin est celui capable aujourd'hui de nous dire qui sera au pouvoir en France en 2030 à l'échéance de ce fond d'investissement.  

4. Comment la France compte tenu de son endettement pourra-t-elle financer ces investissements ? Compte tenu de notre niveau d'endettement, il faudra soit augmenter la fiscalité (mais nous sommes déjà champion du monde ce qui plombe nos entreprises), soit trouver des arbitrages au détriment d'autres dépenses ... Mais quels sont les arbitrages que les français accepteront : la justice ? l'éducation ? La santé ? Je ne vous parle même pas des retraites ! Certains sondages montrent qu'une majorité de Français (et j'en fais partie) est favorable aujourd'hui à cette politique de réarmement ... Mais dès que le même sondage pose des questions sur les moyens de financer cette politique, d'ores et déjà, cette majorité s'effondre. Qu'en sera t'il dans deux ou trois ans ?

La France fait déjà aujourd'hui face à un mur de la dette absolument vertigineux ( la question n'est pas son existence mais la distance à laquelle il se trouve et le temps qu'il nous reste avant qu'on se le prenne en pleine figure) et une incapacité depuis 50 ans à apporter la moindre réforme à son modèle social. Comment peut on considérer sérieusement les annonces d'augmentation du budget français de la défense de plusieurs dizaines de milliards d'euros ?

Bref, ce type de financement peut éventuellement être une poule aux œufs d'or. Il présente aussi des risques intrinsèques majeurs ! Et il faudra regarder en détail l'offre qui sera faite et analyser de manière très prudente les engagements sur les commandes à venir. Mais il est fort à craindre que dans la précipitation, nous soyons en train de mettre la charrue avant les bœufs pour participer au développement de nos entreprises !

par LR31 1 avril 2025
par Lignes Droites 13 mars 2025
Lignes Droites soutiendra toutes les candidatures d’union des droites. Bonne chance à David Gerson et à sa future équipe !

par Emmanuel Chaunu 13 mars 2025
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