Les élections municipales à Toulouse : analyse rétrospective (suite)

  • par Natacha Gray
  • 16 juil., 2020

Les élections municipales à Toulouse : analyse rétrospective (suite)

Seconde partie

 

            La victoire de Jean-Luc Moudenc dans un contexte où la plupart de ses homologues ont été emportés par ce que les médias ont nommé la « vague verte » tient à plusieurs facteurs, les uns relevant de l’adhésion à un homme, un bilan, un programme, d’autres au rejet à la fois du programme et des alliances de son adversaire, et à la sociologie d’une ville qui a toujours été modérée dans ses choix et qui semble allergique aux extrêmes. Mais pour les partisans d’Antoine Maurice l’explication est plus simple, binaire, bien loin de l’écheveau de facteurs multiples et complexes que la première partie s’est attelée à démêler (ici) si Archipel a perdu, c’est avant tout en raison d’une « campagne de caniveau ». Qu’en est-il exactement ?

 

II. Une « campagne de caniveau » ?

 

Aujourd’hui en effet, lorsque l’on rencontre un partisan de la liste perdante renvoyée à ses salades, on sait automatiquement que l’on va entendre ce leitmotiv dès les premiers arguments. Plus qu’un élément de langage, c’est le nouveau mantra des adversaires de Jean-Luc Moudenc, à prononcer d’un air grave, en hochant la tête d’un air consterné et exagérément indigné. Finis la planète, le verdissement, les trottinettes et le renouveau, dès les derniers jours de la campagne, histoire sans doute de rameuter les indécis par victimisation et diabolisation de l’adversaire, le nouvel argument électoral de la liste Maurice était tombé au niveau de la rigole qui borde les trottoirs sur les voiries urbaines. Psalmodiée à l’envi la formule s’est répandue comme une traînée de poudre chez les électeurs de la liste Archipel. Que chacun fasse l’expérience, évoquez devant l’un d’entre eux la victoire de Jean-Luc Moudenc ou a contrario la défaite d’Antoine Maurice, en quelques secondes vous aurez droit, de façon quasi pavlovienne, souvent avec une agressivité contenue, à la « campagne de caniveau », seule explication de leur échec. Alors qu’ont-ils bien pu trouver dans ce fameux caniveau qui minimise leur défaite et a pour objectif de salir la victoire de l’adversaire? On voit revenir quatre principaux griefs.

 

Le premier est que Jean-Luc Moudenc aurait appuyé sur les peurs pour mobiliser les électeurs. C’est vraiment là jouer sur les mots : le maire sortant n’a fait que rappeler à la fois la provenance politique des colistiers de Monsieur Maurice, leurs engagements passés, les propos tenus et les programmes annoncés. Des faits, rien que des faits. La peur que cela suscite, il ne la crée pas. Elle est omniprésente aujourd’hui, bien au-delà d’une extrême droite ou « fachosphère » fantasmées, constamment évoquées à la moindre critique, face à ceux qui, à gauche notamment, n’ont de cesse que de diviser par l’opposition systématique, les manifestations violentes qui dégénèrent, les procès d’intention, l’inversion des responsabilités, le soutien aux mouvements racialistes et/ou islamistes. Comme dans toute campagne électorale, le maire sortant a présenté son bilan, son programme mais également pointé les faiblesses ou les dangers de celui de l’adversaire en termes financiers, ou de sécurité, d’économie, d’emploi, de paix civile. Que ces réalités fassent peur, on le comprend, surtout dans le contexte actuel, à l’échelle de la France mais aussi d’une ville meurtrie depuis un an et demi par des manifestations destructrices dégénérant immanquablement.

 

Jean-Luc Moudenc n’a pas créé la peur. Il n’a pas inventé le tweet violent d’une colistière de Monsieur Maurice, ni la présence de nombreux militants LFI ou Gilets jaunes (devenus Ultrajaunes) ou du DAL sur sa liste, ni le programme visant à supprimer les arrêtés anti-bivouac, la remise en cause des caméras de surveillance, les positions contre l’aéronautique, les positions naïves et manifestement hors sols sur la réalité de l’insécurité … Fut fatale à la liste Maurice, dans une ville aussi modérée, la conjonction gênante et trop visible du soutien du parti islamiste, la venue en grande pompe des représentants de partis d’extrême-gauche que l’on venait de voir avec consternation, au premier plan de l’actualité, s’afficher fièrement auprès de mouvements racialistes, communautaristes, révisionnistes sur le plan historique, comme le Comité Adama Traoré et de tous ceux qui cherchent à fragiliser l’Etat français, en racolant sur des haines raciales artificiellement réveillées et importés d’ailleurs. Si les électeurs ont eu peur de la liste verte et rouge, c’est tout simplement qu’elle faisait peur par son programme, ses colistiers et ses prises de position.

 

Le maire de Toulouse a gagné en 2014 sur la question de l’insécurité qui est la priorité numéro un dans de nombreux quartiers toulousains, qui ne sont manifestement pas ceux où vivent Monsieur Maurice et ses colistiers. S’il n’a pas suffisamment mobilisé au premier tour, c’est de toute évidence parce que ce thème n’avait pas été mis en avant au cours de sa campagne. S’il a convaincu avant le second, c’est qu’il s’est souvenu de ce qu’attendaient les Toulousains et sur quoi portent une grande partie des plaintes qui remontent jusqu’à la municipalité. A contrario certaines propositions du candidat Maurice dénotaient un déni total de la réalité quant à la sécurité et au « vivre ensemble » toulousain, et annonçaient de toute évidence une aggravation des problèmes. Alors, entre un maire sortant à qui beaucoup reprochent de ne pas en avoir assez fait quant aux nuisances du quotidien et à l’insécurité et un candidat qui se propose d’en faire davantage pour les fauteurs de troubles (notamment les squats, les migrants illégaux…), tout en supprimant ou diminuant les garde-fous, même insuffisants, de son adversaire , on comprend que même l’électeur a priori défavorable à Jean-Luc Moudenc se soit abstenu en renonçant à voter « vert » ou soit allé voter pour le moins pire, en traînant les pieds.

 

 Deuxièmement, dans le même ordre d’idées, la liste Maurice lui reproche d’avoir utilisé l’image de la pastèque pour décrire leur programme : la comparaison avec ce fruit d’été succulent décrit une apparence verte à l’extérieur mais rouge à l’intérieur. Où est le problème ? C’est une image classique, reprise fréquemment sur les plateaux de télévision, qui n’est aucunement méprisante et qui dit bien ce qu’elle veut dire. Elle est d’ailleurs souvent utilisée pour décrire le mouvement écologiste français dominant qui flirte bien souvent avec l’extrême gauche, dont on a vu les leaders récemment marcher dans des manifestations racialistes, islamistes (sous couvert d’une pseudo lutte contre l’islamophobie) ou s’afficher aux côtés du Comité Traoré. Seul Yannick Jadot avait quelque peu tiré EELV vers le centre au point de se mettre à dos la majorité de ses camarades qui le trouvent aujourd’hui bien pâle. C’est une image comme une autre, percutante, le miroir de la réalité, elle n’est en aucun cas mensongère ou dégradante. Sauf si les membres de cette liste avaient voulu dissimuler leur appartenance politique, ce qui n’est absolument pas le cas.

 

Troisième grief, et M. Maurice est revenu sur cette accusation lors du troisième tour pour l’élection du maire et la mise en place du conseil municipal, l’équipe Moudenc aurait utilisé l’homophobie comme un épouvantail pour faire fuir les électeurs. Car Antoine Maurice est homosexuel. Cet argument victimaire est insupportable et de mauvaise foi, comme tous ceux qui attribuent un échec ou une défaite dans le milieu professionnel, ou dans une élection, à un racisme, un antisémitisme, une islamophobie, une misogynie ou un exclusion sexuelle supposées, sans jamais se remettre en question.

 

Sur quoi s’appuient ces accusations ? D’une part sur un unique tweet homophobe, effectivement scandaleux et particulièrement stupide, d’un employé de la majorité municipale à quelques jours du second tour. D’autre part sur les marchés, des militants faisant campagne pour le maire actuel auraient évoqué l’homosexualité de son concurrent, notamment au travers d’une video émanant du candidat lui-même qui a toujours assumé son orientation sexuelle, ne s’en est jamais caché et, d’ailleurs, n’a aucune raison de le faire. Enfin certains brandissent comme preuve de l’homophobie de l’équipe municipale que M. Moudenc a soutenu la Manif pour tous.

 

Primo il faut savoir que l’employé indélicat a été aussitôt désavoué par le maire et ses colistiers, qu’il a été suspendu et se trouve sous la menace d’un licenciement même s’il a retiré son tweet et s’en est excusé.

Deuxio s’il s’avérait que l’homosexualité de Monsieur Maurice avait été effectivement mise en avant par des militants faisant campagne pour le maire actuel dans l’espoir de le discréditer, ce sont des incidents ponctuels et un argument stupide qu’il est très malhonnête de généraliser. Quoi qu’il en soit, on ne voit pas en quoi cela aurait pu jouer un rôle dans la défaite de Monsieur Maurice. Son homosexualité est connue, assumée, il en a parlé lui-même en se présentant. C’est loin d’être un scoop.

Tertio penser que ceci puisse avoir une quelconque influence sur la majorité des électeurs toulousains, c’est leur faire vraiment insulte. Comme la plupart des Français aujourd’hui, plus encore sur cette terre historique de tolérance et de respect mutuel qu’est l’Occitanie, franchement, les préférences sexuelles des uns et des autres, la majorité des électeurs s’en moque totalement. Et s’il y a quelques catégories dans lesquelles l’homophobie peut encore être présentée ou ressentie négativement, c’est essentiellement dans des milieux religieux traditionnalistes radicaux, qui n’auraient jamais voté pour la liste verte et rouge, à l’exception de la mouvance islamiste, puisque le parti communautariste UDMF a appelé à faire barrage à Jean-Luc Moudenc. On voit donc mal aujourd’hui l’intérêt d’un tel argument de campagne qui n’intéresse pas grand monde et ne peut avoir une quelconque influence dans une ville civilisée.

Quatro, il est difficile de qualifier la liste de Jean-Luc Moudenc d’homophobe en raison de la présence sur sa liste de colistiers qui, dans le cas contraire, n’y figureraient pas. Mais nous n’allons pas ici commencer à compter le nombre d’homosexuels, ou de blancs, de noirs, de musulmans, de juifs, ou de jeunes, de vieux, ou que sais-je encore pour voir quelle est celle des deux listes qui, en termes de diversité, a la plus grosse collection de « spécimens » à présenter, du genre « totems d’immunité », preuves de « bien-pensance » et « d’inclusivité » pour éviter d’être accusé de ceci- ou de cela-phobie? Ce serait entrer dans le jeu nuisible de tous les spécistes et autres racialistes qui empoisonnent la vie politique et sociale d’aujourd’hui.

Quinto, tordons le cou définitivement au reproche éculé du soutien passé de JL.Moudenc à la Manif pour tous (argument spécieux lui aussi ressorti malhonnêtement à la faveur de cette campagne, brandi très souvent par les soutiens d’Antoine Maurice pour faire passer – à leurs yeux- le maire actuel pour un réac caricatural voire un homophobe). Il y aurait déjà beaucoup à dire sur la vision caricaturale que la gauche et les médias ont véhiculée à dessein de ce qui fut, aussi, une occasion pour la droite de se retrouver, mais ce n’est pas l’objet ici. Jean-Luc Moudenc a mainte fois expliqué ultérieurement que son opposition tenait avant tout à la méthode employée et non au contenu de la réforme lui-même. Et quand bien même se serait-il opposé sur le fond ? Où serait le problème ? On peut souligner le caractère obsessionnel et réducteur comme l’indigence pitoyable d’un « argument » qui, sans relâche, va reprocher à un individu sa participation à un mouvement polymorphe (irréductible donc à l’interprétation unique qu’en fait une certaine gauche) qui a eu lieu … plus de 7 ans auparavant, ainsi que la conception étroite que ces pseudo-démocrates font de la liberté d’expression et de conscience, qui n’est reconnue que lorsqu’elle est conforme à leur doxa. Ainsi, rappeler en permanence, pendant la campagne, le soutien du maire actuel à la Manif pour tous en 2013 sans évoquer aussi, au cours des six ans de mandat, son rapprochement et sa réconciliation avec les associations LGBT et les engagements de sa municipalité contre les discriminations sexuelles, c’est sans nul doute au moins là que les Toulousains peuvent ramasser un argument de campagne dans le fameux « caniveau » .

 

Quatrième grief enfin, certains laissent entendre que la municipalité aurait récupéré un grand nombre de procurations, notamment dans les maisons de retraite (sous-entendu sournois, comprendre : en faisant voter des personnes âgées qui ne savent pas ce qu’elles font). Quel prodigieux mépris pour ces électeurs-là ! Une personne, même âgé qui confie son vote, sait ce qu’elle fait. Et remplir son devoir citoyen, pour les anciennes générations, c’était et cela reste sacré. Que cette personne ait été demandeuse ou qu’on soit allé lui proposer d’accomplir son devoir civique à sa place, cela n’a rien d’illégal ni de scandaleux, surtout dans le contexte Covid-19, et cela s’est fait, ici comme ailleurs, dans tous les camps, pour toutes les listes, chacun essayant de convaincre au maximum les indécis ou de permettre aux personnes empêchées de voter quand même. A contrario beaucoup racontent avoir vu venir voter dans les bureaux des électeurs au look, comportement et propos ne laissant guère de doute sur le candidat qu’ils allaient soutenir, beaucoup de jeunes, en trottinette ou en vélo, du genre que l’on ne voit quasiment jamais dans ces bureaux de vote que les assesseurs ou scrutateurs connaissent bien et observent depuis des années ! Utiliser ce genre d’argument avec tous les sous-entendus qu’il véhicule ne vole pas bien haut non plus, disons que cela reste, pour reprendre une image à la mode, au niveau de certains équipements qui permettent à l’eau de s’écouler dans les rues !

 

            Ainsi, « la campagne de caniveau » étant devenue un élément de langage récurrent, un élément de dénigrement du maire actuel, il semblerait utile d’y répondre systématiquement point par point, en enfermant celui qui a balancé cet argument de manière quasi pavlovienne dans l’impossibilité de démontrer quoi que ce soit. Ou bien de lui renvoyer le compliment en mettant en évidence les mensonges, les procédés, mais également le racolage de certains soutiens de la liste Maurice, les propos et engagements de certains colistiers qui ne font pas honneur à Archipel et qui ont contribué, seuls ou effectivement rappelés par l’équipe adverse, à la discréditer aux yeux de certains électeurs qui étaient initialement peut-être prêts à voter pour un programme qu’ils croyaient purement écologique et de renouveau.

Il ne faut pas laisser passer la calomnie, la combattre pied à pied, au risque, sinon, de l’entendre bien souvent et de la retrouver dans six ans. Selon la formule de Goebbels, ministre de la propagande nazie, « un mensonge répété 10 fois reste un mensonge ; répété 10 000 fois il devient une vérité ».  Et l’on sait à quel point les nouveaux fascistes d’aujourd’hui ont largement retenu cette leçon, l’opinion publique finissant par être convaincue de ce qu’elle entend répéter à l’envi. Il est vrai que la plupart de ces reproches sont tellement ridicules que l’on comprend qu’il soit tentant de laisser courir la calomnie,  mais l’on sait ce que cela a coûté, par exemple, à un certain Alain Juppé lors de la campagne présidentielle de ne pas rebondir sur le stupide « Ali Juppé », autre slogan sans grand fondement qui, pour beaucoup, jamais démenti, a été pris comme une réalité occasionnant un vote de défiance. Il ne faudrait jamais laisser perdurer ce genre d’accusation gratuite qui ne relève que de la déception de mauvais perdants mais qui devient vite, le recul du temps aidant et la mémoire se faisant défaillante, un postulat non négociable.

 

Natacha GRAY

par Aurélie Jean et Erwan Le Noan dans FigaroVox 26 avril 2025
Une fois n'est pas coutume, une très belle tribune sur le libéralisme à lire dans FigaroVox :


TRIBUNE - La façon caricaturale dont est présenté le libéralisme dans le débat public est la preuve d’un manque criant de culture sur cette école de pensée, son exercice pratique, mais aussi sur ses acteurs et leurs origines, regrettent la docteur en sciences et l’essayiste*.

* Aurélie Jean a récemment publié « Le code a changé. Amour et sexualité au temps des algorithmes  » ( L’Observatoire, 2024). Erwan Le Noan est l’auteur de L’Obsession égalitaire. « Comment la lutte contre les inégalités produit l’injustice » (Presses de la Cité, 2023).


Admettons-le, en France le libéralisme n’a pas bonne presse. Il est réduit à une conflictualité sociale, à un chaos économique, à une vilenie humaine dont il faudrait se méfier et s’éloigner. Dans un contresens alimenté par quelques esprits acerbes ou ignorants, l’imaginaire collectif l’associe à des figures autoritaires, à des héros immoraux ou à des épisodes brutaux. Le débat politique le présente comme une idéologie, à la fois dominante et sans cesse vacillante, structurée mais incertaine. La caricature le décrit sous les traits de privilégiés avides, soucieux de leur égoïsme. Tout cela est faux et démontre un manque de culture populaire sur cette école de pensée et son exercice pratique, sur ses acteurs et sur leurs origines. Car, contre l’idée reçue, on ne naît pas libéral, on le devient !

Être libéral, c’est se demander sans cesse comment, en toutes circonstances, rendre chaque individu plus libre de choisir sa vie, en respectant celle des autres. Être libéral, c’est être convaincu que la meilleure voie pour y parvenir est l’autonomie (non l’indépendance) individuelle et l’échange, qui fait croître la richesse et le savoir - et la cohésion sociale par l’entraide. Être libéral, c’est se rappeler que la liberté est fragile et que la défendre est un combat continuellement renouvelé, qui n’accepte pas de solution unique et implique un questionnement permanent.

Le libéralisme ne propose ainsi qu’un guide de lecture, une référence dans toute réflexion : en revenir systématiquement au choix libre et responsable de l’individu, pour que chacun puisse déterminer par soi-même la voie de sa propre conception d’une vie réussie. C’est un goût pour le doute qui impose la modération et le changement en réponse aux déséquilibres sociaux, économiques et culturels. Le libéral assume de se tromper et corrige sa pensée.

Aussi, le libéralisme ne s’hérite pas, il s’acquiert. Les plus convaincus des libéraux et les plus convaincants sont certainement ceux qui, venant de tout horizon social et économique, ont fait un cheminement intellectuel propre à leurs expériences.

Sa quête est celle de la créativité. Être libéral, c’est reconnaître à chacun sa part de talent et d’inventivité – et donc sa légitimité à participer à l’enrichissement intellectuel ou matériel du monde.

Le libéral est, très tôt, revêche à toute forme d’autorité qui ne se légitime pas ou qui vient limiter l’épanouissement de l’individu. Il aime, chez Camus, l’aspiration à la révolte philosophique. Il remet sans cesse en question les affirmations. Cet esprit de fronde naît parfois dès l’école, comme chez Stefan Zweig.

Cette indocilité du libéral est une inquiétude, qui le conduit à se méfier de tout pouvoir, surtout démesuré, surtout s’il n’accepte pas la contestation : le libéral est fébrile devant les réflexes courtisans de ceux qui s’aplatissent complaisamment devant le renforcement continu de la puissance publique et son contrôle de nos vies. Il se retrouve dans Tocqueville ou Montesquieu. Il ne peut oublier que, au XXe siècle, c’est l’État, pas l’entreprise, qui a été l’instrument privilégié des pires abominations de l’histoire : le fascisme, le communisme, le nazisme. Le secteur privé n’est pas parfait, mais lui est soumis à la contradiction permanente de la concurrence.


 Défier les vérités imposées

La révolte libérale est, plus encore, celle de tous ceux qui, au nom de la dignité de l’individu, ont résisté par les mots ou par les armes, aux totalitarismes : Arendt, Aron, Havel, Voltaire… Un libéral cherche à défendre la liberté des autres, même celle de ses contradicteurs ou celle dont il ne bénéficie pas.

On devient libéral en doutant des choix subis, en défiant les vérités imposées : tous les individus étant égaux, personne n’a le droit de choisir votre vie à votre place sans votre consentement explicite. Le libéral se retrouve dans les combats de Simone Veil pour les femmes. Il est ouvert à une réflexion honnête sur les évolutions de la société : la liberté individuelle sera-t-elle confortée ou amoindrie si la société admet la GPA ou une loi sur la fin de vie ?

Le libéral ne saurait dès lors être conservateur et encore moins réactionnaire, car il refuse les états de fait, il conteste les vérités imposées, il renie les réflexes qui obstruent la pensée. Il s’inquiète, il s’interroge, il doute jusqu’à se forger une conviction intime, conscient qu’elle n’est pas nécessairement partagée.

Le libéral n’est pas non plus un révolutionnaire, car, convaincu de l’égalité entre les individus, il privilégie le droit et la délibération. Il croit à la dignité de chacun et à la légitimité de toutes les paroles. Il se défie de « l’homme providentiel ». Il est démocrate.


 Dépasser nos propre limites

Le libéral est dans un questionnement régulier, même en contradiction avec les siens. Avec Germaine de Staël, il s’inquiète des passions - et des populistes qui prétendent clore le débat. Il a appris à dompter les élans emportés de la colère, il plaide pour maîtriser la violence, même légitime. Il refuse tout ce qui attache les individus à une caste et rejette les assignations. Avec Vargas Llosa, il repousse l’obligation d’appartenir à une « tribu » et ne reconnaît que les allégeances choisies.

Sa quête est celle de la créativité. Être libéral, c’est reconnaître à chacun sa part de talent et d’inventivité - et donc sa légitimité à participer à l’enrichissement intellectuel ou matériel du monde.


La quête libérale se réalise souvent dans l’entrepreneuriat, c’est-à-dire dans la recherche du dépassement de nos propres limites, de notre propre finitude, en prenant le risque de créer ce vers quoi ou ceux vers qui conduisent nos aspirations. Est libéral celui qui cherche à créer sa voie. En ce sens, il favorise le marché, car il y voit le meilleur instrument de coordination volontaire de milliards de volontés divergentes.

Certains deviennent enfin libéraux par émotion. Par une répulsion instinctive de l’oppression, de l’injustice, de l’écrasement. Par une bouffée charnelle de liberté. Par une volonté irréductible et indomptable de tromper le sort. Par la découverte d’une force intérieure ou d’une espérance inextinguible. On ne naît pas libéral. On le devient.



par Aymeric Belaud 24 avril 2025
"Notre pays chute depuis 2020 et la période covid. De 66, sa note est descendue à 62,5 en 2024. Elle n’est certes pas la seule à voir son indice diminuer, mais elle reste une mauvaise élève parmi les pays développés. Elle a toujours été l‘une des dernières en Europe occidentale depuis la création de l’indice en 1995."
Une analyse intéressante de la liberté économique en France, pourtant qualifiée d'ultra libéral par certains ...

par Bernard Carayon 9 avril 2025
Magnifique tribunedans le JDD de notre ami Bernard Carayon qui souligne parfaitement toutes les incohérences de la Commission Européenne  en matière de défense !

par Pauline Condomines (VA) 8 avril 2025
"Ce mercredi 26 mars, au Palais des Sports, une conférence sur la menace islamiste a rassemblé un large public au Palais des Sports de Paris. Bruno Retailleau, Manuel Valls et de nombreux militants, chercheurs et auteurs ont appelé à la lutte contre un fléau qui “menace la République”."

par Lignes Droites 5 avril 2025

Nouveau grand succès pour la conférence de Lignes Droites du 3 avril !

Tous nos remerciements à Monsieur Patrice Michel pour son exposé très pédagogique sur le système judiciaire français, ses liens avec les instances européennes, son histoire, et son organisation au sein des différentes justices administratives, civiles et pénales.

Tous les participants (environ 75 personnes) ont particulièrement apprécié la clarté de cet exposé et quelques idées pour améliorer son efficacité. Deux rappels essentiels ont été fait :

- notre système judiciaire est là pour faire respecter la loi et bon nombre des reproches qui lui sont fait viennent en fait du politique.

- la neutralité de la justice française a été largement entamée par certains individus, en particulier issus du syndicat de la magistrature. Ce devrait être au Conseil Supérieur de la Magistrature de garantir cette neutralité politique.  Mais sans doute par corporatisme et lâcheté, il n'intervient pas assez, même face à des situations extrêmes comme celle du "mur des cons". Là encore ce devrait être au politique d'avoir le courage de mener à bien les réformes nécessaires pour s'assurer du bon fonctionnement du Conseil de la Magistrature.

par Maxime Duclos 4 avril 2025

Aujourd’hui, la France traverse un moment décisif. Dans une décision qui ne laisse aucun doute, Marine Le Pen se voit infliger une peine d’inéligibilité, à seulement deux ans des présidentielles. Ce verdict dépasse largement le simple domaine juridique pour s’inscrire dans un affrontement politique direct.

La magistrate Bénédicte de Perthuis affirme s’inspirer d’Eva Joly pour son parcours judiciaire et son engagement en tant que magistrate. Elle l’a d’ailleurs déclaré sans ambiguïté : « Eva Joly a changé mon destin. » lors d’un podcast en 2020. Une phrase forte, qui traduit bien plus qu’une simple admiration professionnelle. On y perçoit une affection profonde pour une figure dont les opinions, notamment sur la justice, sont tranchées et assumées.

Mais Eva Joly, au-delà de son parcours de magistrate, reste aussi un personnage politique clivant, dont l’engagement écologiste et les prises de position marquées ne laissent personne indifférent. L’apprécier, c’est souvent adhérer aussi, d’une certaine manière, à une certaine vision du monde et des combats idéologiques. Dès lors, difficile d’ignorer que cette inspiration, aussi sincère soit-elle, puisse laisser planer un doute sur une possible proximité idéologique.

Dans ce contexte, le Syndicat de la magistrature, connu pour ses positions marquées à gauche et ayant publiquement appelé à voter contre l’extrême droite le 12 juin 2024 ajoute une dimension particulière à cette affaire. Cette prise de position contribue à brouiller la frontière entre engagement idéologique et impartialité judiciaire.

Dès lors, difficile de ne pas voir dans cette condamnation un verdict dont l’écho dépasse le cadre strictement juridique pour résonner sur le terrain politique, au moment même où se prépare une échéance électorale majeure.

Encore plus inquiétant, l’identité des deux assesseurs qui ont participé au verdict reste inconnue, un manque de transparence qui renforce le sentiment d’un coup d’État judiciaire. Ce flou soulève des questions cruciales sur l’impartialité et l’indépendance de notre système judiciaire, surtout à l’approche d’un scrutin historique.

Ce moment demeure un symbole fort : la justice, qui devrait être la gardienne impartiale de nos lois, se retrouve aujourd’hui au centre d’interrogations profondes. Si la magistrate ne revendique pas ouvertement d’engagement politique, son admiration pour une figure aussi marquée qu’Eva Joly, ainsi que le contexte entourant cette décision, peuvent laisser penser que son jugement pourrait être influencé par une certaine orientation idéologique. Cela envoie un message clair à l’ensemble du paysage politique français et soulève inévitablement des questions sur la frontière, de plus en plus ténue, entre justice et politique.

Face à cette situation inédite, la nécessité de transparence s’impose, et il est essentiel que les interrogations sur l’indépendance de la justice soient pleinement abordées. Ce moment marque un tournant dans la vie politique française et pose une question fondamentale : la justice peut-elle encore être perçue comme une institution neutre, ou court-elle le risque d’être influencée par des dynamiques idéologiques qui dépassent son cadre strictement juridique ?

Comme l’ont souligné plusieurs responsables politiques, dans un moment aussi décisif, même si une condamnation doit être prononcée, le fait de rendre Marine Le Pen inéligible à seulement deux ans des présidentielles soulève des doutes légitimes sur la volonté politique et idéologique de l’empêcher d’accéder au pouvoir. Selon des estimations récentes de l’IFOP, Marine Le Pen aurait eu la possibilité d’obtenir entre 34 et 38% des voix au premier tour des présidentielles de 2027, selon plusieurs sondages récents. Cette décision semble dépasser le simple cadre juridique. Ce choix, dans un contexte aussi crucial, appartient au peuple et non à une juridiction.

Il en va de la confiance des 11 millions d’électeurs qui, sans pouvoir débattre, parlementer ou exercer leur droit démocratique, se voient privés de la possibilité de voter pour la représentante politique qui, selon les projections, aurait toutes les chances de jouer un rôle clé dans la politique de 2027. Cette décision semble porter une forme de nonchalance envers ces électeurs, en les privant de la possibilité d’exprimer leur voix de manière libre et démocratique. Ce n’est pas simplement une question de légalité, mais une tentative potentielle de déstabiliser le Rassemblement National, d’affaiblir ses capacités à se renforcer et à atteindre, d’ici 2027, une représentativité de 37% des suffrages, au moment où le débat politique pourrait être radicalement transformé par leur ascension.



NDLR : Merci à Maxime Duclos pour ses billets d'humeur toujours très intéressant. On pourrait ajouter queBénédicte de Perthuis n'avait pourtant pas une réputation de sévérité particulière puisque c’est elle qui avait prononcé la relaxe du ministre Olivier Dussopt, jugé pour favoritisme (et finalement condamné en appel !). Deux poids et deux mesures ?


par Pierre Lemaignen 2 avril 2025

Par la voix d'Eric Lombard, le ministre de l’économie, Bpifrance annonçait la semaine dernière vouloir collecter 450 millions d’euros auprès des Français pour les entreprises de défense, et la création à cette fin d’un fonds baptisé « Bpifrance Défense », réservé aux particuliers et destiné à la défense et à la cybersécurité.

Voyons le côté positif des choses : les Français vont peut-être enfin découvrir ce qu'est le private equity et ses bienfaits ! Sur la période 2013/2023, les rendements du private equity français ont été de l'ordre de 13% brut. Quelqu'un qui aurait investi 500 € en France dans cette classe d'actifs aurait aujourd'hui un capital net de frais d'environ 1000 €. Sur le papier, cet investissement a donc tout pour plaire avec des entreprises qui existent déjà et qui sont souvent bien implantées, un marché a priori florissant dans les années à venir et a priori une montagne de commandes à venir. Mais comme cela est répété pour toute publicité pour un placement financier : " Les performances passées ne préjugent pas des performances futures ". Car dans ce cas de figure en particulier, il y a des hics et pas des moindres ... Le problème essentiel n'est pas l'investissement ! Il y a énormément d'épargne et de trésorerie sur le marché actuellement. Le problème essentiel c'est qu'il faut des commandes sur le long terme. Or ces commandes publiques annoncées par les pays européens seront-elles encore là dans cinq ans ?

Il faut souligner plusieurs aspects sur le risque qui porte sur ces commandes publiques en particulier pour la France :

1. Chaque pays européen va investir en fonction de deux logiques :

- diplomatique : certains continueront à acheter du matériel américain quoi qu'il arrive

- industrielle : les commandes seront soumises à des impératifs nationaux pour soutenir l’industrie locale.

On peut donc toujours mettre en avant les investissements prévus pour l'ensemble de l'Europe, l'essentiel des retombées pour l'industrie française seront essentiellement issues de la politique nationale et pas seulement européenne ...

2. Quelle confiance peut-on avoir dans les annonces d'aujourd'hui ? L'Europe a toujours été une vraie girouette sur les sujets relatifs à la défense européenne, à la fois en termes de stratégie et d'investissement.

Encore aujourd'hui, un label ESG dans ce domaine est, de fait, quasi impossible (aux côtés de l’alcool, du tabac et des jeux d’argent ...).

Même la France qui a pourtant fait partie des bons élèves en termes d'investissement dans le domaine de la défense n'a pas toujours fait preuve d'une réelle constance (en particulier sous Hollande).

Au lendemain d'un inéluctable traité de paix signé entre l'Ukraine et la Russie dans l'année à venir, ou après un hypothétique effondrement du régime russe dont ils rêvent tous, l'hystérie collective de nos dirigeants européens sera-t-elle encore d'actualité ?

3. Acheter des chars est un investissement qui trouvera toujours des détracteurs acharnés dans notre société. Bien malin est celui capable aujourd'hui de nous dire qui sera au pouvoir en France en 2030 à l'échéance de ce fond d'investissement.  

4. Comment la France compte tenu de son endettement pourra-t-elle financer ces investissements ? Compte tenu de notre niveau d'endettement, il faudra soit augmenter la fiscalité (mais nous sommes déjà champion du monde ce qui plombe nos entreprises), soit trouver des arbitrages au détriment d'autres dépenses ... Mais quels sont les arbitrages que les français accepteront : la justice ? l'éducation ? La santé ? Je ne vous parle même pas des retraites ! Certains sondages montrent qu'une majorité de Français (et j'en fais partie) est favorable aujourd'hui à cette politique de réarmement ... Mais dès que le même sondage pose des questions sur les moyens de financer cette politique, d'ores et déjà, cette majorité s'effondre. Qu'en sera t'il dans deux ou trois ans ?

La France fait déjà aujourd'hui face à un mur de la dette absolument vertigineux ( la question n'est pas son existence mais la distance à laquelle il se trouve et le temps qu'il nous reste avant qu'on se le prenne en pleine figure) et une incapacité depuis 50 ans à apporter la moindre réforme à son modèle social. Comment peut on considérer sérieusement les annonces d'augmentation du budget français de la défense de plusieurs dizaines de milliards d'euros ?

Bref, ce type de financement peut éventuellement être une poule aux œufs d'or. Il présente aussi des risques intrinsèques majeurs ! Et il faudra regarder en détail l'offre qui sera faite et analyser de manière très prudente les engagements sur les commandes à venir. Mais il est fort à craindre que dans la précipitation, nous soyons en train de mettre la charrue avant les bœufs pour participer au développement de nos entreprises !

par LR31 1 avril 2025
par Lignes Droites 13 mars 2025
Lignes Droites soutiendra toutes les candidatures d’union des droites. Bonne chance à David Gerson et à sa future équipe !

par Emmanuel Chaunu 13 mars 2025
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