Le « général courage » à Ramonville : pragmatisme et force de proposition

Natacha Gray • 8 juillet 2018

Insécurité, radicalisation, Justice, République, gouverner, servir, valeurs, courage, task force , zone de contrôle renforcé … Ces mots ont résonné pendant deux heures, ce mardi 26 juin dans la salle Paul Labal à Ramonville Saint-Agne qui accueillait en soirée le général Bertrand Soubelet , invité par trois associations, Objectif-France (dont il est le vice-président), Lignes Droites 31 et Ramonville Autrement. L’ancien numéro 3 de la Gendarmerie Nationale, y présentait, entre autres, les enjeux sécuritaires dont il est un expert de terrain reconnu, face à une salle comble mais également comblée, tant ce qui était dit avec clarté et sans langue de bois, avec une rigueur et une franchise toute militaires, venait mettre des faits, des propositions et des arguments sur le ressenti, voire l’expérience de chacun. “ En vous écoutant ce soir, on se sent soudain moins seul” , déclara un des participants, fortement impliqué dans la sécurité et la prévention de la radicalisation, résumant en quelques mots le sentiment d’une salle où ne manquaient pas les acteurs de terrain, dont certains opérant dans le domaine de la prévention et de la sécurité, découragés de ne pas être entendus ni même compris par les élus locaux.

Après la présentation du conférencier puis des associations invitantes, par Jean-Marie Belin, pour Objectif France et Nicolas Bonleux pour Lignes Droites 31 (et O.F.), la soirée prit la forme interactive d’un passionnant échange de près de deux heures, poursuivi ensuite à bâtons rompus hors micro, alternant des questions posées par la salle ou l’un des deux modérateurs et les réponses du général, toujours très argumentées et illustrées.

Si nous pouvons aujourd’hui, plus fréquemment qu’autrefois, entendre des experts, souvent liés au monde la Défense et de la Sécurité, généralement (mais pas toujours !) libérés du devoir de réserve, dresser un constat sans concession ni détour sur l’état de notre société, notamment sur le plan sécuritaire pour dénoncer l’aveuglement des élus et leur manque de réactivité face à la prolifération des zones de non-droit, des trafics en tout genre et de l’islamisme radical, il est en revanche beaucoup plus rare d’entendre exposer ainsi des propositions concrètes , une véritable méthodologie pour l’action, reposant à la fois sur le pragmatisme, le bon sens mais aussi la connaissance du terrain de celui qui accumule près de 40 ans de vie militaire au service de la France, dont 30 à la Gendarmerie nationale.

C’est pourquoi il nous a semblé intéressant de rendre compte, de la façon la plus exhaustive possible, de l’essentiel de cette soirée débat avec Bertrand Soubelet. Les lignes qui suivent s’y efforcent avec le maximum de fidélité. Toutes les questions abordées sont inextricablement liées les unes aux autres, et ce sont ces interrelations et priorités que le général s’est efforcé de mettre en évidence et d’expliquer. Néanmoins, pour la clarté de l’analyse, nous les avons dissociées ici.

Une situation sécuritaire inquiétante

Très logiquement, la soirée commence par les questions sécuritaires concernant les zones de non-droit que les médias s’enhardissent parfois à qualifier de territoires perdus de la République, quartiers pour lesquels le plan Borloo avait pronostiqué pour 60 d’entre eux des “ risques de fracture” et pour 15 autres “ des risques de rupture” , doux euphémismes pour notre intervenant pour qui fractures comme ruptures sont déjà des états de fait. Nicolas Bonleux évoque alors une des tribunes récentes du Général Soubelet dans le Figaro, faisant suite à la présentation des propositions Borloo (lire ici : Face à la menace l’urgence est de réapprendre à penser ).

Le constat

Nous ne nous attarderons pas longuement sur le constat que chacun connaît et que l’actualité nous rappelle tristement régulièrement. Notons néanmoins que le général, qui a commandé la gendarmerie de Midi-Pyrénées de 2008 à 2010, répercute sa grande inquiétude face à l’évolution de la situation depuis son départ. Ayant en effet passé la journée en rencontres successives avec des responsables de la sécurité et de la lutte contre la radicalisation, des élus de terrain à l’échelle de la Métropole, il avait découvert la situation explosive de certains quartiers toulousains, révélant une dégradation nette par rapport à ce qu’il avait connu quelques années auparavant. Sans révéler le détail de ce que ses interlocuteurs lui avaient appris, le conférencier fait comprendre à la salle que la situation est particulièrement inquiétante, évolutive dans le sens d’une dégradation rapide.

À plusieurs reprises, Bertrand Soubelet évoque la situation dans ces quartiers où police, gendarmerie, et même pompiers et soignants ne peuvent plus pénétrer après certaines heures. Il précise aussi qu’en ces zones de non-droit, il ne faut aucunement dissocier les économies souterraines des trafics illicites, d’armes ou de stupéfiants, et la radicalisation islamiste, et que ceux qui prétendent qu’il s’agit de filières distinctes, ce que démentent tous les acteurs de terrain, le font par incompétence, dogmatisme ou parce qu’ils ont eux-mêmes ce qu’il nommera pudiquement des “ objectifs pas très clairs” .

Ceci dit, il précise qu’il s’agit à chaque fois de quelques dizaines à une centaine d’individus, parfaitement identifiés par les bailleurs sociaux, les enquêteurs de terrain, les associations. On sait donc exactement qui perturbe et empoisonne la vie de ces quartiers.


Les facteurs aggravants

Les facteurs aggravants sont multiples, et nous reviendrons par la suite sur deux points essentiels : le manque de volonté et de courage des élus d’une part, l’inadaptation des moyens donnés à la Justice d’autre part.

Pour commencer Bertrand Soubelet insiste sur des responsabilités déjà anciennes :“ Nous n’avons pas su accueillir ceux qui sont venus , ce qui explique dans un certain nombre de quartiers nous en somment arrivés à une communautarisation qui n’est pas rampante, comme le disent certains, mais parfaitement acquise”. C’est pour lui une “ certitude . Nous le payons cher aujourd’hui” . Le général regrette que nous n’ayons pas “ été clairs avec ceux qui arrivaient il y a 25 ou 30 ans”, et que nous (il précise que ce nous désigne ceux qui ont en charge les responsabilités de l’État) ayons laissé faire, ce que plus tard il qualifiera d’ attitude “ laxiste puisque nous accordons tous les droits à ceux dont nous n’exigeons aucun devoir .”

“Quand on arrive dans un pays, ajoute-t-il , c’est pour partager le destin de ses habitants et fuir ce que l’on avait dans son propre pays . Or ceux qui arrivent aujourd’hui, quelles que soient les raisons pour lesquelles ils viennent, ne viennent plus en France pour partager le destin des Français, mais pour rejoindre leur communauté qui est installée en France. Ils la rejoignent parce qu’ils savent parfaitement qu’il y a ici des choses très intéressantes qui les attirent et qu’ils ne trouveront pas ailleurs”.

“Être clair” avec ces nouveaux arrivants, pour Bertrand Soubelet, c’eût donc été de “ poser des règles et de les faire respecter” et il cite, entre autres, l’apprentissage du français, l’obligation de mettre ses enfants dans les écoles de la République, d’arrêter de se vêtir comme dans son pays d’origine, bref de faire en sorte de devenir de vrais Français selon le modèle d’intégration qui avait fonctionné jusqu’à présent. Car, rappelle-t-il, la France a toujours été et reste un pays d’accueil, qui l’a largement prouvé depuis des dizaines et des dizaines d’années, une nation généreuse qui demande simplement à ses membres, quels qu’ils soient, de respecter les règles et “ que ceux qui arrivent aient envie de partager notre destin, acceptent les lois de la République et fassent preuve d’un comportement respectueux et citoyen”. Ce qui ne relève, ajoute-t-il que “du pragmatisme et du bon sens” , bien loin des idéologies ou des théories élaborées par des technocrates hors-sol. Car ce discours clair, qui se serait évidemment transcrit en actes en cas de non-respect du contrat, “ n’est pas un discours de facho ou de méchant” comme certains voudraient le qualifier.

Sur ce point le général conclut, précisant qu’il n’est “ pas extrémiste” et ajoutant avec humour qu’il se sent même à certains moments “ un peu gaucho” : “ Je suis respectueux de tout le monde mais je ne respecte pas ceux et celles qui ne respectent pas lois de la République. S’ils veulent en instaurer d’autres, alors qu’ils aillent ailleurs pour le faire. Notre pays est encore une démocratie, « à ce stade », et ceux qui ne respectent pas lois de la République n’ont rien à faire en liberté et parfois même chez nous s’ils sont étrangers .”

C’est alors l’occasion pour le Général de s’en prendre à “ une espèce de bien-pensance sur fond de droitsdelhommisme mal compris et de libertés publiques complètement dévoyées qui intoxiquent le pays depuis bien longtemps” , en particulier pour toutes les questions liées à l’immigration. Il dénonce ainsi la criminalisation face à chaque proposition destinée à avancer dans la résolution et, déjà, l’identification des problèmes, sur le prétexte que quiconque ose évoquer une difficulté posée par une personne issue de l’immigration ne serait pas humaniste ou n’aimerait pas les étrangers. Ce laxisme qui reconnaît à l’autre seulement des droits et non des devoirs, qui encourage la victimisation véhiculée par certains propagandistes du communautarisme, est “ en train de détruire les fondements mêmes de notre société et ce que sont les valeurs de notre pays” . Cet effacement de l’identité de l’accueillant devant celle de l’autre, l’accueilli, que la philosophe Françoise Bonnardel a qualifié d’ autruism e, a déjà été développé par Lignes Droites ici dans notre trilogie sur l’identité nationale.

Les propositions

Le général fait alors un certain nombre de propositions que l’on peut retrouver également dans une tribune du Figaro du 20 avril dernier (à lire ici ) au titre significatif : Il faut agir et reprendre l'initiative sur notre propre sol . C’était également l’objet de sa critique des propositions Borloo, proposant des mesures déjà anciennes, souvent testées et dont la pertinence n'est pas toujours avérée, car “ elles ne pourront jamais être réellement mises en œuvre si la sécurité n'est pas assurée au quotidien dans ces quartiers” . La restauration de l’ordre et de la sécurité de manière totale et pérenne est donc un préalable incontournable . Il s’agit donc de reprendre le contrôle selon trois axes principaux qui sont d’une part de “ lutter contre l’économie souterraine et les trafics qui gangrènent le tissu social” , d’autre part de “ combattre le communautarisme, les propos et les comportements des islamistes” , et enfin de “ prendre des mesures concrètes pour éloigner durablement de ces quartiers les individus dangereux”.

Bertrand Soubelet propose alors une solution , qui pourrait être cette méthode dont manquent cruellement les élus, pour traiter ces quartiers. En effet certains intervenants dans la salle confirment que les élus locaux sont démunis face à leurs responsabilités croissantes en termes de sécurité et qu’il y a presque autant de politiques mises en place que de communes ! Il s’agirait donc d’identifier les quartiers à traiter, puis d’en choisir quelques-uns : “ trois ou quatre suffiraient probablement” . Cela commencerait par une concertation avec les élus, qui restent incontournables puisqu’eux seuls peuvent décider d’agir ou non, et qui rassemblerait tous ceux qui sont concernés par ces problèmes sécuritaires (magistrats, policiers, gendarmes, bailleurs sociaux …). Ces discussions permettraient de faire un diagnostic précis sur les difficultés du quartier, de fixer des objectifs clairement définis et la méthode à mettre en œuvre. Ensuite on déclarerait ce quartier zone de contrôle renforcé, ce qui suppose un régime juridique à inventer pour cette action ponctuelle. Cette mission serait dirigée par un chef désigné par le gouvernement pour régler les problèmes dans le quartier en question. Ce chef devrait être un expert de terrain, par exemple un grand patron de la police de la gendarmerie.

Le chef de mission, entouré d’un petit état-major, serait secondé par une task force de 800 à 1000 personnes composées de policiers, de gendarmes, de magistrats, de militaires si besoin était, d’éducateurs, de psychologues, brefs tous les intervenants habituels. Pendant trois mois on traiterait le sujet. Il ne s’agirait pas d’état de siège ni de mettre tout le monde en prison, tout se ferait dans le respect de la démocratie, mais cette fois avec fermeté, en fonction d’objectifs précis et dans la durée. Il faudrait probablement deux régimes judiciaires, celui qui traiterait de jour des questions habituelles (car la vie ne s’arrêterait pas pour autant et, les tribunaux étant déjà débordés, il ne s’agirait pas de leur faire prendre davantage de retard et de leur créer une surcharge de travail) et un régime de nuit, avec d’autres magistrats pour traiter les arrestations effectuées par la task force pendant la journée, en comparution immédiate.

Les peines pourraient être de prison, mais également des amendes et des saisies de biens (voir ci-après dans la partie Justice), mais également des éloignements. Le général Soubelet est persuadé qu’après avoir traité un quartier puis un autre, au bout de trois ou quatre quartiers emblématiques, un signal fort serait passé auprès des autres zones où les lois de la République sont bafouées. Et tout ceci ne relève encore une fois que du bon sens et ne serait finalement pas très coûteux (surtout au regard des politiques sociales mises en œuvre jusqu’à présent, sans résultat tangible et même contre-productives) mais le bon sens, comme le pragmatisme, “ n’a malheureusement plus beaucoup droit de cité dans la pensée publique” .

Un manque de volonté politique évident

Ces signaux, ce sont ceux que l’Etat doit donner à la fois à ces quartiers et aux Français qui désespèrent. Or aujourd’hui, le général dit ne déceler malheureusement dans le pouvoir en place que des opérations de communication mais aucune action, aucun signal significatifs. L’absence de volonté politique est, d’ailleurs, un leitmotiv qui traverse toute la conférence-débat, que ce soit dans les propos du général ou dans les témoignages des acteurs de terrain dans la salle.

Or il y a urgence . “ Pour arriver à inverser la tendance, cela risque d’être compliqué, de demander beaucoup de courage et de volonté politique et il y aura probablement du dégât. C’est le prix à payer pour que cette spirale dans laquelle nous sommes s’arrête enfin. Nous aurons du mal mais nous le pouvons encore. Le problème est que je ne vois pas à l’horizon suffisamment de volonté ni de courage pour que cela prenne cette direction-là.”

Aveuglement et surdité des élus

“Ceux qui représente l’État et l’autorité, c’est-à-dire ceux pour qui nous votons et qui sont seuls en mesure de donner des ordres à ceux qui sont chargés de mettre de l’ordre et de rétablir la sécurité dans ces quartiers, c’est-à-dire la police, la gendarmerie et l’armée, ne montrent pas leur volonté d’agir durablement et fermement”. Cela fut manifeste dans le plan Borloo, applaudi par beaucoup, et qui n’était pourtant qu’un recyclage de mesures coûteuses (que Bertrand Soubelet estime à environ 50 milliards pour ces dernières années) et qui n’avaient rien réglé jusqu’à présent, si ce n’est de garantir, en l’achetant, la paix sociale.

Le général, comme d’autres personnes dans la salle le feront plus tard, évoque les difficultés que l’on rencontre lorsque l’on tient ce genre de discours face aux hommes et femmes politiques : certains ne sont pas intéressés et n’écoutent pas, d’autres n’ont pas pris la mesure du problème et répondent immanquablement à leur interlocuteur qu’il “ exagère la situation” . Pour beaucoup, si on ne parle pas du problème, si on ne le leur donne pas à voir, il n’existe pas. C’est une forme de nominalisme (n’existe que ce que l’on nomme) qui a permis à beaucoup de responsables politiques de s’enfermer et d’enfermer la société dans des dénis de réalité depuis des années. Car pour éviter d’entendre nommer les choses, la bien-pensance dont on parlait précédemment, s’est efforcée de criminaliser quiconque évoquait les réalités de ces quartiers, que ce soit la délinquance ou la radicalisation islamiste. Comme il s’agit majoritairement de personnes issues de l’immigration, tout constat est aussitôt taxé de réactionnaire, fasciste, raciste, faisant le jeu des extrémistes, ce qui a longtemps permis d’étouffer la voix et les avertissements des acteurs de terrain. “ Cela nous a détérioré notre cohésion sociale dans un certain nombre de quartiers depuis 20 à 25 ans, avec la complicité de certains élus locaux” .

Rappelons au passage le prix que Bertrand Soubelet a payé pour sa franchise, qu’il évoquera pudiquement, en vitesse et avec humour, à la fin de cette rencontre, en rappelant qu’à chaque fois qu’il a voulu dire ce qui était, il s’est “ fait sortir” du jeu.

En décembre 2013 il fut auditionné à l’Assemblée nationale par la mission parlementaire de « lutte contre l’insécurité », après avoir prêté serment de dire la vérité, dans une audition où le devoir de réserve est évidemment levé. Lors de cette audience, il avait soulevé sans tabou les difficultés rencontrées par la Gendarmerie dans sa lutte contre la délinquance, que ce soit au niveau des moyens ou des procédures mais aussi de la Justice, avec des “ délinquants relâchés dans la nature” et des “coupables mieux traités que les victimes” . S’attirant les foudres du gouvernement pour cette liberté de ton inhabituelle, relevé de ses fonctions de numéro trois de la Gendarmerie nationale, il fut alors muté en Outre-mer, ce qui constitua une forme de rétrogradation et une mise au placard. À la suite de cela, celui que les gendarmes surnommaient désormais le “général Courage” publia un ouvrage en mars 2016, Tout ce qu’il ne faut pas dire , ce qui marqua cette fois la fin de sa carrière, suscitant un débat en France sur la liberté d’expression des militaires et le devoir de réserve pour un haut gradé encore en exercice. Cela n’est d’ailleurs pas sans évoquer plusieurs cas ultérieurs de militaires accusés de manquer à leur devoir de réserve, le dernier en date étant celui du CEMA Pierre de Villiers, présentant à huis clos devant une commission ad hoc de l’Assemblée Nationale et à la demande de celle-ci, des réalités militaires difficiles, avec la même franchise et liberté de ton, ce qui eut pour effet de mettre également un terme à sa carrière militaire.

Un intervenant, engagé dans les CLSPD et les CISPD (Conseil local ou communal de Sécurité et de Prévention de la Délinquance) ainsi que dans les CMER (Cellule municipale d’échange sur la radicalisation), rappelle que l’on a désormais de nombreux outils en France pour soutenir des actions efficaces, et corrobore les dires du conférencier en témoignant des difficultés, voire de l’impossibilité ,de faire prendre en compte, encore une fois, à des élus dépassés et sans méthodologie pour l’action, la mesure concrète des situations constatées sur le terrain. En supposant, toutefois, que ceux-ci répondent aux sollicitations, car beaucoup, y compris dans des zones ou villes touchées par la radicalisation, n’accusent même pas réception de la demande de contact ou des documents envoyés, ou oublient totalement en avoir déjà discuté, illustrant l’idée ci-dessus exprimée que lorsqu’on ne nomme pas, lorsqu’on ne voit pas, cela n’existe pas.

Néanmoins, petite note d’espoir, le général note l’accession aux responsabilités d’une nouvelle génération d’élus locaux , aux pratiques différentes, et il cite le cas du jeune maire de Rilleux-la-Pape (Alexandre Vincendet), en banlieue lyonnaise, qui a serré la vis depuis son élection. La délinquance y a baissé considérablement, prouvant un lien incontestable de cause à effet entre fermeté et courage d’une part, baisse de la délinquance et amélioration de la sécurité publique d’autre part.

Aucun contrôle des dépenses et subventions

Le général témoigne ensuite de réalités constatées lorsqu’il a exercé, pendant des années, des responsabilités de terrain. Un certain nombre d’associations, même s’il reconnaît qu’il en est de formidables et d’utiles, sont largement subventionnées par l’Etat et par les élus locaux qui y déversent de l’argent qui n’est jamais contrôlé. Ce système qu’il qualifie de “ pompes à fric” bénéficie avant tout à des “ individus dont le comportement n’est pas celui qu’on devrait attendre” , bien loin de l’objet de l’association pour laquelle ils reçoivent cet argent sans aucun contrôle de l’Etat ou des collectivités. Le résultat c’est que non seulement rien ne change et que l’on ne remet pas les choses en ordre, mais que l’on l’aggrave souvent la situation par cette manne financière.

Il en est de même pour tout ce qui concerne les dépenses sociales qui ne sont jamais contrôlées.

Une France administrée mais non gouvernée

Cet aveuglement est à la fois le fait d’un système technocratique où des décisions sont prises par des hauts fonctionnaires très éloignés des réalités du terrain, du dogmatisme d’un grand nombre d’élus qui ne fondent pas leurs convictions sur les faits mais s’efforcent de modifier ceux-ci jusqu’à ce qu’ils épousent leurs convictions, et enfin d’un manque de courage évident.

La grande difficulté de notre pays, ajoute le général, “ c’est que notre France n’est pas gouvernée, elle est administrée (distinction qu’il reprendra dès le lendemain dans un article du Figaro ici ). Administrer c’est gérer, essayer de faire au mieux. Gouverner, c’est prendre ses responsabilités, fixer un cap, se donner les moyens de l’atteindre, donner des ordres et savoir se faire obéir” . Le général en profite, sur une question de la salle, pour remarquer que le terme “ gouvernance ”, un néologisme qui s’est imposé depuis quelques années, est surtout employé par des gens qui précisément … ne savent pas gouverner et qui noient leurs responsabilités dans le collectif que suggère la notion. Gouverner par contre est un “ mot noble” qui suppose de savoir commander, donc diriger, ce qui évidemment ne pose aucun problème à l’officier général ! De la même manière ce dernier exprime son horreur du mot “ management ”, trop proche à une lettre près du mot “ ménager ”, lequel évoque un peu trop la chèvre le chou entre lesquels on ne sait pas choisir et que l’on essaierait de concilier. En bon militaire, il faut pour lui que les choses soient claires, à mille lieues du “ en même temps” qui guide l’action gouvernementale d’aujourd’hui.

La collaboration avec Emmanuel Macron

Or ce n’est pas avec le président de la République que nous avons et la majorité parlementaire qui a été élue que l’on va y parvenir” ajoute Bertrand Soubelet. Devançant, comme il le dit lui-même, l’inévitable question à venir et provoquant quelques sourires entendus dans la salle, il ajoute malicieusement : “ car il n’a pas échappé à certains qu’à un moment donné j’ai collaboré avec Emmanuel Macron” .

L’histoire de leur rencontre est riche d’enseignements pour comprendre l’homme qu’est le général, mais aussi le fonctionnement de l’entourage du Président. Bertrand Soubelet affirme tout de go qu’il ne s’agit “ ni d’une trahison ni d’une forfaiture”. Il rappelle le contexte de l’automne 2016, il venait de quitter la gendarmerie et se trouvait désormais totalement disponible. Dans le contexte de la campagne électorale, il proposa alors ses services, à plusieurs reprises, aux équipes de François Fillon, y compris par l’intermédiaire de ministres et d’anciens ministres, sans recevoir la moindre réponse. C’est à ce moment-là que les collaborateurs d’Emmanuel Macron l’invitent à un petit-déjeuner, où on lui fait valoir que son expertise nationale et sa crédibilité en matière de sécurité et de défense leur serait fort utile car personne dans l’équipe n’avait de compétences sur ces questions. On lui proposait alors de relire les parties du programme en rédaction, de faire des propositions.

Le général affirme avoir longuement réfléchi, beaucoup hésité mais finalement s’être dit qu’il ne pouvait pas changer de cap par rapport à ses engagements et pratiques de longue date. Dès l’âge de huit ans en effet, il avait affirmé à ses parents qu’il voulait être gendarme pour “ servir son pays” . Depuis son entrée dans la Gendarmerie, à toutes les échelles d’action successives qu’il a rencontrées, du local au national, et à chaque niveau de responsabilité, de capitaine à général, il avait pris l’habitude de rédiger des notes et d’alerter ses interlocuteurs, élus locaux puis parlementaires et ministres. À l’époque, Emmanuel Macron n’était qu’un candidat parmi d’autres dont très peu prédisaient qu’il puisse se retrouver au second tour de l’élection présidentielle, mais Bertrand Soubelet était persuadé qu’un candidat aussi talentueux jouerait certainement un rôle plus tard et qu’il était préférable que ce soient ses idées qui l’inspirent à ce moment-là plutôt que des gens qui n’y connaîtraient rien et qui iraient raconter n’importe quoi.

S’ensuit une collaboration au cours de laquelle le général affirme ne pas avoir fait de cadeau à l’équipe d’Emmanuel Macron avec lequel il était en contact direct, ce qui a fini par déranger l’entourage immédiat du candidat. Il a ainsi largement contribué au programme de sécurité défense, notamment, à l’issue d’une heure d’entretien en tête-à-tête avec Emmanuel Macron, où il l’a convaincu de réinstaurer un service national universel (le fameux SNU qui revient dans les questions d’actualité) auquel le candidat n’était pas du tout favorable initialement. Il ne s’agissait pas, a-t-il expliqué au futur président, de restaurer un service militaire à l’ancienne mais de réussir à faire partager des valeurs communes à une classe d’âge, le respect des codes républicains, la signification du drapeau, de l’hymne national … Certes, ce qui ressort aujourd’hui “ n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’il avait proposé ”, reconnaît-il, mais le mouvement est lancé. Pour le reste il considère avoir ramené la réflexion sur la Défense “ là où il fallait, mais pas complètement” . De même, il fut sollicité, 48 heures avant la parution du programme, sur la question de l’Outremer, qui avait été négligée et dont il est responsable à 50 % du rendu final.

Le général affirme avoir la conscience d’autant plus tranquille qu’il est parti au moment où se profilait avec une quasi-certitude l’élection d’Emmanuel Macron dont l’équipe cherchait à l’éloigner. Un certain nombre de “ scuds” dans la presse, dont il a parfaitement identifié la provenance, l’ont convaincu qu’il n’avait véritablement “ rien à faire avec ces gens-là. Je suis parti au moment où j’estimais que je devais partir. Si c’était à refaire, je referais exactement la même chose” , conclut-il, déclenchant une salve d’applaudissements dans la salle.


Une Justice inadaptée

Indissociable de la question au de la sécurité, celle de la Justice s’est également imposée tout au long de la rencontre. Bertrand Soubelet y a même consacré un long développement, très loin des caricatures de gauche comme de droite que l’on peut entendre sur le sujet. Il dit d’ailleurs préparer en ce moment une communication à ce sujet. Pour rendre la justice efficace, il est impératif de revoir les schémas de pensée anachroniques datant du XXe et même parfois du XIXe siècle.

Construire des prisons

Pour lui le modèle de la prison à l’ancienne, avec des grilles, des cellules, un certain isolement ne convient plus qu’à un certain type de détenus. On pourrait imaginer un système de prison allégé, par réutilisation d’anciennes casernes ou en montant des algecos modulaires qui coûtent dix fois moins cher qu’une prison et seraient démontables, réutilisables et qui s’adresseraient à des gens qui ont des petites peines ou des libérables en fin de peine.

Quoi qu’il en soit les besoins estimés aujourd’hui sont environ de 30 000 places. Le dernier Garde des Sceaux sous la présidence de François Hollande, Jean-Jacques Urvoas, pour lequel le général affirme avoir la plus haute estime, avait fait préparer le budget 2018 en mettant de côté des crédits budgétaires en autorisation d’engagement de dépenses pour acheter 12 terrains destinés à la construction de prisons. Il s’agissait dans l’urgence de permettre à son successeur de construire déjà 15 000 places. Le nouveau gouvernement a pris cet argent et l’a mis ailleurs. C’est un choix délibéré. Prétendre que l’on n’a pas les moyens c’est totalement faux, tout est question de priorité. Ne pas construire les prisons prévues au budget 2018, ne prévoir que 7000 places sur les 15 000 annoncés est bel et bien un choix politique que le général n’hésite pas à qualifier d’“ irresponsable” et de “ véritable scandale” .

Il ne s’agit pas de mettre tout le monde en prison, encore moins de construire des prisons quatre-étoiles mais, comme Bertrand Soubelet l’explique un peu plus tard, de faire face à la surpopulation carcérale et au délabrement avancé des bâtiments, à l’origine d’une promiscuité indigne d’une démocratie. Lorsque la société décide de mettre en prison, dit-il, elle a le devoir de traiter les prisonniers correctement et “ surtout de faire en sorte qu’ils ne soient pas plus pourris en sortant qu’en y entrant. Or aujourd’hui dans un grand nombre d’établissements pénitentiaires, c’est hélas le cas”.

Changer la conception des peines

La question des peines est abordée à partir d’une interrogation venant de la salle sur la dépénalisation du cannabis. Bertrand Soubelet ne s’y déclare pas favorable (et souligne que les Pays-Bas, face à des résultats très contestables, commencent à se demander s’ils n’ont pas fait une erreur en la matière) mais considère que les infractions à la législation sur les stupéfiants doivent être contraventionnalisées plutôt que d’infliger au contrevenant à une peine de prison qui ne sera jamais exécutée. “ Toucher les gens au portefeuille” , est une idée sur laquelle il reviendra souvent.

Le général se déclare hostile au “tout prison” car l’effet dissuasif sur un certain nombre de délinquants est très discutable et peut même se révéler contre-productif. Dans certains quartiers, explique-t-il, quand on met quelqu’un en prison pour un mois, trois mois, un an, il devient un véritable caïd à sa sortie. “ La GAV c’est le bac et la prison, c’est carrément la licence ou la maîtrise qu’il vient de décrocher. Il rentre en héros” . En clair, non seulement la prison n’obtient pas l’effet dissuasif attendu sur les trafics mais cela produit l’effet contraire.

Alors que faire envers tous ceux qui se rendent coupables de délits, parfois même de crime d’appropriation, en particulier ceux qui trempent dans l’économie souterraine ? Tous les acteurs de terrain l’affirment, de même que certains juges d’instruction, la seule chose qui vaille, “ c’est de saisir tous les biens dont ils ne peuvent justifier de la provenance, de les leur confisquer et de les mettre sur la paille”. Les lois existent, précise le général Soubelet, mais elles ne sont pas appliquées. Et pourquoi ne le sont-elles pas ? Parce que c’est un dogme chez certains magistrats qui considèrent qu’ils “ sont juges et non pas percepteurs” et le revendiquent clairement.

Or ce serait la peine “ qui pénaliserait le plus ceux qui se sont rendus coupables d’infractions et qui permettrait de surcroît à l’Etat de récupérer des subsides intéressants pour réduire les déficits publics et financer ce que l’on n’est plus en mesure de financer”.

Le continuum sécurité justice ne fonctionne pas correctement

Et il ne fonctionne pas “ parce que la justice est maltraitée” . Bertrand Soubelet souligne qu’il y a autant de magistrats qu’en 1874 alors que le contentieux a été multiplié par 20 ou 30, rapporté à la population. Le budget de la Justice (magistrats et administration pénitentiaire) est dérisoire par rapport aux besoins, autour de 9 milliards d’euros, soit à peine 1 milliard de plus que la seule Gendarmerie. Jusqu’à il y a deux ans les moyens baissaient, aujourd’hui ils n’augmentent pas alors que le contentieux progresse à la hausse, lui, de manière inquiétante. C’est pourquoi le général juge prioritaire, s’il faut choisir, de destiner les moyens avant tout à la Justice, avant même la Sécurité, ce qui ne fut pas compris par un de ses précédents ministres de tutelle. “ C’est pourtant une question de bon sens, à quoi sert de traquer les délinquants et de les remettre à la justice si les tribunaux ne sont pas capables de les gérer comme c’est hélas trop souvent le cas actuellement ?” La situation actuelle, rappelle-t-il, c’est que ces délinquants sont soit remis en liberté immédiatement, sans poursuites, avec les effets désastreux et les risques que l’on peut imaginer sur les victimes, soit sont convoqués six mois à un an plus tard, quand parfois ils ne se souviennent même plus du délit, tellement ils en ont commis d’autres entre-temps ! Ainsi certains, de bonne foi, prétendent-ils qu’ils ne sont pas concernés et n’ en acceptent-ils qu’encore plus difficilement la sentence.

C’est pourquoi le général propose que la règle devienne le TTR, le traitement en temps réel. Le prévenu arrive, son avocat prend connaissance de la situation et l’auteur des faits est jugé en comparaison immédiate. Encore faut-il dit-il que les avocats ne jouent pas la montre comme c’est le cas trop souvent pour freiner la procédure.

En tout cas Bertrand Soubelet dénonce les choix terribles effectués depuis 25 à 30 ans par les gouvernements successifs, qu’ils soient de droite de gauche. Il rappelle que la gauche favorise la prévention et s’est, jusqu’à présent, presque totalement désintéressée de la répression, considérant les auteurs des faits comme de pauvres victimes de la société qui serait seule responsable. À droite, il s’agit également d’en faire le strict minimum, pour ne pas donner de moyens à la Justice que l’on dit “gauchiste”. Ajoutons à cela, glisse le conférencier, avec l’air de celui qui sait parfaitement de quoi il parle, “ qu’un certain nombre d’hommes et de femmes politiques ont des raisons factuelles d’être prudents avec la Justice car leur comportement personnel est à la limite du pénalement répréhensible” . Dans un cas comme dans l’autre, rien n’avance et la dégradation de la situation se poursuit. Or les deux, prévention et répression, sont indissociables. Le résultat est que les Français ne croient plus à la Justice et que la fracture se creuse.

Pendant longtemps il est vrai, rappelle-t-il, le système a été “ verrouillé par le Syndicat de la magistrature” . Quand de nombreux magistrats rendent leur jugement en fonction de leurs propres opinions politiques, “ c’est insupportable : quand on est investi d’une mission d’autorité noble comme celle de rendre la justice, on doit mettre ses convictions de côté. La loi, rien que la loi”. C’est la raison pour laquelle de nombreux Français ont l’impression que l’on se préoccupe davantage des auteurs, qui savent fort bien se victimiser, que des victimes véritables, idée que le général avait soutenue devant l’Assemblée nationale et qui lui valut, entre autres, d’être sanctionné. Mais là encore, comme pour les élus locaux, le général remarque que c’est en train de changer, et qu’il y a un certain nombre de jeunes magistrats qui échappent à cette règle.

Mais, hélas, “ il est compliqué de mettre un terme à 40 années de laisser-aller !” Il va falloir réapprendre aux délinquants “ ce qu’est la règle, ce que l’on fait, ce que l’on ne fait pas, en fonction des lois de la République” . Et il reste beaucoup à faire, notamment dans le traitement de la délinquance des mineurs qui commence de plus en plus tôt. Or il n’y a rien de clairement prévu dans notre pays pour la prendre réellement en compte, que ce soit dans la législation ou l’assistance éducative. Le général en prend pour preuve les centres d’éducation renforcée et les centres d’éducation fermée qui, tout cumulé, offrent 1000 places, ce qui est évidemment notoirement insuffisant par rapport aux besoins. En outre, un autre problème est que 80 % des établissements ne sont pas tenus par l’État mais par des associations qui, elles non plus, ne sont pas contrôlées.

Enfin, si sur les questions de défense, de sécurité et d’immigration, la concertation entre pays européens semble indispensable (mais “ également avec l’Union africaine dont on ne parle pas suffisamment et qui pourrait avoir un rôle à jouer là-dedans” ), pour les questions de justice, cela doit rester une mission régalienne propre à chaque État.


Servir, toujours, mais autrement

Finalement le général revient avec humour sur son parcours récent et ses intentions actuelles, des modes d’action différents mais qui relèvent tous d’une volonté de servir son pays en lui restant utile. Comme il le rappelle, il est resté constamment fidèle à sa mission qui était d’observer, d’agir et d’avertir, en tant qu’officier de gendarmerie où il est rentré capitaine et sorti général quatre étoiles, puis après sa mise à la retraite militaire. “ J’ai ouvert ma gueule devant l’Assemblée nationale, et je me suis fait sortir. Puis j’ai écrit un livre et je me suis fait sortir une deuxième fois. Alors j’écris un second livre, qui était une manière de rester dans l’action. Mais après l’écriture, que me restait-il ?” Comme rappelé plus haut, il propose alors ses services en tant qu’expert à un candidat, qui ne donne pas de réponse. L’équipe d’un autre vient le chercher, la collaboration tient le temps nécessaire pour orienter dans le sens du souhaitable et du pragmatisme le programme Sécurité Défense et Outremer, mais là encore il faut partir, cette fois de son plein gré, une fois constaté que l’on n’a rien en commun avec l’équipe en place.

C’est alors que Bertrand Soubelet se lance dans l’arène politique, en se présentant aux élections législatives dans la 10e circonscription des Hauts-de-Seine en 2017, remportée par un candidat LREM. Même si le général précise dans un sourire qu’il est cependant arrivé devant le parti socialiste, les résultats sont décevants en ce sens que, pendant la campagne, il dit avoir rencontré des centaines de personnes qui l’ont félicité pour son franc-parler, son action et lui ont montré leur intérêt, l’ont encouragé à persévérer mais qui, une fois dans l’isoloir, ne sont pas allée jusqu’au bout des intentions formulées et ont retrouvé leurs réflexes traditionnels.

On a les élus qu’on mérite” , ajoute-t-il.

Son engagement dans le mouvement Objectif France traduit à présent une volonté de pratiquer la politique autrement, hors de “ cette classe politique qui n’a rien fait depuis 35 ans et vous explique que c’est par elle que tout va changer” et des partis traditionnels, qui ont essayé de le récupérer, et qui sont en train de s’autodétruire, en raison des rivalités personnelles. Mais l’objectif du mouvement n’est pas simplement de travailler comme un think tank sur les questions essentielles et de dire les choses, de faire des propositions concrètes et motivées, mais bien d’arriver au pouvoir, ce qui passe par l’élection, seul moyen de faire rentrer les discours dans les faits. Raison pour laquelle le général a accepté la vice-présidence d’Objectif France et qu’il a pris son bâton de pèlerin pour parcourir le pays et multiplier les conférences et les rencontres de terrain, afin de mobiliser le maximum de gens autour d’actions concrètes et des projets novateurs.

Mais si les Français ne votent pas pour ceux qui ont envie de faire bouger les choses, se contentent de critiquer sans participer eux-mêmes à l’action, ce que ce genre de mouvement rend pourtant possible, s’il ne trouvait pas suffisamment de bonnes volontés prêtes à s’engager autour de lui dans l’objectif de faire aboutir ces projets, le général affirme qu’il se retirera sans regret dans son cher Pays basque pour cultiver des tomates et marcher dans la montagne, car il n’a pas de motivation personnelle et n’a pas besoin de la politique pour vivre !

Après une telle profession de foi, cette soirée interactive, riche en échanges et en informations de qualité, faisant consensus autour d’un général dont la crédibilité et l’expertise sont unanimement reconnus, ne pouvait que se terminer sur une élégante passe d’armes complice entre celui qui, à la tribune, croyait encore aux partis traditionnels (Nicolas Bonleux, membre d’Objectif France mais également membre fondateur de Lignes Droites31, et qui vient d’annoncer sa candidature à la présidence de la fédération de Haute-Garonne des Républicains) et celui qui n’y croyait pas.

par Alexandre Devecchio dans FigaroVox 4 octobre 2025
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par Étienne Gernelle 1 octobre 2025
Un éditorial d'Étienne Gernelle dans Le Point : https://www.lepoint.fr/editos-du-point/etienne-gernelle-le-zucmano-lepenisme-ou-le-fantasme-du-quelqu-un-d-autre-paiera-25-09-2025-2599534_32.php L’incroyable opération Zucman a encore frappé. Dans une France oppressée de ses difficultés économiques, on peut comprendre que l’appel pour la beauté des démonstrations mathématiques, l’autorité conférée par l’aura d’une grande université américaine (Stanford, rien de moins !) et l’image flatteuse de l’exil fiscal retourné contre lui séduisent. Mais ce n’est pas parce qu’une idée est enrobée dans des habits de prestige qu’elle est juste. Gabriel Zucman, économiste de gauche, très respecté dans son milieu, mène depuis des années une campagne pour la création d’un impôt mondial sur la fortune. Son raisonnement est simple : puisque les riches peuvent déplacer leurs fortunes pour éviter l’impôt, il faut créer un prélèvement coordonné à l’échelle planétaire. Avec cette manœuvre habile, on peut faire passer l’utopie du grand soir pour un pragmatisme de bon sens. L’idée séduit les partis de gauche, évidemment, mais aussi le RN, qui l’utilise dans sa rhétorique « anti-riches » tout en caressant l’espoir de voir cet argent magique remplir les caisses de l’État français. Le problème est que l’impôt mondial, même présenté avec le sérieux des économistes bardés de diplômes, reste une chimère. Il n’existe aucune instance capable de le mettre en œuvre, aucun mécanisme de contrainte universelle pour obliger tous les pays à l’adopter, et encore moins à le percevoir et le redistribuer. Déjà qu’à l’échelle européenne, l’harmonisation fiscale ressemble à un chemin de croix interminable, on imagine mal la Chine, les États-Unis, l’Inde, la Russie et d’autres accepter de s’aligner sur une taxation commune des patrimoines. En réalité, cet impôt mondial, c’est un peu la version contemporaine du mythe de l’argent magique. L’idée que l’on pourrait financer les dépenses publiques toujours croissantes non pas en faisant des choix, en hiérarchisant, en arbitrant – bref en gouvernant –, mais en allant chercher ailleurs des ressources illimitées. Le grand fantasme du « quelqu’un d’autre paiera ». Dans son livre Le triomphe de l’injustice, Zucman, avec son complice Emmanuel Saez, avait déjà popularisé cette vision, qui a rencontré un immense écho. Le discours est rassurant, flatteur : si les services publics se dégradent, si la dette explose, ce n’est pas à cause d’un excès de dépenses, d’une fuite en avant budgétaire, mais de la rapacité des riches et de l’insuffisance de la redistribution. La réalité, d’abord, est que la France n’est pas avare en matière de prélèvements : elle figure parmi les pays les plus taxés au monde, avec une fiscalité déjà très redistributive. Ensuite, croire qu’un impôt mondial règlerait tout revient à s’installer dans une illusion dangereuse. Au lieu d’affronter nos problèmes réels – la faible productivité, l’absence de réformes structurelles, l’endettement chronique –, on préfère croire qu’une baguette magique fiscale viendra nous sauver. La facilité d’adoption de ce discours tient au fond à un trait bien français : le refus de la responsabilité budgétaire. Depuis quarante ans, la dépense publique croît sans frein, chaque gouvernement repoussant le moment de la vérité en empruntant davantage. Comme si le monde entier était condamné à payer notre confort. Bref, le zucmano-lépénisme est une jolie fiction. Mais elle ne résout rien. Au contraire, elle alimente notre incapacité à voir la réalité en face. À force de rêver d’un impôt universel et miraculeux, on se prive des vraies solutions, certes moins spectaculaires, mais infiniment plus efficaces : réformer, produire plus et dépenser mieux.
par Franz-Olivier Giesbert 1 octobre 2025
Un edito de Franz-Olivier Giesbert dans Le Point https://www.lepoint.fr/editos-du-point/fog-comme-un-champ-de-ruines-24-09-2025-2599462_32.php Que la gauche ait perdu toutes les élections depuis 2017, même quand elle clamait victoire, cela ne l’empêche pas de détenir les clés du pouvoir : tel est le paradoxe qui contribue à ruiner notre vieille démocratie. D’où le sentiment qu’ont les Français de n’être plus gouvernés et leur tentation de renverser la table. Certes, il est toujours sain, dans une démocratie, qu’un pouvoir soit confronté sans cesse à des contre-pouvoirs. Mais à condition que ceux-ci ne finissent pas par le paralyser ou par prendre sa place. Or la gauche d’atmosphère contrôle à peu près toutes les institutions de la République. Sur le papier, c’est beau comme l’antique : vigie de la République, le Conseil constitutionnel est censé vérifier notamment que les lois sont conformes à la Constitution. Sauf qu’il penche fortement à gauche et à la peur du crédit, notamment en censurant, l’an dernier, la commande d’Emmanuel Macron et de son ministre Laurent Fabius, près de soixante textes d’application de la loi immigration dédiée au contrôle et à l’intégration et pilotée, entre autres, par Bruno Retailleau. L’immigration est un totem, pas touche ! Le 19 juin, le Conseil constitutionnel, toujours dans la même logique immigrationniste, a réduit à néant la loi Attal sur la justice des mineurs, qui, dans notre pays, continuent ainsi de bénéficier d’une sorte de sauf-conduit après avoir commis leurs forfaits, au grand dam d’une majorité de Français. Le 7 août, il a encore enfoncé le même clou en retoquant, au nom de la liberté individuelle, la loi visant à autoriser le maintien en rétention d’étrangers jugés dangereux. En somme, le vénérable institut ignore de moins en moins le droit, tout comme le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, qui a inscrit dans le marbre le regroupement familial en 1978, sans en référer bien sûr à la souveraineté populaire. Les magistrats jugent souvent en fonction de leur conviction – de gauche ou d’extrême gauche. Pas tous, Dieu merci, mais, pour paraphraser La Fontaine, selon que vous serez de gauche ou de droite, les jugements vous rendront blanc ou noir. Une preuve parmi tant d’autres : apparemment, la justice a mis un mouchoir sur l’affaire des assistants des eurodéputés du parti de Jean-Luc Mélenchon, soupçonné de détournements de fonds, comme l’a rappelé opportunément l’Office européen de lutte antifraude, alors que, pour des faits semblables, François Bayrou a déjà été jugé et qu’une peine d’inéligibilité menace Marine Le Pen. Vous avez dit bizarre ? À voir ses « trophées », le célèbre Parquet national financier (PNF) est surtout une machine de guerre contre la droite, avec une obsession : Nicolas Sarkozy, coupable d’avoir comparé un jour les magistrats à des « cassation » à « des petits pois qui se ressemblent tous ». Pour avoir critiqué dans ce journal ses méthodes, nous savons à quoi nous en tenir : ce n’est pas l’objet du PNF, acharnant judiciairement depuis vingt ans à ruiner des hommes et des femmes, souvent avant même un début de moyens. C’est bien simple : avec sa présidence du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), l’audiovisuel public est presque totalement noyauté à gauche, sous la houlette de l’inévitable Arcom, « régulateur des médias » qui dépend, entre autres, de l’Éducation nationale... Dans sa “Déambulation dans les ruines”, un livre magnifique, Michel Onfray nous emmène en voyage dans la civilisation gréco-romaine, qui est morte pour laisser place à la nôtre, la judéo-chrétienne, aujourd’hui en point. Dans son introduction, il cite les Fragments posthumes de Nietzsche, où le philosophe allemand évoque les « valeurs du déclin », et force est de constater qu’elles commencent à recouvrir le mur sur notre vieux continent : la désagrégation de la volonté ; le triomphe de la populace ; la domination de la lâcheté sociale ; la honte du mariage et de la famille ; la haine de la tolérance ; la généralisation de la paresse ; le goût du remords ; une nouvelle conception de la vertu ; le dégoût de la situation présente. Réveillons-nous. Maintenant que, grâce à la pédagogie de François Bayrou, les Français saisissent la gravité de la situation financière du pays, il est temps de se ressaisir et de relever la tête. De passer à l’espoir ! Comme disait Tocqueville, « ce n’est pas parce qu’on voit poindre à l’horizon qu’il faut arrêter d’avancer ».
par Vincent Trémolet de Villers 30 septembre 2025
Une tribune de Vincent Trémolet de Villers dans FigaroVox https://www.lefigaro.fr/vox/politique/l-editorial-de-vincent-tremolet-de-villers-sur-les-ruines-de-la-democratie-20250926 L’autorité judiciaire, en état d’ivresse, remet en liberté surveillée des lyncheurs de policiers pris en flagrant délit mais coffre pour 5 ans un ancien président de la République, triplement relaxé, avant même son procès en appel. Il faudrait Juvénal pour décrire cet effondrement. Entre parade du président à New York et conciliabules à Matignon, l’exécutif mime un pouvoir qui lui échappe. Sur à peu près tous les sujets, comme nos ministres, il est démissionnaire. L’Assemblée nationale, nouvelle nef des fous, fait tourner les députés comme des hamsters, de censure d’humeur en budget de fortune. L’autorité judiciaire, en état d’ivresse, remet en liberté surveillée des lyncheurs de policiers pris en flagrant délit mais coffre pour 5 ans un ancien président de la République, triplement relaxé, avant même son procès en appel. Motif de condamnation ? « Association de malfaiteurs » ! Apparemment c’est ainsi que certains magistrats envisagent les politiques, encore plus s’ils sont de droite, et par principe s’ils s’appellent Nicolas Sarkozy. Il faudrait Blaise Pascal pour peindre une telle confusion des ordres. Nos cours suprêmes font de la théologie morale ; après que le contribuable a payé la dîme, la gauche de droit divin prêche dans les médias publics ; un ancien garde des Sceaux fait sa grosse voix pour nous rappeler le grand dogme : une décision de justice, même incompréhensible, ne peut pas être critiquée. Celui qui cède à cette tentation met en péril la démocratie : qu’il soit anathème ! Parlons-en de la démocratie ! Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, dit la Constitution. Pour nos prédicateurs, le peuple n’est plus qu’un monstre hostile à tenir à distance. C’est lui pourtant qui ploie sous le poids de la dette, vit le supplice de l’enfer normatif, subit les effets dissolvants d’une politique d’immigration suicidaire, supporte, dans sa chair et celle de ses enfants, une délinquance de plus en plus barbare. Il faudrait Albert Camus pour rappeler que l’État de droit, trésor des démocraties libérales, n’est pas le paravent des pulsions despotiques de quelques-uns mais « l’arbitre qui garantit la justice et ajuste l’intérêt général aux libertés particulières ». Il faudrait de la hauteur de vue, de la clairvoyance, du courage - de la démocratie -, sinon, à force d’osciller entre radicalisation et faiblesse, le régime finira par tomber sur lui-même.
par Arno Klarsfeld dans FigaroVox 20 septembre 2025
Une tribune de Arno Klarsfeld à lire dans FigaroVox : https://www.lefigaro.fr/vox/monde/arno-klarsfeld-l-hostilite-des-elites-europeennes-a-l-egard-d-israel-est-une-forme-d-aveuglement-20250915 TRIBUNE - Alors que les chefs de gouvernement européens sont de plus en plus nombreux à élever la voix contre la guerre menée par Israël, l’ancien avocat des Fils et filles des déportés juifs de France rappelle l’enjeu existentiel que représente le conflit au Moyen-Orient pour le petit État juif. Accuser l’État d’Israël de génocide aujourd’hui à Gaza est comparable à l’accusation faite aux Juifs d’empoisonner les puits au XIVe siècle. Beaucoup y croyaient alors et certains y croient aujourd’hui. Quand Emmanuel Macron renvoie aux historiens la responsabilité de déterminer si Israël commet un génocide et qu’il accuse Israël de se comporter de manière barbare, y croit-il ? S’il prend les chiffres du ministère de la Santé du Hamas comme véridiques, c’est-à-dire 60.000 morts dont sans doute près la moitié de combattants du Hamas sur une période de deux ans et sur une population de plus de 2 millions pour Gaza (ou près de 6 millions si l’on inclut la Judée-Samarie ou Cisjordanie), comment croire, alors, qu’Israël commettrait un génocide ? Lors des commémorations du Débarquement durant lequel les Alliés ont bombardé les villes normandes, causant en peu de temps plusieurs dizaines de milliers de morts parmi la population française, le président de la République a-t-il évoqué un génocide ? A-t-il parlé de génocide lors de son discours en 2024 devant la Frauenkirche à Dresde, auquel j’assistais avec mes parents, alors qu’en deux nuits en février 1945 les Alliés ont tué par leurs bombardements des dizaines de milliers de civils allemands ? Et pour Hambourg avec 50.000 morts en un mois de bombardement ? Et pour Tokyo, 100.000 morts en deux nuits ? Hiroshima et Nagasaki ? Contrairement aux Israéliens, les Alliés n’ont jamais cherché à prévenir la population allemande avant les bombardements. Et pourtant, dans le Bureau ovale, le chancelier allemand il y a trois mois remerciait les États-Unis d’avoir libéré l’Allemagne du nazisme. Les Israéliens se battent aujourd’hui pour que la Shoah, qui s’est déroulée avec des complicités dans tous les pays européens, ne se reproduise pas en Israël. Rendons hommage à la population française qui, nourrie de valeurs républicaines et de charité chrétienne, a protesté durant les grandes rafles de l’été 1942 et a permis ainsi aux trois quarts des Juifs de France de survivre. Mais excepté ces Justes, les élites ont été silencieuses ou complices. Et, aujourd’hui encore, au lieu de faire pression sur le Hamas pour libérer les otages et baisser les armes – ce qui arrêterait aussitôt la guerre –, c’est sur Israël que bien des gouvernements européens font pression. Cette hostilité des élites européennes est une forme d’aveuglement, ce sont les fondements de la civilisation occidentale qui sont sapés, l’Europe et Israël ayant le même ennemi inflexible : l’islam radical qui doit être vaincu. Le monde arabe n’a-t-il pas obtenu au bout d’un siècle et demi la disparition des royaumes francs en Palestine ? Évidemment, comme le président de la République le dit, la sécurité d’Israël passe par la paix et une solution étatique pour le peuple palestinien. Il suffit de voir sur la carte ce petit bout de territoire qu’est Israël, plus réduit que la Bretagne, entouré de millions de kilomètres carrés du monde arabe avec des centaines de millions d’habitants (tout aussi intelligents que les Israéliens), avec des richesses incommensurables, et de se remémorer qu’il y a 14 millions de Juifs pour plus de 2 milliards de musulmans pour comprendre qu’Israël a intérêt à la paix. Israël est toujours David. Avec ces données, le président de la République comme de nombreux dirigeants européens pourraient également comprendre que c’est une grande partie de ce monde arabe qui ne veut pas la paix et qui est prête à sacrifier générations après générations pour obtenir ce qu’il désire avec passion : la destruction de l’État d’Israël comme État juif. Le monde arabe n’a-t-il pas obtenu au bout d’un siècle et demi la disparition des royaumes francs en Palestine ? Et c’est avec ce souvenir en tête qu’une partie du Quai d’Orsay et des élites européennes considèrent Israël comme une parenthèse dans l’histoire et que le monde serait moins compliqué si le Moyen-Orient était débarrassé de cet État juif qui « enquiquine tout le monde », selon les mots d’un ancien ambassadeur français. Après tout, en termes de fiction géostratégique, cela peut se comprendre. Mais, au moins, il ne faut pas reprocher à l’État qui est agressé de chercher à se défendre de manière bien moins cruelle que l’Occident lorsqu’il menait ses guerres d’expansion et même de défense. Tous les Juifs de France se demandent si leur avenir sera toujours en France. Quant à la majorité de la population française, elle comprend que si les Juifs sont chassés de France comme ils ont déjà été chassés des banlieues des grandes villes, ce n’est pas en raison d’un antisémitisme chrétien ou de celui de l’extrême droite. Elle comprend qu’elle risque ensuite d’avoir elle aussi à se soumettre ou à s’en aller.
par Henri Guaino 17 septembre 2025
Magnifique tribune d'Henri Guaino à lire dans le JDD : https://www.lejdd.fr/politique/henri-guaino-le-naufrage-des-politiciens-et-lexigence-dun-chef-161718
par Une interview de Sami Biasoni, docteur en philosophie et essayiste 16 septembre 2025
"Dans l’«Encyclopédie des euphémismes contemporains et autres manipulations militantes», le docteur en philosophie et essayiste a réuni 41 intellectuels, dont Chantal Delsol, Pierre Vermeren, Ferghane Azihari ou Christophe de Voogd pour déconstruire cette «novlangue»." Une interview de Sami Biasoni par Alexandre Devecchio dans FigaroVox : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/sami-biasoni-le-neoprogressisme-nous-fait-entrer-dans-une-nouvelle-ere-langagiere-20250911 «Antifascisme », « antispécisme », « écriture inclusive », « matrimoine », vous consacrez, avec 41 contributeurs, une encyclopédie aux termes chargés d’idéologie qui inondent nos débats. La langue est-elle devenue un champ de bataille idéologique ? Depuis quand ? Cette bataille sémantico-politique est-elle menée par l’État, les médias, le monde universitaire ? Dans mon précédent essai (Malaise dans la langue française, 2022), également consacré à la question de la langue française, je rappelais que « la langue est non seulement ce qui permet de dire, mais aussi le matériau premier de la pensée construite. Les idéologies, de quelque nature qu’elles soient, sont éprouvées par et dans la langue, mère de toutes les causes politiques ». Les manipulations militantes de la langue que nous analysons dans l’ouvrage s’inscrivent quant à elles dans une histoire plus récente : celle du « politiquement correct », dont on peut dater l’origine au tournant des années 1970. Il s’agit d’un phénomène nouveau car il n’est pas imposé par un régime totalitaire, mais émane surtout de normes culturelles et d’usages institutionnels « démocratiques ». Son vecteur de diffusion a trait à un conformisme moral qui se répand à mesure que nos sociétés se fragmentent. Comme l’a montré George Orwell , n’est-ce pas le propre des régimes totalitaires de vouloir transformer la langue ? Sommes-nous face à une nouvelle novlangue ? Les révolutionnaires de 1789 ont promu le « salut public », terrible antiphrase qui masquait l’horreur des exécutions arbitraires pendant la Terreur ; les bolcheviks ont imposé l’usage d’antinomies simplificatrices et manichéennes (par exemple, camarades contre ennemis du peuple) ; le nazisme avait instauré un système langagier complet qualifié de « langue du IIIe Reich » par Klemperer. Nous avons affaire en Occident à une novlangue soft, ce qui la rend d’autant plus pernicieuse. Toutefois, il ne faut pas négliger les forces militantes à l’œuvre : les x-studies (études de genre, de race, de subalternités, etc.), nées sur les campus américains en même temps que s’est diffusée la pratique du politiquement correct dans les milieux dits progressistes outre-Atlantique, ont proactivement et méthodiquement promu ce que je nomme le « foisonnement (pseudo) conceptuel ». En outre, la pensée de la déconstruction est intrinsèquement narrativiste : elle valorise le récit, la subjectivité et l’hyperbole. C’est pourquoi le néoprogressisme et son avatar radicalisé woke nous ont fait entrer dans une nouvelle ère langagière, celle de la saturation de l’espace par ces euphémismes contemporains et autres manipulations sémantiques qui sont l’objet de notre ouvrage. Il est bien plus aisé de vilipender un mauvais usage du mot « femme » que d’aller défendre physiquement celles que l’on opprime dans certaines de nos villes… Paradoxalement, vous montrez aussi que le politiquement correct langagier, souvent porté par une certaine gauche, est loin de favoriser concrètement le progrès social. Les conquêtes langagières symboliques remplacent les réelles avancées sociales… Cette manipulation du langage est-elle le fruit de l’impuissance du politique et en particulier de la gauche progressiste ? La situation actuelle me paraît résulter de la conjonction de deux phénomènes : d’une part celui que l’on nomme usuellement « paradoxe de Tocqueville », en vertu duquel « quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l’œil ; quand tout est à peu près de niveau, les moindres le blessent » ; autrement dit, à mesure que nous approchons de l’égalité de facto, toute inégalité résiduelle, même infime, nous semble insupportable. D’autre part, il est effectivement probable que l’affaissement du pouvoir politique au sein des démocraties libérales contribue à une survalorisation des causes « symboliques ». Je crois qu’il ne faut pas non plus négliger le confort moral de l’indignation de salon : il est bien plus aisé de vilipender un mauvais usage du mot « femme » que d’aller défendre physiquement celles que l’on opprime dans certaines de nos villes, au Moyen-Orient ou ailleurs. Mais je crois que le sens commun continuera de résister à la rééducation forcée de ceux qui refusent le débat serein, je crois que l’humanisme sincère l’emportera au détriment de l’intolérance de ceux qui préfèrent la forme du discours au discours lui-même. À terme, quelles peuvent être les conséquences en matière d’éducation ? Nos enfants ne sauront-ils plus définir des mots aussi usuels qu’un « homme » et une « femme » ? Posez la question aux militants les plus radicaux : ils ne le peuvent plus ! Certaines définitions qui leur sont imposées relèvent de tautologies dangereuses (une femme est une femme parce qu’elle se sent femme), qui contreviennent à la fois à ce qu’énonce la science (l’existence du fait biologique, sans que soit niée la possibilité de vécus de genre différents de la norme statistique) et à ce que révèle le bon sens. Dans une perspective plus large, il faut comprendre que la langue est tout aussi organique que mécanique : on peut tolérer son évolution – c’est même nécessaire – mais elle ne doit pas être forcée. La brusquer revient à troubler non seulement la pensée des individus, mais aussi leur capacité à constituer un corps social stable. Selon vous, le politiquement correct langagier est également à l’origine de la montée des « populismes », en particulier du trumpisme. Pourquoi ? Ce que vous appelez le « populisme » est-il une réaction démagogique ou simplement une réponse salutaire ? Il s’agit de l’une des causes majeures de la montée des « populismes » dans la mesure où ces derniers prennent essor sur le décalage entre le réel perçu et vécu par les citoyens et la manière dont on décrit le monde. Le trumpisme substitue aux ratiocinations du néoprogressisme une proposition antithétique radicale : celle d’un langage dépouillé, rudimentaire et pragmatique. Or, la simplification outrancière du langage est un autre procédé que les totalitarismes ont toujours encouragé. En matière d’usage de la langue, le pouvoir américain tombe, à mon sens, de Charybde en Scylla. La France, heureusement, résiste. C’est pour cela que nous avons écrit cette Encyclopédie des euphémismes contemporains. Quant au populisme, il est à la fois salut, parce qu’il en revient au sens commun et au souci du corps social dans sa globalité, et un péril, dans la mesure où l’on sait les tentations de contrôle politique démagogique qu’il engendre. Votre livre s’attaque principalement à la novlangue néoprogressiste. Existe-t-il aussi une novlangue de droite ? Par exemple, le mot « woke » est-il employé de manière trop systématique et parfois dans le seul but de discréditer une pensée de gauche ? J’ai relevé près de 300 termes que l’on pourrait qualifier de « manipulations militantes de la langue » : la plupart sont promues par les tenants du néoprogressisme. Il existe bien sûr des néologismes de droite, mais ils sont moins nombreux et fonctionnent différemment. Il s’agit généralement, pour la droite, de résister ou de contre-attaquer. C’est ainsi que des termes comme politiquement correct ou woke ont servi à dénoncer des doléances excessives émanant de la gauche. Parfois, les néologismes issus des rangs de la droite servent à qualifier avec emphase des fantasmes ou des phénomènes émergents indûment présentés comme massifs : les expressions « zone de non-droit », « État profond », « submersion migratoire » sont de cet ordre. S’il est initialement destiné à mettre en lumière les personnes noires victimes de confrontations avec les forces de l’ordre, le terme « woke » se voit rapidement repris et amplifié par d’autres activistes des mouvements identitaristes Le mot woke a une histoire intéressante : il prend racine dans les années 1930 aux États-Unis, sous la forme de l’injonction « stay woke » (littéralement « restez éveillés ») reprise par divers auteurs et artistes noirs victimes du régime de ségrégation raciale prévalant alors. Il reste néanmoins peu usité durant plusieurs décennies, jusqu’à sa reprise par le mouvement Black Lives Matter en 2012. S’il est initialement destiné à mettre en lumière les personnes noires victimes de confrontations avec les forces de l’ordre, le terme se voit rapidement repris et amplifié par d’autres activistes des mouvements identitaristes pour progressivement prendre le sens plus large qu’on lui connaît aujourd’hui. Au gré du temps, comme dans le cas de la locution « politiquement correct », ce mot a servi à désigner les excès et dérives de la radicalité néoprogressiste, c’est pourquoi peu se réclament aujourd’hui ouvertement du wokisme. Il s’agit là d’une des rares victoires sémantiques dont peut se targuer la droite. Toutefois, il convient de constater que cela s’est produit au détriment de la rigueur, voire de l’honnêteté intellectuelle : nombreux sont ceux qui utilisent désormais ce terme pour qualifier des comportements qui n’en relèvent pas. C’est un abus malheureux. C’est pourquoi Sylvie Perez et moi-même consacrons deux entrées à ce mot central au sein de l’Encyclopédie. Aucune manipulation n’est souhaitable, quel que soit le dessein poursuivi.
par Jean-Baptiste Michau, professeur de macroéconomie à l’Ecole polytechnique 14 septembre 2025
Une tribune de Jean-Baptiste Michau, professeur de macroéconomie à l’Ecole polytechnique, dans les Echos à propos de la taxe Zucman https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/pourquoi-la-taxe-zucman-appauvrirait-la-france-2185537 "L’économiste Gabriel Zucman soutient l’instauration d’une taxe plancher de 2 % sur le patrimoine au-delà de 100 millions d’euros. L’adoption de cette taxe, qui est envisagée pour le budget 2026, serait profondément nuisible pour l’économie française. Un impôt sur la richesse soulève d’abord un problème de valorisation : la base taxable est fluctuante pour les entreprises cotées en Bourse et difficile à établir pour les entreprises non cotées. Il pose ensuite un problème de liquidité pour les propriétaires d’entreprises en croissance ne versant pas encore de dividendes. Cela pose la question de l’exil fiscal, dont l’ampleur est incertaine. D’un côté, les études empiriques suggèrent que le flux de départs serait limité. D’un autre côté, jamais une taxe aussi massive n’a été mise en œuvre. En outre, si les flux sont limités, le stock de Français fortunés installés à l’étranger est déjà substantiel. L’objectif devrait plutôt être de les faire revenir en France. Frein à l’innovation Outre ces effets, la taxation de la richesse poserait un problème de mécanicité à la croissance. Rappelons que la valorisation d’une entreprise est déterminée par les gains futurs escomptés. La taxation de la richesse diminue donc les perspectives de gains futurs en rendant plus difficile le financement des entreprises innovantes. De même, l’action d’une entreprise innovante valant essentiellement par ses perspectives de croissance future, une taxe sur la richesse lui est particulièrement nuisible. La taxe Zucman aurait donc un effet très négatif sur l’innovation et sur la croissance. La taxation de la richesse affaiblirait certainement notre potentiel de croissance à long terme. Une caractéristique des milliardaires est que leur taux d’épargne est particulièrement élevé, avec une consommation souvent négligeable au regard de leurs revenus. Par conséquent, une taxe sur leur richesse consiste pour l’Etat à prélever puis à dépenser des revenus du capital qui auraient sinon été épargnés et réinvestis. Ainsi, cette taxe réduit mécaniquement l’épargne et donc l’investissement. Plus précisément, l’Etat consacre environ 10 % de ses dépenses à l’investissement public et ses dépenses supplémentaires transférées aux Français, qui en consomment une large fraction. Or notamment aux Etats-Unis, l’investissement des entreprises représente environ 80 % des sommes investies, celui de l’Etat environ 20 %. L’investissement public étant en outre moins productif que l’investissement privé, une substitution de ce dernier par le premier réduit le potentiel de croissance. Ainsi, si la taxe Zucman rapportait 16 milliards d’euros par an (0,6 point de produit intérieur brut – PIB – privé), on devrait en conclure que l’investissement privé diminuerait d’autant et que l’investissement public augmenterait au mieux de 0,1 point de produit intérieur brut (PIB) – soit un manque à gagner net de 0,5 point de PIB d’investissement. En finançant l’investissement public par un impôt sur la richesse, on substitue de l’investissement public peu productif à de l’investissement privé productif, et on suscite une dégradation du solde de la balance commerciale. Donc, à PIB inchangé : soit l’investissement diminue de 16 milliards d’euros ; soit ils seraient financés par l’étranger et le déficit commercial se creuse alors de 16 milliards ; soit, plus vraisemblablement, on a une combinaison de ces deux possibilités. Pire : en France, les entreprises innovantes rencontrent souvent des difficultés à se financer. Or, les milliardaires sont précisément les investisseurs les plus à même d’effectuer des placements risqués au service des entreprises en croissance, avec à la clé des rendements élevés. La taxe Zucman entraverait ce vecteur de croissance. Mesure idéologique Bref, en appauvrissant les riches, et en empêchant les grandes fortunes de se constituer, c’est la France qu’on appauvrirait. D’ailleurs, peu après l’instauration de l’impôt sur les grandes fortunes au début des années 1980, les sociétaires ont été conduits à s’expatrier dans des Etats exonérés de l’impôt sur la fortune. La taxe Zucman affaiblirait certainement notre potentiel de croissance à long terme en réduisant l’investissement, en pesant sur l’innovation et en aggravant les déséquilibres extérieurs. En réduisant les recettes fiscales futures, elle pèserait en outre sur le financement des dépenses publiques, dont les principales sont : TVA, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, etc. Cette taxe s’inscrit donc dans une logique purement idéologique et non pragmatique. En instaurant la taxe Zucman, la France serait probablement le seul pays à se l’imposer à elle-même, puisque d’autres pays refusent d’adopter une telle mesure d’idéologie purement idéologique et sans aucune pertinence économique."
par Alexandre Devecchio dans Le Figaro 14 septembre 2025
Une tribune très instructive d'Alexandre Devecchio dans FigaroVox sur la perception par les Français de notre nouveau Premier Ministre: https://www.lefigaro.fr/vox/politique/alexandre-devecchio-pourquoi-la-majorite-des-francais-n-attendent-rien-de-sebastien-lecornu-20250911 LA BATAILLE DES IDÉES - L’enquête Odoxa-Backbone pour Le Figaro révèle que 69% des Français jugent que le choix du nouveau premier ministre ne correspond pas à leurs attentes. Plus que son manque de notoriété, cela traduit la grande fatigue démocratique des Français. Au suivant ! La valse des locataires de Matignon continue. Moins de vingt-quatre heures après la chute de François Bayrou, l’Élysée a annoncé la nomination de Sébastien Lecornu en tant que nouveau premier ministre. Le troisième en moins d’un an. Le cinquième depuis la réélection d’Emmanuel Macron. Compte tenu du fait que le président de la République a exclu toute dissolution ou démission, le choix d’un homme politique connu pour sa souplesse (il va lui en falloir !) et son humilité (qualité rare en Macronie !) était plutôt judicieux. Mais cela intéresse-t-il encore vraiment les Français ? « La vie politique est une pièce de théâtre totalement décalée se jouant devant une salle vide », observait le politologue Jérôme Fourquet dans Le Figaro après la chute de François Bayrou. Les sondages semblent lui donner raison. Une majorité de Français n’attend rien de Sébastien Lecornu. L’enquête Odoxa-Backbone pour Le Figaro révèle que 69% d’entre eux jugent que ce choix ne correspond pas à leurs attentes. Il est même moins bien accueilli que ses deux derniers prédécesseurs François Bayrou et Michel Barnier. Cela tient moins à son déficit de notoriété ou à ses qualités propres qu’à la grande fatigue démocratique des Français. Celle-ci est accentuée par le contexte politique lié à la dissolution : sans majorité claire et dans une situation budgétaire contrainte, les marges de manœuvre du nouveau locataire de Matignon seront très réduites. "Aucune institution ne peut être vraiment réformée si ses membres n’y consentent pas, à moins de faire table rase par la dictature ou la révolution" Le général de Gaulle à propos du ministère de l’Éducation nationale Mais elle vient de beaucoup plus loin. Depuis des décennies, les majorités politiques et les premiers ministres se succèdent, ce qui n’empêche pas la politique menée de s’inscrire dans une certaine continuité : les impôts augmentent en même temps que l’immigration avec les résultats que l’on connaît ! Sous la Ve République, le vrai pouvoir se situe à l’Élysée, non à Matignon, mais aussi au sein de l’administration. Celle-ci reste inamovible. Loin de se contenter d’exécuter les décisions des gouvernements, elle agit comme un État dans l’État, autonome et guidée par une idéologie progressiste en décalage croissant avec l’opinion publique. «Le désintérêt des Français pour la valse ministérielle actuelle» « Aucune institution ne peut être vraiment réformée si ses membres n’y consentent pas, à moins de faire table rase par la dictature ou la révolution », constatait déjà le général de Gaulle à propos du ministère de l’Éducation nationale. En vérité, aujourd’hui, ce constat s’étend bien au-delà de la Rue de Grenelle. Jusqu’au sein même de l’audiovisuel public, comme l’a montré la récente affaire France Inter. L’État profond, notamment par le biais de la justice administrative et constitutionnelle, décide du destin du pays au mépris de la souveraineté populaire. Le tournant a eu lieu en 1981 avec l’élection de François Mitterrand. À défaut de changer la vie, les socialistes se sont emparés de tous les postes clés de l’État faisant de la bureaucratie non élue l’épine dorsale de leur pouvoir. Quatre décennies plus tard, malgré la marginalisation du PS sur le plan électoral, les socialistes ont conservé leur emprise sur le pouvoir et sont toujours omniprésents à la tête des institutions majeures : du Conseil constitutionnel à la Cour des comptes, en passant par le ministère de l’Éducation nationale et les médias publics. Malgré les périodes d’alternance politique, la droite n’a jamais su ou voulu reconquérir ces institutions, se condamnant à l’impuissance. C’est ce qui explique le désintérêt des Français pour la valse ministérielle actuelle. Lassés que tout change pour que rien ne change, ils ont compris qu’un redressement du pays passerait non par un changement de premier ministre, mais par une reprise en main des commandes de l’administration pour la mettre enfin au service des citoyens.
par Sébastien Laye (Valeurs Actuelles) 13 septembre 2025
"L’attractivité d’un pays, du point de vue des investisseurs, dépend en partie de l’accueil qui y est fait à l’innovation et de la stabilité juridique. À l’heure actuelle, en cette matière, la France va à l’encontre de ses intérêts" https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/economie/le-principe-de-precaution-est-un-obstacle-a-la-croissance-economique