La faillite du système ?
La faillite du système ?

Il a bon dos le néo-libéralisme ...
On voit ces derniers jours pas mal de gens expliquer que nous sommes face à la faillite du système "néo-libéral", voire que c'est ce même système qui serait la cause de cette crise sanitaire, que le monde va changer à tout jamais, etc ...
Je voudrais rappeler quelques faits sur l'origine de cette crise et sur la manière dont elle est gérée :
1/ ce n'est pas le système qui a fait faillite ! C'est le système (nous !) qui a décidé tout à fait volontairement de se mettre en pause en espérant limiter le nombre de victimes à court terme (ce qui montre finalement que le capitalisme est assez humain contrairement à ce qu'on peut entendre ...). Il est malheureusement à craindre qu'à long terme, il y ait bien d'autres victimes des conséquences de ce choix cornélien compte tenu de la crise économique à venir qui ne sera pas sans effets sur notre système sanitaire. On découvre d'ailleurs souvent a posteriori qu'on ne sait pas trop comment doser les curseurs ...
2/ l'histoire nous montre que ces épidémies n'ont pas besoin d'un système libéral pour apparaitre et se développer :
La peste au XIVème siècle s'est propagée dans toute l'Europe et a décimé un tiers de sa population alors qu'on était bien loin de la mondialisation heureuse ...
Les grandes épidémies de grippe en 1918, 1957 et 1968 ont fait énormément de victimes en France. Celle de 1918, selon les dernières estimations a fait environ 165 000 morts en France. Celle de 1957 (née dans la région de Wuhan) a fait sans doute jusqu'à 100 000 morts. En 1969 (31 200 morts en France), première grande épidémie suivie avec nos techniques modernes, la situation était bien pire que ce qu'ont pu vivre cette année nos hôpitaux en 1ère ligne dans le Grand Est : "On n'avait pas le temps de sortir les morts. On les entassait dans une salle au fond du service de réanimation. Et on les évacuait quand on pouvait, dans la journée, le soir," rapporte le professeur Dellamonica, chef du service d'infectiologie du centre hospitalo-universitaire de Nice. Il était à l'époque jeune externe. Et il n'était à l'époque pas question de tout stopper. 10 % du personnel de la SNCF de la région Toulouse-Pyrénées était malade et les transports continuaient pourtant à fonctionner. Et alors même que cette grippe de Hongkong atteint son apogée dans l'Hexagone, la presse et les médias ne consacrent que des articles sporadiques au sujet. On s'enthousiasme plutôt des exploits de Neil Amstrong ! Un vaccin développé à la va vite s'est révélé être en France d'une efficacité très médiocre (30 %). Peu importe ... c'était mieux que rien et on remerciait les chercheurs plutôt que d'aller leur chercher des poux !
3/ cette crise sanitaire est née en Chine, qui par nature n'est pas un pays libéral. Où cette crise a t'elle fait le plus de victimes ? En Iran, en Turquie, entre autres ... Et en Europe ? Principalement en Italie, en France et en Espagne, les pays les plus endettées de la zone euro et pas vraiment les plus réputés pour leur libéralisme échevelé. Certains me citerons bien sûr le cas des Etats-Unis, mais Trump est loin d'être un des plus fervents défenseurs du libéralisme ... De plus, la crise aux Etats Unis s'explique sans doute surtout par des raisons de calendrier politique, la seule chance de Trump de remporter les élections de 2020 étant de maintenir en route l'économie américaine coûte que coûte !
Plus spécifiquement concernant notre système de santé français, il est éminemment étatique, il est plutôt bien financé quand on le compare aux autres pays de l'OCDE et il dispose d'un personnel qui a énormément augmenté ces dernières années (plus de 30% d'augmentation des effectifs depuis 1996, la part des administratifs étant malheureusement pléthorique : pas loin de 34% de non soignants). Où est l'ultra libéralisme dénoncé ici et là ? Mais notre étatisme a failli : tout était conçu et réfléchi, nous avions un "plan national de lutte contre la pandémie" qui avait été remis à jour en 2011 ... et qu'on a été incapable de mettre en œuvre par déni de la réalité par nos dirigeants politiques (de gauche comme de droite)
De manière assez cynique, il faut souligner également que les plus fervents partisans d'un confinement strict et prolongé sont souvent nos générations les plus âgées (ce qui est somme toute assez logique quand on sait que les victimes de cette épidémie ont une moyenne d'âge proche des 80 ans), alors que ceux qui se battent pour relancer l'économie dès que possible sont souvent les plus jeunes qui voient leur avenir s'assombrir bien tristement ... On ne le souligne pas assez mais la gestion de cette crise est aussi un débat générationnel. Il faut bien sur protéger nos ainés ! Mais jusqu'où pousser le principe de précaution, et à quel coût pour les générations actives ? Les solutions déployées du type confinement généralisé et prolongé n'étaient sans doute pas la meilleure solution (et préserve bien mal nos ainés entourés de soignants non testés et mal équipés, tout en les coupant de leurs proches et en offrant à certains de mourir d'ennui et de solitude enfermés dans leurs maisons de retraite).
Pour en revenir à notre question de départ, il ne s'agit donc en aucun cas d'une crise du système libéral, mais plutôt d'une crise sociétale ! Notre société croit aveuglément au progrès mais paradoxalement n'a plus confiance dans la science. On écoute avec une oreille attentive un Cohn Bendit faire des leçons à un des plus éminents spécialistes français de maladies infectieuses et ça ne choque personne ! C'est aussi une crise de résilience et de courage. On s'est mis en tête que le moindre risque n'est plus acceptable et que le progrès pouvait nous protéger de tout (alors qu'on tolère très bien des millions de morts du paludisme, de la tuberculose, d'Ebola, de la lèpre et autres maladies dans les pays d'Afrique par exemple). Quand on voit la CGT appeler à la grève et au droit de retrait à tout bout de champ en pleine crise, ou Sud obtenir la fermeture des entrepôts d'Amazon et réclamer la même chose pour toutes les centrales d'achat en ligne, il faudrait rappeler à nos chers syndicats CGT et Sud que le risque zéro n'existe pas, et que dans notre situation il faut relativiser : une personne en âge de travailler et qui n'a pas de facteurs de risques particulier ne risque pas grand chose (la moyenne d'âge des décès liés au coronavirus est, redisons-le, aux alentours de 80 ans) ! De plus le niveau de risque auquel est soumis un opérateur chez Amazon moyennant le respect des règles de distanciation sociale et la mise à disposition d'un minimum de matériel de protection est sans doute bien inférieur à celui pris par n'importe qui pour aller faire ses courses, et n'a rien à voir surtout avec celui auquel sont soumis nos soignants ! Le comportement de la CGT et de Sud est tout bonnement indécent !
Nous avons aujourd'hui en France la chance d'avoir encore quelques personnes au sein des personnels soignants, militaires et force de l'ordre capables de répondre présents quand on a besoin d'eux même si c'est au péril de leur vie. Mais cette tendance à pousser systématiquement le principe de précaution dans ses extrémités et à critiquer notre modèle social alors qu'il est l'un des plus redistributifs au monde est inquiétante ... à moins bien sûr que nous sachions profiter de cette crise pour redonner à nos enfants le sens du devoir, de l'effort et de l'autorité. Les applaudissements à 20h pour remercier nos soignants c'est bien ! Mais il serait inacceptable qu'on revienne à la situation de départ où le pouvoir public tolérait qu'ils soient exposés quotidiennement à la violence et aux injures.







