Je suis de droite parce que ...

Natacha Gray • 18 août 2019

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1 - Je ne suis plus de gauche

Longtemps je me suis crue de gauche.

Parce que mes parents l’étaient, et mes grands-parents aussi, et mes arrière-grands-parents, et qu’à gauche, à l’époque, c’était comme pour les professeurs, on l’était de génération en génération. Ou alors c’est que nos parents avaient raté quelque chose dans notre éducation militante, qu’ils pensaient citoyenne, et qu’ils avaient engendré un traître, un jaune, un nanti…

De gauche, je devais l’être aussi par conformité au groupe, puisqu’apparemment tous mes collègues, comme ceux de mes parents autrefois, étaient aussi dans le camp du Bien, vent debout contre celui du Mal, les exploiteurs, les capitalistes, les riches, les possédants, bref tout ce que nous n’étions pas, à l’exception de quelques originaux ou vieux grognons marginalisés. Du moins est-ce ainsi que, dans mon milieu professionnel, la majorité non silencieuse décrivait ceux ou celles qui sortaient de la norme et s’excluaient de facto du groupe. J’ai en effet travaillé comme enseignante dans une autre vie. Autant dire que, chez ces gens-là, monsieur, on n’était pas vraiment de droite !

De gauche, je l’étais aussi nécessairement, puisque j’avais bon cœur, bien qu’un président de droite eût prétendu, quand je n’avais pas encore le droit de vote, lors d’un débat avec notre champion d’alors, que nous n’en avions pas le monopole. Je maîtrisais en effet les éléments de langage qui vont bien, je prônais la solidarité avec les plus faibles, le partage avec les plus démunis, j’étais pour la paix, l’amour, contre la guerre et le racisme, pour l’immigration sans contrôle et l’accueil sans conditions, je n’étais donc pas du côté des égoïstes, mais des généreux, héritière des idéaux des héros et martyres qui donnèrent jadis leur sang pour nos libertés et nos acquis sociaux. La gauche, nous le savions tous, de manière innée, sans même avoir besoin de le démontrer, c’était le camp des gentils, d’ailleurs je l’avais appris à l’école, puis plus tard dans mes études d’Histoire dans le supérieur, et cela m’était même désormais confirmé par les médias soudain devenus très critiques envers la droite après l’avènement d’une alternance tant attendue.

Et puis surtout, il n’était pas possible d’être dans le camp d’en face, puisqu’a contrario la droite c’était méchant, égoïste, rempli de vilains patrons nécessairement exploiteurs, d’infames capitalistes comme ceux qui, un siècle auparavant, faisaient trimer les ouvriers sans droit au repos et demandaient à la maréchaussée de tirer sur la foule quand les exploités osaient se regrouper et demander de meilleures conditions de travail. D’ailleurs la droite c’était si terrible qu’on ne pouvait pas dire son nom dans une conversation sans une moue de dégoût ou d’appréhension : il faut dire que ces gens-là, dans le camp d’en face, étaient fort puissants, car vous pensez bien, ils avaient entre leurs griffes les commandes des finances du monde et magouillaient entre eux pour trouver le moyen de soutirer au travailleur honteusement exploité le plus de pognon possible gagné à la sueur de son front. La droite, bien assise sur ses rentes et faisant trimer les autres, ne transpirait pas, elle, ni du front, ni d’ailleurs. Les sonorités-même du mot disaient bien ce qu’elles voulaient dire : les deux premières consonnes, si dures, suivies d’une sonorité rauque et traînante : la drrrroâte, rien qu’à prononcer son nom, c’était quasiment « le vol noir des corbeaux sur nos plaines ». Pour certain c’était l’infâmie suprême, le noyau de la cerise qui reste sur le gâteau pourri (« c’est vraiment une sale personne. En plus, elle est de droite »), ou au contraire la vilaine tâche sur le joli costume, la précision que l’on ajoutait en baissant la voix, gêné de reconnaître que l’on trouvait quelque qualité à l’un ou l’autre de ces exploiteurs (« je m’entends bien avec lui, pourtant on m’a dit qu’il est de droite »).



La preuve que nous ne nous trompions pas (quoiqu’à l’époque, confortablement installée dans mes certitudes - car à gauche, on ne doute pas - je n’avais donc nul besoin de la moindre confirmation), c’est que la droite elle-même semblait avoir honte d’être ce qu’elle était.

Quasiment personne dans notre entourage ne disait voter à droite, alors que les résultats des élections prouvaient que le camp d’en face avait autant de sympathisants que nous, parfois un peu plus, parfois un peu moins, même dans nos quartiers ou villages où nous nous connaissions tous. Cette droite, à l’exception de ses porte-parole médiatiques qui représentaient les appareils de parti, était donc sans visage. S’il est vrai qu’à gauche on évolue beaucoup dans l’entre-soi, ce qui donne peu d’occasions de se frotter à la contradiction, aux différences réelles, et encore moins à l’adversaire politique perçu comme l’ennemi traditionnel dans une éternelle lutte des classes, il n’en reste pas moins que les électeurs de droite paraissaient se terrer, comme conscients d’être ce qu’ils étaient : des méchants, des égoïstes, des riches qui ne voulaient pas qu’on sache qu’ils étaient riches. Ah les riches, autre qualificatif maudit, ils étaient nécessairement méchants, donc de droite, et vice-versa. Nous on travaillait dur et pourtant on peinait à boucler les fins de mois, donc eux, comme il n’était pas possible de travailler davantage que la plupart d’entre nous ou que nos parents que l’on avait vu revenir exténués, c’est qu’ils le volaient , leur pognon. Dans nos poches qu’ils le prenaient, ces infâmes rentiers ! Pas étonnant qu’ils soient tous de drrrrroâte.

Et puis leurs élus, quand ils sont revenus au pouvoir, avaient tellement honte et peur qu’on leur mette le nez dans leur infâmie, qu’ils se sont mis à faire une politique de gauche, ou en tous cas à ménager la chèvre et le chou, et qu’ils ont renoncé à tous ces trucs de droite qu’ils promettaient auparavant à leur électeurs, passant leur temps à donner à l’opinion publique sur le plan national, à leurs administrés sur le plan local, des gages prouvant qu’ils n’étaient ni racistes, ni sécuritaires, ni islamophobes, ni contre l’immigration même illégale, ni trop liés à l’Église catholique et à des mœurs que la Bien-pensance du temps présent jugeait rétrogrades, ni trop attachés au passé (car les valeurs, l’Histoire, c’était déjà « réac »), ni anti-service public, ni contre l’impôt redistributif évidemment dont il n’était donc plus question de desserrer l’étreinte .

Toute cette droite qui n’osait plus prononcer son propre nom (on y était « plutôt conservateur », « pas vraiment à gauche ») s’était mise, comme la gauche avant elle, à oublier de parler France, grand récit national, valeurs, fierté, frontières, laïcité, Marseillaise, élitisme républicain, langue et littérature françaises, drapeau puisqu’en face on disait que c’était « réac » puis plus tard « facho », voire « raciste » (puisque cela « stigmatisait » ceux qui n’étaient pas nés français). Pour la petite histoire, c’est d’ailleurs à ce moment-là qu’un parti encore un peu maigrichon, qui vivait alors une seconde naissance et que l’on disait à l’époque à l’extrême droite de la droite, ramassa par terre tout ce bazar abandonné et ces symboles oubliés dont personne ne voulait plus (le drapeau, l’hymne national, l’Histoire, la patrie, les frontières…) et les fit utilement fructifier à son profit. Plus tard, les négligents de droite et de gauche prétendirent qu’il les avait confisqués. Que nenni, la gauche les abandonna et les méprisa, la droite alors à la remorque de son ennemie jurée à qui elle s’efforçait néanmoins de ressembler lui emboîta le pas en se pinçant le nez. Le FN recueillit donc et adopta ces orphelins. Bien lui en prit. Il connût dès lors une progression régulière car si les « élites » des différents partis et de la sphère médiatique s’en étaient totalement désintéressés, une portion croissante du corps électoral français regrettait ces valeurs qui fondaient l’identité collective de la Nation et un certain art de vivre « à la française ». Le parti qui avait ramassé les symboles et les valeurs perdus commençait à parler d’un système UMPS où c’était bonnet blanc et blanc bonnet, puisque l’une donnait le tempo et que l’autre dansait sur la même musique. Et les électeurs, de fait, ne voyaient plus très bien la différence entre les deux. Mais c’est là une autre histoire.

Bref, fut un temps, un temps long, où la gauche était fière et la droite honteuse. En aucun cas, même si je m’étais alors interrogée sur mon engagement, je n’aurais été parmi les perdants sans honneur qui faisaient tout pour montrer à la gauche, dominante culturellement, qu’ils n’étaient pas ce que l’on prétendait qu’ils étaient. La droite me faisait penser à ces enfants mal aimés, qui restent des adultes toujours aussi mal aimés, et qui font des pieds et des mains toute leur vie pour se faire accepter de parents peu aimants, quémandant servilement un peu d’attention et de reconnaissance : peine perdue, quoi qu’ils fassent, ils resteront toujours les vilains petits canards de la famille. Pour moi l’honneur était de proposer, et il fut un temps où la gauche le faisait (ce qui est loin de sous-entendre que les idées furent bonnes, encore moins qu’elles n’eurent pas, à moyen et long terme, des conséquences fâcheuses, mais au moins on osa et on tenta). Or la droite, pardon je veux dire les libéraux, les conservateurs, les « pas de gauche « , les « réalistes », les « pragmatiques » …, ceux qui n’osaient même plus prononcer le nom de leur camp politique, se contentaient de singer la gauche sur le plan sociétal ou de réagir au coup par coup en passant le temps à se justifier d’un air péteux, voire à s’excuser… C’est bien qu’elle avait quelque chose à se reprocher…



Mais, progressivement, il me fut de plus en plus impossible de me dire de gauche. Et je finis par admettre que, si j’étais quelque part, ce serait « plutôt à droite ».

La gauche en effet m’avait déçue, entre les effets à court et moyen termes des politiques entreprises et la politique de l’autruche, l’incapacité de reconnaître ses erreurs, jusqu’aux dénis de réalité. Et j’étais loin d’être la seule. Comme les militants, sympathisants et électeurs désertaient, on allait racoler ailleurs, dans les cités, chez une nouvelle clientèle, les personnes issues de l’immigration, en adaptant le discours à ces nouvelles cibles, ou en y laissant en toute impunité des propagandistes allogènes récrire l’Histoire, diffuser la haine et les récriminations, quitte à jeter aux oubliettes la laïcité (incapable de s’accommoder d’un multiculturalisme ayant sombré dans le communautarisme revanchard et victimaire). Pour ne pas « stigmatiser » les électeurs de remplacement, on transformait l’égalité des droits, et son corollaire l’élitisme républicain (apte depuis toujours à tirer vers le haut les plus défavorisés grâce à l’effort, au travail, à la persévérance et à l’École républicaine exigeante), en égalitarisme nivelant vers le bas, soucieux de ne voir dépasser aucune tête pour préserver la paix sociale. On transformait ainsi l’École pour qu’elle se mette au niveau des plus faibles (ou des plus fainéants), on sapait toutes les bases de l’autorité. À l’humanisme des Lumières se substituaient à la fois une Bien-pensance donneuse de leçons et un paternalisme quelque peu méprisant envers une clientèle issue de l’immigration suspectée à tort de ne pas être capable du même effort et de la même capacité d’adaptation que ses prédécesseurs. Le pire à mes yeux était de voir cette gauche, où le débat fut vif en interne dans les années 1980 et le début des années 1990, refuser toute remise en cause, tout échange, toute discussion, toute énonciation d’une opposition, et s’enfoncer dans les procès d’intention, la criminalisation de l’adversaire, le terrorisme intellectuel dont le seul objectif était de donner mauvaise conscience au contradicteur et le faire taire dans une forme d’autocensure quasi-automatique.
Cette hystérisation volontaire de l’échange politique, cette criminalisation de la divergence d’opinion, tiennent de l’absence d’arguments et, probablement, de la prise de conscience par certains à gauche que les faits (crise économique, chômage et désindustrialisation, effondrement de l’École républicaine, mise en cause tous azimuts de l’autorité, problèmes sécuritaires, éclatement de la société française sous les coups de boutoirs des minorités et des revendications individuelles, montée de l’islamisme, perte de souveraineté, euroscepticisme croissant) remettaient ostensiblement en cause tout ce à quoi on avait cru depuis des décennies. La doxa socialiste et communiste prenait l’eau de toutes parts. Plutôt que de risquer la contradiction, on choisissait donc de criminaliser toute opinion divergente et de répandre cette terreur intellectuelle qui faisait taire l’adversaire avant tout débat de peur de se faire à son tour stigmatiser et traiter de « facho » par les nouveaux fascistes qui osaient encore parler de liberté de conscience et d’expression. Liberté, il est vrai à usage exclusif de leur nouvelle clientèle électorale. Et voilà la gauche, en position dominante dans les médias, tombant dans le deux poids deux mesures et devenant la championne du déni de réalité et du terrorisme intellectuel dans des dénonciations et mises au pilori d’intellectuels dissidents, renouant avec la tradition, mais cette fois par voie médiatique, des grands procès de Moscou. Pour elle, désormais, il s’agissait moins de débattre, de convaincre, mais d’éliminer toute contradiction, y compris par l’image, en attaquant l’adversaire, présenté comme un ennemi de classe (souvent de manière préventive, par procès d’intention) via l’insulte et la chasse à l’homme sur les réseaux, l’épuration numérique devenant la forme civilisée de l’épuration politique ou ethnique des dictatures d’autrefois.

Et moi, pendant ce temps-là, comme tant d’autres, je restais accrochée à mes valeurs : la liberté avant tout, dont celle de penser et d’exprimer mes opinions, qu’on ne m’accordait plus ou que l’on refusait à d’autres, si je refusais de bêler avec le troupeau, celle qui s’arrête où commence celle de l’autre, ce qui introduit la notion de contrat social et de respect des lois, donc des autorités chargées de les faire respecter; la responsabilité, qui suppose que l’on sache reconnaître ses erreurs et que l’on tente de les réparer, de s’attaquer de front aux problèmes au lieu de les nier ou de les contourner ; le pragmatisme, qui depuis toujours me faisait fuir tout idéologie et me rendait déjà critique au sein de mon parti, démarche qui oblige à partir des faits à partir desquels on élabore ou adapte une doctrine et non d’une doxa immuable dans laquelle on fait rentrer les faits de force, quitte à les mettre en pièces ; la fraternité, synonyme à mes yeux de solidarité et non d’un droitdelhommisme bêlant qui relativise tout et tombe dans l’ « autruisme », cette disposition masochiste qui mêle détestation de soi et survalorisation de l’autre, jusqu’au reniement, jusqu’à parfois inverser les responsabilités et transformer des bourreaux en victimes, et vice-versa. ; le patriotisme, c’est-à-dire l’attachement à mon pays, l’acceptation de son Histoire, la fierté d’y appartenir, très loin du déclinisme et d’une culpabilisation constante quasi-maladive ; la conviction que tout droit s’accompagne d’un devoir, comme on nous l’apprenait à l’École d’autrefois, que l’on n’a rien sans rien, que le mérite peut permettre de dépasser la naissance et que l’ascenseur social suppose des structures mais aussi un effort individuel, bien loin de l’assistanat ; la certitude que dans un État de droit, il faut des forces de l’ordre dépositaires de l’autorité, pour que s’applique le droit, seules autorisées à ce que certains appellent la violence légitime de l’État mais qui n’est que la réaction légitime à une violence illégitime ; l’égalité des droits, qui n’a rien à voir avec l’égalitarisme coupeur de tête et destructeur de l’effort et du mérite : bien au contraire, par le travail, le talent, parfois la chance, et grâce aux infrastructures offertes par la France, l’objectif est de se hisser toujours plus haut et non de faire descendre tout le monde au niveau le plus bas, dans une sorte de médiocratie contagieuse et facile ; la défense de la libre entreprise, ou de l’entreprise tout simplement, qui n’est pas l’ennemie du salarié ni de l’ouvrier, bien au contraire puisqu’elle crée la richesse, l’emploi, la prospérité ; la démocratie représentative, que je défends faute de mieux, la dictature des masses me semblant tenir davantage du sens commun que du bon sens car, faute de connaissances ou de temps pour s’informer, on tombe vite dans le slogan, la caricature, le manichéisme malsain et réducteur (l’ennemi de l’hygiène intellectuelle), la violence de la meute, la manipulation par plus malin que soi. L’ensauvagement progressif puis accéléré d’une société française irréfléchie, manipulable par le slogan et l’émotion, où certains vont jusqu’à prétendre que « sans la violence on n’obtient rien », a achevé cette année de m’en convaincre.

Ces valeurs, ce sont conjointement celles que mon éducation parentale, l’École de la République et mes expériences personnelles ont ancrées en moi. Avaient-elles été un jour de gauche ? Autrefois, pour certaines je le crois, mais pas exclusivement. L’Histoire montre bien que les idées et valeurs changent souvent de camp : il exista bien une époque où la gauche défendait frontières, nation et laïcité face à une droite mondialiste et championne d’un catholicisme qui ne s’était pas encore sécularisé. Quoi qu’il en soit, la gauche des années 2000 les avaient bel et bien abandonnées. Pire, elle en rejetait certaines comme « réac », « facho », « de droite ». Et la droite, elle, commençait à dire à haute voix que ces valeurs étaient siennes.

Alors fut un temps, au départ, où je prétendis que la gauche n’était plus à gauche, qu’elle avait trahi, mais que j’étais toujours là où elle n’était plus. Puis, face à la persistance de mon « camp » dans les erreurs et les dénis de réalité (pour moi le symbole-même de la crasse intellectuelle), je me mis à dire « je ne suis plus de gauche, je suis ailleurs », moins par honte d’avouer où j’étais que parce que je ne le savais plus moi-même, entre une gauche empêtrée dans ses erreurs qui ne cessait de casser le thermomètre pour éviter d’avoir à trouver un remède contre des troubles qu’elle avait largement contribué à générer et une droite honteuse qui ne semblait plus savoir elle-même où elle habitait.
Un jour, je me surpris à oser reconnaître que j’étais, finalement, « plutôt de droite ». Car au tournant du XXIe siècle je commençais à entendre clairement mon discours, la défense de mes valeurs … dans le camp d’en face. C’est que dans les années 1990.2000, la droite avait repris du poil de la bête grâce à certains intellectuels à la tête bien faite, comme Alain Madelin, ou certains politiques « grandes gueules » comme Charles Pasqua, et elle ne se reniait plus. Les théoriciens proposaient, et je reconnaissais derrière leurs mots, et malgré ma répulsion pour ces « fachos » que mes anciens camarades désignaient comme tels, tout ce en quoi je croyais : notamment la liberté, le refus de l’égalitarisme, l’assimilation par ressemblance et non par l’exacerbation des différences, le retour au respect de l’autorité, une volonté de revenir, via l’Éducation Nationale (abandonnée par la gauche qui la transforma en terrain de propagande idéologique), au mérite et à l’ascenseur (ou élitisme) républicain.
Enfin, à partir des quinquennats Sarkozy et (surtout) Hollande, certains à droite, électeurs comme élus (plus exactement les électeurs avant les élus), commencèrent à s’exprimer de plus en plus fort. Cette droite n’avait plus honte car les faits, désormais, parlaient pour elle. Pire, la réalité vociférait : sans doute au départ grâce aux réseaux sociaux mais également parce que les problèmes dénoncés (insécurité, perte d’autorité, effondrement de l’école, racisme inversé, communautarisme clivant) avaient débordé des quartiers d’où les premières voix s’élevaient autrefois et devenaient le vécu de compatriotes de plus en plus nombreux. À l‘exception toutefois de ce que l’on commença à nommer la « bobosphère », cette France urbaine hyperprotégée et fonctionnant en vase-clos, évoluant et se congratulant dans l’entre-soi dans un gauchisme culturel déculpabilisant, incapable d’admettre qu’ailleurs, à côté même, on pouvait, malheureusement vivre autrement, et terriblement plus mal. Parallèlement, à chaque fois que quelqu’un dénonçait le laxisme ambiant et ses effets délétères, le communautarisme, les atteintes à la laïcité ou à l’autorité, l’assistanat aveugle, les complaintes victimaires, les discours anti-sécuritaires (dont la sempiternelle, injuste mais ô combien dangereuse rengaine gauchiste des « violences policières ») ou qu’il parlait au contraire de mérite, d’effort, de travail, d’attachement à la nation, on entendait hurler à gauche que « c’était bien là un discours de droite » (ou d’extrême droite), espérant faire taire le prétendu « facho » ou « réac » en le désignant à la vindicte populaire. Ce qui, au fil des ans, fonctionnait de moins en moins bien. D’où, sans doute, à gauche, un affolement qui se traduisit par une augmentation de la violence verbale et une hystérisation (volontaire) des échanges.

Alors , puisque d’un côté comme de l’autre, ici pour les proclamer, là pour les dénoncer, mes valeurs étaient présentées comme étant droitières, il fallait me rendre à l’évidence : j’étais donc de droite. Depuis des années, je tenais un discours de droite, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, sans le savoir. Plus sérieusement, un syllogisme imparable me plaçait devant cette évidence: mes valeurs font ce que je suis, or la gauche et la droite me disent toutes deux que lesdites valeurs sont aujourd’hui de droite, je suis donc désormais de droite. Peu importe, d’ailleurs, le nom que l’on donne à ceux qui portent les idées qui me sont chères. Là où elles sont, je suis. Là où elles iront, j’irai. Sauf si je change ou évolue, ce qui est toujours de l’ordre du possible car la première des hygiènes intellectuelles est de savoir penser contre soi-même. Mais sur les fondamentaux, sincèrement, je ne pense pas un jour modifier ma pensée, au risque d’y perdre mon identité.

Évidemment ceci ne veut pas dire que, dans l’action, la droite au pouvoir ne se renia pas. Loin s’en faut ! Sinon elle ne serait pas dans l’état de déliquescence où elle est aujourd’hui. Mais, au moins, la bataille culturelle était gagnée. Car aujourd’hui je suis convaincue que nombreux Français sont « de droite » sans même le savoir, en ce sens que leurs valeurs et leurs espérances, identiques à celles que je listais plus haut, sont aujourd’hui explicitement défendues par la droite (plus timidement et par d’encore trop rares rénovateurs pragmatiques à gauche, souvent exclus de leur parti ou privés de responsabilités). Mais le problème, c’est que, comme moi autrefois, ils ne le savent pas. Et si personne ne le leur dit en les plaçant devant les évidences, ils resteront persuadés qu’ils sont là où les médias mainstream leur répètent qu’ils sont : ailleurs, nulle part ou dans le camp du Bien autoproclamé dont ils ne partagent plus, pourtant, les idées essentielles. D’autant plus que la supercherie du macronisme, grand fourre-tout des valeurs et projets défendus à droite et à gauche, a brouillé les limites et a rassemblé pour l’instant une grande partie des déçus. Dans l’action, il reste néanmoins, par son obsession de la taxe, sa bien-pensance aveugle sur le plan sociétal, sa collaboration avec le communautarisme et l’islam politique (sans doute en espérant le contrôler ainsi) plutôt de gauche.

Il est donc plus que temps de tendre un miroir à la société française où une majorité de compatriotes se reconnaîtront sans peine, de recoller les morceaux de verre pour faire apparaître à nouveau clairement le projet de la droite, ce qui suppose de rappeler haut et fort, chaque fois que nécessaire, les valeurs défendues, sans gêne ni honte, ni surtout crainte de la stigmatisation en face par les Khmers verts, rouges, roses ou noirs, et désormais souvent jaunes aussi. À force de crier au loup, ils ne sont plus si audibles, et les faits reviennent comme un boomerang défigurer leur belle doxa qui ne fonctionne que dans leur monde idéal, sur le papier. À la droite, ou aux droites, de grandir enfin et de s’affirmer à nouveau pour ce qu’elles sont.

(à suivre : « Je suis de droite parce que j’ai choisi la liberté »)

par Eric Duprix (Radio Présence) 7 décembre 2025
Nicolas Bonleux était l'invité cette semaine d'Eric Duprix dans l'émission "La mêlée de l'info" sur Radio Présence avec Monique Iborra (ex-députée de la Haute-Garonne) et Julien Klotz, conseiller départemental de la Haute-Garonne. L'émission peut être réécouté en replay ici : https://www.radiopresence.com/emissions/information/regionale/la-melee-de-l-info/article/la-melee-de-l-info-du-05-dec-120177
par Maxime Duclos 25 novembre 2025
Une tribune d'un de nos fidèle adhérents, Maxime Duclos : La situation politique actuelle ressemble à un champ de ruines. Emmanuel Macron, président de la République, se retrouve aujourd’hui au bord du gouffre. Selon les derniers sondages, près de deux Français sur trois souhaitent sa démission. Un président rejeté par une majorité du pays, isolé politiquement, et désormais prisonnier de ses propres manœuvres. Tout remonte à la dissolution de l’Assemblée nationale en 2024. En activant l’article 12 de la Constitution, Emmanuel Macron pensait reprendre la main, créer une nouvelle dynamique et affaiblir ses opposants. En réalité, il a plongé la France dans une crise démocratique sans précédent. L’Assemblée est devenue ingouvernable, les forces politiques s’entre-déchirent, aucun compromis n’est possible. La majorité relative est devenue synonyme d’impuissance. E. Macron croyait sans doute que l’instabilité pousserait les Français à se lasser des partis d’opposition, à réclamer un retour à l’ordre et à son autorité. Mais le calcul s’est retourné contre lui. Les Français ne croient plus à ses équilibres précaires, ils en ont assez des manœuvres et des discours creux. Le pouvoir s’est vidé de sens, et l’Élysée s’est transformé en forteresse assiégée. L’épisode S. Lecornu en est la parfaite illustration. Lundi 6 octobre, le Premier ministre Sébastien Lecornu a remis sa démission, conscient qu’il allait droit vers une motion de censure. Dans un réflexe de survie, Emmanuel Macron lui a demandé de rester encore quarante-huit heures, le temps de tenter l’impossible : trouver un accord entre des forces irréconciliables. Une manœuvre de plus pour gagner du temps. Pendant ce temps-là, le pays s’enlise, et le président se tait. Là où il aurait dû parler, rassurer, agir, il reste muet. Autour de lui, le cercle se fissure. Ses plus proches alliés prennent leurs distances. Édouard Philippe l’invite à envisager la démission, Gabriel Attal trace sa route en solo, conscient que le macronisme vit ses dernières heures. Même son propre camp prépare déjà l’après. Ce silence présidentiel est celui d’un homme seul, coupé du réel, persuadé encore d’incarner la solution alors qu’il est devenu le problème. Politiquement, toutes les options sont dans l’impasse. Un Premier ministre de gauche serait immédiatement censuré. Un maintien de S. Lecornu ne ferait que prolonger l’agonie. Les oppositions, qu’elles soient du Rassemblement national ou du Nouveau Front populaire, ont déjà prévenu : aucune confiance, aucune alliance. La dissolution du Parlement, en revanche, apparaît de plus en plus inévitable. Dans ce chaos institutionnel, une certitude émerge. Sans union des droites, rien ne changera. Si les Républicains, si Reconquête, si Identité Liberté, Debout la France etc... persistent dans leur isolement, la responsabilité nous incombera entièrement. Pas à Macron, pas à la gauche, à nous. Marion Maréchal a déjà fait part de sa volonté d’une union des droites, mais tiendra-t-elle parole ? Est-ce un coup de com’ pour remonter dans les sondages et satisfaire la grande majorité de la demande des Français ? L’avenir nous le dira. Les sondages sont clairs : 52% des Français appellent de leurs vœux une coalition conservatrice et patriotique. Chez les électeurs de droite, c’est encore plus massif : 88% des sympathisants RN, 82% des LR, 100% des zemmouristes veulent cette alliance. 100% ! Imaginez : même si E. Zemmour refuse, toute sa base ira voir ailleurs. Mais si par fierté, par calcul personnel ou par peur de perdre un ego, ces partis refusent de suivre l’exemple d’Éric Ciotti qui, lui, a quitté Les Républicains pour bâtir une alliance réelle avec le RN, alors oui : nous serons responsables. Responsables de laisser la Macronie s’accrocher, responsables de laisser la gauche revenir, responsables d’une Assemblée ingouvernable et d’un pays qui s’enlise. À ce jour, le Premier ministre Sébastien Lecornu réussi de peu à se maintenir à son poste, la récente motion de censure ayant échoué pour 18 voix. Le Président le sait, le Parlement également et les Français, bien entendu, s'attendent à la chute du Premier ministre dans les mois à venir ; ce n'est plus qu'une question de temps. L'alliance honteuse, faite de fausses promesses tenues lors du discours de politique générale de Sébastien Lecornu, entre les Socialistes et Les Républicains restera gravée dans l'histoire. Ils devront en assumer les conséquences. Mais cette alliance reste éphémère et fragile : 18 voix manquantes peuvent vite apporter leur soutien à la censure et la faire adopter. S'en suivra, je le pense sincèrement, au minimum une dissolution de l'Assemblée nationale et, si cela arrive, la Droite aura la lourde charge d'être responsable du destin de la France. La Droite ne pourra pas trouver d'excuses : ce ne sera ni la Gauche, ni le Centre qui sera responsable du nombre de sièges que la Droite obtiendra, car tout le monde est conscient que si l'union des droites est fonctionnelle, alors aucune alliance centro-gauchiste ne pourra arrêter ce raz-de-marée populaire et patriote. Dans le chaos actuel et face à l'attente claire des Français, les responsables politique de droite doivent dépasser leurs divergences personnelles et s'unir sans délai, non par intérêt partisan, mais par devoir envers le destin de la France.
par Nicolas Conquer (Valeurs Actuelles) 23 novembre 2025
A l’heure de l’IA, l’immigration choisie devient un grand déclassement "Cette question deviendra l’une des dimensions majeures des prochaines échéances électorales en France. Ceux qui continueront de célébrer « l’immigration choisie » sans condition seront jugés pour ce qu’ils sont : les fossoyeurs silencieux de la mobilité sociale de nos enfants." https://www.valeursactuelles.com/economie/a-lheure-de-lia-limmigration-choisie-devient-un-grand-declassement
par Louise Morice dans Frontières 23 novembre 2025
Je suis de la génération Bataclan. La génération qui n’a pas connu la guerre, mais qui voit le sang couler sur son propre sol. Chaque année, chaque mois, chaque semaine. Nous avons grandi dans l’ombre des sirènes et des bougies, dans la peur sourde des métros bondés, des gares trop silencieuses, des sacs abandonnés. Je fais partie d’une génération qui vit la barbarie à chaque coin de rue ; d’une génération de femmes qui hésite à mettre une jupe, de garçons qui baissent les yeux pour éviter une provocation. Nous sommes ceux qui ont appris trop tôt ce que veut dire mourir pour rien. Je suis de la génération qui n’oubliera jamais, et qui ne pardonnera pas. Remplie de colère, parce qu’on ne nous protège pas. Remplie de colère, parce qu’ils ont les clés mais préfèrent le déni, la lâcheté, plutôt que le courage d’affronter le réel. Ils disent craindre la guerre civile, mais la guerre est déjà là, diffuse, rampante, dans les cœurs et dans les rues. J’avais seize ans, j’étais au lycée. Je me souviens du message sur la conversation de classe : « Y’a encore un attentat à Paris. » Encore. Ce mot résonne encore plus fort que les balles. Ce n’était pas le premier. Et nous savons, hélas, que ce ne sera pas le dernier. Louise Morice, média Frontières
par Jeanne Durieux (Le Figaro) 10 novembre 2025
"Contrairement au conflit à Gaza, ou à la guerre en Ukraine, la guerre au Soudan passe largement sous les radars politiques et médiatiques." "il n’y a pas d’armes actionnées par des Juifs, donc pas d’antisémitisme à galvaniser sous le masque de la bonne cause" Deux poids et deux mesures avec Gaza ? Une chronique de Jeanne Durieux sur un conflit qui passe largement sous les radars politiques et médiatiques à lire dans le Figaro : https://www.lefigaro.fr/international/pourquoi-parle-t-on-moins-du-conflit-au-soudan-que-de-gaza-ou-de-l-ukraine-20251108 DÉCRYPTAGE - Contrairement au conflit à Gaza, ou à la guerre en Ukraine, la guerre au Soudan passe largement sous les radars politiques et médiatiques. Des civils abattus d’une rafale de kalachnikov le long des talus, des hommes rassemblés en groupe pour être brûlés vifs, des enfants épuisés et muets qui déambulent sans parents le long des camps de réfugiés, des femmes atones au regard hanté qui taisent les viols collectifs dont elles ont été victimes. Voilà quelques-unes de la kyrielle d’images insoutenables qui ont envahi les réseaux sociaux ces derniers jours, presque deux semaines après la prise de la ville soudanaise d’El-Fasher par les FSR, les Forces de soutien rapide. Un premier bilan fait état d’environ 3000 civils abattus, mais le bilan pourrait être en réalité considérablement plus élevé. À découvrir Ces massacres de civils, dont l’horreur augmente à chaque témoignage rapporté par les ONG, jettent une lumière crue sur le conflit sanglant qui sévit au Soudan depuis plus de deux ans. Il oppose, sur un échiquier soudanais très complexe mêlé d’enjeux ethniques et religieux, les généraux Al-Burhan, chef de l’armée régulière, à Mohamed Daglo dit Hemedti, à la tête des FSR. Et s’inscrit dans le temps long d’une guerre multifactorielle qui ensanglante la région du Darfour depuis des décennies. Et pourtant, les massacres qui sévissent dans ce pays d’Afrique de l’Est bordé par la mer Rouge peinent à bénéficier d’une couverture médiatique ou de dénonciations proportionnelles à la hauteur des 150.000 morts et des 12 millions de déplacés depuis 2023. Contrairement au conflit à Gaza qui engendre depuis deux ans nombre de mobilisations, réactions, et polarise profondément la société française, la guerre au Soudan ne génère qu’une discrète indignation, voire un silence indifférent, malgré plusieurs récits publiés par les médias (dont Le Figaro ). Comment, malgré tout, expliquer cet angle mort ? Le Soudan échappe aux schémas impérialistes et colonialistes Le Soudan est un pays «inclassable», présente d’emblée le chercheur Marc Lavergne. À cheval sur l’Afrique noire et le monde arabe, multiethnique et multireligieux, lié à la Méditerranée, mais aussi à l’Afrique centrale et au Sahel, il échappe à toute catégorisation géographique mais également historique. Le Soudan a été conquis par les Britanniques et les Égyptiens à la fin du XIXe siècle, qui y ont établi un condominium [un territoire sur lequel plusieurs puissances exercent conjointement une souveraineté, NDLR], avant que le pays ne proclame son indépendance en 1956. Mais en réalité, «les Anglais n’ont pas vraiment colonisé le pays puisqu’ils n’y voyaient qu’une mainmise formelle. Ils sont d’ailleurs regrettés par les Soudanais», pointe encore Marc Lavergne. Par cette histoire, le Soudan échappe aux schémas classiques «impérialistes et colonialistes» qui ont profondément forgé les dynamiques actuelles de la plupart des pays africains. Et c’est d’abord là que le bât blesse. Concrètement, le Soudan n’est pas considéré comme un pays où doit s’exercer une lutte anti-impérialiste ou décoloniale, matrice des discours actuels qui défendent par exemple ardemment la Palestine en «lutte» contre «l’État colonisateur» que serait Israël. En réalité, «le conflit qui déchire le Soudan n’est pas une guerre idéologique mais un conflit pour l’argent», avance Marc Lavergne. Les factions en guerre cherchent en partie à contrôler le pays pour des motivations économiques : ils se disputent notamment la mainmise sur le contrôle des ressources économiques soudanaises agricoles et minières (comme l’or et pétrole). Et dans ce conflit, «le sort, comme l’opinion des civils, est complètement évacué» pointe le spécialiste. Le conflit à Gaza accapare la question du génocide Or, c’est précisément le conflit idéologique qui fait de Gaza une tragédie abondamment exposée. Se joue là le paradoxe de la solidarité sélective : les défendeurs de la cause palestinienne requièrent une prise en charge mondiale de cette tragédie mais s’opposent de l’autre «à l’universalité funéraire» pour d’autres conflits, pointait l’écrivain Kamel Daoud dans les colonnes du Point dès novembre 2024. Selon le prix Goncourt, il n’est pas populaire de plaindre tous les morts, quelles que soient leurs origines. Il poursuivait : «Si vous abordez ce sujet tragique [de la guerre au Soudan, NDLR], vous êtes accusé de cacher un conflit armé ’exclusif’ [celui de Gaza, NDLR], de changer de sujet, de procrastiner et de manipuler.» Par ailleurs, de façon évidente, les mobilisations autour du conflit armé à Gaza servent de relais à l’antisémitisme. Très concrètement au Soudan, «il n’y a pas d’armes actionnées par des Juifs, donc pas d’antisémitisme à galvaniser sous le masque de la bonne cause. (...)», appuie Kamel Daoud. Ce que corrobore l’avocat et essayiste Gilles William Golnadel dans une tribune publiée au Figaro : «[Il y a] une focalisation sur la chose juive par une sorte de fascination», expose-t-il pour justifier l’exposition qui entoure Gaza. Or, au Soudan, «les musulmans y tuent d’autres musulmans, ce qui équivaut à zéro. La mort ne devient importante que si elle suscite des émotions collectives à travers un casting précis», pointe encore Kamel Daoud. Davantage de personnes peuvent avoir été assassinées en une semaine à el-Fasher, sans aucune exagération, qu’en deux ans à Gaza. Nathaniel Raymond, directeur exécutif du laboratoire humanitaire de recherches à Yale Pourtant, les ethnies du Darfour (Fours, Masalit et Zaghawa) ont été victimes d’un génocide au début des années 2000, notamment de la part des Janjawid, ces milices arabes dont découlent aujourd’hui les FSR. Et ces violences contre les ethnies non arabes ont redoublé avec la reprise du conflit en 2023. Mais aujourd’hui, la question du «génocide» dans le débat public est presque exclusivement captée par les événements à Gaza. «Les informations qui remontent du terrain [au Soudan] témoignent d’un nettoyage ethnique voire d’un génocide en cours. On s’est posé des questions très longtemps sur Gaza, on a eu toutes sortes de débats, “est-ce un génocide ou pas ?” alors qu’au Darfour, on avait des éléments [pour le caractériser] et on n’en parlait pas du tout», a pointé le 6 novembre 2025 sur le plateau de C ce soir Meriem Amellal, journaliste spécialiste de l’Afrique à France 24. Plus prosaïque, Nathaniel Raymond, directeur exécutif du laboratoire humanitaire de recherches à Yale, établissait un parallèle cette semaine : «davantage de personnes peuvent avoir été assassinées en une semaine à el-Fasher, sans aucune exagération, qu’en deux ans à Gaza». Et pour cause : après la prise de cette ville, il n’y a pas eu de mouvement massif de population, comme c’est normalement le cas dans une zone nouvellement conquise. Cette constatation «augmente la probabilité que la majorité des civils soient morts, capturés ou cachés» dans l’enceinte de la ville, indique un rapport établi par l’université de Yale et cité par le Middle East Eye . Les Nations unies estiment à environ 60.000 le nombre de personnes ayant réussi à fuir el-Fasher − près de 200.000 personnes sont en conséquence toujours entre les mains des sanguinaires milices. À titre de comparaison, 67.000 civils environ auraient trouvé la mort à Gaza depuis le 7 octobre 2023, selon le décompte (invérifiable) du Hamas. En clair, le Soudan est bien loin des projections collectives et des débats qui agitent et polarisent nos sociétés occidentales. Au sein de cette guerre africaine s’entrelacent de nombreux enjeux internes qui entravent notre implication morale dans le conflit. En Occident, «on ne fait pas la différence entre tous les Soudanais, même s’il existe de nombreuses différences ethniques», éclaire Marc Lavergne, - à l’inverse, là encore, du conflit à Gaza, qui oppose deux parties clairement connues et identifiées. Ce que corrobore encore Kamel Daoud dans sa chronique au Point : «Le corps d’un Soudanais est-il moins choquant parce qu’il n’a pas d’histoire qui nous ressemble ?» s’interroge-t-il. Par ailleurs, depuis deux ans, le conflit soudanais oppose deux généraux belligérants unanimement dénoncés. Les Forces de soutien rapide se sont certes rendues complices de nombreux massacres de civils, largement documentés ces derniers jours, mais les exactions du gouvernement dit «légal» du général Al-Burhan les talonnent sur l’échelle de la violence. «Concrètement, les troupes d’Al-Burhan tuent certes moins de gens, mais les milices qui sont alliées à l’armée régulière font les basses besognes. Et de façon générale, l’armée n’a que faire des civils», résume Roland Marchal, chercheur au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po Paris. Par ailleurs, les acceptions des termes «gouvernement légal» et «gouvernement rebelle» ne s’appliquent pas réellement au Soudan. «Lorsque deux généraux anciens complices s’affrontent, qui est dans la légalité et qui ne l’est pas ?» interroge le chercheur Marc Lavergne. Et ce dernier de poursuivre : «Entre une armée putschiste, dirigée par al-Burhan, qui a ruiné le pays et pris le pouvoir par un coup d’État, et les Forces de sécurité rapide dirigées par le général Hemedti, grand responsable de la crise du Darfour en 2005, qu’on présente comme des rebelles alors qu’ils sont avant tout des Bédouins, à qui accorder la légitimité ?» De quel côté se placer ? Un tel parti pris est, à l’inverse, plus évident dans le cas du conflit en Ukraine : il y a d’un côté l’agresseur, la Russie, et l’agressé, l’Ukraine, dont une partie des terres a été envahie par l’armée russe. Peu d’intérêt stratégique La donne géopolitique impose également sa grille de lecture : celle des Européens est d’abord liée aux décisions de Washington et à la menace russe. Là encore, l’attention constante qu’accorde la France au conflit russo-ukrainien se justifie ainsi par la proximité géographique et culturelle avec l’Ukraine. Cette dernière étant aux portes de l’Europe et candidate à l’UE et l’Otan, les Français ont tout intérêt à peser pour la victoire de l’Ukraine et la résolution du conflit. Dans le cas du Soudan, la France, qui avait soutenu la chute du régime d’Omar el-Béchir en 2019 en s’affirmant se placer du côté «de ce nouveau Soudan», y accorde en réalité peu d’intérêt. «Il n’y a plus cette génération de gens qui ont connu la Françafrique et qui conservent des liens et des intérêts forts sur le continent», dépeint Marc Lavergne, pour qui «la France s’est désintéressée du Soudan».
par Olivier Babeau / Valeurs Actuelles 4 novembre 2025
"Fuite des cerveaux, désindustrialisation, endettement, services publics défaillants, dépendance au luxe et à l’aéronautique : la France adopte les caractéristiques économiques des pays pauvres" Une tribune à lire dans Valeurs Actuelles : https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/economie/olivier-babeau-la-france-se-tiers-mondise
par Guillaume Roquette dans FigaroVox 3 novembre 2025
Un edito de Guillaume Roquette dans FigaroVox suite à la large victoire de Javier Milei aux législatives de mi-mandat en Argentine. Javier Milei a mis ses actes en accord avec ses paroles depuis qu’il dirige le pays. Et pendant ce temps là, en France, on cogite sur la meilleure façon d'augmenter encore un peu plus la fiscalité alors que nous sommes déjà champion du monde toutes catégories ! https://www.lefigaro.fr/vox/politique/l-editorial-du-figaro-magazine-la-lecon-argentine-20251031 "Large vainqueur aux législatives de mi-mandat, avec un peu plus de 40% des voix pour son parti au niveau national, Javier Milei a mis ses actes en accord avec ses paroles depuis qu’il dirige le pays. Une victoire éclatante. En remportant haut la main les dernières élections législatives en Argentine, Javier Milei a ridiculisé les pseudo-experts qui affirmaient qu’un président aussi libéral serait nécessairement désavoué par les électeurs. À travers ce scrutin, le peuple de ce pays nous administre une magnifique leçon de courage : oui, on peut choisir en toute conscience la voie du redressement, accepter des efforts douloureux, couper à la tronçonneuse dans les dépenses publiques si c’est la condition pour ne pas sombrer. Pour nous autres Français, les Argentins sont des Martiens. Malgré notre dette vertigineuse, notre administration obèse et nos prélèvements obligatoires suffocants, nous refusons collectivement de rompre avec un modèle pourtant à bout de souffle, comme si nous pouvions indéfiniment vivre à crédit sans en payer un jour le prix. L’essayiste Mathieu Laine dresse ce constat désabusé : « Les peuples ne deviennent libéraux que quand ils ont touché le fond de la piscine keynésienne. » Passer la publicité Nous en sommes loin. Le patron du Parti socialiste français, Olivier Faure, continue au contraire de claironner qu’ « il va falloir prendre l’argent là où il est, c’est-à-dire dans les poches de ceux qui ont les moyens ». Voilà les gens avec lesquels le premier ministre Sébastien Lecornu a dangereusement choisi de pactiser : des démagogues d’une médiocrité crasse qui vont tuer notre pays si on les laisse faire. Là-bas, Nicolás ne veut plus payer Pourquoi les Argentins sont-ils capables d’un sursaut auquel nous nous refusons, en tout cas pour l’instant ? La démographie est l’une des réponses : leur pyramide des âges est moins déséquilibrée que la nôtre. Plus nombreux et plus jeunes, les actifs ne veulent plus d’un système qui les empêche de vivre décemment. Là-bas, Nicolás ne veut plus payer. On connaît le franc-parler de Javier Milei. Quand on lui demande ce qu’il pense de ses adversaires progressistes, il les traite de « gauchistes de m… » et affirme : « Il ne faut pas leur laisser un millimètre, si vous le faites, ils vont l’utiliser pour vous détruire. »« Ma mission est de botter le cul des keynésiens et des fils de p… collectivistes. » Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement… Et sa franchise ne s’arrête pas aux discours. Contrairement à ce qui se passe habituellement avec la droite française quand elle est au pouvoir, le président argentin a mis ses actes en accord avec ses paroles depuis qu’il dirige le pays. Il a baissé la dépense publique de 30% et supprimé 60 000 postes de fonctionnaires. Le nombre de ministères est passé de 21 à 10. « Afuera » (ça dégage) ! Pour la gauche française, Milei est le mal personnifié. En rétablissant l’équilibre budgétaire de son pays (une première depuis 14 ans), il a coupé les vivres à des centaines de structures politiques, médiatiques et culturelles qui vivaient au crochet de l’État. Un cauchemar pour nos progressistes ; un modèle à suivre pour une droite digne de ce nom."
par Pierre Brochand (ancien directeur général de la DGSE) 18 octobre 2025
Immigration de masse, insécurité, risque de guerre civile... Le cri d’alarme de Pierre Brochand (ex-DGSE) "EXCLUSIF - Vingt ans après les émeutes qui avaient éclaté à Clichy-sous-Bois puis dans toutes les banlieues, l’ancien directeur général de la DGSE dresse le constat inquiétant d’une France au bord de la « confrontation interne »." Une tribune à lire dans FigaroVox : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/immigration-de-masse-insecurite-risque-de-guerre-civile-le-cri-d-alarme-de-pierre-brochand-ex-dgse-20251017 LE FIGARO MAGAZINE. - Il y a tout juste vingt ans, le 27 octobre 2005, éclataient les premières grandes émeutes de banlieue. Plus qu’une expression de violence passagère, était-ce le début d’un long processus nous conduisant à une forme de « guerre civile » ? Pierre BROCHAND. - Avec le recul, ce qui s’est passé, il y a vingt ans, apparaît, d’abord, comme un révélateur cruel de l’état du pays. Depuis les années 1980, s’était dessiné un paysage inédit : des émeutes ethniques, jamais vues, fusaient ponctuellement en zones urbaines, sur fond de délinquance, d’islamisation et de séparation. La vague d’octobre, en étendant l’incendie à plusieurs villes simultanément, a sonné un réveil en fanfare. Deux tiers de nos compatriotes en ont déduit qu’il fallait « arrêter l’immigration ». Ceux qui détenaient le pouvoir ne les ont pas écoutés. Résultat : rien n’a été fait. Ce qui nous amène directement aux angoisses d’aujourd’hui, que résume la prophétie de « guerre civile ». Je doute que celle-ci se réalise à court terme. En revanche, je tiens pour certaines les affirmations suivantes : – Si nous restons bras croisés, nous irons vers le pire. – Ce pire sera la régression de notre pays en tous domaines, à commencer par la sécurité de ses habitants et, plus généralement, leur bonheur de vivre. – L’épicentre en sera la débâcle de la confiance sociale, clé de voûte des peuples heureux, dont la perte disloque non seulement les sociétés « multi » mais aussi les fondements de l’État-providence. – Je ne vois pas d’autre ferment à ces ébranlements que l’irruption d’une immigration de masse, aux caractéristiques antagoniques des nôtres. Qu’est-ce qui vous rend dubitatif à l’égard du terme « guerre civile », pourtant repris par nombre de responsables politiques ? D’abord, les mots eux-mêmes. Je viens de le dire : pour moi, le fait générateur de troubles à venir ne peut être qu’importé. En effet, dans une démocratie avancée et apaisée, les différends, entre autochtones, ne semblent plus de nature à ressusciter la Révolution ou la Commune. La parenthèse de la « question sociale », ouverte en 1848, refermée en 1968, a laissé la place à des compromis quantitatifs sur le partage d’un gâteau commun, autour de la notion de pouvoir d’achat. De même, les problèmes sociétaux, qui ont pris la suite, n’ont jamais donné lieu à échanges de coups de feu : la haute tenue de la Manif pour tous en a fourni la preuve. Pour faire simple, je dirais qu’entre citoyens de souche, la violence, politique et sociale, n’est plus de mise : pour eux, l’Histoire est finie, au sens de Fukuyama. Leurs débats sont canalisés pour converger fatalement vers un centrisme bien-pensant, quel que soit le numéro de la République. Ceux qui le contestent ne sont pas nombreux : les black blocs ont affiché leurs limites, l’ultradroite parade modestement. L’échec des « gilets jaunes » a, en outre, confirmé qu’aucun projet, centré sur la redistribution du gâteau, ne pouvait renverser la table. Pour la même raison, j’écarte les concepts de « décivilisation » et d’« ensauvagement », qui, en douce, tendent à mettre tout le monde dans le même sac. J’irai plus loin : c’est le thème même de l’immigration, qui, par rétroaction, risque de susciter les plus graves dissensions chez les natifs, entre « universalistes » (mondialistes mercantiles, humanistes rêveurs, wokistes justiciers) et « localistes » (patriotes têtus, régionalistes renaissants, communautaires de tradition). Schisme, qui, d’ailleurs, réintroduit, dans le jeu belliqueux, certains de nos extrémistes, tenants d’une mythique « convergence des luttes », prêts à servir de cheval de Troie aux factions les plus militantes de l’immigration. Nos immigrés sont entrés avec de lourds bagages culturels, religieux, historiques, qu’ils n’ont pas abandonnés à la frontière Pierre Brochand Ensuite, le fait que les fauteurs de troubles de 2005, comme leurs prédécesseurs et successeurs, soient majoritairement de nationalité française ne change en rien le diagnostic. Nos immigrés sont entrés avec de lourds bagages culturels, religieux, historiques, qu’ils n’ont pas abandonnés à la frontière. Ces bagages étaient même si pesants qu’une partie de leurs arrière-petits-enfants continuent à les porter. Énumérons-les, une fois encore, puisque tout en découle : origine du tiers-monde, mœurs communautaires, majorité musulmane, culture de l’honneur, passé colonisé, démographie dynamique, endogamie élevée, faible niveau culturel, productivité et employabilité inférieures, coagulation en isolats géographiques et, surtout, donc, aggravation de ces dispositions au fil des générations dans un contexte global de vengeance du Sud sur le Nord. De ce point de vue, la distinction entre guerre « civile » et « étrangère » ressort brouillée. Nous sommes, au minimum, dans un cas hybride, qui efface, dès le départ, la dimension fratricide des luttes entre Armagnacs et Bourguignons, catholiques et protestants, et où la géopolitique intervient au moins autant que la politique. C’est pourquoi je préfère parler de confrontation interne, vulnérable à des ingérences extérieures. Dans ce tableau, il faut toutefois réserver un sort particulier à l’outre-mer, héritier lui aussi de l’ère coloniale, et doté d’une géographie lointaine et insulaire : on peut y voir des « laboratoires », où des débuts d’insurrection ont déjà opposé des citoyens français, selon leur origine ethnique. Enfin, une « vraie » guerre civile est une lutte armée, au sein d’une même collectivité, entre parties organisées qui s’en disputent le contrôle. Soit le basculement, brutal et total, d’un pays tout entier dans une violence physique concertée. Je le redis : cette vision paraît simpliste. Car d’innombrables hypothèses, plus complexes, sortant des sentiers battus, peuvent se vérifier. Même si nous pensons très fort à l’Empire romain, nul précédent ne saurait nous guider. Gardons à l’esprit qu’aucune société, avant la nôtre, n’a vécu sous le règne de l’individualisme de masse, sorte de terra incognita, sans carte ni boussole. Si nous ne nous dirigeons pas tout à fait vers une « guerre civile », vers quoi allons-nous ? Mon sentiment est le suivant. Bien avant d’en arriver à une bataille à mort pour la souveraineté, nous allons continuer de nous enfoncer dans des sables mouvants. Le raz-de-marée migratoire, s’il persiste, va produire un enchaînement de dégradations, à la fois sous-jacentes dans la durée et explosives dans l’instant. L’immigration actuelle est un fait social total dont les ondes de choc se font sentir partout. Pour les schématiser, elles raniment, d’abord, les clivages non négociables, c’est-à-dire non solubles en procédures, que nous pensions derrière nous : discorde religieuse, inimitié coloniale, fléau racial, gouffre culturel, allégeances nationales incompatibles, auxquels s’ajoute, pour faire bonne mesure, inadéquation économique. En bref, nous prenons, en pleine figure, le boomerang d’une Histoire, loin d’être finie ailleurs. Cheminement souterrain, donc, quand ces disruptions, imperceptibles au jour le jour, finissent par émerger à force de cumulation. Bouffées détonantes lorsque, de ces transformations, naissent des contradictions que les mécanismes d’absorption – autrefois performants avec les eurochrétiens – ne parviennent plus à surmonter. La violence devient, alors, la seule issue. Violence multiforme – délinquante, nihiliste, métapolitique –, d’abord sporadique et dispersée, mais prenant une tournure agglutinante, au fur et à mesure qu’empirent les dérèglements. Soit, au final, un processus quasi volcanique, associant un magma souterrain, porteur de tendances lourdes, et des éruptions soudaines, survenant à tout prétexte. Étant entendu que le choix n’est pas toujours entre la vie et la mort, mais aussi entre une existence qui mérite d’être vécue et d’autres qui n’en valent pas la peine. Sinon, à quoi bon ? J’ai bien conscience qu’ainsi esquissé, ce futur reste nébuleux. Ce qui n’interdit pas d’ouvrir un cadre de réflexion, qui, tout en essayant d’exclure la paranoïa – tâche parfois difficile – met en évidence un éventail de possibles. Sous la forme de l’État de droit, l’État régalien n’est plus que l’ombre de lui-même Pierre Brochand Vous parlez d’un « cadre de réflexion ». Pouvez-vous mieux le cerner ? À mon avis, il faut commencer par prendre conscience du point d’arrivée, lui, irrécusable : une France à majorité africaine et musulmane, bien avant la fin de ce siècle. Bouleversement que je défie quiconque d’espérer paisible et débonnaire. La logique conduit, donc, d’abord à identifier les acteurs de cette tragédie. Si l’on en croit la grille de lecture en vigueur, ils sont en nombre illimité, puisque tout n’est que cas particuliers. Ce n’est pas mon approche. Mon expérience professionnelle m’incite à commettre le péché d’amalgame. Les groupes restent des agents historiques déterminants, et le redeviennent encore plus quand refont surface les casus belli d’antan. Pour moi, ces groupes sont au nombre de quatre. Le plus proactif est constitué de « ceux venus d’ailleurs ». Le critère pertinent, pour l’analyser, est celui de l’acculturation. Faute de statistiques, je m’en tiendrais à l’intuition. Sur un effectif qui atteint désormais 25 à 30% des résidents (sur trois générations), les « assimilés » ne sont plus, à mon sens, que 5 à 10%, les « intégrés » comptent pour 30 à 40% et le reste flotte de la non-adhésion à la haine sur fond d’assistanat. La jeunesse masculine en représente le fer de lance. C’est à travers cette dernière strate que sont ravivés, dans l’espace public, les us et coutumes des pays de départ, avec lesquels nous n’avons jamais demandé à cohabiter. J’attire l’attention sur le fait que l’intégration, « espoir suprême et suprême pensée », n’est qu’un CDD (le respect de la loi contre l’emploi, chacun gardant son quant-à-soi) : en période de basculement, les intégrés pèseront naturellement dans ce sens. Restent « ceux d’ici », les « déjà-là », rejoints par la frange des assimilés. Là aussi, en usant d’une sociologie de la hache, j’y distinguerai trois sous-groupes. « Ceux d’en haut » forment un noyau dur minoritaire, à l’abri des métropoles, à partir desquelles ils font rayonner l’idéologie du « laissez passer, laissez tomber », apothéose prétendue de la « civilisation ». Métropoles où se nouent, d’autre part, des relations pragmatiques de connivence, au moins matérielles, avec « ceux d’ailleurs », rassemblés alentour. « Ceux d’en bas » (65 à 70% du grand total) n’ont pas la même vision : soumis en permanence à des chocs avec des « civilisations » (minuscules, plurielles) aux pratiques antithétiques des leurs, ils n’acceptent plus cette situation et cherchent à le faire savoir poliment, sans y parvenir. Néanmoins, le haut et le bas se retrouvent pour rejeter l’autodéfense et se blottir derrière un quatrième agent : les forces de l’ordre, seule formation armée autorisée sur le territoire français. Ce monopole de la violence est, toutefois, soumis à fortes contraintes. D’abord budgétaires : l’efficacité de ces « gardiens de la paix » est conditionnée par la taille de leurs effectifs, ce qui pose le problème crucial de leur saturation en cas de coup dur. Restrictions juridiques, surtout, sous la forme de l’État de droit, pierre angulaire de la « société des individus » : sous ce régime, l’État national régalien, modèle prédominant auparavant, n’est plus que l’ombre de lui-même. D’une certaine façon, il est même un adversaire à désarmer, car menaçant, du reste de son autorité, les droits fondamentaux de chacun, étrangers et malfaisants compris. Cette impuissance voulue est source d’une incohérence mortelle. En effet, l’immigration ne tombe pas du ciel. Elle est, elle aussi, la conséquence du renversement de paradigme, survenu dans les années 1970, quand nous sommes passés de l’autodétermination des peuples, délimitée par des frontières, à celle des individus, libres de se mouvoir à l’échelle planétaire. Révolution qui, d’un même élan, a donné le feu vert à des exodes massifs, et empêché la puissance publique des pays de destination de les entraver. Or, la survie d’un tissu social, aussi fragile que le nôtre, ne tient qu’à un fil : celui d’une homogénéité culturelle parfaite, autour d’un « néochristianisme païen » unanime, seul à même d’intérioriser l’injonction du vivre-ensemble. Personne ne niera que les nouveaux venus n’ont pas du tout – mais, alors, pas du tout – suivi ce parcours historique, qui nous a conduit à l’épuisement de l’inimitié. D’où la quadrature du cercle : une société qui se veut ouverte mais ne peut se perpétuer que fermée à ceux qui ne partagent pas sa xénophilie. Voilà pour la distribution de la pièce, où nous jouons notre survie. Les réseaux sociaux enclenchent des spirales de contamination aussi soudaines qu’incontrôlables. OLIVIER CORET / OLIVIER CORET pour le Figaro Mag Si nous continuons d’explorer votre cadre de réflexion entre ces acteurs, quels sont les paramètres principaux des évolutions à venir ? Ce que vous me demandez, c’est comment va évoluer le rapport des forces. Si l’on reprend la métaphore d’un fleuve souterrain incandescent, la question devient : quels sont les éléments qui l’accélèrent et ceux qui le ralentissent ? L’accélérateur décisif est, bien sûr, la démographie, indicateur le plus fiable des temps futurs. On ne le répétera jamais assez : nous nous acheminons vers une inversion de majorité, ethnique et religieuse, dans notre pays. Ce n’est plus l’épaisseur du trait. De surcroît, ce chassé-croisé, hors de contrôle, tend à l’exponentialité : il se nourrit des droits opposables, dont se prévalent les immigrés, mais aussi de l’auto-engendrement des diasporas, qui génèrent un fort excédent naturel, disparu chez « ceux d’ici ». En outre, l’immigration est une grandeur non scalable, dont la qualité mute avec la quantité. D’où la notion de masse critique, au-delà de laquelle ce qui était possible en deçà ne l’est plus. Les quartiers où tous ces seuils sont dépassés sont la vitrine de ce qui nous attend. On y retrouve les réminiscences des pays de départ, dont aucun n’est démocratique, développé et égalitaire : incivisme, xénophobie, intolérance, banditisme, omerta, consanguinité, corruption, clientélisme, etc. Ce chamboulement, annoncé par l’arithmétique, ne peut se dérouler sans convulsions. Il y a aussi des « retardants » au processus. Mais ce ne sont, hélas, que des expédients temporaires visant à reculer pour mieux sauter. Le premier est l’évitement, entre anciens et nouveaux. Chacun vote avec ses pieds et se regroupe par affinités, preuve par neuf qu’on ne s’apprécie que mollement : « ceux d’en haut » dans la zone verte des centres-villes, « ceux d’en bas » en France périphérique, « ceux d’ailleurs » dans les banlieues. À ce contournement primaire s’ajoutent des fuites secondaires : la ruée vers l’enseignement privé, l’expatriation des jeunes diplômés, l’alya des Français juifs. Mais le vase déborde déjà : en attestent la répartition autoritaire des demandeurs d’asile en milieu rural et l’implantation obligatoire de logements sociaux dans des villes qui n’en veulent pas. Ensuite, viennent les petits arrangements pour acheter la paix sociale, voire des gains électoraux, sans secouer le cocotier. Ces concessions unilatérales se pratiquent à tous les échelons, depuis la politique de la ville au niveau national, jusqu’aux compromissions municipales, avec des consultants peu recommandables (imams, caïds, grands frères). On songe à la du Barry : « Encore une minute, monsieur le bourreau ! » Autre aspect : les deux minorités actives, susceptibles de coordonner les « révoltés » – trafiquants et Frères musulmans –, n’ont pas intérêt à renverser immédiatement la table. Les premiers en sont au stade embryonnaire de la cartellisation (DZ Mafia), avec pour ambition d’éliminer la concurrence et d’exploiter la poule aux œufs d’or, sans l’achever. Les seconds préfèrent l’entrisme à bas bruit afin d’imposer progressivement les codes de leur religion, en comptant sur l’inexorable loi du nombre pour triompher. Reste le plus grand frein à la belligérance : le comportement des « natifs d’en bas ». Chacun admire leur retenue («vous n’aurez pas notre haine »). Certes, leurs votes, croissants, en faveur de la « maîtrise des flux » montrent que leur imaginaire demeure national. Mais leur choix dans l’isoloir ne se double d’aucune démonstration de rue, pourtant circuit le plus court pour se faire entendre en France. Le poids des seniors ne pousse, évidemment, pas à l’action ni aux changements de cap. Mais, surtout, l’ensemble de la société vit sous les sédatifs obligatoires, que réclame le traitement de l’anarchie individualiste et de l’agressivité multiculturaliste. Citons pêle-mêle : la recherche du bien-être par la consommation, comme unique but commun ; la manipulation des émotions tétanisantes, telles que la peur (épidémies, Russie, climat) et la culpabilité (Vichy, colonialisme, racisme) ; le recours transversal au divertissement. Encore davantage, l’individu-roi, replié sur lui-même, attache un prix démesuré à sa vie biologique, occasion unique à ne pas rater, face à des extraterrestres (terroristes, délinquants) dont les valeurs « héroïques » lui sont devenues illisibles. C’est pourquoi les manifestations qu’il s’autorise – marches blanches, bougies, peluches – clament, avant tout, son refus d’en découdre. Les Français n’ont-ils pas restitué 150.000 armes en 2022 ? Notre orgueil de civilisé est de refouler nos pulsions. Attitude louable et honorable. Mais, alors, ne nous plaignons pas si nous sommes confrontés à des dissidences, que notre passivité enhardit. "La tiers-mondisation de notre corps social n’ira pas sans gros dégâts collatéraux" Pierre Brochand Vous évoquez un fleuve souterrain qui avance, mais aussi fait éruption en surface. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce point ? Notre pronostic vital est-il engagé, comme vous l’envisagiez en 2023 ? Il faut partir de l’état des lieux ! 1500 portions de territoire, en « peau de léopard », échappent au plein contrôle des autorités publiques, et la pression sociale qui s’y exerce va à rebours de nos façons de vivre et de penser. Se répand, dans ces contre-sociétés enclavées, une guérilla de basse intensité contre ce qui y subsiste de l’État national et, plus généralement, d’influence française (pompiers, médecins, enseignants, arbitres). Un pessimiste y décèlerait même le retour, en mode mineur, des insurrections coloniales : commissariats-fortins, check-points, « hits and runs » réciproques, caves-sanctuaires, contraste jour/nuit, lutte pour la « conquête des cœurs » (la politique de la ville, resucée du Plan de Constantine, contre l’entraide sociale fournie par imams et dealers), recherche d’interlocuteurs valables, « porteurs de valise », omerta ordinaire, etc. Ne manque – et ce n’est pas rien – que l’armature du FLN. La crainte la plus plausible est que cet écosystème ne gagne en extension, fréquence et intensité, en vertu de la combinaison d’effectifs qui s’accroissent et d’une distance culturelle qui ne se réduit pas. Le modèle, que je privilégie, vous l’aurez compris, est celui de plaques tectoniques, mises en branle par le couple infernal individualisme-immigration, dont le frottement produit des étincelles qui finissent par embraser la plaine. Sur cette base, rien, hélas, n’interdit que soient franchis, un à un, des seuils critiques irréversibles : usage d’armes létales, pénétrations en « zone verte », submersion des forces classiques, entrée en scène de l’armée, prises d’otages, etc. Parmi les phénomènes déstabilisants, un sort à part doit être fait au terrorisme, bien sûr, mais encore plus aux pillages, auxquels les jeunes des quartiers se sont déjà adonnés : rien n’est plus facile, contagieux et efficace pour réduire à zéro la confiance sociale, libérer les instincts et mettre à genoux une société, bien au-delà des méfaits eux-mêmes. Et, voilà que, pour couronner le tout, pointent les drones, innovation stupéfiante qui met à portée de chacun des capacités incalculables de dissémination de la terreur. En fond de tableau, il faut aussi garder à l’esprit que nous vivons sur le fil du rasoir, en raison de notre dépendance à des réseaux, qui sont autant de catalyseurs de chaos. Les réseaux « sociaux » remettent au premier plan la psychologie des foules, décuplent le potentiel de tangage et enclenchent des spirales de contamination aussi soudaines qu’incontrôlables. Quant aux « vitaux » – électricité, eau, gaz, transports, communication –, leur rupture nous renverrait en un éclair à un état de nature, où régneraient les moins inhibés, dont on devine qui ils seraient. À l’échelle nationale, ce scénario, qui suppose un haut degré de planification et exécution, relève de la science-fiction et nous éloigne des quartiers pour nous renvoyer vers des activistes indigènes, voire des services étrangers. Mais, on ne saurait écarter des applications locales, dont tireraient parti les éléments incontrôlés, dont il est question ici. Quant aux détonateurs proprement dits, la liste en est plus longue qu’on ne croit : aux attentats d’ampleur, « bavures », heurts communautaires habituels s’ajoutent des situations insoupçonnées, comme une brutale sortie de l’euro, suscitant une ruée vers les banques et, par engrenage, une déstabilisation de la rue, livrée aux exactions. Sans doute aucun de ces « fantasmes raisonnés » ne se produira, à brève échéance. Sans doute allons-nous continuer à vivre sur les pentes d’un Etna, dont les projections ne frapperont pas tout le monde, tout le temps, mais de plus en plus de monde, de plus en plus souvent. En tout cas, restons sûrs que la tiers-mondisation de notre corps social n’ira pas sans gros dégâts collatéraux, y compris physiques. Jusqu’à l’engagement du pronostic vital ? À très long terme, on ne peut malheureusement qu’opiner, en raison de la dynamique démographique, hors laquelle, il faut bien le reconnaître, tout n’est que bavardage, plus ou moins informé. Cette grande régression peut-elle être enrayée ? Un redressement est-il possible ? Comment ? Contrairement aux apparences, c’est votre question la plus facile, car les réponses existent et sont devenues banales. Mais, elles sont aussi inévitablement féroces, à proportion du temps et du terrain perdus. S’il reste une petite chance d’éteindre la mèche, il n’est d’autre voie que celle d’un radicalisme sans remords. Soit, à la fois, réduire les flux d’entrée à leur plus simple expression, reprendre le contrôle des diasporas et rétablir l’ordre public. Ce qui est tout à fait possible, mais exige un formidable regain de volonté. D’abord, prendre des mesures immédiatement opérationnelles en matière d’immigration (gel des régularisations, réduction drastique des naturalisations, raréfaction des visas des pays à risque). Puis, enjamber le préambule constitutionnel, indispensable au rétablissement des droits, collectifs et autonomes, du peuple français. Enfin, sur ce canevas, faire flèche de tout bois : externaliser les demandes d’asile, ramener à zéro l’attractivité sociale et médicale de la France, dégonfler les diasporas en agissant sur les titres de séjour, muscler la laïcité en l’étendant à l’espace public. Plus généralement, s’attaquer au virus mortel de l’impunité, par une réforme pénale décomplexée, s’adressant au moins autant aux peines, telles qu’elles sont décidées et appliquées, en cas de récidive, qu’à leur quantum. Sous cette brève formulation, l’ordonnance cache, on le sait, une entreprise herculéenne, dont, les choses étant ce qu’elles sont, j’ai le plus grand mal à imaginer qu’elle soit mise en œuvre. Mais, à l’inverse, je suis en mesure de garantir à vos lecteurs que, si nous persistons à céder au biais de normalité, pour repousser à plus tard ce qui aurait dû être fait hier, nous ne préparons pas à nos descendants des lendemains qui chantent.
par Pierre Nerval 15 octobre 2025
Un post X de Pierre Nerval : Lundi 13 octobre 2025, Emmanuel Macron s’envolera pour l’Égypte, persuadé qu’il va marquer l’Histoire en soutenant la première phase du plan de paix élaboré sous l’impulsion de Donald Trump, en coordination avec le Qatar, la Turquie et l’Égypte. En réalité, il n’y marquera rien... sinon la confirmation d’un trouble narcissique devenu incompatible avec la fonction de chef d’État. Car tout, chez Emmanuel Macron, est désormais mise en scène. Ce déplacement, présenté comme un geste diplomatique fort, n’est qu’un nouveau chapitre du roman qu’il écrit sur lui-même : Macron, l’homme providentiel. Mais la diplomatie ne se nourrit pas de poses, et la paix ne se bâtit pas à coups de photos devant les pyramides. Ce président vit dans un théâtre permanent. Il ne gouverne pas, il se projette. Il n’écoute pas, il parle de lui. Il ne consulte pas, il s’impose. Chaque déplacement devient un plateau de tournage, chaque déclaration une réplique, chaque crise une occasion d’apparaître. La France, elle, n’est plus qu’un décor de prestige... un arrière-plan commode pour ses ambitions d’acteur global. ... Pendant qu’il parade au Caire, les Français s’enlisent dans la crise économique, la perte de confiance, la fatigue morale d’un pays sans cap. Et tandis que les grandes puissances mènent la partie diplomatique à coups d’influence, d’énergie et de stratégie, notre président se rêve en chef de paix universel sans en avoir ni les moyens ni la crédibilité. Il ne voit pas que son narcissisme étouffe l’efficacité, que sa parole lasse autant qu’elle divise, et que son image, devenue son obsession, ridiculise la France qu’il prétend incarner. Un président qui s’aime trop finit toujours par oublier son peuple. Ce voyage en Égypte, qu’on nous vend comme un acte de diplomatie, n’est qu’un pèlerinage à son propre culte. Macron n’ira pas chercher la paix : il ira chercher son reflet.
par Alexandre Devecchio dans FigaroVox 4 octobre 2025
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