Je suis de droite parce que ...

Natacha Gray • 18 août 2019

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1 - Je ne suis plus de gauche

Longtemps je me suis crue de gauche.

Parce que mes parents l’étaient, et mes grands-parents aussi, et mes arrière-grands-parents, et qu’à gauche, à l’époque, c’était comme pour les professeurs, on l’était de génération en génération. Ou alors c’est que nos parents avaient raté quelque chose dans notre éducation militante, qu’ils pensaient citoyenne, et qu’ils avaient engendré un traître, un jaune, un nanti…

De gauche, je devais l’être aussi par conformité au groupe, puisqu’apparemment tous mes collègues, comme ceux de mes parents autrefois, étaient aussi dans le camp du Bien, vent debout contre celui du Mal, les exploiteurs, les capitalistes, les riches, les possédants, bref tout ce que nous n’étions pas, à l’exception de quelques originaux ou vieux grognons marginalisés. Du moins est-ce ainsi que, dans mon milieu professionnel, la majorité non silencieuse décrivait ceux ou celles qui sortaient de la norme et s’excluaient de facto du groupe. J’ai en effet travaillé comme enseignante dans une autre vie. Autant dire que, chez ces gens-là, monsieur, on n’était pas vraiment de droite !

De gauche, je l’étais aussi nécessairement, puisque j’avais bon cœur, bien qu’un président de droite eût prétendu, quand je n’avais pas encore le droit de vote, lors d’un débat avec notre champion d’alors, que nous n’en avions pas le monopole. Je maîtrisais en effet les éléments de langage qui vont bien, je prônais la solidarité avec les plus faibles, le partage avec les plus démunis, j’étais pour la paix, l’amour, contre la guerre et le racisme, pour l’immigration sans contrôle et l’accueil sans conditions, je n’étais donc pas du côté des égoïstes, mais des généreux, héritière des idéaux des héros et martyres qui donnèrent jadis leur sang pour nos libertés et nos acquis sociaux. La gauche, nous le savions tous, de manière innée, sans même avoir besoin de le démontrer, c’était le camp des gentils, d’ailleurs je l’avais appris à l’école, puis plus tard dans mes études d’Histoire dans le supérieur, et cela m’était même désormais confirmé par les médias soudain devenus très critiques envers la droite après l’avènement d’une alternance tant attendue.

Et puis surtout, il n’était pas possible d’être dans le camp d’en face, puisqu’a contrario la droite c’était méchant, égoïste, rempli de vilains patrons nécessairement exploiteurs, d’infames capitalistes comme ceux qui, un siècle auparavant, faisaient trimer les ouvriers sans droit au repos et demandaient à la maréchaussée de tirer sur la foule quand les exploités osaient se regrouper et demander de meilleures conditions de travail. D’ailleurs la droite c’était si terrible qu’on ne pouvait pas dire son nom dans une conversation sans une moue de dégoût ou d’appréhension : il faut dire que ces gens-là, dans le camp d’en face, étaient fort puissants, car vous pensez bien, ils avaient entre leurs griffes les commandes des finances du monde et magouillaient entre eux pour trouver le moyen de soutirer au travailleur honteusement exploité le plus de pognon possible gagné à la sueur de son front. La droite, bien assise sur ses rentes et faisant trimer les autres, ne transpirait pas, elle, ni du front, ni d’ailleurs. Les sonorités-même du mot disaient bien ce qu’elles voulaient dire : les deux premières consonnes, si dures, suivies d’une sonorité rauque et traînante : la drrrroâte, rien qu’à prononcer son nom, c’était quasiment « le vol noir des corbeaux sur nos plaines ». Pour certain c’était l’infâmie suprême, le noyau de la cerise qui reste sur le gâteau pourri (« c’est vraiment une sale personne. En plus, elle est de droite »), ou au contraire la vilaine tâche sur le joli costume, la précision que l’on ajoutait en baissant la voix, gêné de reconnaître que l’on trouvait quelque qualité à l’un ou l’autre de ces exploiteurs (« je m’entends bien avec lui, pourtant on m’a dit qu’il est de droite »).



La preuve que nous ne nous trompions pas (quoiqu’à l’époque, confortablement installée dans mes certitudes - car à gauche, on ne doute pas - je n’avais donc nul besoin de la moindre confirmation), c’est que la droite elle-même semblait avoir honte d’être ce qu’elle était.

Quasiment personne dans notre entourage ne disait voter à droite, alors que les résultats des élections prouvaient que le camp d’en face avait autant de sympathisants que nous, parfois un peu plus, parfois un peu moins, même dans nos quartiers ou villages où nous nous connaissions tous. Cette droite, à l’exception de ses porte-parole médiatiques qui représentaient les appareils de parti, était donc sans visage. S’il est vrai qu’à gauche on évolue beaucoup dans l’entre-soi, ce qui donne peu d’occasions de se frotter à la contradiction, aux différences réelles, et encore moins à l’adversaire politique perçu comme l’ennemi traditionnel dans une éternelle lutte des classes, il n’en reste pas moins que les électeurs de droite paraissaient se terrer, comme conscients d’être ce qu’ils étaient : des méchants, des égoïstes, des riches qui ne voulaient pas qu’on sache qu’ils étaient riches. Ah les riches, autre qualificatif maudit, ils étaient nécessairement méchants, donc de droite, et vice-versa. Nous on travaillait dur et pourtant on peinait à boucler les fins de mois, donc eux, comme il n’était pas possible de travailler davantage que la plupart d’entre nous ou que nos parents que l’on avait vu revenir exténués, c’est qu’ils le volaient , leur pognon. Dans nos poches qu’ils le prenaient, ces infâmes rentiers ! Pas étonnant qu’ils soient tous de drrrrroâte.

Et puis leurs élus, quand ils sont revenus au pouvoir, avaient tellement honte et peur qu’on leur mette le nez dans leur infâmie, qu’ils se sont mis à faire une politique de gauche, ou en tous cas à ménager la chèvre et le chou, et qu’ils ont renoncé à tous ces trucs de droite qu’ils promettaient auparavant à leur électeurs, passant leur temps à donner à l’opinion publique sur le plan national, à leurs administrés sur le plan local, des gages prouvant qu’ils n’étaient ni racistes, ni sécuritaires, ni islamophobes, ni contre l’immigration même illégale, ni trop liés à l’Église catholique et à des mœurs que la Bien-pensance du temps présent jugeait rétrogrades, ni trop attachés au passé (car les valeurs, l’Histoire, c’était déjà « réac »), ni anti-service public, ni contre l’impôt redistributif évidemment dont il n’était donc plus question de desserrer l’étreinte .

Toute cette droite qui n’osait plus prononcer son propre nom (on y était « plutôt conservateur », « pas vraiment à gauche ») s’était mise, comme la gauche avant elle, à oublier de parler France, grand récit national, valeurs, fierté, frontières, laïcité, Marseillaise, élitisme républicain, langue et littérature françaises, drapeau puisqu’en face on disait que c’était « réac » puis plus tard « facho », voire « raciste » (puisque cela « stigmatisait » ceux qui n’étaient pas nés français). Pour la petite histoire, c’est d’ailleurs à ce moment-là qu’un parti encore un peu maigrichon, qui vivait alors une seconde naissance et que l’on disait à l’époque à l’extrême droite de la droite, ramassa par terre tout ce bazar abandonné et ces symboles oubliés dont personne ne voulait plus (le drapeau, l’hymne national, l’Histoire, la patrie, les frontières…) et les fit utilement fructifier à son profit. Plus tard, les négligents de droite et de gauche prétendirent qu’il les avait confisqués. Que nenni, la gauche les abandonna et les méprisa, la droite alors à la remorque de son ennemie jurée à qui elle s’efforçait néanmoins de ressembler lui emboîta le pas en se pinçant le nez. Le FN recueillit donc et adopta ces orphelins. Bien lui en prit. Il connût dès lors une progression régulière car si les « élites » des différents partis et de la sphère médiatique s’en étaient totalement désintéressés, une portion croissante du corps électoral français regrettait ces valeurs qui fondaient l’identité collective de la Nation et un certain art de vivre « à la française ». Le parti qui avait ramassé les symboles et les valeurs perdus commençait à parler d’un système UMPS où c’était bonnet blanc et blanc bonnet, puisque l’une donnait le tempo et que l’autre dansait sur la même musique. Et les électeurs, de fait, ne voyaient plus très bien la différence entre les deux. Mais c’est là une autre histoire.

Bref, fut un temps, un temps long, où la gauche était fière et la droite honteuse. En aucun cas, même si je m’étais alors interrogée sur mon engagement, je n’aurais été parmi les perdants sans honneur qui faisaient tout pour montrer à la gauche, dominante culturellement, qu’ils n’étaient pas ce que l’on prétendait qu’ils étaient. La droite me faisait penser à ces enfants mal aimés, qui restent des adultes toujours aussi mal aimés, et qui font des pieds et des mains toute leur vie pour se faire accepter de parents peu aimants, quémandant servilement un peu d’attention et de reconnaissance : peine perdue, quoi qu’ils fassent, ils resteront toujours les vilains petits canards de la famille. Pour moi l’honneur était de proposer, et il fut un temps où la gauche le faisait (ce qui est loin de sous-entendre que les idées furent bonnes, encore moins qu’elles n’eurent pas, à moyen et long terme, des conséquences fâcheuses, mais au moins on osa et on tenta). Or la droite, pardon je veux dire les libéraux, les conservateurs, les « pas de gauche « , les « réalistes », les « pragmatiques » …, ceux qui n’osaient même plus prononcer le nom de leur camp politique, se contentaient de singer la gauche sur le plan sociétal ou de réagir au coup par coup en passant le temps à se justifier d’un air péteux, voire à s’excuser… C’est bien qu’elle avait quelque chose à se reprocher…



Mais, progressivement, il me fut de plus en plus impossible de me dire de gauche. Et je finis par admettre que, si j’étais quelque part, ce serait « plutôt à droite ».

La gauche en effet m’avait déçue, entre les effets à court et moyen termes des politiques entreprises et la politique de l’autruche, l’incapacité de reconnaître ses erreurs, jusqu’aux dénis de réalité. Et j’étais loin d’être la seule. Comme les militants, sympathisants et électeurs désertaient, on allait racoler ailleurs, dans les cités, chez une nouvelle clientèle, les personnes issues de l’immigration, en adaptant le discours à ces nouvelles cibles, ou en y laissant en toute impunité des propagandistes allogènes récrire l’Histoire, diffuser la haine et les récriminations, quitte à jeter aux oubliettes la laïcité (incapable de s’accommoder d’un multiculturalisme ayant sombré dans le communautarisme revanchard et victimaire). Pour ne pas « stigmatiser » les électeurs de remplacement, on transformait l’égalité des droits, et son corollaire l’élitisme républicain (apte depuis toujours à tirer vers le haut les plus défavorisés grâce à l’effort, au travail, à la persévérance et à l’École républicaine exigeante), en égalitarisme nivelant vers le bas, soucieux de ne voir dépasser aucune tête pour préserver la paix sociale. On transformait ainsi l’École pour qu’elle se mette au niveau des plus faibles (ou des plus fainéants), on sapait toutes les bases de l’autorité. À l’humanisme des Lumières se substituaient à la fois une Bien-pensance donneuse de leçons et un paternalisme quelque peu méprisant envers une clientèle issue de l’immigration suspectée à tort de ne pas être capable du même effort et de la même capacité d’adaptation que ses prédécesseurs. Le pire à mes yeux était de voir cette gauche, où le débat fut vif en interne dans les années 1980 et le début des années 1990, refuser toute remise en cause, tout échange, toute discussion, toute énonciation d’une opposition, et s’enfoncer dans les procès d’intention, la criminalisation de l’adversaire, le terrorisme intellectuel dont le seul objectif était de donner mauvaise conscience au contradicteur et le faire taire dans une forme d’autocensure quasi-automatique.
Cette hystérisation volontaire de l’échange politique, cette criminalisation de la divergence d’opinion, tiennent de l’absence d’arguments et, probablement, de la prise de conscience par certains à gauche que les faits (crise économique, chômage et désindustrialisation, effondrement de l’École républicaine, mise en cause tous azimuts de l’autorité, problèmes sécuritaires, éclatement de la société française sous les coups de boutoirs des minorités et des revendications individuelles, montée de l’islamisme, perte de souveraineté, euroscepticisme croissant) remettaient ostensiblement en cause tout ce à quoi on avait cru depuis des décennies. La doxa socialiste et communiste prenait l’eau de toutes parts. Plutôt que de risquer la contradiction, on choisissait donc de criminaliser toute opinion divergente et de répandre cette terreur intellectuelle qui faisait taire l’adversaire avant tout débat de peur de se faire à son tour stigmatiser et traiter de « facho » par les nouveaux fascistes qui osaient encore parler de liberté de conscience et d’expression. Liberté, il est vrai à usage exclusif de leur nouvelle clientèle électorale. Et voilà la gauche, en position dominante dans les médias, tombant dans le deux poids deux mesures et devenant la championne du déni de réalité et du terrorisme intellectuel dans des dénonciations et mises au pilori d’intellectuels dissidents, renouant avec la tradition, mais cette fois par voie médiatique, des grands procès de Moscou. Pour elle, désormais, il s’agissait moins de débattre, de convaincre, mais d’éliminer toute contradiction, y compris par l’image, en attaquant l’adversaire, présenté comme un ennemi de classe (souvent de manière préventive, par procès d’intention) via l’insulte et la chasse à l’homme sur les réseaux, l’épuration numérique devenant la forme civilisée de l’épuration politique ou ethnique des dictatures d’autrefois.

Et moi, pendant ce temps-là, comme tant d’autres, je restais accrochée à mes valeurs : la liberté avant tout, dont celle de penser et d’exprimer mes opinions, qu’on ne m’accordait plus ou que l’on refusait à d’autres, si je refusais de bêler avec le troupeau, celle qui s’arrête où commence celle de l’autre, ce qui introduit la notion de contrat social et de respect des lois, donc des autorités chargées de les faire respecter; la responsabilité, qui suppose que l’on sache reconnaître ses erreurs et que l’on tente de les réparer, de s’attaquer de front aux problèmes au lieu de les nier ou de les contourner ; le pragmatisme, qui depuis toujours me faisait fuir tout idéologie et me rendait déjà critique au sein de mon parti, démarche qui oblige à partir des faits à partir desquels on élabore ou adapte une doctrine et non d’une doxa immuable dans laquelle on fait rentrer les faits de force, quitte à les mettre en pièces ; la fraternité, synonyme à mes yeux de solidarité et non d’un droitdelhommisme bêlant qui relativise tout et tombe dans l’ « autruisme », cette disposition masochiste qui mêle détestation de soi et survalorisation de l’autre, jusqu’au reniement, jusqu’à parfois inverser les responsabilités et transformer des bourreaux en victimes, et vice-versa. ; le patriotisme, c’est-à-dire l’attachement à mon pays, l’acceptation de son Histoire, la fierté d’y appartenir, très loin du déclinisme et d’une culpabilisation constante quasi-maladive ; la conviction que tout droit s’accompagne d’un devoir, comme on nous l’apprenait à l’École d’autrefois, que l’on n’a rien sans rien, que le mérite peut permettre de dépasser la naissance et que l’ascenseur social suppose des structures mais aussi un effort individuel, bien loin de l’assistanat ; la certitude que dans un État de droit, il faut des forces de l’ordre dépositaires de l’autorité, pour que s’applique le droit, seules autorisées à ce que certains appellent la violence légitime de l’État mais qui n’est que la réaction légitime à une violence illégitime ; l’égalité des droits, qui n’a rien à voir avec l’égalitarisme coupeur de tête et destructeur de l’effort et du mérite : bien au contraire, par le travail, le talent, parfois la chance, et grâce aux infrastructures offertes par la France, l’objectif est de se hisser toujours plus haut et non de faire descendre tout le monde au niveau le plus bas, dans une sorte de médiocratie contagieuse et facile ; la défense de la libre entreprise, ou de l’entreprise tout simplement, qui n’est pas l’ennemie du salarié ni de l’ouvrier, bien au contraire puisqu’elle crée la richesse, l’emploi, la prospérité ; la démocratie représentative, que je défends faute de mieux, la dictature des masses me semblant tenir davantage du sens commun que du bon sens car, faute de connaissances ou de temps pour s’informer, on tombe vite dans le slogan, la caricature, le manichéisme malsain et réducteur (l’ennemi de l’hygiène intellectuelle), la violence de la meute, la manipulation par plus malin que soi. L’ensauvagement progressif puis accéléré d’une société française irréfléchie, manipulable par le slogan et l’émotion, où certains vont jusqu’à prétendre que « sans la violence on n’obtient rien », a achevé cette année de m’en convaincre.

Ces valeurs, ce sont conjointement celles que mon éducation parentale, l’École de la République et mes expériences personnelles ont ancrées en moi. Avaient-elles été un jour de gauche ? Autrefois, pour certaines je le crois, mais pas exclusivement. L’Histoire montre bien que les idées et valeurs changent souvent de camp : il exista bien une époque où la gauche défendait frontières, nation et laïcité face à une droite mondialiste et championne d’un catholicisme qui ne s’était pas encore sécularisé. Quoi qu’il en soit, la gauche des années 2000 les avaient bel et bien abandonnées. Pire, elle en rejetait certaines comme « réac », « facho », « de droite ». Et la droite, elle, commençait à dire à haute voix que ces valeurs étaient siennes.

Alors fut un temps, au départ, où je prétendis que la gauche n’était plus à gauche, qu’elle avait trahi, mais que j’étais toujours là où elle n’était plus. Puis, face à la persistance de mon « camp » dans les erreurs et les dénis de réalité (pour moi le symbole-même de la crasse intellectuelle), je me mis à dire « je ne suis plus de gauche, je suis ailleurs », moins par honte d’avouer où j’étais que parce que je ne le savais plus moi-même, entre une gauche empêtrée dans ses erreurs qui ne cessait de casser le thermomètre pour éviter d’avoir à trouver un remède contre des troubles qu’elle avait largement contribué à générer et une droite honteuse qui ne semblait plus savoir elle-même où elle habitait.
Un jour, je me surpris à oser reconnaître que j’étais, finalement, « plutôt de droite ». Car au tournant du XXIe siècle je commençais à entendre clairement mon discours, la défense de mes valeurs … dans le camp d’en face. C’est que dans les années 1990.2000, la droite avait repris du poil de la bête grâce à certains intellectuels à la tête bien faite, comme Alain Madelin, ou certains politiques « grandes gueules » comme Charles Pasqua, et elle ne se reniait plus. Les théoriciens proposaient, et je reconnaissais derrière leurs mots, et malgré ma répulsion pour ces « fachos » que mes anciens camarades désignaient comme tels, tout ce en quoi je croyais : notamment la liberté, le refus de l’égalitarisme, l’assimilation par ressemblance et non par l’exacerbation des différences, le retour au respect de l’autorité, une volonté de revenir, via l’Éducation Nationale (abandonnée par la gauche qui la transforma en terrain de propagande idéologique), au mérite et à l’ascenseur (ou élitisme) républicain.
Enfin, à partir des quinquennats Sarkozy et (surtout) Hollande, certains à droite, électeurs comme élus (plus exactement les électeurs avant les élus), commencèrent à s’exprimer de plus en plus fort. Cette droite n’avait plus honte car les faits, désormais, parlaient pour elle. Pire, la réalité vociférait : sans doute au départ grâce aux réseaux sociaux mais également parce que les problèmes dénoncés (insécurité, perte d’autorité, effondrement de l’école, racisme inversé, communautarisme clivant) avaient débordé des quartiers d’où les premières voix s’élevaient autrefois et devenaient le vécu de compatriotes de plus en plus nombreux. À l‘exception toutefois de ce que l’on commença à nommer la « bobosphère », cette France urbaine hyperprotégée et fonctionnant en vase-clos, évoluant et se congratulant dans l’entre-soi dans un gauchisme culturel déculpabilisant, incapable d’admettre qu’ailleurs, à côté même, on pouvait, malheureusement vivre autrement, et terriblement plus mal. Parallèlement, à chaque fois que quelqu’un dénonçait le laxisme ambiant et ses effets délétères, le communautarisme, les atteintes à la laïcité ou à l’autorité, l’assistanat aveugle, les complaintes victimaires, les discours anti-sécuritaires (dont la sempiternelle, injuste mais ô combien dangereuse rengaine gauchiste des « violences policières ») ou qu’il parlait au contraire de mérite, d’effort, de travail, d’attachement à la nation, on entendait hurler à gauche que « c’était bien là un discours de droite » (ou d’extrême droite), espérant faire taire le prétendu « facho » ou « réac » en le désignant à la vindicte populaire. Ce qui, au fil des ans, fonctionnait de moins en moins bien. D’où, sans doute, à gauche, un affolement qui se traduisit par une augmentation de la violence verbale et une hystérisation (volontaire) des échanges.

Alors , puisque d’un côté comme de l’autre, ici pour les proclamer, là pour les dénoncer, mes valeurs étaient présentées comme étant droitières, il fallait me rendre à l’évidence : j’étais donc de droite. Depuis des années, je tenais un discours de droite, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, sans le savoir. Plus sérieusement, un syllogisme imparable me plaçait devant cette évidence: mes valeurs font ce que je suis, or la gauche et la droite me disent toutes deux que lesdites valeurs sont aujourd’hui de droite, je suis donc désormais de droite. Peu importe, d’ailleurs, le nom que l’on donne à ceux qui portent les idées qui me sont chères. Là où elles sont, je suis. Là où elles iront, j’irai. Sauf si je change ou évolue, ce qui est toujours de l’ordre du possible car la première des hygiènes intellectuelles est de savoir penser contre soi-même. Mais sur les fondamentaux, sincèrement, je ne pense pas un jour modifier ma pensée, au risque d’y perdre mon identité.

Évidemment ceci ne veut pas dire que, dans l’action, la droite au pouvoir ne se renia pas. Loin s’en faut ! Sinon elle ne serait pas dans l’état de déliquescence où elle est aujourd’hui. Mais, au moins, la bataille culturelle était gagnée. Car aujourd’hui je suis convaincue que nombreux Français sont « de droite » sans même le savoir, en ce sens que leurs valeurs et leurs espérances, identiques à celles que je listais plus haut, sont aujourd’hui explicitement défendues par la droite (plus timidement et par d’encore trop rares rénovateurs pragmatiques à gauche, souvent exclus de leur parti ou privés de responsabilités). Mais le problème, c’est que, comme moi autrefois, ils ne le savent pas. Et si personne ne le leur dit en les plaçant devant les évidences, ils resteront persuadés qu’ils sont là où les médias mainstream leur répètent qu’ils sont : ailleurs, nulle part ou dans le camp du Bien autoproclamé dont ils ne partagent plus, pourtant, les idées essentielles. D’autant plus que la supercherie du macronisme, grand fourre-tout des valeurs et projets défendus à droite et à gauche, a brouillé les limites et a rassemblé pour l’instant une grande partie des déçus. Dans l’action, il reste néanmoins, par son obsession de la taxe, sa bien-pensance aveugle sur le plan sociétal, sa collaboration avec le communautarisme et l’islam politique (sans doute en espérant le contrôler ainsi) plutôt de gauche.

Il est donc plus que temps de tendre un miroir à la société française où une majorité de compatriotes se reconnaîtront sans peine, de recoller les morceaux de verre pour faire apparaître à nouveau clairement le projet de la droite, ce qui suppose de rappeler haut et fort, chaque fois que nécessaire, les valeurs défendues, sans gêne ni honte, ni surtout crainte de la stigmatisation en face par les Khmers verts, rouges, roses ou noirs, et désormais souvent jaunes aussi. À force de crier au loup, ils ne sont plus si audibles, et les faits reviennent comme un boomerang défigurer leur belle doxa qui ne fonctionne que dans leur monde idéal, sur le papier. À la droite, ou aux droites, de grandir enfin et de s’affirmer à nouveau pour ce qu’elles sont.

(à suivre : « Je suis de droite parce que j’ai choisi la liberté »)

par Une interview de François Lenglet par Ronan Planchon dans FigaroVox 5 août 2025
https://www.lefigaro.fr/vox/monde/francois-lenglet-la-commission-europeenne-court-comme-un-canard-sans-tete-desorientee-par-la-disparition-du-monde-d-hier-20250803 ENTRETIEN - Après l’accord signé avec les États-Unis de Donald Trump le 27 juillet en Écosse, l’Europe entame son «siècle de l’humiliation», estime le journaliste économique et essayiste. François Lenglet est éditorialiste économique à TF1-LCI et RTL. Son prochain livre : Qui sera le prochain maître du monde ?, Éditions Plon, octobre 2025. LE FIGARO. - Dans le cadre de son accord avec Trump , l’Union européenne accepte de voir la quasi-totalité de ses exportations de biens vers les États-Unis frappées de droits de douane à hauteur de 15 % et n’obtient ni ne sanctionne rien en retour. Une autre issue était-elle possible ? Passer la publicité François LENGLET. - Non, cet accord est tout sauf surprenant. Il matérialise le rapport de force entre l’Amérique de Trump et l’Europe : tout pour moi, le reste pour toi. C’est la conséquence du rôle nouveau qu’occupent les États-Unis dans les affaires du monde, la « superpuissance voyou », pour reprendre les termes de l’universitaire américain Michael Beckley. C’est-à-dire la puissance numéro un sans autre ambition que de se renforcer au détriment des autres, à commencer par les alliés de naguère - ce sont eux qui offrent le meilleur rendement dans le chantage, parce qu’ils sont faibles. Le plus frappant dans cette affaire, c’est que l’Union européenne est contente. Humiliée et satisfaite. Alors même qu’en plus des tarifs, Bruxelles piétine ses propres politiques, pour satisfaire Trump. Elle accepte ainsi d’investir 600 milliards en Amérique, alors que l’exode de l’investissement est justement le principal problème pointé par le rapport Draghi… Elle s’engage à acheter des armes américaines, alors qu’elle exhorte les pays membres à renforcer leur base industrielle de défense… Elle s’engage à acheter des tombereaux de gaz américains alors qu’elle œuvre pour le zéro carbone ! Quant à la prétendue « prévisibilité » offerte par l’accord aux exportateurs, c’est une vaste blague. Un condamné à dix ans de prison peut évidemment se féliciter de la prévisibilité de son cadre de vie pour la prochaine décennie. Londres a obtenu de la Maison-Blanche le taux de tarifs douaniers les plus bas possible à ce jour (10 %). Cette « victoire » participe-t-elle à la décrédibilisation de l’Union européenne ? Le commerce américain avec le Royaume-Uni n’est pas déficitaire, cela peut expliquer le traitement plus favorable qu’a obtenu Londres. Dans la hiérarchie des royaumes tributaires de l’empire américain, nous occupons un rang intermédiaire, entre le Royaume-Uni, qui s’en sort mieux, et le Japon, duquel Trump a obtenu le versement de plusieurs centaines de milliards directement au Trésor américain. Et tous ceux qui sont menacés aujourd’hui de 30 % ou 40 % s’ils ne concluent pas d’accord cette semaine. Si l’Union européenne n’était pas en position de force, est-ce parce qu’elle ne maîtrise aucune de ses positions stratégiques à l’échelle de l’économie globale ? Oui, sans aucun doute. Il faut se souvenir que l’Union européenne n’a pas été conçue pour peser dans le jeu mondial. La raison d’être fondamentale de la Commission de Bruxelles, c’est de surveiller les États membres pour qu’ils se soumettent aux règles du marché unique et de la concurrence. Bruxelles a été dressé pour éradiquer les frontières et le nationalisme économique à l’intérieur de l’Union. L’édification de ce marché unique a d’ailleurs été une propédeutique utile pour apprivoiser la mondialisation, surtout pour la France et sa bureaucratie. Mais les temps sont bouleversés. La mondialisation change de nature et de périmètre, elle se fragmente, à cause du recentrage de la puissance principale sur ses intérêts exclusifs au détriment d’un ordre mondial. Il ne peut y avoir de mondialisation sans maître du monde assumé. La Commission devrait donc s’appuyer sur les frontières et pratiquer une sorte de nationalisme européen, si cette expression n’était pas un oxymore, pour défendre les États membres dans la grande confrontation entre les empires. Elle en est incapable car il faudrait pour cela qu’elle renie les traités. Elle court donc comme un canard sans tête, désorientée par la disparition du monde d’hier. Bruxelles a passé des semaines à élaborer des contre-mesures punitives pour les États-Unis en expliquant que nous n’allions pas les utiliser… Les fonctionnaires ont inventé la version commerciale du pistolet à bouchon. François Lenglet L’Europe-puissance est une chimère, entretenue par les fédéralistes qui voudraient encore sauver leur rêve. C’est le dernier stade du déni, avant l’acceptation de la réalité : l’Europe entame son « siècle de l’humiliation », comme la Chine de 1842, après la guerre de l’opium. Trump, exactement comme les Britanniques de l’époque, force l’ouverture de nos ports. Avec ces accords, l’Europe signe donc son traité de Nankin, qui avait asservi l’empire du Milieu aux intérêts commerciaux britanniques. Mais à la décharge de Bruxelles, le problème est plus grave que celui de la seule Commission. Ce sont les citoyens eux-mêmes qui rechignent à la puissance et aux sacrifices qu’elle exigerait d’eux. « Nous n’avons pas été craints », aurait dit Emmanuel Macron juste après cet accord-capitulation. C’est ce qu’on appelle une litote… Le problème pour être craint, c’est bien sûr d’avoir des moyens de rétorsion, mais c’est surtout de vouloir les utiliser. Bruxelles a passé des semaines à élaborer des contre-mesures punitives pour les États-Unis en expliquant que nous n’allions pas les utiliser… Les fonctionnaires ont inventé la version commerciale du pistolet à bouchon. Pire, les officiels français expliquaient à la veille de l’accord qu’il n’y aurait pas de rétorsions tarifaires, car les économistes avaient calculé qu’elles seraient préjudiciables à nos consommateurs ! Pour Trump, ces tarifs visent-ils surtout à relocaliser la production aux États-Unis ? Oui, il veut siphonner la croissance mondiale. Il récuse la position de « consommateur en dernier ressort », qui avait toujours été celle du maître du monde, les États-Unis au XXe siècle, le Royaume-Uni au XIXe. Il vise au contraire la réindustrialisation de son pays. C’est pour cela qu’il veut des tarifs et un dollar faible, afin d’inciter les industriels du monde entier à s’installer aux États-Unis. Il ne s’arrêtera pas là. Ces tarifs vont servir à la coercition des partenaires, afin qu’ils réévaluent leurs devises ou financent gratuitement la dette américaine, avec les fameuses obligations à coupon zéro prônées par l’un des inspirateurs de Trump, Stephen Miran. L’autre objectif est bien sûr budgétaire. Les taxes douanières vont remplir les coffres de Washington. Rien que l’accord avec l’Europe pourrait lui fournir une centaine de milliards de ressources annuelles supplémentaires. Il s’agit de financer le « Big and Beautiful Budget », les baisses d’impôts votées par le Congrès le mois dernier. Dans les deux cas, c’est la stratégie de la prédation : l’Amérique pompe les investissements pour arroser son sol, et les ressources financières des autres pour les redistribuer à ses entreprises sous forme de baisse d’impôt. Ne surestime-t-on pas la victoire de Trump ? Les engagements d’achats et d’investissements européens n’ont d’autre valeur que politique… C’est vrai que les chiffres sont tellement fous qu’ils ne sont pas crédibles. Ursula von der Leyen s’est engagée à 250 milliards d’achats de gaz liquéfié par an, alors que nous sommes, pour l’Europe entière, en dessous de 100 milliards aujourd’hui… Mais cela crée quand même une pression pour les années qui viennent, et c’est sans doute ce que cherchaient les négociateurs américains. Aussi déraisonnables qu’ils soient, ces montants ont été semble-t-il validés par l’Europe. Et, au-delà des considérations sur les montants, une leçon doit être retenue : l’accès aux marchés internationaux a un prix, car il a une valeur. Et ce prix est à la hausse, depuis l’élection de Trump. L’Europe ferait donc bien de réfléchir au prix de l’accès à son propre marché, l’un des plus grands du monde, et à la façon de négocier les prochains accords commerciaux. À quoi peut-on s’attendre, concrètement, sur le plan commercial ? Toute la question est de savoir qui va payer les tarifs. En bonne logique, c’est le consommateur américain, qui verra augmenter le prix des biens importés. Non pas de 15 %, car dans le prix final, les coûts de distribution comptent pour jusqu’à un tiers. En réalité, chacun des intervenants dans le circuit commercial, exportateur, transporteur, importateur, distributeur et consommateur va être mis sous pression pour réduire ses marges ou payer un peu plus. La répartition de ces efforts sera variable en fonction du rapport de force sur le marché, très différent selon les secteurs. Tout cela devrait contracter les flux commerciaux à destination de l’Amérique. Avec des conséquences sur la croissance, moins fortes en France qu’en Allemagne et en Italie, plus exportatrices, comme on le constate déjà sur les chiffres du deuxième trimestre 2025. Le commerce retourne à sa place, asservi à des objectifs politiques. De ce point de vue, Trump nous donne une leçon douloureuse, mais fort utile. François Lenglet Quels seront les secteurs les plus touchés ? Les entreprises de luxe peuvent supporter à la fois une augmentation de prix et une contraction de leurs marges, qui sont importantes. En revanche, pour les produits laitiers et fromage, c’est l’un de nos postes d’exportation importants, le consommateur sera moins enclin à payer. Ce seront les exportateurs qui vont devoir encaisser la moins-value, s’ils ne veulent pas perdre des parts de marché. Idem pour la cosmétique, également l’une de nos forces à l’export. Le haut de gamme s’en sortira, grâce à la puissance des marques et à l’image du « made in France », mais les produits grand public, plus sensibles au prix, devraient souffrir. L’automobile n’est concernée qu’indirectement, car nous n’exportons pas de voitures françaises outre-Atlantique. Les équipementiers français, sous-traitants des constructeurs européens, pourraient toutefois subir les conséquences de la pression sur les exportateurs allemands. Dans tous ces domaines, les industriels vont tenter de produire davantage aux États-Unis, pour échapper aux taxes. Il peut donc y avoir une nouvelle vague de délocalisations. Restent enfin des industries dans l’incertitude, car leur régime douanier n’a pas encore été défini, comme la pharmacie. Peut-on s’attendre désormais à une marginalisation de la Commission européenne ? Von der Leyen va-t-elle devenir l’amie que les États membres n’assument plus ? Les questions commerciales divisent l’Europe depuis toujours, à la fois entre États membres, qui n’ont pas les mêmes intérêts, et d’un secteur à l’autre au sein d’un même pays. Cette fois-ci, pourtant, le continent n’est pas vraiment divisé, il se partage entre les perdants résignés et les perdants soulagés. Soulagés parce qu’ils redoutaient pire - c’est la force de Trump que d’avoir attendri la viande pendant les négociations, en menaçant de taxes encore plus punitives. Au-delà des jérémiades, il n’y a donc pas de réelle volonté de remettre en cause l’accord avalisé par la présidente de la Commission. De plus, plusieurs partenaires commerciaux des États-Unis ont déjà avalé leur pilule, le Japon, la Corée du Sud, et tous ceux qui attendent dans le couloir de la Maison-Blanche… Il n’y a plus guère que la Chine qui tienne tête à l’Amérique. Il faut espérer que cette affaire aura au moins eu pour effet de révéler à l’Europe, à ses citoyens et ses dirigeants, l’ampleur des changements en cours dans les relations internationales. Dans la confrontation qui s’intensifie, tout est stratégique, y compris les questions commerciales. Tout a un prix. Tout est levier pour obtenir de l’influence ou des ressources. Cela exige de nous une révolution, dans l’idéologie et dans l’action, après quarante ans où le libre-échange était considéré comme l’état naturel des rapports internationaux, indépendant des questions politiques et profitables à tous. Le commerce retourne à sa place, asservi à des objectifs politiques. De ce point de vue, Trump nous donne une leçon douloureuse, mais fort utile. Pour reprendre un aphorisme de l’économiste Marc de Scitivaux, dans la longue histoire du coup de pied au derrière, ce n’est pas toujours le pied le plus coupable.
par Henri Guaino 4 août 2025
"Lettre ouverte à Jean-Luc Mélenchon à propos de la langue française et de quelques autres sujets" Une tribune d'Henri Guaino parue dans Le Figaro le 28 juillet 2025 : https://www.notrefrance.fr/index.php/medias/
par Louise Morice 26 juillet 2025
"Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le solde naturel est négatif. Ce que l’on attendait pour 2027 est déjà là, en 2025. Trop tôt. Trop vite. Et pourtant, pas un sursaut. Pas un électrochoc. Le pays continue, imperturbable, comme sous anesthésie. Ce chiffre, pourtant fondamental, ne suscite ni débat national, ni mobilisation. On le constate, on le commente, puis on passe à autre chose. Comme toujours." https://www.frontieresmedia.fr/tribunes/tribune-louise-morice-le-silence-des-enfants-le-prix-du-renoncement
par Mathieu Bock-Côté 26 juillet 2025
Une tribune de Mathieu Bock-Côté dans FigaroVox (25/07/2025) https://www.lefigaro.fr/vox/politique/mathieu-bock-cote-de-la-fin-du-macronisme-20250724 CHRONIQUE - Le macronisme, dont Bruno Retailleau a prédit la fin une fois qu’Emmanuel Macron ne sera plus président de la République, a d’abord été le réflexe de survie d’un régime en panne, avant de se muer en une forme de centrisme autoritaire. C’est une des polémiques de l’été : sommes-nous témoins de la fin du macronisme ? La question peut se comprendre au premier degré : dans quelle mesure Emmanuel Macron peut-il encore peser jusqu’à l’élection présidentielle de 2027 ? Pour certains, elle relève de l’hérésie. La garde prétorienne du président accuse ainsi de lèse macronisme les figures du gouvernement qui n’ont pourtant jamais caché leur hostilité à son endroit. Voyons-y la joute politique ordinaire. À découvrir La question ne devient pourtant intéressante qu’en se détachant de la personnalité du président de la République pour faire plutôt le bilan de la synthèse qu’il a cherché à composer en 2017. Ce qui nous oblige à revenir à ses origines. Le macronisme fut d’abord le réflexe de survie d’un régime en panne, aux clivages devenus stériles, sentant monter une menace « populiste » et voulant se donner les moyens de la mater en ripolinant sa façade et en confiant la direction du pays à un jeune homme qu’on disait exceptionnel. Les élites politiques concurrentes qui, jusqu’alors, s’affrontaient selon la loi de l’alternance entre la gauche et la droite, se fédérèrent alors dans ce qu’on allait appeler un bloc central revendiquant le monopole de la République, de ses valeurs et de la légitimité démocratique, mobilisé contre des extrêmes, censées menacer la démocratie. L’alternative était posée : macronisme ou barbarie ! La rhétorique anti-extrêmes au cœur du macronisme masquait toutefois une fixation bien plus précise sur la droite nationale - alors qu’il convergeait culturellement avec la gauche radicale. Le macronisme n’a jamais cessé de proposer une offre politique conjuguant diversitarisme et mondialisme, auxquels s’est ajoutée la transition énergétique, sous le signe d’un empire européen à construire. L’homme européen auquel rêvent les macronistes a souvent eu les traits d’un l’homo sovieticus revampé. Le macronisme semblait faire du multiculturalisme une promesse. Il croyait les tensions dans les quartiers solubles dans la croissance, convaincu qu’il n’existe pas d’incompatibilité entre certaines civilisations, que l’islam est une religion comme une autre, et que le nombre, en matière migratoire, est une variable insignifiante. Il n’a pas vu et ne voit toujours pas la submersion migratoire, sauf pour la célébrer. Il se représente moins l’immigration comme une fatalité que comme un projet. Le macronisme s’est aussi rapidement dévoilé comme une forme de centrisme autoritaire qui préfère se faire appeler État de droit Mathieu Bock-Côté Le macronisme se voulait aussi un technocratisme : les meilleurs enfin rassemblés pourraient facilement résoudre les problèmes de la France, dégraisser l’État social, relancer l’économie et libérer les énergies du pays. La pensée unique trouvait sa traduction pratique et quiconque entendait gouverner à partir d’autres principes était accusé de se laisser emporter par des bouffées idéologiques délirantes. La situation financière de la France laisse croire que cette stratégie était moins performante que prévu. Le macronisme s’est aussi rapidement dévoilé comme une forme de centrisme autoritaire qui préfère se faire appeler État de droit. De 2017 à 2025, les initiatives se sont multipliées pour assurer une régulation publique de l’information, pour lutter contre les discours haineux, pour étendre la surveillance des pensées coupables au discours privé, sans oublier la dissolution de nombreux groupes identitaires, l’acharnement judiciaire et financier contre le RN et la fermeture d’une chaîne de télévision décrétée d’opposition. Le régime n’a plus de base populaire C’est ce qui a permis au macronisme de fédérer, l’an passé, les partis du système dans un front républicain allant de l’extrême gauche à la droite classique pour empêcher l’arrivée au pouvoir du RN. Le macronisme, à ce stade, abolissait le pluralisme politique authentique. Il n’y avait de diversité idéologique légitime qu’au sein du bloc central. L’extrême centre et la gauche radicale ont l’antifascisme en langage partagé. La droite classique, évidemment, s’est tue, de peur de déplaire. La seule opposition autorisée est celle qui se structure dans les paramètres du régime, et qui célèbre ses principes, avant de le contredire dans les détails. La révolte fiscale se fait entendre, la révolte identitaire et sécuritaire travaille la France depuis un bon moment, mais le macronisme est résolu à mater les gueux et les lépreux, qu’il se représente comme un peuple factieux, presque comme une meute de dégénérés dangereux. Le régime n’a plus vraiment de base populaire, mais ne s’en émeut guère. Le macronisme en est ainsi venu à confondre les palais de la République avec le maquis. Derrière les appels à répétition à sauver la démocratie, on trouve surtout une caste, qui est aussi une élite moins douée qu’elle ne le croit, résolue à prendre tous les moyens nécessaires pour conserver ses privilèges et ses avantages, effrayée devant la possibilité qu’une autre élite la congédie et la balaie. Les prébendes de la République valent bien la peine qu’on se batte pour elles.
par Julien Abbas (Valeurs Actuelles) 26 juillet 2025
Une tribune de Julien Abbas dans Valeurs Actuelles "La France, bercée par ses souvenirs de grandeur, se trouve aujourd’hui, après huit ans de présidence d’Emmanuel Macron, fragilisée sur l’échiquier mondial. L’action de Jean-Noël Barrot à la tête du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ne fait qu’accentuer cette dérive." https://www.valeursactuelles.com/politique/jean-noel-barrot-un-ministre-etranger-aux-affaires
par Eric Chol (L'Express) 26 juillet 2025
Un edito d'Eric Chol dans l'Express (16/07) Et si on appliquait le plan Pinay-Rueff à la France ? Arrivé à Matignon en 1958, le général de Gaulle trouve un pays au bord de la banqueroute, comparable à la situation actuelle. Le président de la République a eu beau appeler à « la force d’âme », le pays aura du mal à se défaire du bonnet d’âne qui désormais le caractérise en Europe. Car comment qualifier autrement l’abyssesse des finances publiques, rendue possible par une croissance moribonde et dix ans de promesses mensongères successifs pour l’intendance, de la démagogie d’un personnel politique plus soucieux des élections que de l’intérêt national, et de l’addiction incurable de nos compatriotes aux chèques et à l’Etat ? On connaît (depuis 1974) la chanson, mais n’y fait : la France, année après année, déchoit. Même le plan Bayrou ne lui ressemble qu’à une énième incantation qui nourrira une gêne ou elle sera vite oubliée. Et si l’on essayait vraiment un plan de redressement national ? C’est ce qu’avait fait l’un des ministres des Finances les plus brillants, Antoine Pinay, nommé en 1958 par le général de Gaulle. Un esprit comparable mentalement au plus lucide des conseillers de Gaulle, lorsqu’il arrive à Matignon, c’est d’avoir compris que la crise budgétaire de la France, anémique, asphyxiée par les dépenses, dissuadait le grand débiteur d’agir. Pinay demande donc l’aide d’un directeur général du FMI de l’époque, le Suédois Per Jacobsson, ni plus ni moins. Le plus fou est qu’à Paris, comme à Washington, ce fut le diagnostic économique qui fit l’unanimité : la France, dans sa totalité – Intérieur, Défense, Affaires étrangères… – devait rendre les comptes à l’Etat, dans les moindres détails. Et c’est à ce moment-là que le général de Gaulle, aidé par Jacques Rueff, inspecteur des finances, met le pied dans la fourmilière. L’événement économique déterminant de décembre 1958, pour assainir le pays, Car oui, c’était possible, et de Gaulle l’a fait. Comment ? Tout d’abord en misant sur Jacques Rueff, un inspecteur des finances habitué à voler au secours des économies fragiles : trente ans plus tôt, dépêché par la Société des nations, cet ancien du cabinet Poincaré avait testé l’efficacité de ses recettes en Bulgarie, en Grèce ou au Portugal. De ces sauvetages, le polytechnicien a tiré une devise : « Exigez l’ordre financier ou acceptez l’esclavage. » Le plan Pinay-Rueff, adopté en décembre 1958, n’a rien d’un chemin de roses : augmentation de taxes et des impôts, compression des dépenses publiques, fin de nombreuses subventions, dévaluation du franc… La purge a un goût amer. « Et bien, les Français crient. Et après ? », rétorque de Gaulle à ses ministres inquiets. Mais les Français n’ont pas crié, et les comptes de la nation ont été rétablis en six mois. « La force de ce programme, c’est qu’il touchait l’ensemble des classes sociales : agriculteurs, retraités, fonctionnaires, chefs d’entreprise… Tout le monde a dû mettre la main à la poche », analyse l’historienne Laure Quennouëlle-Corre. Le plan Pinay-Rueff avait d’autres atouts. La popularité de Pinay, pour faire passer la pilule auprès des Français. « Sa mise en œuvre a été faite par un homme fort qui disposait d’un ascendant et d’une majorité très importante dans le pays. Le plan a été accepté parce qu’il était porté par de Gaulle, » précise l’auteur du Dénî de la dette. Une histoire française (Flammarion). Sept décennies plus tard, on a la recette, mais incontestablement, on manque encore d’un chef !
par LD31 26 juillet 2025
On croyait que la suppression des 2 jours fériés, ce serait pour réduire le cout du travail ? Raté ... ce sera pour financer un impôt supplémentaire sur les entreprises !
par François Vannesson 17 juillet 2025
Un post Linkedin de François Vannesson, avocat au barreau des Hauts-de-Seine et fondateur du cabinet Morpheus Avocats Najat Vallaud-Belkacem, L’avatar capillaire du pédagogisme invertébré, vient d’être bombardée à la Cour des comptes. Une récompense bien méritée pour l’immense œuvre de destruction méthodique qu’elle a menée contre l’instruction publique : elle a vidé les cerveaux avec une cuillère en bois, puis repeint les murs de la salle de classe avec les restes. À l’époque, elle nous vendait l’école comme un espace d’auto-expression émotive où la syntaxe était fasciste, la chronologie raciste, la discipline patriarcale et l’excellence un attentat psychologique. Elle dirigeait le ministère comme on organise une orgie dans un hospice : sans scrupule, sans hygiène, sans témoin. Et maintenant elle va compter. Pas les fautes, non, ni les manques, ni les milliards égarés entre deux lubies. Elle va compter avec sa méthode : à la louche, au ressenti, à l’échelle du trauma perçu. Chaque déficit sera une blessure symbolique, chaque trou dans le budget une opportunité de réinvention inclusive. Mais la meilleure part, c’est le parrainage. François Bayrou, incarnation ambulante du compromis diarrhéique, l’a propulsée là. L’homme qui croit encore à son destin présidentiel comme un vieil ivrogne croit au retour de l’amour conjugal. Il négocie une nomination comme un souteneur distribue des faveurs : contre une abstention PS sur la censure. République mon amour, tu n’es plus qu’un kiosque à prostitutions morales. La scène est si grotesque qu’on en pleurerait de rage : l’ancienne démolisseuse de la langue française promue gardienne des comptes. L’incompétence sanctifiée, l’idéologie élevée au rang de compétence, l’erreur transformée en critère de sélection. Bientôt viendra son premier rapport : « Vers une comptabilité intersectionnelle : décoloniser les bilans, racialiser les soldes ». Elle y ajoutera une bibliographie lacrymale, quelques verbes en inclusif approximatif, et un graphique en arc-en-ciel pour masquer l’effondrement. La France, pendant ce temps, crève à petit feu. On supprime les jours fériés, on broie les actifs, on appuie sur la gorge des classes moyennes jusqu’à ce qu’elles n’aient plus que l’impôt pour respirer. Mais au sommet de la pyramide invertie, les fossoyeurs se félicitent. On ne leur demande plus d’être bons. Juste d’avoir bien nui. Et là, Najat coche toutes les cases. Avec application. Et un très joli stylo.
par Interview du philosoque Pierre-Henri Tavoillot par Eugénie Boilait dans FigaroVox 16 juillet 2025
ENTRETIEN - Le ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, a contesté sur LCP l’existence d’un quelconque « islamo-gauchisme » au sein de l’université française, arguant que le terme n’existait pas « en tant que terme universitaire ». Pour le philosophe Pierre-Henri Tavoillot*, cette affirmation est doublement erronée. * Maître de conférences à Sorbonne Université et président du Collège de philosophie, Pierre-Henri Tavoillot est aussi le référent laïcité de la région Île-de-France. https://www.lefigaro.fr/vox/societe/quoi-qu-en-dise-le-ministre-la-realite-du-terrain-confirme-l-existence-d-un-islamo-gauchisme-dans-les-universites-20250709 LE FIGARO. – Le ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, a contesté le 7 juillet sur LCP l’existence d’un quelconque « islamo-gauchisme » au sein de l’université française, arguant que le terme n’existait pas « en tant que terme universitaire ». « Il n’est même pas bien défini, donc cette notion n’existe pas », a-t-il assuré. Selon vous, cet argumentaire tient-il la route ? Passer la publicité Pierre-Henri TAVOILLOT. - À vrai dire, ce propos est doublement erroné : d’abord parce que le concept d’« islamo-gauchisme » est clairement identifié, et ensuite parce que, comme toute idéologie, il est évidemment présent à l’université, réceptacle naturel de toutes les idéologies existantes. Mais chaque chose en son temps. Revenons au concept qui a été construit par Pierre-André Taguieff dans les années 2000 et dont l’histoire est parfaitement connue. L’historien des idées l’évoque notamment dans son ouvrage Liaisons dangereuses. Islamo-nazisme, islamo-gauchisme (Hermann, 2021). À partir de là, la définition de l’idéal-type est simple à établir, avec trois points fondamentaux qui le caractérisent. Il y a d’abord l’idée que l’islam est la religion des « opprimés » - ce qui permet aux révolutionnaires de gauche d’abjurer leur aversion du religieux, la religion étant traditionnellement perçue comme l’« opium du peuple ». Et la révolte islamiste est, pour le révolutionnaire en herbe, une « divine surprise » qui permet de pallier la tendance conservatrice, voire réactionnaire, du prolétariat européen. En effet celui-ci se contente dorénavant de « défendre les acquis sociaux » ou de voter pour le Rassemblement national. Dans ces conditions, la révolution n’est plus envisageable avec lui, d’où la deuxième idée structurante qui réside dans l’urgence de faire venir un prolétariat actif et révolutionnaire. L’islamo-gauchisme soutient donc l’ouverture sans limite des frontières et l’accueil de ceux qu’ils pointent comme les « damnés de la terre ». Avec ces derniers, il redevient possible d’envisager la destruction de la pseudo-social-démocratie libérale et du système capitaliste. La troisième idée est que l’islamisme est lui-même une simple réaction de défense, légitime donc, face à un impérialisme occidental et néocolonial qui veut imposer à coups de canon son « idéologie des droits de l’homme » dans le monde entier. De ce point de vue, les plus à l’extrême vont percevoir les attentats comme des réactions, à l’instar du pogrom du 7 Octobre en Israël, que certains ont qualifié d’« acte de résistance ». D’ailleurs, la judéophobie est l’une des dernières composantes, et non des moindres, de cette idéologie. On a là un raisonnement qui donne sa cohérence à bien des prises de position étranges de la part de La France insoumise, notamment. Dire que le concept n’existe pas, c’est se priver du moyen de comprendre l’extrême gauche, et même une partie de la gauche, qui met par exemple Gaza et le drapeau palestinien en tête de toutes ses revendications. D’après le ministre, tous les atermoiements des dernières années à l’université témoignent donc simplement d’une tradition française bien ancrée, celle de la forte politisation des universités. Sur ce point, il n’a pas tort : qu’est-ce qui différencie vraiment la période actuelle ? Il existe tout de même une inquiétude supplémentaire par rapport au passé : on a affaire là, potentiellement, à de la violence. Ce ne sont pas seulement des débats d’idées. On a vu ce qui s’est passé à l’école avec Samuel Paty et Dominique Bernard quand la haine est attisée. Ces choses sont à prendre au sérieux. Ce n’est pas majoritaire, mais c’est une minorité fanatique. Entre les débats même violents que l’on a pu connaître par le passé à l’université et ceux d’aujourd’hui, il y a un potentiel changement de nature. Cette idéologie existe donc à l’université ? Elle n’est pas majoritaire ni structurelle, mais elle est bien présente. Et cela dépend largement des secteurs. On peut en donner bien des exemples : il n’a par exemple échappé à personne qu’un certain nombre de blocages qui avaient eu lieu ces derniers mois devant ou dans nos universités se justifiaient par l’hostilité envers la guerre à Gaza. De prime abord, on peut se demander pourquoi, dans une université française, on bloque les cours du fait de la guerre au Moyen-Orient ? En effet, la France n’est pas cobelligérante : sur le strict plan universitaire, ça n’a pas de sens. Il a donc fallu trouver des justifications et on les a trouvées au cœur de ce qu’on appelle l’islamo-gauchisme. Il faut arrêter ce déni qui, en plus d’être agaçant, donne l’impression que c’est l’ignorance qui prime Pierre-Henri Tavoillot Plus personnellement, en tant que référent laïcité de la région Île-de-France, j’ai de nombreuses remontées de terrain qui témoignent de ce que l’on appelle l’« entrisme islamiste ». Ce n’est pas un fantasme. Il y a quelques mois, notre collègue Fabrice Balanche a été interrompu dans son propre cours par des activistes. À Lyon, on sait aussi qu’il existe des salles de prière au sein des établissements. Il y a le spectacle de l’Unef dont la dimension de gauche laïque cède la place aujourd’hui à une dimension « frériste » - cela laisse d’ailleurs dans la stupéfaction ceux qui furent ses anciens militants. Les étudiants sont-ils les seuls concernés ? Les professeurs le sont également. J’ai de nombreux collègues proches de La France insoumise, et ils sont d’ailleurs dans leur bon droit. Certains, comme François Burgat, se revendiquent même de l’islamo-gauchisme. Preuve, s’il en fallait, que, si, aujourd’hui, pour nombre de gens, ce terme est péjoratif, il est en premier lieu descriptif et renvoie à des idées et à un raisonnement. Je ne suis pas d’accord avec cette position, mais elle a de la cohérence : ainsi, dire que ça n’existe pas n’a absolument aucun sens… C’est une grille incontestable qui explique une partie des débats aujourd’hui en France. Dans la classification de la gauche selon Jacques Julliard, il y a la gauche collectiviste, la gauche libertaire, la gauche libérale et la gauche jacobine. Il y a beaucoup d’antagonismes entre elles, mais ce qui réunit les gauches libertaire et collectiviste, c’est précisément l’islamo-gauchisme. Elles vont se retrouver ensemble comme à la manifestation contre l’islamophobie du 10 novembre 2019. Cette dernière avait réuni la CGT, l’Unef, le Parti communiste, Les Verts, Lutte ouvrière, LFI, le NPA. Il y avait une unification des deux gauches radicales qui s’opposaient, de ce point de vue, aux deux autres gauches, laïcardes. Il faut donc arrêter ce déni qui, en plus d’être agaçant, donne l’impression que c’est l’ignorance qui prime. D’autant qu’il est de plus en plus marginal. Il faut être clair pour établir un diagnostic fiable. Ce serait d’ailleurs bienheureux pour tout le monde, car cela nous empêcherait à la fois de sous-réagir et de surréagir. Il faut plutôt accepter le réel, pour, ensuite, voir ce qui relève de la liberté d’expression politique et ce qui relève des attitudes et des actions contraires à l’esprit et à la lettre des universités. Là est le véritable enjeu. D’autant que la prise de parole du ministre s’oppose à ce que disaient certains de ses prédécesseurs… Cet effet yoyo est une constante depuis que Jean-Michel Blanquer a cessé d’être ministre. Lui a eu l’immense mérite d’avoir une politique claire et de long terme sur le sujet. Maintenant, les allers-retours sont permanents, alors même que la réalité commence à apparaître au grand jour.
par Stéphane Loignon et Solenn Poullennec (Les Echos) 14 juillet 2025
Les propositions pour réformer les dépenses publiques ne manquent pas et le Sénat a rendu récemment une nouvelle copie. Mais François Bayrou aura t'il ne courage de n'en retenir ne serait ce que quelques unes plutôt que de tomber dans la lâcheté habituelle des augmentations d’impôts ... https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/budget-les-propositions-chocs-du-senat-pour-redresser-les-comptes-publics-2175473 Budget : les propositions chocs du Sénat pour redresser les comptes publics Gel des crédits, non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, jours de carence des fonctionnaires, « année blanche » sur les prestations sociales… La majorité sénatoriale a livré des recommandations drastiques pour redresser les comptes.Par Stéphane Loignon, Solenn Poullennec Le Sénat a rendu sa copie budgétaire au Premier ministre. Son contenu donne une idée de l'ampleur des sacrifices qui pourraient être demandés. Lundi, le président de la Chambre haute, Gérard Larcher, s'est rendu à Matignon pour dévoiler la contribution de la majorité sénatoriale au prochain budget, à une semaine de l'annonce par François Bayrou de son plan de redressement des finances publiques. « Les Echos » ont pu se procurer ce document révélé par Contexte. Sans prétendre remplacer le gouvernement, les sénateurs de la majorité du centre et de droite ont souhaité apporter leur pierre à l'édifice, en compilant des pistes d'économies pour ramener le déficit à 4,6 % du PIB l'an prochain, contre 5,4 % visés cette année. « Il y a une voie, qui est exigeante, mais c'est maintenant qu'il faut le faire », insiste le rapporteur général du budget, Jean-François Husson (LR), à l'issue de ce travail collégial entamé mi-mai. « On a essayé d'équilibrer entre les entreprises, les retraités, les actifs. Que chacun puisse considérer qu'il est soumis au même régime d'effort… », témoigne la sénatrice centriste Elisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des Affaires sociales. Selon elle, « ce n'est pas la copie définitive » mais plutôt « des options ». Baisse des dépenses Alors que le gouvernement a estimé l'effort nécessaire à 40 milliards d'euros en 2026, les propositions sénatoriales aboutissent à une fourchette comprise entre 30 à 50 milliards d'euros. « Sur les presque 50 milliards, environ 45 milliards concernent la baisse de la dépense publique, ça ne s'est jamais fait », souligne Jean-François Husson. Le recours à la fiscalité se limite à un éventuel gel du barème de l'impôt sur le revenu, dans le cadre d'une « année blanche » si les baisses de dépenses ne suffisent pas, et à la pleine application du dispositif contre la fraude CumCum (1,5 à 2 milliards d'euros à la clé), prévu au budget 2025 et que les sénateurs jugent bridé par un texte d'application de Bercy. Tout le reste repose sur la baisse des dépenses, en premier lieu de l'Etat. A minima, le Sénat recommande le gel en valeur des crédits budgétaires - hors défense, charge de la dette et contribution à l'Union européenne -, qui produirait 10 milliards d'euros d'économies par rapport à l'évolution spontanée des dépenses. Chaque baisse de 1 % des crédits hors loi de programmation rapporterait 2,4 milliards d'euros supplémentaires. Non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux Sauf pour les Armées, le Sénat propose même de « réinterroger » les lois de programmation qui encadrent les budgets du ministère de l'Intérieur, de la Justice et de la Recherche. Au maximum, ramener les crédits au niveau du dernier budget avant Covid (soit celui de 2019), en tenant compte de l'inflation, rapporterait carrément 22 milliards d'euros (un objectif qui ne pourrait être atteint que progressivement). Pour réaliser des économies dans la durée, les sénateurs veulent aussi que l'Etat reprenne le contrôle de sa masse salariale, qui a grimpé de 6,7 % l'an passé. Ils remettent sur la table le principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, mis en place sous le mandat de Nicolas Sarkozy puis abandonné sous François Hollande. La mesure rapporterait 500 millions d'euros l'an prochain. Ils réclament également l'harmonisation du régime des jours de carence dans la fonction publique (un jour actuellement) avec celui du privé (trois jours), avec 200 millions d'euros à la clé en 2026. La rationalisation des agences et opérateurs apporterait 540 millions d'euros d'économies sur leur fonctionnement, en suivant les recommandations du rapport de la sénatrice LR Christine Lavarde. « Année blanche » notamment sur les retraites. Les collectivités apporteraient un écot modeste au redressement des comptes, à hauteur d'un « maximum de 2 milliards d'euros », comme cette année. Celles-ci ne sont que « de manière anecdotique responsable de l'aggravation de la dette publique depuis 2019 », juge le Sénat, contrairement à la Cour des comptes. Les sénateurs voient en revanche de gros gains potentiels dans la lutte contre l'enchevêtrement des compétences entre Etat et collectivités. L'application des recommandations du rapport Ravignon rapporterait jusqu'à 7,5 milliards d'euros, éventuellement au bout de deux ans (3,8 milliards la première année). Une réforme des décrets tertiaires, dont le coût qui pèse sur les collectivités aurait atteint 3,3 milliards d'euros en 2023, permettrait de récupérer cette somme, potentiellement en deux ans. Enfin, la Sécurité sociale fournirait environ 10 milliards d'euros d'économies en 2026 dans le plan des sénateurs, notamment via une « année blanche » (non-indexation) des prestations sociales (5 milliards d'euros dont 3 milliards d'euros pour les retraites). L'Assurance Maladie apporterait aussi 5 milliards d'euros, par différentes mesures concernant entre autres la prise en charge des affections de longue durée, les médicaments et les dispositifs médicaux. Les assureurs santé pourraient se voir confier des missions de prévention, aujourd'hui assumées par la « Sécu ». Reste à savoir dans quelle mesure le gouvernement s'inspirera de ces nombreuses propositions.