Elle a bon dos l’Amazonie ! Écologie, prétextes et postures.

NJ Gray • 3 septembre 2019

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Que l’écologie soit depuis des années (et plus encore depuis les deux derniers quinquennats) un prétexte à taxer entreprises et particuliers sur des motifs divers, et pour remplir d’autres caisses que celle destinée à la légitime protection de notre environnement, on le savait déjà ;
Qu’elle soit devenue, pour nombre de ses apôtres, une posture vendeuse et racoleuse, une vitrine qui fait oublier tout le reste (le green washing des marques, le détournement d’attention volontaire par un gouvernement dont d’autres projets risquent d’être sous le feu de la contestation), est aujourd’hui un procédé facile et ultra connu, ce qui n’empêche pas qu’il reste très efficace ;
Qu’elle se soit transformée en axe qui partage le monde en camp du Bien et camp du Mal, une nouvelle religion, avec ses croyances, sa doxa imprescriptible, ses excommunications, permettant de stigmatiser, souvent avec une violence verbale voire une hystérie fanatique, tout contestataire, toute personne apportant une nuance ou émettant un doute, est une tendance dangereuse et récente qui ne cesse de s’affirmer.
L’écologie comme science est bien installée dans nos universités et laboratoires de recherche depuis le XIXe siècle, elle a ses spécialistes, des scientifiques, qui débattent entre eux et ne s’accordent pas toujours sur l’ampleur d’un phénomène, sa datation, ses causes, les remédiations possibles, l’urgence ou non à agir, les priorités à identifier. Et pour ce qui est des prédictions sur l’évolution climatique, nul ne peut prétendre détenir seul la vérité car toutes les théories sont fondées sur des modèles dont la véracité n’est pas prouvée.
L’écologie comme nouvelle religion laïque, de son côté , possède comme toute croyance, ses déviances, ses fanatismes, ses gourous (sincères ou non), son discours téléologique et même ses collapsologues (« nous allons tous mourir demain, repentez-vous pauvres pécheurs») : le discours ne peut évidemment pas être le même que pour l’écologie scientifique, car il s’agit de frapper fort par des slogans, des approximations, et comme dans de nombreuses sectes d’emporter l’adhésion immédiate par la peur plus que par la raison et la réflexion. C’est malheureusement cette écologie-là, celle de la croyance et non de la science, celle de la posture et non de la réflexion, celle de l’embrigadement et non de la pensée libre, qu’a semblé défendre le président français au G7, se transformant devant les caméras en émule de la propagande thunbergienne, qui est à la science ce que l’humilité est au macronisme.
Entre contre-vérités, approximations, exagérations, mensonges par omission, amateurisme ou récupération politicienne grossière, Emmanuel Macron est loin d’avoir fait grandir la cause écologiste, déjà présentée de façon trop immature, caricaturale et entachée d’arrière-pensées partisanes dans notre pays.

Où l’on découvre qu’il y a des feux gentils et des feux méchants

Premier mensonge par omission: “notre maison brûle”, c’est certain, mais pas seulement au Brésil ! En pointant d’un doigt accusateur les seuls feux de forêt en Amazonie brésilienne, le président Macron a fait preuve soit d’une incompétence, soit d’une mauvaise foi assez inquiétantes car dangereuses en termes de relations internationales, et totalement puériles pour un homme à un tel niveau de fonction.
Passons sur une forme de fake news désolante : la photographie utilisée d’une forêt primaire en feu datant de plus de 15 ans, ridicule illustration trahissant un amateurisme et une précipitation d’autant plus incompréhensibles que nombre d’images satellites de la NASA était publiées ces derniers temps et parfaitement accessibles. À croire que l’idée de prendre la pose et de jouer le nouveau grand gourou vert de la communauté internationale a piqué le président français au tout dernier moment pour réveiller un G7 ronronnant et néanmoins coûteux sur l’utilité duquel beaucoup de ses concitoyens commençaient à s’interroger.
Rappelons d’abord que l’Amazonie s’étend aussi en Bolivie, Colombie, Équateur, Guyane française, Guyana, Pérou, Surinam, Paraguay et Venezuela et que des feux de forêt se retrouvent dans toute la région. En Bolivie l’ampleur est telle que le président Evo Morales a même suspendu la campagne électorale (mais c’est d’une part un homme de gauche, d’autre part un Indien, donc un homme intouchable doublement dans le camp des gentils) . Même inquiétude au Paraguay en direction duquel ont décollé les premiers canadairs dits « avions G7 » la semaine dernière. Les feux de défrichement sont une constante et font partie du mode de développement en Amérique du Sud. Le problème actuel tient à la fois de la multiplication de ces défrichements dans la perspective notamment d’accroissement des échanges grâce au Mercosur, d’autre part à une situation de sécheresse particulière qui transforme les feux de brûlis ou de déforestation en incendies difficilement maîtrisables. En d’autres termes, ça brûle au Brésil, mais ça brûle aussi ailleurs en Amazonie.
Deuxièmement, la déforestation en Amazonie, qui se fait essentiellement d’ailleurs par le feu, ne date pas d’aujourd’hui. Emmanuel Macron semble oublier notamment que sous le président Lula en particulier, l’enfant chéri de la gauche et des médias français, les feux avaient été beaucoup plus importants encore. En nombre de départs de feu et en hectares détruits, il y a donc eu, rien qu’au Brésil, des années bien pires que ce que l’on dénonce aujourd’hui, notamment en 2010 ou 2016. Les commentateurs, le président, qui comparent la situation actuelle à l’année dernière où effectivement les feux avaient été davantage sous contrôle (comme en 2017), font preuve d’une grande malhonnêteté intellectuelle : ce genre de phénomène est à étudier sur le temps long, sur la tendance générale et non en mettant côte à côte deux accidents. Et la tendance dit que c’est sur les 50 dernières années que 20 % de la forêt amazonienne a disparu, notamment au Brésil où elle a perdu 60 % de sa surface car ce pays émergent est le premier de la région à avoir mis en place une révolution verte fondée sur l’agriculture et l’élevage intensifs.
Troisièmement les feux de forêt ravagent en même temps une partie de la Sibérie où, début août, 3 millions d’hectares de forêts sont partis en fumée, ce qui n’a généré aucune manifestation d’écologistes ni de remarques condescendantes pour le dirigeant russe de la part de l’Élysée. Doit-on s’en étonner ? Lorsque Macron dénonce le dirigeant brésilien au G7 en le traitant de menteur, on en est à 470 000 ha détruits en Amazonie brésilienne, un drame écologique certes mais des clopinettes par rapport à la Sibérie, mais, comme par hasard, cela offre le prétexte d’une véritable crise diplomatique contre le méchant populiste et d’une croisade du Bien contre le Mal.
Il en est de même en Afrique ou « l’autre poumon de la planète », le bassin du Congo brûle lui aussi est bien plus que l’Amazonie comme l’ont encore montré de récentes images satellites de la NASA. À titre d’exemple, selon les données analysées par la fondation Weather Source, « 6 902 foyers d’incendie ont été enregistrés en quarante-huit heures les 22 et 23 août dernier en Angola et 3 395 en République démocratique du Congo, contre 2127 au Brésil ». Selon le quotidien argentin Clarín, qui qualifie l’Afrique de « continent en flammes », celle-ci concentrerait « au moins 70 % des quelques 10 000 feux dénombrés dans le monde au cours une journée moyenne du mois d’août ».
Mais voilà, Emmanuel Macron ne s’en prend qu’à son homologue Jaïr Bolsonaro, coupable sans doute d’avoir posé récemment un lapin inélégant mais fort significatif au ministre de l’Europe et des affaires étrangères français, Jean-Yves le Drian pour cause d’urgence capillaire. Traiter de « menteur » le dirigeant d’un grand pays allié n’est pas d’une intelligence diplomatique avérée mais Emmanuel Macron fait peut-être partie de ces néophytes en politique qui imaginent que la diplomatie n’est destinée qu’à s’entretenir et se congratuler mutuellement dans l’entre-soi avec les dirigeants des pays avec qui l’on est d’accord (alors qu’elle sert essentiellement à rapprocher les contraires). Il ne faut pas ensuite s’étonner et monter sur ses petits poneys, en jouant les victimes outragées, si on se prend des insultes du même niveau au retour du boomerang. Petit jeu de postures qui est loin de grandir l’image de la politique et des dirigeants des principaux pays de la planète aux yeux de ceux qui les regardent, l’immaturité et les échanges du niveau de cour de récréation, où les petits Grands de ce monde jouent à qui fait pipi le plus loin, semblant devenir la norme dans les relations internationales.
Il n’empêche que de tout cela on déduit qu’aux yeux d’Emmanuel Macron il y a des feux gentils, pour se développer, et des feux méchants, qu’il faut dénoncer. Tout dépend de l’amitié ou de l’inimitié que l’on entretient avec ceux que l’on en juge responsables.

L’Amazonie n’est pas le poumon de la planète

D’abord que veut dire « poumon de la planète » ? C’est une expression très ambiguë. Cela signifie-t-il qu’il s’agirait de la première forêt productive oxygène ? Ou de la première forêt en termes d’absorption de CO2 ? C’est certes une jolie formule mais, dans les deux cas, c’est trompeur et réducteur.
La forêt amazonienne produit de l’oxygène, oui évidemment, comme toute forêt, mais en aucun cas 20 % comme l’a prétendu le président français. La plupart des scientifiques s’accordent pour estimer que l’Amazonie produit environ 5% de notre oxygène, ou à peine davantage (les études les plus optimistes approchent les 9%). Citons juste quelques études : 5% pour Philippe Ciais, chercheur au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) interrogé par le Parisien, 6% pour Jonathan Foley, directeur de l’institut de l’environnement de l’université du Minnesota (qui pense même que ses propres calculs sont surévalués). Pour ce chercheur l’ensemble des forêts du monde représentent 50 % de la production d’oxygène (l’autre moitié est produite par les océans) , dont 12 % pour les forêts tropicales comme l’Amazonie (elle représenterait la moitié de ces 12%, donc 6% du total) : « il est biologiquement et physiquement impossible pour l’Amazonie de produire 20 % d’oxygène du monde ». Neil Blair, professeur d’ingénierie environnementale à l’université de Northwest, arrive aussi à 6% de l’oxygène de la planète dans une étude de 1998 dans la revue Sciences, où il explique que les écosystèmes forestiers contemporains contribuent de fait très peu à l’oxygène de l’atmosphère, une grande partie provenant des matières organiques enfouies dans notre sol depuis des milliards d’années. Et pour lui aussi, l’essentiel de l'oxygène émis aujourd’hui vient des océans et de la photosynthèse marine.
Un autre aspect est que si l’Amazonie, comme les autres forêts du monde, produisent de l’oxygène, elles en consomment aussi, c’est ce qu’expliquait il y a quelques jours sur son blog Yadvinder Malhi, professeur de sciences des écosystèmes à l’université d’Oxford . En Amazonie, les plantes et les microbes du sol en consommeraient autant que ce qui est émis chaque année, laissant le système en équilibre.
Quand Emmanuel Macron écrit que l’Amazonie absorbe 14 % du CO2 mondial, ce serait donc également en tant que rétentrice de gaz carbonique (qu’elle transforme donc en oxygène par la phytosynthèse) que l’Amazonie serait « le poumon du monde » ? Or, c’est inexact, car elle en produit aussi. Il peut même arriver qu’une forêt émette plus de CO2 qu’elle n’en absorbe, explique au Huffington post Alain Pavé ancien directeur du programme Amazonie du CNRS. Si des arbres en pleine croissance peuvent en effet mettre beaucoup d’oxygène, d’autres vieillissants ou mourant dégagent surtout du CO2. « Pour faire simple le bilan de la forêt en elle-même est nul quand elle est à son état d’équilibre » conclut Pierre Thomas, professeur émérite à l’École Normale Supérieure de Lyon interrogé par Le Parisien. Pour le chercheur Jean-Pierre Wigneron de l’INRA, il est certain que les écosystèmes d’Amazonie capturent effectivement une quantité énorme de CO2 mais ils en émettent d’aussi importantes au point que, si l’on regarde le bilan net (en clair le gain par séquestration de CO2 moins les pertes par émissions de CO2) les forêts tropicales d’Amérique du Sud ont un bilan globalement neutre sur les 10 dernières années. Pour ce chercheur, les pièges à carbone des surfaces terrestres seraient actuellement plutôt dans les forêts boréales et tempérées, ce serait elles qui nettoieraient l’atmosphère et non l’Amazonie. Mais pour lui aussi le principal poumon reste constitué par les surfaces océaniques.
Il n’en reste pas moins qu’une tonne d’arbres qui brûle se sont presque 2 tonnes de CO2 qui s’évaporent. 30 % du stock mondial de carbone serait stockés dans les forêts (dont l’Amazonie). On peut donc effectivement s’inquiéter à juste titre des incendies de forêt pour le carbone produit (qui peut s’ajouter à celui qui est imputable aux activités humaines), pour les conséquences sur le climat régional comme on l’a vu, pour l’approvisionnement en eau, pour la biodiversité comme on va le voir, mais pas pour l’oxygène comme le prétend le chef de l’Etat français. Le risque écologique est réel, mais pour d’autres raisons que les allégations fantaisistes avancées.

Faites ce que je dis mais ne dites pas ce que je fais

Le véritable poumon de la planète sont donc les océans dont provient la moitié de notre oxygène. C’est le plancton, dont la biomasse totale est nettement supérieure à celle des forêts, qui est le premier producteur d’oxygène tout en étant le plus grand piège à gaz carbonique du monde. C’est pourquoi les scientifiques emploient l’image de « poumon bleu de la planète ».
Or, favoriser le commerce RTW (round the world) par des traités de libre-échange, c’est augmenter sans cesse la flotte de pétroliers et porte-conteneurs qui sillonnent mers et océans, ce qui augmente les risques écologiques en tous genre (pollution directe, réchauffement, accidents, empreinte carbone…). C’est ce que va amplifier la signature du CETA et celle à venir du Mercosur, traité que nombre d’écologistes présentent comme climaticide, mais qui était défendu bec et ongles par LREM il y a quelques jours encore.
En outre, que sont ces incendies qui touchent (vue sa superficie, je ne peux écrire « ravagent » comme si elle allait disparaître du jour au lendemain) la forêt amazonienne ? Certains sont liés à la sécheresse mais beaucoup d’autres, la majeure partie, ont pour objectif de soutenir l’exploitation agricole intensive (élevage et agriculture) et de favoriser les exportations de soja ou d’élevage bovin. L’incendie est le fait d’agriculteurs et d’éleveurs, souvent aussi de grandes firmes, soit pour défricher de vastes zones d’exploitation, soit pour nettoyer et enrichir le sol par brûlis. Ajoutons que le Mercosur doit également permettre les investissements de nos propres multinationales au Brésil, notamment pour l’extraction minière, ce qui évidemment se traduira par la destruction d’une partie de la forêt amazonienne. Cette agriculture intensive est favorisée (au sens qu’il laisse faire) par l’actuel président brésilien qui n’a jamais caché faire passer les intérêts économiques de son pays bien avant les préoccupations écologiques, mais comme d’autres avant lui, notamment le président Lula que personne n’a jamais condamné à cet égard.
Sans doute est-ce la raison pour laquelle Emmanuel Macron, conscient des contradictions portées par son revirement écologique d’un côté, par son soutien à des traités de libre-échange de l’autre, inquiet devant les réactions qu’il n’attendait peut-être pas, consécutives au projet de signature du traité avec l’Amérique du Sud, s’est soudainement « trumpisé » en prétendant, sans même avoir pris l’avis de ses pairs et invités, sortir unilatéralement des accords entre l’Union européenne et Mercosur, histoire de se donner une bonne conscience et virginité écologiques, largement entamées par la négociation des traités transatlantiques, la démission de Nicolas Hulot, le scandale de Rugy, les hésitations sur la taxe carbone ...

L’Amazonie en revanche est capitale pour d’autres raisons

Le vrai problème est ailleurs car l’Amazonie est bien plus qu’un stock d’oxygène.
Le drame environnemental de la déforestation amazonienne concerne avant tout la région. La forêt régule tout le climat de l’Amérique du Sud, elle y maintient l’humidité en produisant de la vapeur d’eau. Si le rythme actuel (c’est-à-dire depuis une trentaine d’années) de déforestation se poursuit, la région risquera de graves problèmes de sécheresse jusqu’au Mexique et au Texas où les précipitations seront impactées (selon une étude de la NASA). Ajoutons que sur tout le continent sud-américain, tant l’agriculture que la production d’énergie reposent sur des barrages qui, s’ils sont menacés par un déficit hydrique, ne pourront plus jouer leur rôle. Mais c’est un problème qui concerne les deux Amérique, du Nord comme du Sud, et le président brésilien a sans doute raison lorsqu’il accuse le président français à cet égard de néocolonialisme. Les associations régionales sont là pour régler ce genre de problème, la France est concernée au même titre que les autres par sa présence en Guyane et, dans une moindre mesure, aux Antilles, mais c’est au sein de la coopération multilatérale régionale que ce genre de problème doit être abordé, comme l’a proposé ces jours-ci le président colombien Ivan Duque qui prépare une proposition de pacte régional pour la conservation de la forêt (« Nous voulons piloter un pacte de conservation entre les pays qui partagent ce territoire amazonien »). Ensemble, entre pays concernés, libres et souverains. Pas en gesticulant et prenant la pose avec un air condescendant de donneur de leçons, sur une scène internationale.
En revanche l’Amazonie concerne aussi le monde car cet écosystème complexe est d’une importance capitale pour la biodiversité. Sur 6 millions de kilomètres carrés, la plus grande forêt tropicale du monde abrite 40 000 espèces de plantes dont 16 000 essences d’arbres, 2,5 millions d’espèces d’insectes, 1500 oiseaux, 500 mammifères… Et selon les scientifiques cette biodiversité inestimable est sûrement beaucoup plus importante que ce qui a déjà été identifié.

L’écologie comme nouvelle religion laïque

Quoi de mieux pour prendre la pose et haranguer les foules que l’écologie transformée en nouvelle religion laïque ? Et rien de plus fédérateur qu’un épouvantail que l’on agite et contre lequel on excite les troupeaux devenus loups. Hier encore le diable, c’était le « facho », c’est-à-dire celui qui osait constater les faits en matière d’insécurité ou de problèmes liés à une immigration incontrôlée. Cela permettait de stigmatiser l’adversaire, de le faire taire par une forme d’autocensure, de le criminaliser en le livrant à la vindicte populaire. Mais ça ne marche plus aussi bien qu’autrefois, car les faits sont là, et une grande partie des électeurs, sans même changer d’appartenances partisanes, sont aujourd’hui d’accord sur le constat urgent d’un faisceau de problèmes, sur l’urgence d’une réaction : être « facho » ne peut plus être un acte de différenciation entre le camp du Bien et le camp du Mal. Il a fallu trouver un autre marqueur pour tracer la ligne rouge entre ceux qui pensent droit et les ennemis déviants. Désormais, aujourd’hui on est écologiste, ou on ne l’est pas. On est un disciple de la prophétesse de l’apocalypse ou on est un inconscient, un gros beauf de capitaliste égoïste peu soucieux des générations de demain. Le juste milieu, un citoyen du monde responsable, cultivé, réfléchi, inquiet devant les changements climatiques, sans certitudes, capable de douter, qui s’interroge sur les causes, sur ce qu’il lui revient de faire, à son échelle, en lisant des articles scientifiques divergents, n’est même pas concevable pour le nouveau totalitarisme vert. Soit on est dans l’urgence, soit on est irresponsable. Tout recul critique est une perte de temps, une trahison, un risque.
La conséquence de ce nouvel embrigadement, et de cette nouvelle religion qui procède par fantasmes, exagération de peurs, manipulation de l’émotion et excommunications, c’est que la formule totalement erronée du chef d’État français, reprise par le footballeur portugais Cristiano Ronaldo de « poumon de la planète » produisant « 20 % de l’oxygène » mondial ont été « likés » et sur les réseaux plus de 15 millions de fois depuis le 22 août ! C’est grave. Une partie des internautes marchent au slogan, galopent à l’émotion, relaient tout et n’importe quoi participant à la désinformation générale. Aussi ne faut-il pas s’étonner de voir d’autres courants d’idées promulguant des croyances au détriment des sciences prendre de l’ampleur à l’échelle de la planète (que certains désormais vont jusqu’à prétendre plate). On a même vu une ministre de l’Education nationale demander aux enseignants, dans son livret sur la laïcité, de mettre science et croyances sur le même plan, sans relation de supériorité de l’une sur l’autre, lorsque cela heurte la sensibilité de certains élèves ou familles! Cela part exactement du même manque de vigilance de la part d’internautes qui ne prennent plus la peine de s’éduquer ni de s’interroger, qui ne doutent jamais, que l’on pétrit de certitudes et que l’on manipule par la peur et l’émotion.

Conclusions

C’est pourquoi la déforestation est une question qui, effectivement, est en droit d’inquiéter le monde entier, mais pas pour les raisons invoquées par le président Macron qui réduit le rôle de la forêt à un simple stock d’oxygène, ce qui, on l’a vu, est contestable et contesté par les scientifiques. Mais dans un cas comme celui-ci, il faut se regarder dans une glace et faire la part des responsabilités de chacun. L’Afrique aurait le droit de se développer mais pas le Brésil ? Pourquoi? Parce que son président est populiste ? La déforestation tient à un système d’agriculture et d’élevage intensif, d’exploitation minière, auxquels nous participons par la mondialisation des échanges, des investissements à l’international, et la signature de traités qui défavorisent et handicapent les systèmes locaux. Emmanuel Macron et son gouvernement sont responsables de favoriser, par les traités qu’ils défendent contre une partie de leurs concitoyens, en particulier les éleveurs et les agriculteurs, un système qui suppose la déforestation amazonienne. Le consommateur lambda qui aujourd’hui crie au scandale et hurle avec les loups contre les feux en Amazonie doit, à son tour, faire son examen de conscience pour revoir éventuellement sa consommation et devenir plus “locavore”. Quitte à ralentir la croissance brésilienne et obliger un pays émergent à un autre mode de développement agricole. Que chacun se détermine en conscience en privilégiant ce qui lui semble essentiel. Mais on ne peut défendre tout et son contraire.
Le second point, c’est que si l’avenir d’une nation ne peut se réduire à prendre la pose en évoquant d’hypothétiques taux de CO2: l’écologie elle-même mérite une autre place dans le débat, une véritable culture scientifique, une capacité à la réflexion qui semble bien loin du président Macron et de son équipe. Ce dernier prétend « avoir changé » et avoir été sensibilisé par la mobilisation des jeunes sur le sujet. Si le Président est sincère, c’est assez inquiétant sur la maturité du personnage soudain touché par la grâce de l’anticapitalisme primaire et qui avouerait ainsi s’être laissé entraîner par une jeunesse elle-même sous l’influence hypermédiatisée et artificiellement créée par une jeune fille (et ses soutiens financiers) menant un combat à la fois politiquement orienté (voir ses liens avec les anticapitalistes et « antifas » du monde entier, surtout américains) et écologiquement douteux car trop radical.
D’autant plus inquiétant que Greta Thunberg est en quelque sorte l’héritière de la deep ecology des deux premiers tiers du XXe siècle, à l’exact opposé du développement durable qui, lui, tente de concilier piliers écologique, social et économique. Cette écologie radicale n’avait jusqu’à présent que très peu pris racine en France, à l’exception de groupuscules d’extrême-gauche dont elle rejoignait l’anticapitalisme et l’espoir d’un Grand Soir : en effet, faisant passer le minéral, le végétal et l’animal avant l’humain considéré uniquement comme un perturbateur et prédateur de l’écosystème, elle apparaissait comme une inversion épistémologique totale de la pensée cartésienne, celle qui présente l’homme comme maître et possesseur de la nature et qui a profondément marqué le rationalisme français, comme l’a magistralement démontré Luc Ferry (Le nouvel ordre écologique. L’arbre, l’animal et l’homme, 2002). Jusqu’à présent la pensée écologique française, et au-delà européenne (cf. les Grünen allemands) cherchait un compromis entre ces deux tendances radicales, le cartésianisme et l’écologie profonde, consciente des dégâts de la présence des hommes en croissance exponentielle sur l’écosystème mais en même temps confiante dans l’intelligence humaine et les progrès techniques qui, jusqu’à aujourd'hui, lui ont toujours permis de surmonter toutes les crises écologico-démographiques annoncées. De la mesure avant toute chose. Mais voilà le président Macron qui, à son tour, se vautre dans l’anti-scientisme et se mue en prophète de l’apocalypse !
Espérons qu’il s’agit juste d’une posture politicienne, ce qui serait plausible étant donné l’absence de la question écologique dans ses préoccupations de campagne. S’il s’agit juste de surfer sur un nouvel engagement de la jeunesse et au-delà du corps social français, de ratisser large en donnant à ces possibles électeurs tentés par l’abstention ou habitués à l’errance entre les partis, le prêt-à-penser conceptuel à la mode qu’ils ont envie d’entendre, c’est parfaitement compréhensible car électoralement payant, même si les ficelles sont un peu grosses. Il peut aussi s’agir de détourner, via l’écologie comme s’y attelle le gouvernement Philippe depuis deux ans, le regard de ses concitoyens des véritables problèmes ou des questions les plus urgentes à régler. Tant que l’on fait semblant de débattre sur écologie, qui semble mettre tout le monde d’accord, on ne parle pas immigration, sécurité, accroissement de la dépense publique, délabrement de l’éducation nationale, affaiblissement de nos forces de l’ordre, France périphérique et désertification hors des grandes métropoles …
Il fallait également, certainement, donner un sens et un souffle à ce G7 ronronnant et adopter une posture consensuelle et un temps d’avance sur ceux qui n’y avaient pas encore pensé. Ne parvenant pas à rassembler pour, on s’allie contre. C’est plus facile, mais moins durable.
La cause de l’Amazonie est un combat réel. Le drame écologique qui s’y trame “à petits feux” est indéniable. Mais la fin, ici comme ailleurs, ne justifie pas les moyens, et surtout pas de mentir pour attirer l’attention sur un problème réel, ce qui ne peut que discréditer la cause que l’on prétend servir. Encore moins lorsqu’il semble évident que la “cause”, ce soudain engouement du président français pour les questions écologiques en général, pour l’Amazonie brésilienne en particulier, , n’est qu’un prétexte à réglements de comptes personnels et politicailleries de bas étage.

par Nicolas Conquer (Valeurs Actuelles) 23 novembre 2025
A l’heure de l’IA, l’immigration choisie devient un grand déclassement "Cette question deviendra l’une des dimensions majeures des prochaines échéances électorales en France. Ceux qui continueront de célébrer « l’immigration choisie » sans condition seront jugés pour ce qu’ils sont : les fossoyeurs silencieux de la mobilité sociale de nos enfants." https://www.valeursactuelles.com/economie/a-lheure-de-lia-limmigration-choisie-devient-un-grand-declassement
par Louise Morice dans Frontières 23 novembre 2025
Je suis de la génération Bataclan. La génération qui n’a pas connu la guerre, mais qui voit le sang couler sur son propre sol. Chaque année, chaque mois, chaque semaine. Nous avons grandi dans l’ombre des sirènes et des bougies, dans la peur sourde des métros bondés, des gares trop silencieuses, des sacs abandonnés. Je fais partie d’une génération qui vit la barbarie à chaque coin de rue ; d’une génération de femmes qui hésite à mettre une jupe, de garçons qui baissent les yeux pour éviter une provocation. Nous sommes ceux qui ont appris trop tôt ce que veut dire mourir pour rien. Je suis de la génération qui n’oubliera jamais, et qui ne pardonnera pas. Remplie de colère, parce qu’on ne nous protège pas. Remplie de colère, parce qu’ils ont les clés mais préfèrent le déni, la lâcheté, plutôt que le courage d’affronter le réel. Ils disent craindre la guerre civile, mais la guerre est déjà là, diffuse, rampante, dans les cœurs et dans les rues. J’avais seize ans, j’étais au lycée. Je me souviens du message sur la conversation de classe : « Y’a encore un attentat à Paris. » Encore. Ce mot résonne encore plus fort que les balles. Ce n’était pas le premier. Et nous savons, hélas, que ce ne sera pas le dernier. Louise Morice, média Frontières
par Jeanne Durieux (Le Figaro) 10 novembre 2025
"Contrairement au conflit à Gaza, ou à la guerre en Ukraine, la guerre au Soudan passe largement sous les radars politiques et médiatiques." "il n’y a pas d’armes actionnées par des Juifs, donc pas d’antisémitisme à galvaniser sous le masque de la bonne cause" Deux poids et deux mesures avec Gaza ? Une chronique de Jeanne Durieux sur un conflit qui passe largement sous les radars politiques et médiatiques à lire dans le Figaro : https://www.lefigaro.fr/international/pourquoi-parle-t-on-moins-du-conflit-au-soudan-que-de-gaza-ou-de-l-ukraine-20251108 DÉCRYPTAGE - Contrairement au conflit à Gaza, ou à la guerre en Ukraine, la guerre au Soudan passe largement sous les radars politiques et médiatiques. Des civils abattus d’une rafale de kalachnikov le long des talus, des hommes rassemblés en groupe pour être brûlés vifs, des enfants épuisés et muets qui déambulent sans parents le long des camps de réfugiés, des femmes atones au regard hanté qui taisent les viols collectifs dont elles ont été victimes. Voilà quelques-unes de la kyrielle d’images insoutenables qui ont envahi les réseaux sociaux ces derniers jours, presque deux semaines après la prise de la ville soudanaise d’El-Fasher par les FSR, les Forces de soutien rapide. Un premier bilan fait état d’environ 3000 civils abattus, mais le bilan pourrait être en réalité considérablement plus élevé. À découvrir Ces massacres de civils, dont l’horreur augmente à chaque témoignage rapporté par les ONG, jettent une lumière crue sur le conflit sanglant qui sévit au Soudan depuis plus de deux ans. Il oppose, sur un échiquier soudanais très complexe mêlé d’enjeux ethniques et religieux, les généraux Al-Burhan, chef de l’armée régulière, à Mohamed Daglo dit Hemedti, à la tête des FSR. Et s’inscrit dans le temps long d’une guerre multifactorielle qui ensanglante la région du Darfour depuis des décennies. Et pourtant, les massacres qui sévissent dans ce pays d’Afrique de l’Est bordé par la mer Rouge peinent à bénéficier d’une couverture médiatique ou de dénonciations proportionnelles à la hauteur des 150.000 morts et des 12 millions de déplacés depuis 2023. Contrairement au conflit à Gaza qui engendre depuis deux ans nombre de mobilisations, réactions, et polarise profondément la société française, la guerre au Soudan ne génère qu’une discrète indignation, voire un silence indifférent, malgré plusieurs récits publiés par les médias (dont Le Figaro ). Comment, malgré tout, expliquer cet angle mort ? Le Soudan échappe aux schémas impérialistes et colonialistes Le Soudan est un pays «inclassable», présente d’emblée le chercheur Marc Lavergne. À cheval sur l’Afrique noire et le monde arabe, multiethnique et multireligieux, lié à la Méditerranée, mais aussi à l’Afrique centrale et au Sahel, il échappe à toute catégorisation géographique mais également historique. Le Soudan a été conquis par les Britanniques et les Égyptiens à la fin du XIXe siècle, qui y ont établi un condominium [un territoire sur lequel plusieurs puissances exercent conjointement une souveraineté, NDLR], avant que le pays ne proclame son indépendance en 1956. Mais en réalité, «les Anglais n’ont pas vraiment colonisé le pays puisqu’ils n’y voyaient qu’une mainmise formelle. Ils sont d’ailleurs regrettés par les Soudanais», pointe encore Marc Lavergne. Par cette histoire, le Soudan échappe aux schémas classiques «impérialistes et colonialistes» qui ont profondément forgé les dynamiques actuelles de la plupart des pays africains. Et c’est d’abord là que le bât blesse. Concrètement, le Soudan n’est pas considéré comme un pays où doit s’exercer une lutte anti-impérialiste ou décoloniale, matrice des discours actuels qui défendent par exemple ardemment la Palestine en «lutte» contre «l’État colonisateur» que serait Israël. En réalité, «le conflit qui déchire le Soudan n’est pas une guerre idéologique mais un conflit pour l’argent», avance Marc Lavergne. Les factions en guerre cherchent en partie à contrôler le pays pour des motivations économiques : ils se disputent notamment la mainmise sur le contrôle des ressources économiques soudanaises agricoles et minières (comme l’or et pétrole). Et dans ce conflit, «le sort, comme l’opinion des civils, est complètement évacué» pointe le spécialiste. Le conflit à Gaza accapare la question du génocide Or, c’est précisément le conflit idéologique qui fait de Gaza une tragédie abondamment exposée. Se joue là le paradoxe de la solidarité sélective : les défendeurs de la cause palestinienne requièrent une prise en charge mondiale de cette tragédie mais s’opposent de l’autre «à l’universalité funéraire» pour d’autres conflits, pointait l’écrivain Kamel Daoud dans les colonnes du Point dès novembre 2024. Selon le prix Goncourt, il n’est pas populaire de plaindre tous les morts, quelles que soient leurs origines. Il poursuivait : «Si vous abordez ce sujet tragique [de la guerre au Soudan, NDLR], vous êtes accusé de cacher un conflit armé ’exclusif’ [celui de Gaza, NDLR], de changer de sujet, de procrastiner et de manipuler.» Par ailleurs, de façon évidente, les mobilisations autour du conflit armé à Gaza servent de relais à l’antisémitisme. Très concrètement au Soudan, «il n’y a pas d’armes actionnées par des Juifs, donc pas d’antisémitisme à galvaniser sous le masque de la bonne cause. (...)», appuie Kamel Daoud. Ce que corrobore l’avocat et essayiste Gilles William Golnadel dans une tribune publiée au Figaro : «[Il y a] une focalisation sur la chose juive par une sorte de fascination», expose-t-il pour justifier l’exposition qui entoure Gaza. Or, au Soudan, «les musulmans y tuent d’autres musulmans, ce qui équivaut à zéro. La mort ne devient importante que si elle suscite des émotions collectives à travers un casting précis», pointe encore Kamel Daoud. Davantage de personnes peuvent avoir été assassinées en une semaine à el-Fasher, sans aucune exagération, qu’en deux ans à Gaza. Nathaniel Raymond, directeur exécutif du laboratoire humanitaire de recherches à Yale Pourtant, les ethnies du Darfour (Fours, Masalit et Zaghawa) ont été victimes d’un génocide au début des années 2000, notamment de la part des Janjawid, ces milices arabes dont découlent aujourd’hui les FSR. Et ces violences contre les ethnies non arabes ont redoublé avec la reprise du conflit en 2023. Mais aujourd’hui, la question du «génocide» dans le débat public est presque exclusivement captée par les événements à Gaza. «Les informations qui remontent du terrain [au Soudan] témoignent d’un nettoyage ethnique voire d’un génocide en cours. On s’est posé des questions très longtemps sur Gaza, on a eu toutes sortes de débats, “est-ce un génocide ou pas ?” alors qu’au Darfour, on avait des éléments [pour le caractériser] et on n’en parlait pas du tout», a pointé le 6 novembre 2025 sur le plateau de C ce soir Meriem Amellal, journaliste spécialiste de l’Afrique à France 24. Plus prosaïque, Nathaniel Raymond, directeur exécutif du laboratoire humanitaire de recherches à Yale, établissait un parallèle cette semaine : «davantage de personnes peuvent avoir été assassinées en une semaine à el-Fasher, sans aucune exagération, qu’en deux ans à Gaza». Et pour cause : après la prise de cette ville, il n’y a pas eu de mouvement massif de population, comme c’est normalement le cas dans une zone nouvellement conquise. Cette constatation «augmente la probabilité que la majorité des civils soient morts, capturés ou cachés» dans l’enceinte de la ville, indique un rapport établi par l’université de Yale et cité par le Middle East Eye . Les Nations unies estiment à environ 60.000 le nombre de personnes ayant réussi à fuir el-Fasher − près de 200.000 personnes sont en conséquence toujours entre les mains des sanguinaires milices. À titre de comparaison, 67.000 civils environ auraient trouvé la mort à Gaza depuis le 7 octobre 2023, selon le décompte (invérifiable) du Hamas. En clair, le Soudan est bien loin des projections collectives et des débats qui agitent et polarisent nos sociétés occidentales. Au sein de cette guerre africaine s’entrelacent de nombreux enjeux internes qui entravent notre implication morale dans le conflit. En Occident, «on ne fait pas la différence entre tous les Soudanais, même s’il existe de nombreuses différences ethniques», éclaire Marc Lavergne, - à l’inverse, là encore, du conflit à Gaza, qui oppose deux parties clairement connues et identifiées. Ce que corrobore encore Kamel Daoud dans sa chronique au Point : «Le corps d’un Soudanais est-il moins choquant parce qu’il n’a pas d’histoire qui nous ressemble ?» s’interroge-t-il. Par ailleurs, depuis deux ans, le conflit soudanais oppose deux généraux belligérants unanimement dénoncés. Les Forces de soutien rapide se sont certes rendues complices de nombreux massacres de civils, largement documentés ces derniers jours, mais les exactions du gouvernement dit «légal» du général Al-Burhan les talonnent sur l’échelle de la violence. «Concrètement, les troupes d’Al-Burhan tuent certes moins de gens, mais les milices qui sont alliées à l’armée régulière font les basses besognes. Et de façon générale, l’armée n’a que faire des civils», résume Roland Marchal, chercheur au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po Paris. Par ailleurs, les acceptions des termes «gouvernement légal» et «gouvernement rebelle» ne s’appliquent pas réellement au Soudan. «Lorsque deux généraux anciens complices s’affrontent, qui est dans la légalité et qui ne l’est pas ?» interroge le chercheur Marc Lavergne. Et ce dernier de poursuivre : «Entre une armée putschiste, dirigée par al-Burhan, qui a ruiné le pays et pris le pouvoir par un coup d’État, et les Forces de sécurité rapide dirigées par le général Hemedti, grand responsable de la crise du Darfour en 2005, qu’on présente comme des rebelles alors qu’ils sont avant tout des Bédouins, à qui accorder la légitimité ?» De quel côté se placer ? Un tel parti pris est, à l’inverse, plus évident dans le cas du conflit en Ukraine : il y a d’un côté l’agresseur, la Russie, et l’agressé, l’Ukraine, dont une partie des terres a été envahie par l’armée russe. Peu d’intérêt stratégique La donne géopolitique impose également sa grille de lecture : celle des Européens est d’abord liée aux décisions de Washington et à la menace russe. Là encore, l’attention constante qu’accorde la France au conflit russo-ukrainien se justifie ainsi par la proximité géographique et culturelle avec l’Ukraine. Cette dernière étant aux portes de l’Europe et candidate à l’UE et l’Otan, les Français ont tout intérêt à peser pour la victoire de l’Ukraine et la résolution du conflit. Dans le cas du Soudan, la France, qui avait soutenu la chute du régime d’Omar el-Béchir en 2019 en s’affirmant se placer du côté «de ce nouveau Soudan», y accorde en réalité peu d’intérêt. «Il n’y a plus cette génération de gens qui ont connu la Françafrique et qui conservent des liens et des intérêts forts sur le continent», dépeint Marc Lavergne, pour qui «la France s’est désintéressée du Soudan».
par Olivier Babeau / Valeurs Actuelles 4 novembre 2025
"Fuite des cerveaux, désindustrialisation, endettement, services publics défaillants, dépendance au luxe et à l’aéronautique : la France adopte les caractéristiques économiques des pays pauvres" Une tribune à lire dans Valeurs Actuelles : https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/economie/olivier-babeau-la-france-se-tiers-mondise
par Guillaume Roquette dans FigaroVox 3 novembre 2025
Un edito de Guillaume Roquette dans FigaroVox suite à la large victoire de Javier Milei aux législatives de mi-mandat en Argentine. Javier Milei a mis ses actes en accord avec ses paroles depuis qu’il dirige le pays. Et pendant ce temps là, en France, on cogite sur la meilleure façon d'augmenter encore un peu plus la fiscalité alors que nous sommes déjà champion du monde toutes catégories ! https://www.lefigaro.fr/vox/politique/l-editorial-du-figaro-magazine-la-lecon-argentine-20251031 "Large vainqueur aux législatives de mi-mandat, avec un peu plus de 40% des voix pour son parti au niveau national, Javier Milei a mis ses actes en accord avec ses paroles depuis qu’il dirige le pays. Une victoire éclatante. En remportant haut la main les dernières élections législatives en Argentine, Javier Milei a ridiculisé les pseudo-experts qui affirmaient qu’un président aussi libéral serait nécessairement désavoué par les électeurs. À travers ce scrutin, le peuple de ce pays nous administre une magnifique leçon de courage : oui, on peut choisir en toute conscience la voie du redressement, accepter des efforts douloureux, couper à la tronçonneuse dans les dépenses publiques si c’est la condition pour ne pas sombrer. Pour nous autres Français, les Argentins sont des Martiens. Malgré notre dette vertigineuse, notre administration obèse et nos prélèvements obligatoires suffocants, nous refusons collectivement de rompre avec un modèle pourtant à bout de souffle, comme si nous pouvions indéfiniment vivre à crédit sans en payer un jour le prix. L’essayiste Mathieu Laine dresse ce constat désabusé : « Les peuples ne deviennent libéraux que quand ils ont touché le fond de la piscine keynésienne. » Passer la publicité Nous en sommes loin. Le patron du Parti socialiste français, Olivier Faure, continue au contraire de claironner qu’ « il va falloir prendre l’argent là où il est, c’est-à-dire dans les poches de ceux qui ont les moyens ». Voilà les gens avec lesquels le premier ministre Sébastien Lecornu a dangereusement choisi de pactiser : des démagogues d’une médiocrité crasse qui vont tuer notre pays si on les laisse faire. Là-bas, Nicolás ne veut plus payer Pourquoi les Argentins sont-ils capables d’un sursaut auquel nous nous refusons, en tout cas pour l’instant ? La démographie est l’une des réponses : leur pyramide des âges est moins déséquilibrée que la nôtre. Plus nombreux et plus jeunes, les actifs ne veulent plus d’un système qui les empêche de vivre décemment. Là-bas, Nicolás ne veut plus payer. On connaît le franc-parler de Javier Milei. Quand on lui demande ce qu’il pense de ses adversaires progressistes, il les traite de « gauchistes de m… » et affirme : « Il ne faut pas leur laisser un millimètre, si vous le faites, ils vont l’utiliser pour vous détruire. »« Ma mission est de botter le cul des keynésiens et des fils de p… collectivistes. » Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement… Et sa franchise ne s’arrête pas aux discours. Contrairement à ce qui se passe habituellement avec la droite française quand elle est au pouvoir, le président argentin a mis ses actes en accord avec ses paroles depuis qu’il dirige le pays. Il a baissé la dépense publique de 30% et supprimé 60 000 postes de fonctionnaires. Le nombre de ministères est passé de 21 à 10. « Afuera » (ça dégage) ! Pour la gauche française, Milei est le mal personnifié. En rétablissant l’équilibre budgétaire de son pays (une première depuis 14 ans), il a coupé les vivres à des centaines de structures politiques, médiatiques et culturelles qui vivaient au crochet de l’État. Un cauchemar pour nos progressistes ; un modèle à suivre pour une droite digne de ce nom."
par Pierre Brochand (ancien directeur général de la DGSE) 18 octobre 2025
Immigration de masse, insécurité, risque de guerre civile... Le cri d’alarme de Pierre Brochand (ex-DGSE) "EXCLUSIF - Vingt ans après les émeutes qui avaient éclaté à Clichy-sous-Bois puis dans toutes les banlieues, l’ancien directeur général de la DGSE dresse le constat inquiétant d’une France au bord de la « confrontation interne »." Une tribune à lire dans FigaroVox : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/immigration-de-masse-insecurite-risque-de-guerre-civile-le-cri-d-alarme-de-pierre-brochand-ex-dgse-20251017 LE FIGARO MAGAZINE. - Il y a tout juste vingt ans, le 27 octobre 2005, éclataient les premières grandes émeutes de banlieue. Plus qu’une expression de violence passagère, était-ce le début d’un long processus nous conduisant à une forme de « guerre civile » ? Pierre BROCHAND. - Avec le recul, ce qui s’est passé, il y a vingt ans, apparaît, d’abord, comme un révélateur cruel de l’état du pays. Depuis les années 1980, s’était dessiné un paysage inédit : des émeutes ethniques, jamais vues, fusaient ponctuellement en zones urbaines, sur fond de délinquance, d’islamisation et de séparation. La vague d’octobre, en étendant l’incendie à plusieurs villes simultanément, a sonné un réveil en fanfare. Deux tiers de nos compatriotes en ont déduit qu’il fallait « arrêter l’immigration ». Ceux qui détenaient le pouvoir ne les ont pas écoutés. Résultat : rien n’a été fait. Ce qui nous amène directement aux angoisses d’aujourd’hui, que résume la prophétie de « guerre civile ». Je doute que celle-ci se réalise à court terme. En revanche, je tiens pour certaines les affirmations suivantes : – Si nous restons bras croisés, nous irons vers le pire. – Ce pire sera la régression de notre pays en tous domaines, à commencer par la sécurité de ses habitants et, plus généralement, leur bonheur de vivre. – L’épicentre en sera la débâcle de la confiance sociale, clé de voûte des peuples heureux, dont la perte disloque non seulement les sociétés « multi » mais aussi les fondements de l’État-providence. – Je ne vois pas d’autre ferment à ces ébranlements que l’irruption d’une immigration de masse, aux caractéristiques antagoniques des nôtres. Qu’est-ce qui vous rend dubitatif à l’égard du terme « guerre civile », pourtant repris par nombre de responsables politiques ? D’abord, les mots eux-mêmes. Je viens de le dire : pour moi, le fait générateur de troubles à venir ne peut être qu’importé. En effet, dans une démocratie avancée et apaisée, les différends, entre autochtones, ne semblent plus de nature à ressusciter la Révolution ou la Commune. La parenthèse de la « question sociale », ouverte en 1848, refermée en 1968, a laissé la place à des compromis quantitatifs sur le partage d’un gâteau commun, autour de la notion de pouvoir d’achat. De même, les problèmes sociétaux, qui ont pris la suite, n’ont jamais donné lieu à échanges de coups de feu : la haute tenue de la Manif pour tous en a fourni la preuve. Pour faire simple, je dirais qu’entre citoyens de souche, la violence, politique et sociale, n’est plus de mise : pour eux, l’Histoire est finie, au sens de Fukuyama. Leurs débats sont canalisés pour converger fatalement vers un centrisme bien-pensant, quel que soit le numéro de la République. Ceux qui le contestent ne sont pas nombreux : les black blocs ont affiché leurs limites, l’ultradroite parade modestement. L’échec des « gilets jaunes » a, en outre, confirmé qu’aucun projet, centré sur la redistribution du gâteau, ne pouvait renverser la table. Pour la même raison, j’écarte les concepts de « décivilisation » et d’« ensauvagement », qui, en douce, tendent à mettre tout le monde dans le même sac. J’irai plus loin : c’est le thème même de l’immigration, qui, par rétroaction, risque de susciter les plus graves dissensions chez les natifs, entre « universalistes » (mondialistes mercantiles, humanistes rêveurs, wokistes justiciers) et « localistes » (patriotes têtus, régionalistes renaissants, communautaires de tradition). Schisme, qui, d’ailleurs, réintroduit, dans le jeu belliqueux, certains de nos extrémistes, tenants d’une mythique « convergence des luttes », prêts à servir de cheval de Troie aux factions les plus militantes de l’immigration. Nos immigrés sont entrés avec de lourds bagages culturels, religieux, historiques, qu’ils n’ont pas abandonnés à la frontière Pierre Brochand Ensuite, le fait que les fauteurs de troubles de 2005, comme leurs prédécesseurs et successeurs, soient majoritairement de nationalité française ne change en rien le diagnostic. Nos immigrés sont entrés avec de lourds bagages culturels, religieux, historiques, qu’ils n’ont pas abandonnés à la frontière. Ces bagages étaient même si pesants qu’une partie de leurs arrière-petits-enfants continuent à les porter. Énumérons-les, une fois encore, puisque tout en découle : origine du tiers-monde, mœurs communautaires, majorité musulmane, culture de l’honneur, passé colonisé, démographie dynamique, endogamie élevée, faible niveau culturel, productivité et employabilité inférieures, coagulation en isolats géographiques et, surtout, donc, aggravation de ces dispositions au fil des générations dans un contexte global de vengeance du Sud sur le Nord. De ce point de vue, la distinction entre guerre « civile » et « étrangère » ressort brouillée. Nous sommes, au minimum, dans un cas hybride, qui efface, dès le départ, la dimension fratricide des luttes entre Armagnacs et Bourguignons, catholiques et protestants, et où la géopolitique intervient au moins autant que la politique. C’est pourquoi je préfère parler de confrontation interne, vulnérable à des ingérences extérieures. Dans ce tableau, il faut toutefois réserver un sort particulier à l’outre-mer, héritier lui aussi de l’ère coloniale, et doté d’une géographie lointaine et insulaire : on peut y voir des « laboratoires », où des débuts d’insurrection ont déjà opposé des citoyens français, selon leur origine ethnique. Enfin, une « vraie » guerre civile est une lutte armée, au sein d’une même collectivité, entre parties organisées qui s’en disputent le contrôle. Soit le basculement, brutal et total, d’un pays tout entier dans une violence physique concertée. Je le redis : cette vision paraît simpliste. Car d’innombrables hypothèses, plus complexes, sortant des sentiers battus, peuvent se vérifier. Même si nous pensons très fort à l’Empire romain, nul précédent ne saurait nous guider. Gardons à l’esprit qu’aucune société, avant la nôtre, n’a vécu sous le règne de l’individualisme de masse, sorte de terra incognita, sans carte ni boussole. Si nous ne nous dirigeons pas tout à fait vers une « guerre civile », vers quoi allons-nous ? Mon sentiment est le suivant. Bien avant d’en arriver à une bataille à mort pour la souveraineté, nous allons continuer de nous enfoncer dans des sables mouvants. Le raz-de-marée migratoire, s’il persiste, va produire un enchaînement de dégradations, à la fois sous-jacentes dans la durée et explosives dans l’instant. L’immigration actuelle est un fait social total dont les ondes de choc se font sentir partout. Pour les schématiser, elles raniment, d’abord, les clivages non négociables, c’est-à-dire non solubles en procédures, que nous pensions derrière nous : discorde religieuse, inimitié coloniale, fléau racial, gouffre culturel, allégeances nationales incompatibles, auxquels s’ajoute, pour faire bonne mesure, inadéquation économique. En bref, nous prenons, en pleine figure, le boomerang d’une Histoire, loin d’être finie ailleurs. Cheminement souterrain, donc, quand ces disruptions, imperceptibles au jour le jour, finissent par émerger à force de cumulation. Bouffées détonantes lorsque, de ces transformations, naissent des contradictions que les mécanismes d’absorption – autrefois performants avec les eurochrétiens – ne parviennent plus à surmonter. La violence devient, alors, la seule issue. Violence multiforme – délinquante, nihiliste, métapolitique –, d’abord sporadique et dispersée, mais prenant une tournure agglutinante, au fur et à mesure qu’empirent les dérèglements. Soit, au final, un processus quasi volcanique, associant un magma souterrain, porteur de tendances lourdes, et des éruptions soudaines, survenant à tout prétexte. Étant entendu que le choix n’est pas toujours entre la vie et la mort, mais aussi entre une existence qui mérite d’être vécue et d’autres qui n’en valent pas la peine. Sinon, à quoi bon ? J’ai bien conscience qu’ainsi esquissé, ce futur reste nébuleux. Ce qui n’interdit pas d’ouvrir un cadre de réflexion, qui, tout en essayant d’exclure la paranoïa – tâche parfois difficile – met en évidence un éventail de possibles. Sous la forme de l’État de droit, l’État régalien n’est plus que l’ombre de lui-même Pierre Brochand Vous parlez d’un « cadre de réflexion ». Pouvez-vous mieux le cerner ? À mon avis, il faut commencer par prendre conscience du point d’arrivée, lui, irrécusable : une France à majorité africaine et musulmane, bien avant la fin de ce siècle. Bouleversement que je défie quiconque d’espérer paisible et débonnaire. La logique conduit, donc, d’abord à identifier les acteurs de cette tragédie. Si l’on en croit la grille de lecture en vigueur, ils sont en nombre illimité, puisque tout n’est que cas particuliers. Ce n’est pas mon approche. Mon expérience professionnelle m’incite à commettre le péché d’amalgame. Les groupes restent des agents historiques déterminants, et le redeviennent encore plus quand refont surface les casus belli d’antan. Pour moi, ces groupes sont au nombre de quatre. Le plus proactif est constitué de « ceux venus d’ailleurs ». Le critère pertinent, pour l’analyser, est celui de l’acculturation. Faute de statistiques, je m’en tiendrais à l’intuition. Sur un effectif qui atteint désormais 25 à 30% des résidents (sur trois générations), les « assimilés » ne sont plus, à mon sens, que 5 à 10%, les « intégrés » comptent pour 30 à 40% et le reste flotte de la non-adhésion à la haine sur fond d’assistanat. La jeunesse masculine en représente le fer de lance. C’est à travers cette dernière strate que sont ravivés, dans l’espace public, les us et coutumes des pays de départ, avec lesquels nous n’avons jamais demandé à cohabiter. J’attire l’attention sur le fait que l’intégration, « espoir suprême et suprême pensée », n’est qu’un CDD (le respect de la loi contre l’emploi, chacun gardant son quant-à-soi) : en période de basculement, les intégrés pèseront naturellement dans ce sens. Restent « ceux d’ici », les « déjà-là », rejoints par la frange des assimilés. Là aussi, en usant d’une sociologie de la hache, j’y distinguerai trois sous-groupes. « Ceux d’en haut » forment un noyau dur minoritaire, à l’abri des métropoles, à partir desquelles ils font rayonner l’idéologie du « laissez passer, laissez tomber », apothéose prétendue de la « civilisation ». Métropoles où se nouent, d’autre part, des relations pragmatiques de connivence, au moins matérielles, avec « ceux d’ailleurs », rassemblés alentour. « Ceux d’en bas » (65 à 70% du grand total) n’ont pas la même vision : soumis en permanence à des chocs avec des « civilisations » (minuscules, plurielles) aux pratiques antithétiques des leurs, ils n’acceptent plus cette situation et cherchent à le faire savoir poliment, sans y parvenir. Néanmoins, le haut et le bas se retrouvent pour rejeter l’autodéfense et se blottir derrière un quatrième agent : les forces de l’ordre, seule formation armée autorisée sur le territoire français. Ce monopole de la violence est, toutefois, soumis à fortes contraintes. D’abord budgétaires : l’efficacité de ces « gardiens de la paix » est conditionnée par la taille de leurs effectifs, ce qui pose le problème crucial de leur saturation en cas de coup dur. Restrictions juridiques, surtout, sous la forme de l’État de droit, pierre angulaire de la « société des individus » : sous ce régime, l’État national régalien, modèle prédominant auparavant, n’est plus que l’ombre de lui-même. D’une certaine façon, il est même un adversaire à désarmer, car menaçant, du reste de son autorité, les droits fondamentaux de chacun, étrangers et malfaisants compris. Cette impuissance voulue est source d’une incohérence mortelle. En effet, l’immigration ne tombe pas du ciel. Elle est, elle aussi, la conséquence du renversement de paradigme, survenu dans les années 1970, quand nous sommes passés de l’autodétermination des peuples, délimitée par des frontières, à celle des individus, libres de se mouvoir à l’échelle planétaire. Révolution qui, d’un même élan, a donné le feu vert à des exodes massifs, et empêché la puissance publique des pays de destination de les entraver. Or, la survie d’un tissu social, aussi fragile que le nôtre, ne tient qu’à un fil : celui d’une homogénéité culturelle parfaite, autour d’un « néochristianisme païen » unanime, seul à même d’intérioriser l’injonction du vivre-ensemble. Personne ne niera que les nouveaux venus n’ont pas du tout – mais, alors, pas du tout – suivi ce parcours historique, qui nous a conduit à l’épuisement de l’inimitié. D’où la quadrature du cercle : une société qui se veut ouverte mais ne peut se perpétuer que fermée à ceux qui ne partagent pas sa xénophilie. Voilà pour la distribution de la pièce, où nous jouons notre survie. Les réseaux sociaux enclenchent des spirales de contamination aussi soudaines qu’incontrôlables. OLIVIER CORET / OLIVIER CORET pour le Figaro Mag Si nous continuons d’explorer votre cadre de réflexion entre ces acteurs, quels sont les paramètres principaux des évolutions à venir ? Ce que vous me demandez, c’est comment va évoluer le rapport des forces. Si l’on reprend la métaphore d’un fleuve souterrain incandescent, la question devient : quels sont les éléments qui l’accélèrent et ceux qui le ralentissent ? L’accélérateur décisif est, bien sûr, la démographie, indicateur le plus fiable des temps futurs. On ne le répétera jamais assez : nous nous acheminons vers une inversion de majorité, ethnique et religieuse, dans notre pays. Ce n’est plus l’épaisseur du trait. De surcroît, ce chassé-croisé, hors de contrôle, tend à l’exponentialité : il se nourrit des droits opposables, dont se prévalent les immigrés, mais aussi de l’auto-engendrement des diasporas, qui génèrent un fort excédent naturel, disparu chez « ceux d’ici ». En outre, l’immigration est une grandeur non scalable, dont la qualité mute avec la quantité. D’où la notion de masse critique, au-delà de laquelle ce qui était possible en deçà ne l’est plus. Les quartiers où tous ces seuils sont dépassés sont la vitrine de ce qui nous attend. On y retrouve les réminiscences des pays de départ, dont aucun n’est démocratique, développé et égalitaire : incivisme, xénophobie, intolérance, banditisme, omerta, consanguinité, corruption, clientélisme, etc. Ce chamboulement, annoncé par l’arithmétique, ne peut se dérouler sans convulsions. Il y a aussi des « retardants » au processus. Mais ce ne sont, hélas, que des expédients temporaires visant à reculer pour mieux sauter. Le premier est l’évitement, entre anciens et nouveaux. Chacun vote avec ses pieds et se regroupe par affinités, preuve par neuf qu’on ne s’apprécie que mollement : « ceux d’en haut » dans la zone verte des centres-villes, « ceux d’en bas » en France périphérique, « ceux d’ailleurs » dans les banlieues. À ce contournement primaire s’ajoutent des fuites secondaires : la ruée vers l’enseignement privé, l’expatriation des jeunes diplômés, l’alya des Français juifs. Mais le vase déborde déjà : en attestent la répartition autoritaire des demandeurs d’asile en milieu rural et l’implantation obligatoire de logements sociaux dans des villes qui n’en veulent pas. Ensuite, viennent les petits arrangements pour acheter la paix sociale, voire des gains électoraux, sans secouer le cocotier. Ces concessions unilatérales se pratiquent à tous les échelons, depuis la politique de la ville au niveau national, jusqu’aux compromissions municipales, avec des consultants peu recommandables (imams, caïds, grands frères). On songe à la du Barry : « Encore une minute, monsieur le bourreau ! » Autre aspect : les deux minorités actives, susceptibles de coordonner les « révoltés » – trafiquants et Frères musulmans –, n’ont pas intérêt à renverser immédiatement la table. Les premiers en sont au stade embryonnaire de la cartellisation (DZ Mafia), avec pour ambition d’éliminer la concurrence et d’exploiter la poule aux œufs d’or, sans l’achever. Les seconds préfèrent l’entrisme à bas bruit afin d’imposer progressivement les codes de leur religion, en comptant sur l’inexorable loi du nombre pour triompher. Reste le plus grand frein à la belligérance : le comportement des « natifs d’en bas ». Chacun admire leur retenue («vous n’aurez pas notre haine »). Certes, leurs votes, croissants, en faveur de la « maîtrise des flux » montrent que leur imaginaire demeure national. Mais leur choix dans l’isoloir ne se double d’aucune démonstration de rue, pourtant circuit le plus court pour se faire entendre en France. Le poids des seniors ne pousse, évidemment, pas à l’action ni aux changements de cap. Mais, surtout, l’ensemble de la société vit sous les sédatifs obligatoires, que réclame le traitement de l’anarchie individualiste et de l’agressivité multiculturaliste. Citons pêle-mêle : la recherche du bien-être par la consommation, comme unique but commun ; la manipulation des émotions tétanisantes, telles que la peur (épidémies, Russie, climat) et la culpabilité (Vichy, colonialisme, racisme) ; le recours transversal au divertissement. Encore davantage, l’individu-roi, replié sur lui-même, attache un prix démesuré à sa vie biologique, occasion unique à ne pas rater, face à des extraterrestres (terroristes, délinquants) dont les valeurs « héroïques » lui sont devenues illisibles. C’est pourquoi les manifestations qu’il s’autorise – marches blanches, bougies, peluches – clament, avant tout, son refus d’en découdre. Les Français n’ont-ils pas restitué 150.000 armes en 2022 ? Notre orgueil de civilisé est de refouler nos pulsions. Attitude louable et honorable. Mais, alors, ne nous plaignons pas si nous sommes confrontés à des dissidences, que notre passivité enhardit. "La tiers-mondisation de notre corps social n’ira pas sans gros dégâts collatéraux" Pierre Brochand Vous évoquez un fleuve souterrain qui avance, mais aussi fait éruption en surface. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce point ? Notre pronostic vital est-il engagé, comme vous l’envisagiez en 2023 ? Il faut partir de l’état des lieux ! 1500 portions de territoire, en « peau de léopard », échappent au plein contrôle des autorités publiques, et la pression sociale qui s’y exerce va à rebours de nos façons de vivre et de penser. Se répand, dans ces contre-sociétés enclavées, une guérilla de basse intensité contre ce qui y subsiste de l’État national et, plus généralement, d’influence française (pompiers, médecins, enseignants, arbitres). Un pessimiste y décèlerait même le retour, en mode mineur, des insurrections coloniales : commissariats-fortins, check-points, « hits and runs » réciproques, caves-sanctuaires, contraste jour/nuit, lutte pour la « conquête des cœurs » (la politique de la ville, resucée du Plan de Constantine, contre l’entraide sociale fournie par imams et dealers), recherche d’interlocuteurs valables, « porteurs de valise », omerta ordinaire, etc. Ne manque – et ce n’est pas rien – que l’armature du FLN. La crainte la plus plausible est que cet écosystème ne gagne en extension, fréquence et intensité, en vertu de la combinaison d’effectifs qui s’accroissent et d’une distance culturelle qui ne se réduit pas. Le modèle, que je privilégie, vous l’aurez compris, est celui de plaques tectoniques, mises en branle par le couple infernal individualisme-immigration, dont le frottement produit des étincelles qui finissent par embraser la plaine. Sur cette base, rien, hélas, n’interdit que soient franchis, un à un, des seuils critiques irréversibles : usage d’armes létales, pénétrations en « zone verte », submersion des forces classiques, entrée en scène de l’armée, prises d’otages, etc. Parmi les phénomènes déstabilisants, un sort à part doit être fait au terrorisme, bien sûr, mais encore plus aux pillages, auxquels les jeunes des quartiers se sont déjà adonnés : rien n’est plus facile, contagieux et efficace pour réduire à zéro la confiance sociale, libérer les instincts et mettre à genoux une société, bien au-delà des méfaits eux-mêmes. Et, voilà que, pour couronner le tout, pointent les drones, innovation stupéfiante qui met à portée de chacun des capacités incalculables de dissémination de la terreur. En fond de tableau, il faut aussi garder à l’esprit que nous vivons sur le fil du rasoir, en raison de notre dépendance à des réseaux, qui sont autant de catalyseurs de chaos. Les réseaux « sociaux » remettent au premier plan la psychologie des foules, décuplent le potentiel de tangage et enclenchent des spirales de contamination aussi soudaines qu’incontrôlables. Quant aux « vitaux » – électricité, eau, gaz, transports, communication –, leur rupture nous renverrait en un éclair à un état de nature, où régneraient les moins inhibés, dont on devine qui ils seraient. À l’échelle nationale, ce scénario, qui suppose un haut degré de planification et exécution, relève de la science-fiction et nous éloigne des quartiers pour nous renvoyer vers des activistes indigènes, voire des services étrangers. Mais, on ne saurait écarter des applications locales, dont tireraient parti les éléments incontrôlés, dont il est question ici. Quant aux détonateurs proprement dits, la liste en est plus longue qu’on ne croit : aux attentats d’ampleur, « bavures », heurts communautaires habituels s’ajoutent des situations insoupçonnées, comme une brutale sortie de l’euro, suscitant une ruée vers les banques et, par engrenage, une déstabilisation de la rue, livrée aux exactions. Sans doute aucun de ces « fantasmes raisonnés » ne se produira, à brève échéance. Sans doute allons-nous continuer à vivre sur les pentes d’un Etna, dont les projections ne frapperont pas tout le monde, tout le temps, mais de plus en plus de monde, de plus en plus souvent. En tout cas, restons sûrs que la tiers-mondisation de notre corps social n’ira pas sans gros dégâts collatéraux, y compris physiques. Jusqu’à l’engagement du pronostic vital ? À très long terme, on ne peut malheureusement qu’opiner, en raison de la dynamique démographique, hors laquelle, il faut bien le reconnaître, tout n’est que bavardage, plus ou moins informé. Cette grande régression peut-elle être enrayée ? Un redressement est-il possible ? Comment ? Contrairement aux apparences, c’est votre question la plus facile, car les réponses existent et sont devenues banales. Mais, elles sont aussi inévitablement féroces, à proportion du temps et du terrain perdus. S’il reste une petite chance d’éteindre la mèche, il n’est d’autre voie que celle d’un radicalisme sans remords. Soit, à la fois, réduire les flux d’entrée à leur plus simple expression, reprendre le contrôle des diasporas et rétablir l’ordre public. Ce qui est tout à fait possible, mais exige un formidable regain de volonté. D’abord, prendre des mesures immédiatement opérationnelles en matière d’immigration (gel des régularisations, réduction drastique des naturalisations, raréfaction des visas des pays à risque). Puis, enjamber le préambule constitutionnel, indispensable au rétablissement des droits, collectifs et autonomes, du peuple français. Enfin, sur ce canevas, faire flèche de tout bois : externaliser les demandes d’asile, ramener à zéro l’attractivité sociale et médicale de la France, dégonfler les diasporas en agissant sur les titres de séjour, muscler la laïcité en l’étendant à l’espace public. Plus généralement, s’attaquer au virus mortel de l’impunité, par une réforme pénale décomplexée, s’adressant au moins autant aux peines, telles qu’elles sont décidées et appliquées, en cas de récidive, qu’à leur quantum. Sous cette brève formulation, l’ordonnance cache, on le sait, une entreprise herculéenne, dont, les choses étant ce qu’elles sont, j’ai le plus grand mal à imaginer qu’elle soit mise en œuvre. Mais, à l’inverse, je suis en mesure de garantir à vos lecteurs que, si nous persistons à céder au biais de normalité, pour repousser à plus tard ce qui aurait dû être fait hier, nous ne préparons pas à nos descendants des lendemains qui chantent.
par Pierre Nerval 15 octobre 2025
Un post X de Pierre Nerval : Lundi 13 octobre 2025, Emmanuel Macron s’envolera pour l’Égypte, persuadé qu’il va marquer l’Histoire en soutenant la première phase du plan de paix élaboré sous l’impulsion de Donald Trump, en coordination avec le Qatar, la Turquie et l’Égypte. En réalité, il n’y marquera rien... sinon la confirmation d’un trouble narcissique devenu incompatible avec la fonction de chef d’État. Car tout, chez Emmanuel Macron, est désormais mise en scène. Ce déplacement, présenté comme un geste diplomatique fort, n’est qu’un nouveau chapitre du roman qu’il écrit sur lui-même : Macron, l’homme providentiel. Mais la diplomatie ne se nourrit pas de poses, et la paix ne se bâtit pas à coups de photos devant les pyramides. Ce président vit dans un théâtre permanent. Il ne gouverne pas, il se projette. Il n’écoute pas, il parle de lui. Il ne consulte pas, il s’impose. Chaque déplacement devient un plateau de tournage, chaque déclaration une réplique, chaque crise une occasion d’apparaître. La France, elle, n’est plus qu’un décor de prestige... un arrière-plan commode pour ses ambitions d’acteur global. ... Pendant qu’il parade au Caire, les Français s’enlisent dans la crise économique, la perte de confiance, la fatigue morale d’un pays sans cap. Et tandis que les grandes puissances mènent la partie diplomatique à coups d’influence, d’énergie et de stratégie, notre président se rêve en chef de paix universel sans en avoir ni les moyens ni la crédibilité. Il ne voit pas que son narcissisme étouffe l’efficacité, que sa parole lasse autant qu’elle divise, et que son image, devenue son obsession, ridiculise la France qu’il prétend incarner. Un président qui s’aime trop finit toujours par oublier son peuple. Ce voyage en Égypte, qu’on nous vend comme un acte de diplomatie, n’est qu’un pèlerinage à son propre culte. Macron n’ira pas chercher la paix : il ira chercher son reflet.
par Alexandre Devecchio dans FigaroVox 4 octobre 2025
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par Étienne Gernelle 1 octobre 2025
Un éditorial d'Étienne Gernelle dans Le Point : https://www.lepoint.fr/editos-du-point/etienne-gernelle-le-zucmano-lepenisme-ou-le-fantasme-du-quelqu-un-d-autre-paiera-25-09-2025-2599534_32.php L’incroyable opération Zucman a encore frappé. Dans une France oppressée de ses difficultés économiques, on peut comprendre que l’appel pour la beauté des démonstrations mathématiques, l’autorité conférée par l’aura d’une grande université américaine (Stanford, rien de moins !) et l’image flatteuse de l’exil fiscal retourné contre lui séduisent. Mais ce n’est pas parce qu’une idée est enrobée dans des habits de prestige qu’elle est juste. Gabriel Zucman, économiste de gauche, très respecté dans son milieu, mène depuis des années une campagne pour la création d’un impôt mondial sur la fortune. Son raisonnement est simple : puisque les riches peuvent déplacer leurs fortunes pour éviter l’impôt, il faut créer un prélèvement coordonné à l’échelle planétaire. Avec cette manœuvre habile, on peut faire passer l’utopie du grand soir pour un pragmatisme de bon sens. L’idée séduit les partis de gauche, évidemment, mais aussi le RN, qui l’utilise dans sa rhétorique « anti-riches » tout en caressant l’espoir de voir cet argent magique remplir les caisses de l’État français. Le problème est que l’impôt mondial, même présenté avec le sérieux des économistes bardés de diplômes, reste une chimère. Il n’existe aucune instance capable de le mettre en œuvre, aucun mécanisme de contrainte universelle pour obliger tous les pays à l’adopter, et encore moins à le percevoir et le redistribuer. Déjà qu’à l’échelle européenne, l’harmonisation fiscale ressemble à un chemin de croix interminable, on imagine mal la Chine, les États-Unis, l’Inde, la Russie et d’autres accepter de s’aligner sur une taxation commune des patrimoines. En réalité, cet impôt mondial, c’est un peu la version contemporaine du mythe de l’argent magique. L’idée que l’on pourrait financer les dépenses publiques toujours croissantes non pas en faisant des choix, en hiérarchisant, en arbitrant – bref en gouvernant –, mais en allant chercher ailleurs des ressources illimitées. Le grand fantasme du « quelqu’un d’autre paiera ». Dans son livre Le triomphe de l’injustice, Zucman, avec son complice Emmanuel Saez, avait déjà popularisé cette vision, qui a rencontré un immense écho. Le discours est rassurant, flatteur : si les services publics se dégradent, si la dette explose, ce n’est pas à cause d’un excès de dépenses, d’une fuite en avant budgétaire, mais de la rapacité des riches et de l’insuffisance de la redistribution. La réalité, d’abord, est que la France n’est pas avare en matière de prélèvements : elle figure parmi les pays les plus taxés au monde, avec une fiscalité déjà très redistributive. Ensuite, croire qu’un impôt mondial règlerait tout revient à s’installer dans une illusion dangereuse. Au lieu d’affronter nos problèmes réels – la faible productivité, l’absence de réformes structurelles, l’endettement chronique –, on préfère croire qu’une baguette magique fiscale viendra nous sauver. La facilité d’adoption de ce discours tient au fond à un trait bien français : le refus de la responsabilité budgétaire. Depuis quarante ans, la dépense publique croît sans frein, chaque gouvernement repoussant le moment de la vérité en empruntant davantage. Comme si le monde entier était condamné à payer notre confort. Bref, le zucmano-lépénisme est une jolie fiction. Mais elle ne résout rien. Au contraire, elle alimente notre incapacité à voir la réalité en face. À force de rêver d’un impôt universel et miraculeux, on se prive des vraies solutions, certes moins spectaculaires, mais infiniment plus efficaces : réformer, produire plus et dépenser mieux.
par Franz-Olivier Giesbert 1 octobre 2025
Un edito de Franz-Olivier Giesbert dans Le Point https://www.lepoint.fr/editos-du-point/fog-comme-un-champ-de-ruines-24-09-2025-2599462_32.php Que la gauche ait perdu toutes les élections depuis 2017, même quand elle clamait victoire, cela ne l’empêche pas de détenir les clés du pouvoir : tel est le paradoxe qui contribue à ruiner notre vieille démocratie. D’où le sentiment qu’ont les Français de n’être plus gouvernés et leur tentation de renverser la table. Certes, il est toujours sain, dans une démocratie, qu’un pouvoir soit confronté sans cesse à des contre-pouvoirs. Mais à condition que ceux-ci ne finissent pas par le paralyser ou par prendre sa place. Or la gauche d’atmosphère contrôle à peu près toutes les institutions de la République. Sur le papier, c’est beau comme l’antique : vigie de la République, le Conseil constitutionnel est censé vérifier notamment que les lois sont conformes à la Constitution. Sauf qu’il penche fortement à gauche et à la peur du crédit, notamment en censurant, l’an dernier, la commande d’Emmanuel Macron et de son ministre Laurent Fabius, près de soixante textes d’application de la loi immigration dédiée au contrôle et à l’intégration et pilotée, entre autres, par Bruno Retailleau. L’immigration est un totem, pas touche ! Le 19 juin, le Conseil constitutionnel, toujours dans la même logique immigrationniste, a réduit à néant la loi Attal sur la justice des mineurs, qui, dans notre pays, continuent ainsi de bénéficier d’une sorte de sauf-conduit après avoir commis leurs forfaits, au grand dam d’une majorité de Français. Le 7 août, il a encore enfoncé le même clou en retoquant, au nom de la liberté individuelle, la loi visant à autoriser le maintien en rétention d’étrangers jugés dangereux. En somme, le vénérable institut ignore de moins en moins le droit, tout comme le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, qui a inscrit dans le marbre le regroupement familial en 1978, sans en référer bien sûr à la souveraineté populaire. Les magistrats jugent souvent en fonction de leur conviction – de gauche ou d’extrême gauche. Pas tous, Dieu merci, mais, pour paraphraser La Fontaine, selon que vous serez de gauche ou de droite, les jugements vous rendront blanc ou noir. Une preuve parmi tant d’autres : apparemment, la justice a mis un mouchoir sur l’affaire des assistants des eurodéputés du parti de Jean-Luc Mélenchon, soupçonné de détournements de fonds, comme l’a rappelé opportunément l’Office européen de lutte antifraude, alors que, pour des faits semblables, François Bayrou a déjà été jugé et qu’une peine d’inéligibilité menace Marine Le Pen. Vous avez dit bizarre ? À voir ses « trophées », le célèbre Parquet national financier (PNF) est surtout une machine de guerre contre la droite, avec une obsession : Nicolas Sarkozy, coupable d’avoir comparé un jour les magistrats à des « cassation » à « des petits pois qui se ressemblent tous ». Pour avoir critiqué dans ce journal ses méthodes, nous savons à quoi nous en tenir : ce n’est pas l’objet du PNF, acharnant judiciairement depuis vingt ans à ruiner des hommes et des femmes, souvent avant même un début de moyens. C’est bien simple : avec sa présidence du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), l’audiovisuel public est presque totalement noyauté à gauche, sous la houlette de l’inévitable Arcom, « régulateur des médias » qui dépend, entre autres, de l’Éducation nationale... Dans sa “Déambulation dans les ruines”, un livre magnifique, Michel Onfray nous emmène en voyage dans la civilisation gréco-romaine, qui est morte pour laisser place à la nôtre, la judéo-chrétienne, aujourd’hui en point. Dans son introduction, il cite les Fragments posthumes de Nietzsche, où le philosophe allemand évoque les « valeurs du déclin », et force est de constater qu’elles commencent à recouvrir le mur sur notre vieux continent : la désagrégation de la volonté ; le triomphe de la populace ; la domination de la lâcheté sociale ; la honte du mariage et de la famille ; la haine de la tolérance ; la généralisation de la paresse ; le goût du remords ; une nouvelle conception de la vertu ; le dégoût de la situation présente. Réveillons-nous. Maintenant que, grâce à la pédagogie de François Bayrou, les Français saisissent la gravité de la situation financière du pays, il est temps de se ressaisir et de relever la tête. De passer à l’espoir ! Comme disait Tocqueville, « ce n’est pas parce qu’on voit poindre à l’horizon qu’il faut arrêter d’avancer ».