Elle a bon dos l’Amazonie ! Écologie, prétextes et postures.
NJ Gray • 3 septembre 2019
Ceci est le sous-titre de votre nouveau post

Que l’écologie soit depuis des années (et plus encore depuis les deux derniers quinquennats) un prétexte à taxer entreprises et particuliers sur des motifs divers, et pour remplir d’autres caisses que celle destinée à la légitime protection de notre environnement, on le savait déjà ;
Qu’elle soit devenue, pour nombre de ses apôtres, une posture vendeuse et racoleuse, une vitrine qui fait oublier tout le reste (le green washing des marques, le détournement d’attention volontaire par un gouvernement dont d’autres projets risquent d’être sous le feu de la contestation), est aujourd’hui un procédé facile et ultra connu, ce qui n’empêche pas qu’il reste très efficace ;
Qu’elle se soit transformée en axe qui partage le monde en camp du Bien et camp du Mal, une nouvelle religion, avec ses croyances, sa doxa imprescriptible, ses excommunications, permettant de stigmatiser, souvent avec une violence verbale voire une hystérie fanatique, tout contestataire, toute personne apportant une nuance ou émettant un doute, est une tendance dangereuse et récente qui ne cesse de s’affirmer.
L’écologie comme science est bien installée dans nos universités et laboratoires de recherche depuis le XIXe siècle, elle a ses spécialistes, des scientifiques, qui débattent entre eux et ne s’accordent pas toujours sur l’ampleur d’un phénomène, sa datation, ses causes, les remédiations possibles, l’urgence ou non à agir, les priorités à identifier. Et pour ce qui est des prédictions sur l’évolution climatique, nul ne peut prétendre détenir seul la vérité car toutes les théories sont fondées sur des modèles dont la véracité n’est pas prouvée.
L’écologie comme nouvelle religion laïque, de son côté , possède comme toute croyance, ses déviances, ses fanatismes, ses gourous (sincères ou non), son discours téléologique et même ses collapsologues (« nous allons tous mourir demain, repentez-vous pauvres pécheurs») : le discours ne peut évidemment pas être le même que pour l’écologie scientifique, car il s’agit de frapper fort par des slogans, des approximations, et comme dans de nombreuses sectes d’emporter l’adhésion immédiate par la peur plus que par la raison et la réflexion. C’est malheureusement cette écologie-là, celle de la croyance et non de la science, celle de la posture et non de la réflexion, celle de l’embrigadement et non de la pensée libre, qu’a semblé défendre le président français au G7, se transformant devant les caméras en émule de la propagande thunbergienne, qui est à la science ce que l’humilité est au macronisme.
Entre contre-vérités, approximations, exagérations, mensonges par omission, amateurisme ou récupération politicienne grossière, Emmanuel Macron est loin d’avoir fait grandir la cause écologiste, déjà présentée de façon trop immature, caricaturale et entachée d’arrière-pensées partisanes dans notre pays.
Où l’on découvre qu’il y a des feux gentils et des feux méchants
Premier mensonge par omission: “notre maison brûle”, c’est certain, mais pas seulement au Brésil ! En pointant d’un doigt accusateur les seuls feux de forêt en Amazonie brésilienne, le président Macron a fait preuve soit d’une incompétence, soit d’une mauvaise foi assez inquiétantes car dangereuses en termes de relations internationales, et totalement puériles pour un homme à un tel niveau de fonction.
Passons sur une forme de fake news désolante : la photographie utilisée d’une forêt primaire en feu datant de plus de 15 ans, ridicule illustration trahissant un amateurisme et une précipitation d’autant plus incompréhensibles que nombre d’images satellites de la NASA était publiées ces derniers temps et parfaitement accessibles. À croire que l’idée de prendre la pose et de jouer le nouveau grand gourou vert de la communauté internationale a piqué le président français au tout dernier moment pour réveiller un G7 ronronnant et néanmoins coûteux sur l’utilité duquel beaucoup de ses concitoyens commençaient à s’interroger.
Rappelons d’abord que l’Amazonie s’étend aussi en Bolivie, Colombie, Équateur, Guyane française, Guyana, Pérou, Surinam, Paraguay et Venezuela et que des feux de forêt se retrouvent dans toute la région. En Bolivie l’ampleur est telle que le président Evo Morales a même suspendu la campagne électorale (mais c’est d’une part un homme de gauche, d’autre part un Indien, donc un homme intouchable doublement dans le camp des gentils) . Même inquiétude au Paraguay en direction duquel ont décollé les premiers canadairs dits « avions G7 » la semaine dernière. Les feux de défrichement sont une constante et font partie du mode de développement en Amérique du Sud. Le problème actuel tient à la fois de la multiplication de ces défrichements dans la perspective notamment d’accroissement des échanges grâce au Mercosur, d’autre part à une situation de sécheresse particulière qui transforme les feux de brûlis ou de déforestation en incendies difficilement maîtrisables. En d’autres termes, ça brûle au Brésil, mais ça brûle aussi ailleurs en Amazonie.
Deuxièmement, la déforestation en Amazonie, qui se fait essentiellement d’ailleurs par le feu, ne date pas d’aujourd’hui. Emmanuel Macron semble oublier notamment que sous le président Lula en particulier, l’enfant chéri de la gauche et des médias français, les feux avaient été beaucoup plus importants encore. En nombre de départs de feu et en hectares détruits, il y a donc eu, rien qu’au Brésil, des années bien pires que ce que l’on dénonce aujourd’hui, notamment en 2010 ou 2016. Les commentateurs, le président, qui comparent la situation actuelle à l’année dernière où effectivement les feux avaient été davantage sous contrôle (comme en 2017), font preuve d’une grande malhonnêteté intellectuelle : ce genre de phénomène est à étudier sur le temps long, sur la tendance générale et non en mettant côte à côte deux accidents. Et la tendance dit que c’est sur les 50 dernières années que 20 % de la forêt amazonienne a disparu, notamment au Brésil où elle a perdu 60 % de sa surface car ce pays émergent est le premier de la région à avoir mis en place une révolution verte fondée sur l’agriculture et l’élevage intensifs.
Troisièmement les feux de forêt ravagent en même temps une partie de la Sibérie où, début août, 3 millions d’hectares de forêts sont partis en fumée, ce qui n’a généré aucune manifestation d’écologistes ni de remarques condescendantes pour le dirigeant russe de la part de l’Élysée. Doit-on s’en étonner ? Lorsque Macron dénonce le dirigeant brésilien au G7 en le traitant de menteur, on en est à 470 000 ha détruits en Amazonie brésilienne, un drame écologique certes mais des clopinettes par rapport à la Sibérie, mais, comme par hasard, cela offre le prétexte d’une véritable crise diplomatique contre le méchant populiste et d’une croisade du Bien contre le Mal.
Il en est de même en Afrique ou « l’autre poumon de la planète », le bassin du Congo brûle lui aussi est bien plus que l’Amazonie comme l’ont encore montré de récentes images satellites de la NASA. À titre d’exemple, selon les données analysées par la fondation Weather Source, « 6 902 foyers d’incendie ont été enregistrés en quarante-huit heures les 22 et 23 août dernier en Angola et 3 395 en République démocratique du Congo, contre 2127 au Brésil ». Selon le quotidien argentin Clarín, qui qualifie l’Afrique de « continent en flammes », celle-ci concentrerait « au moins 70 % des quelques 10 000 feux dénombrés dans le monde au cours une journée moyenne du mois d’août ».
Mais voilà, Emmanuel Macron ne s’en prend qu’à son homologue Jaïr Bolsonaro, coupable sans doute d’avoir posé récemment un lapin inélégant mais fort significatif au ministre de l’Europe et des affaires étrangères français, Jean-Yves le Drian pour cause d’urgence capillaire. Traiter de « menteur » le dirigeant d’un grand pays allié n’est pas d’une intelligence diplomatique avérée mais Emmanuel Macron fait peut-être partie de ces néophytes en politique qui imaginent que la diplomatie n’est destinée qu’à s’entretenir et se congratuler mutuellement dans l’entre-soi avec les dirigeants des pays avec qui l’on est d’accord (alors qu’elle sert essentiellement à rapprocher les contraires). Il ne faut pas ensuite s’étonner et monter sur ses petits poneys, en jouant les victimes outragées, si on se prend des insultes du même niveau au retour du boomerang. Petit jeu de postures qui est loin de grandir l’image de la politique et des dirigeants des principaux pays de la planète aux yeux de ceux qui les regardent, l’immaturité et les échanges du niveau de cour de récréation, où les petits Grands de ce monde jouent à qui fait pipi le plus loin, semblant devenir la norme dans les relations internationales.
Il n’empêche que de tout cela on déduit qu’aux yeux d’Emmanuel Macron il y a des feux gentils, pour se développer, et des feux méchants, qu’il faut dénoncer. Tout dépend de l’amitié ou de l’inimitié que l’on entretient avec ceux que l’on en juge responsables.
L’Amazonie n’est pas le poumon de la planète
D’abord que veut dire « poumon de la planète » ? C’est une expression très ambiguë. Cela signifie-t-il qu’il s’agirait de la première forêt productive oxygène ? Ou de la première forêt en termes d’absorption de CO2 ? C’est certes une jolie formule mais, dans les deux cas, c’est trompeur et réducteur.
La forêt amazonienne produit de l’oxygène, oui évidemment, comme toute forêt, mais en aucun cas 20 % comme l’a prétendu le président français. La plupart des scientifiques s’accordent pour estimer que l’Amazonie produit environ 5% de notre oxygène, ou à peine davantage (les études les plus optimistes approchent les 9%). Citons juste quelques études : 5% pour Philippe Ciais, chercheur au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) interrogé par le Parisien, 6% pour Jonathan Foley, directeur de l’institut de l’environnement de l’université du Minnesota (qui pense même que ses propres calculs sont surévalués). Pour ce chercheur l’ensemble des forêts du monde représentent 50 % de la production d’oxygène (l’autre moitié est produite par les océans) , dont 12 % pour les forêts tropicales comme l’Amazonie (elle représenterait la moitié de ces 12%, donc 6% du total) : « il est biologiquement et physiquement impossible pour l’Amazonie de produire 20 % d’oxygène du monde ». Neil Blair, professeur d’ingénierie environnementale à l’université de Northwest, arrive aussi à 6% de l’oxygène de la planète dans une étude de 1998 dans la revue Sciences, où il explique que les écosystèmes forestiers contemporains contribuent de fait très peu à l’oxygène de l’atmosphère, une grande partie provenant des matières organiques enfouies dans notre sol depuis des milliards d’années. Et pour lui aussi, l’essentiel de l'oxygène émis aujourd’hui vient des océans et de la photosynthèse marine.
Un autre aspect est que si l’Amazonie, comme les autres forêts du monde, produisent de l’oxygène, elles en consomment aussi, c’est ce qu’expliquait il y a quelques jours sur son blog Yadvinder Malhi, professeur de sciences des écosystèmes à l’université d’Oxford . En Amazonie, les plantes et les microbes du sol en consommeraient autant que ce qui est émis chaque année, laissant le système en équilibre.
Quand Emmanuel Macron écrit que l’Amazonie absorbe 14 % du CO2 mondial, ce serait donc également en tant que rétentrice de gaz carbonique (qu’elle transforme donc en oxygène par la phytosynthèse) que l’Amazonie serait « le poumon du monde » ? Or, c’est inexact, car elle en produit aussi. Il peut même arriver qu’une forêt émette plus de CO2 qu’elle n’en absorbe, explique au Huffington post Alain Pavé ancien directeur du programme Amazonie du CNRS. Si des arbres en pleine croissance peuvent en effet mettre beaucoup d’oxygène, d’autres vieillissants ou mourant dégagent surtout du CO2. « Pour faire simple le bilan de la forêt en elle-même est nul quand elle est à son état d’équilibre » conclut Pierre Thomas, professeur émérite à l’École Normale Supérieure de Lyon interrogé par Le Parisien. Pour le chercheur Jean-Pierre Wigneron de l’INRA, il est certain que les écosystèmes d’Amazonie capturent effectivement une quantité énorme de CO2 mais ils en émettent d’aussi importantes au point que, si l’on regarde le bilan net (en clair le gain par séquestration de CO2 moins les pertes par émissions de CO2) les forêts tropicales d’Amérique du Sud ont un bilan globalement neutre sur les 10 dernières années. Pour ce chercheur, les pièges à carbone des surfaces terrestres seraient actuellement plutôt dans les forêts boréales et tempérées, ce serait elles qui nettoieraient l’atmosphère et non l’Amazonie. Mais pour lui aussi le principal poumon reste constitué par les surfaces océaniques.
Il n’en reste pas moins qu’une tonne d’arbres qui brûle se sont presque 2 tonnes de CO2 qui s’évaporent. 30 % du stock mondial de carbone serait stockés dans les forêts (dont l’Amazonie). On peut donc effectivement s’inquiéter à juste titre des incendies de forêt pour le carbone produit (qui peut s’ajouter à celui qui est imputable aux activités humaines), pour les conséquences sur le climat régional comme on l’a vu, pour l’approvisionnement en eau, pour la biodiversité comme on va le voir, mais pas pour l’oxygène comme le prétend le chef de l’Etat français. Le risque écologique est réel, mais pour d’autres raisons que les allégations fantaisistes avancées.
Faites ce que je dis mais ne dites pas ce que je fais
Le véritable poumon de la planète sont donc les océans dont provient la moitié de notre oxygène. C’est le plancton, dont la biomasse totale est nettement supérieure à celle des forêts, qui est le premier producteur d’oxygène tout en étant le plus grand piège à gaz carbonique du monde. C’est pourquoi les scientifiques emploient l’image de « poumon bleu de la planète ».
Or, favoriser le commerce RTW (round the world) par des traités de libre-échange, c’est augmenter sans cesse la flotte de pétroliers et porte-conteneurs qui sillonnent mers et océans, ce qui augmente les risques écologiques en tous genre (pollution directe, réchauffement, accidents, empreinte carbone…). C’est ce que va amplifier la signature du CETA et celle à venir du Mercosur, traité que nombre d’écologistes présentent comme climaticide, mais qui était défendu bec et ongles par LREM il y a quelques jours encore.
En outre, que sont ces incendies qui touchent (vue sa superficie, je ne peux écrire « ravagent » comme si elle allait disparaître du jour au lendemain) la forêt amazonienne ? Certains sont liés à la sécheresse mais beaucoup d’autres, la majeure partie, ont pour objectif de soutenir l’exploitation agricole intensive (élevage et agriculture) et de favoriser les exportations de soja ou d’élevage bovin. L’incendie est le fait d’agriculteurs et d’éleveurs, souvent aussi de grandes firmes, soit pour défricher de vastes zones d’exploitation, soit pour nettoyer et enrichir le sol par brûlis. Ajoutons que le Mercosur doit également permettre les investissements de nos propres multinationales au Brésil, notamment pour l’extraction minière, ce qui évidemment se traduira par la destruction d’une partie de la forêt amazonienne. Cette agriculture intensive est favorisée (au sens qu’il laisse faire) par l’actuel président brésilien qui n’a jamais caché faire passer les intérêts économiques de son pays bien avant les préoccupations écologiques, mais comme d’autres avant lui, notamment le président Lula que personne n’a jamais condamné à cet égard.
Sans doute est-ce la raison pour laquelle Emmanuel Macron, conscient des contradictions portées par son revirement écologique d’un côté, par son soutien à des traités de libre-échange de l’autre, inquiet devant les réactions qu’il n’attendait peut-être pas, consécutives au projet de signature du traité avec l’Amérique du Sud, s’est soudainement « trumpisé » en prétendant, sans même avoir pris l’avis de ses pairs et invités, sortir unilatéralement des accords entre l’Union européenne et Mercosur, histoire de se donner une bonne conscience et virginité écologiques, largement entamées par la négociation des traités transatlantiques, la démission de Nicolas Hulot, le scandale de Rugy, les hésitations sur la taxe carbone ...
L’Amazonie en revanche est capitale pour d’autres raisons
Le vrai problème est ailleurs car l’Amazonie est bien plus qu’un stock d’oxygène.
Le drame environnemental de la déforestation amazonienne concerne avant tout la région. La forêt régule tout le climat de l’Amérique du Sud, elle y maintient l’humidité en produisant de la vapeur d’eau. Si le rythme actuel (c’est-à-dire depuis une trentaine d’années) de déforestation se poursuit, la région risquera de graves problèmes de sécheresse jusqu’au Mexique et au Texas où les précipitations seront impactées (selon une étude de la NASA). Ajoutons que sur tout le continent sud-américain, tant l’agriculture que la production d’énergie reposent sur des barrages qui, s’ils sont menacés par un déficit hydrique, ne pourront plus jouer leur rôle. Mais c’est un problème qui concerne les deux Amérique, du Nord comme du Sud, et le président brésilien a sans doute raison lorsqu’il accuse le président français à cet égard de néocolonialisme. Les associations régionales sont là pour régler ce genre de problème, la France est concernée au même titre que les autres par sa présence en Guyane et, dans une moindre mesure, aux Antilles, mais c’est au sein de la coopération multilatérale régionale que ce genre de problème doit être abordé, comme l’a proposé ces jours-ci le président colombien Ivan Duque qui prépare une proposition de pacte régional pour la conservation de la forêt (« Nous voulons piloter un pacte de conservation entre les pays qui partagent ce territoire amazonien »). Ensemble, entre pays concernés, libres et souverains. Pas en gesticulant et prenant la pose avec un air condescendant de donneur de leçons, sur une scène internationale.
En revanche l’Amazonie concerne aussi le monde car cet écosystème complexe est d’une importance capitale pour la biodiversité. Sur 6 millions de kilomètres carrés, la plus grande forêt tropicale du monde abrite 40 000 espèces de plantes dont 16 000 essences d’arbres, 2,5 millions d’espèces d’insectes, 1500 oiseaux, 500 mammifères… Et selon les scientifiques cette biodiversité inestimable est sûrement beaucoup plus importante que ce qui a déjà été identifié.
L’écologie comme nouvelle religion laïque
Quoi de mieux pour prendre la pose et haranguer les foules que l’écologie transformée en nouvelle religion laïque ? Et rien de plus fédérateur qu’un épouvantail que l’on agite et contre lequel on excite les troupeaux devenus loups. Hier encore le diable, c’était le « facho », c’est-à-dire celui qui osait constater les faits en matière d’insécurité ou de problèmes liés à une immigration incontrôlée. Cela permettait de stigmatiser l’adversaire, de le faire taire par une forme d’autocensure, de le criminaliser en le livrant à la vindicte populaire. Mais ça ne marche plus aussi bien qu’autrefois, car les faits sont là, et une grande partie des électeurs, sans même changer d’appartenances partisanes, sont aujourd’hui d’accord sur le constat urgent d’un faisceau de problèmes, sur l’urgence d’une réaction : être « facho » ne peut plus être un acte de différenciation entre le camp du Bien et le camp du Mal. Il a fallu trouver un autre marqueur pour tracer la ligne rouge entre ceux qui pensent droit et les ennemis déviants. Désormais, aujourd’hui on est écologiste, ou on ne l’est pas. On est un disciple de la prophétesse de l’apocalypse ou on est un inconscient, un gros beauf de capitaliste égoïste peu soucieux des générations de demain. Le juste milieu, un citoyen du monde responsable, cultivé, réfléchi, inquiet devant les changements climatiques, sans certitudes, capable de douter, qui s’interroge sur les causes, sur ce qu’il lui revient de faire, à son échelle, en lisant des articles scientifiques divergents, n’est même pas concevable pour le nouveau totalitarisme vert. Soit on est dans l’urgence, soit on est irresponsable. Tout recul critique est une perte de temps, une trahison, un risque.
La conséquence de ce nouvel embrigadement, et de cette nouvelle religion qui procède par fantasmes, exagération de peurs, manipulation de l’émotion et excommunications, c’est que la formule totalement erronée du chef d’État français, reprise par le footballeur portugais Cristiano Ronaldo de « poumon de la planète » produisant « 20 % de l’oxygène » mondial ont été « likés » et sur les réseaux plus de 15 millions de fois depuis le 22 août ! C’est grave. Une partie des internautes marchent au slogan, galopent à l’émotion, relaient tout et n’importe quoi participant à la désinformation générale. Aussi ne faut-il pas s’étonner de voir d’autres courants d’idées promulguant des croyances au détriment des sciences prendre de l’ampleur à l’échelle de la planète (que certains désormais vont jusqu’à prétendre plate). On a même vu une ministre de l’Education nationale demander aux enseignants, dans son livret sur la laïcité, de mettre science et croyances sur le même plan, sans relation de supériorité de l’une sur l’autre, lorsque cela heurte la sensibilité de certains élèves ou familles! Cela part exactement du même manque de vigilance de la part d’internautes qui ne prennent plus la peine de s’éduquer ni de s’interroger, qui ne doutent jamais, que l’on pétrit de certitudes et que l’on manipule par la peur et l’émotion.
Conclusions
C’est pourquoi la déforestation est une question qui, effectivement, est en droit d’inquiéter le monde entier, mais pas pour les raisons invoquées par le président Macron qui réduit le rôle de la forêt à un simple stock d’oxygène, ce qui, on l’a vu, est contestable et contesté par les scientifiques. Mais dans un cas comme celui-ci, il faut se regarder dans une glace et faire la part des responsabilités de chacun. L’Afrique aurait le droit de se développer mais pas le Brésil ? Pourquoi? Parce que son président est populiste ? La déforestation tient à un système d’agriculture et d’élevage intensif, d’exploitation minière, auxquels nous participons par la mondialisation des échanges, des investissements à l’international, et la signature de traités qui défavorisent et handicapent les systèmes locaux. Emmanuel Macron et son gouvernement sont responsables de favoriser, par les traités qu’ils défendent contre une partie de leurs concitoyens, en particulier les éleveurs et les agriculteurs, un système qui suppose la déforestation amazonienne. Le consommateur lambda qui aujourd’hui crie au scandale et hurle avec les loups contre les feux en Amazonie doit, à son tour, faire son examen de conscience pour revoir éventuellement sa consommation et devenir plus “locavore”. Quitte à ralentir la croissance brésilienne et obliger un pays émergent à un autre mode de développement agricole. Que chacun se détermine en conscience en privilégiant ce qui lui semble essentiel. Mais on ne peut défendre tout et son contraire.
Le second point, c’est que si l’avenir d’une nation ne peut se réduire à prendre la pose en évoquant d’hypothétiques taux de CO2: l’écologie elle-même mérite une autre place dans le débat, une véritable culture scientifique, une capacité à la réflexion qui semble bien loin du président Macron et de son équipe. Ce dernier prétend « avoir changé » et avoir été sensibilisé par la mobilisation des jeunes sur le sujet. Si le Président est sincère, c’est assez inquiétant sur la maturité du personnage soudain touché par la grâce de l’anticapitalisme primaire et qui avouerait ainsi s’être laissé entraîner par une jeunesse elle-même sous l’influence hypermédiatisée et artificiellement créée par une jeune fille (et ses soutiens financiers) menant un combat à la fois politiquement orienté (voir ses liens avec les anticapitalistes et « antifas » du monde entier, surtout américains) et écologiquement douteux car trop radical.
D’autant plus inquiétant que Greta Thunberg est en quelque sorte l’héritière de la deep ecology des deux premiers tiers du XXe siècle, à l’exact opposé du développement durable qui, lui, tente de concilier piliers écologique, social et économique. Cette écologie radicale n’avait jusqu’à présent que très peu pris racine en France, à l’exception de groupuscules d’extrême-gauche dont elle rejoignait l’anticapitalisme et l’espoir d’un Grand Soir : en effet, faisant passer le minéral, le végétal et l’animal avant l’humain considéré uniquement comme un perturbateur et prédateur de l’écosystème, elle apparaissait comme une inversion épistémologique totale de la pensée cartésienne, celle qui présente l’homme comme maître et possesseur de la nature et qui a profondément marqué le rationalisme français, comme l’a magistralement démontré Luc Ferry (Le nouvel ordre écologique. L’arbre, l’animal et l’homme, 2002). Jusqu’à présent la pensée écologique française, et au-delà européenne (cf. les Grünen allemands) cherchait un compromis entre ces deux tendances radicales, le cartésianisme et l’écologie profonde, consciente des dégâts de la présence des hommes en croissance exponentielle sur l’écosystème mais en même temps confiante dans l’intelligence humaine et les progrès techniques qui, jusqu’à aujourd'hui, lui ont toujours permis de surmonter toutes les crises écologico-démographiques annoncées. De la mesure avant toute chose. Mais voilà le président Macron qui, à son tour, se vautre dans l’anti-scientisme et se mue en prophète de l’apocalypse !
Espérons qu’il s’agit juste d’une posture politicienne, ce qui serait plausible étant donné l’absence de la question écologique dans ses préoccupations de campagne. S’il s’agit juste de surfer sur un nouvel engagement de la jeunesse et au-delà du corps social français, de ratisser large en donnant à ces possibles électeurs tentés par l’abstention ou habitués à l’errance entre les partis, le prêt-à-penser conceptuel à la mode qu’ils ont envie d’entendre, c’est parfaitement compréhensible car électoralement payant, même si les ficelles sont un peu grosses. Il peut aussi s’agir de détourner, via l’écologie comme s’y attelle le gouvernement Philippe depuis deux ans, le regard de ses concitoyens des véritables problèmes ou des questions les plus urgentes à régler. Tant que l’on fait semblant de débattre sur écologie, qui semble mettre tout le monde d’accord, on ne parle pas immigration, sécurité, accroissement de la dépense publique, délabrement de l’éducation nationale, affaiblissement de nos forces de l’ordre, France périphérique et désertification hors des grandes métropoles …
Il fallait également, certainement, donner un sens et un souffle à ce G7 ronronnant et adopter une posture consensuelle et un temps d’avance sur ceux qui n’y avaient pas encore pensé. Ne parvenant pas à rassembler pour, on s’allie contre. C’est plus facile, mais moins durable.
La cause de l’Amazonie est un combat réel. Le drame écologique qui s’y trame “à petits feux” est indéniable. Mais la fin, ici comme ailleurs, ne justifie pas les moyens, et surtout pas de mentir pour attirer l’attention sur un problème réel, ce qui ne peut que discréditer la cause que l’on prétend servir. Encore moins lorsqu’il semble évident que la “cause”, ce soudain engouement du président français pour les questions écologiques en général, pour l’Amazonie brésilienne en particulier, , n’est qu’un prétexte à réglements de comptes personnels et politicailleries de bas étage.

https://www.lefigaro.fr/vox/monde/francois-lenglet-la-commission-europeenne-court-comme-un-canard-sans-tete-desorientee-par-la-disparition-du-monde-d-hier-20250803 ENTRETIEN - Après l’accord signé avec les États-Unis de Donald Trump le 27 juillet en Écosse, l’Europe entame son «siècle de l’humiliation», estime le journaliste économique et essayiste. François Lenglet est éditorialiste économique à TF1-LCI et RTL. Son prochain livre : Qui sera le prochain maître du monde ?, Éditions Plon, octobre 2025. LE FIGARO. - Dans le cadre de son accord avec Trump , l’Union européenne accepte de voir la quasi-totalité de ses exportations de biens vers les États-Unis frappées de droits de douane à hauteur de 15 % et n’obtient ni ne sanctionne rien en retour. Une autre issue était-elle possible ? Passer la publicité François LENGLET. - Non, cet accord est tout sauf surprenant. Il matérialise le rapport de force entre l’Amérique de Trump et l’Europe : tout pour moi, le reste pour toi. C’est la conséquence du rôle nouveau qu’occupent les États-Unis dans les affaires du monde, la « superpuissance voyou », pour reprendre les termes de l’universitaire américain Michael Beckley. C’est-à-dire la puissance numéro un sans autre ambition que de se renforcer au détriment des autres, à commencer par les alliés de naguère - ce sont eux qui offrent le meilleur rendement dans le chantage, parce qu’ils sont faibles. Le plus frappant dans cette affaire, c’est que l’Union européenne est contente. Humiliée et satisfaite. Alors même qu’en plus des tarifs, Bruxelles piétine ses propres politiques, pour satisfaire Trump. Elle accepte ainsi d’investir 600 milliards en Amérique, alors que l’exode de l’investissement est justement le principal problème pointé par le rapport Draghi… Elle s’engage à acheter des armes américaines, alors qu’elle exhorte les pays membres à renforcer leur base industrielle de défense… Elle s’engage à acheter des tombereaux de gaz américains alors qu’elle œuvre pour le zéro carbone ! Quant à la prétendue « prévisibilité » offerte par l’accord aux exportateurs, c’est une vaste blague. Un condamné à dix ans de prison peut évidemment se féliciter de la prévisibilité de son cadre de vie pour la prochaine décennie. Londres a obtenu de la Maison-Blanche le taux de tarifs douaniers les plus bas possible à ce jour (10 %). Cette « victoire » participe-t-elle à la décrédibilisation de l’Union européenne ? Le commerce américain avec le Royaume-Uni n’est pas déficitaire, cela peut expliquer le traitement plus favorable qu’a obtenu Londres. Dans la hiérarchie des royaumes tributaires de l’empire américain, nous occupons un rang intermédiaire, entre le Royaume-Uni, qui s’en sort mieux, et le Japon, duquel Trump a obtenu le versement de plusieurs centaines de milliards directement au Trésor américain. Et tous ceux qui sont menacés aujourd’hui de 30 % ou 40 % s’ils ne concluent pas d’accord cette semaine. Si l’Union européenne n’était pas en position de force, est-ce parce qu’elle ne maîtrise aucune de ses positions stratégiques à l’échelle de l’économie globale ? Oui, sans aucun doute. Il faut se souvenir que l’Union européenne n’a pas été conçue pour peser dans le jeu mondial. La raison d’être fondamentale de la Commission de Bruxelles, c’est de surveiller les États membres pour qu’ils se soumettent aux règles du marché unique et de la concurrence. Bruxelles a été dressé pour éradiquer les frontières et le nationalisme économique à l’intérieur de l’Union. L’édification de ce marché unique a d’ailleurs été une propédeutique utile pour apprivoiser la mondialisation, surtout pour la France et sa bureaucratie. Mais les temps sont bouleversés. La mondialisation change de nature et de périmètre, elle se fragmente, à cause du recentrage de la puissance principale sur ses intérêts exclusifs au détriment d’un ordre mondial. Il ne peut y avoir de mondialisation sans maître du monde assumé. La Commission devrait donc s’appuyer sur les frontières et pratiquer une sorte de nationalisme européen, si cette expression n’était pas un oxymore, pour défendre les États membres dans la grande confrontation entre les empires. Elle en est incapable car il faudrait pour cela qu’elle renie les traités. Elle court donc comme un canard sans tête, désorientée par la disparition du monde d’hier. Bruxelles a passé des semaines à élaborer des contre-mesures punitives pour les États-Unis en expliquant que nous n’allions pas les utiliser… Les fonctionnaires ont inventé la version commerciale du pistolet à bouchon. François Lenglet L’Europe-puissance est une chimère, entretenue par les fédéralistes qui voudraient encore sauver leur rêve. C’est le dernier stade du déni, avant l’acceptation de la réalité : l’Europe entame son « siècle de l’humiliation », comme la Chine de 1842, après la guerre de l’opium. Trump, exactement comme les Britanniques de l’époque, force l’ouverture de nos ports. Avec ces accords, l’Europe signe donc son traité de Nankin, qui avait asservi l’empire du Milieu aux intérêts commerciaux britanniques. Mais à la décharge de Bruxelles, le problème est plus grave que celui de la seule Commission. Ce sont les citoyens eux-mêmes qui rechignent à la puissance et aux sacrifices qu’elle exigerait d’eux. « Nous n’avons pas été craints », aurait dit Emmanuel Macron juste après cet accord-capitulation. C’est ce qu’on appelle une litote… Le problème pour être craint, c’est bien sûr d’avoir des moyens de rétorsion, mais c’est surtout de vouloir les utiliser. Bruxelles a passé des semaines à élaborer des contre-mesures punitives pour les États-Unis en expliquant que nous n’allions pas les utiliser… Les fonctionnaires ont inventé la version commerciale du pistolet à bouchon. Pire, les officiels français expliquaient à la veille de l’accord qu’il n’y aurait pas de rétorsions tarifaires, car les économistes avaient calculé qu’elles seraient préjudiciables à nos consommateurs ! Pour Trump, ces tarifs visent-ils surtout à relocaliser la production aux États-Unis ? Oui, il veut siphonner la croissance mondiale. Il récuse la position de « consommateur en dernier ressort », qui avait toujours été celle du maître du monde, les États-Unis au XXe siècle, le Royaume-Uni au XIXe. Il vise au contraire la réindustrialisation de son pays. C’est pour cela qu’il veut des tarifs et un dollar faible, afin d’inciter les industriels du monde entier à s’installer aux États-Unis. Il ne s’arrêtera pas là. Ces tarifs vont servir à la coercition des partenaires, afin qu’ils réévaluent leurs devises ou financent gratuitement la dette américaine, avec les fameuses obligations à coupon zéro prônées par l’un des inspirateurs de Trump, Stephen Miran. L’autre objectif est bien sûr budgétaire. Les taxes douanières vont remplir les coffres de Washington. Rien que l’accord avec l’Europe pourrait lui fournir une centaine de milliards de ressources annuelles supplémentaires. Il s’agit de financer le « Big and Beautiful Budget », les baisses d’impôts votées par le Congrès le mois dernier. Dans les deux cas, c’est la stratégie de la prédation : l’Amérique pompe les investissements pour arroser son sol, et les ressources financières des autres pour les redistribuer à ses entreprises sous forme de baisse d’impôt. Ne surestime-t-on pas la victoire de Trump ? Les engagements d’achats et d’investissements européens n’ont d’autre valeur que politique… C’est vrai que les chiffres sont tellement fous qu’ils ne sont pas crédibles. Ursula von der Leyen s’est engagée à 250 milliards d’achats de gaz liquéfié par an, alors que nous sommes, pour l’Europe entière, en dessous de 100 milliards aujourd’hui… Mais cela crée quand même une pression pour les années qui viennent, et c’est sans doute ce que cherchaient les négociateurs américains. Aussi déraisonnables qu’ils soient, ces montants ont été semble-t-il validés par l’Europe. Et, au-delà des considérations sur les montants, une leçon doit être retenue : l’accès aux marchés internationaux a un prix, car il a une valeur. Et ce prix est à la hausse, depuis l’élection de Trump. L’Europe ferait donc bien de réfléchir au prix de l’accès à son propre marché, l’un des plus grands du monde, et à la façon de négocier les prochains accords commerciaux. À quoi peut-on s’attendre, concrètement, sur le plan commercial ? Toute la question est de savoir qui va payer les tarifs. En bonne logique, c’est le consommateur américain, qui verra augmenter le prix des biens importés. Non pas de 15 %, car dans le prix final, les coûts de distribution comptent pour jusqu’à un tiers. En réalité, chacun des intervenants dans le circuit commercial, exportateur, transporteur, importateur, distributeur et consommateur va être mis sous pression pour réduire ses marges ou payer un peu plus. La répartition de ces efforts sera variable en fonction du rapport de force sur le marché, très différent selon les secteurs. Tout cela devrait contracter les flux commerciaux à destination de l’Amérique. Avec des conséquences sur la croissance, moins fortes en France qu’en Allemagne et en Italie, plus exportatrices, comme on le constate déjà sur les chiffres du deuxième trimestre 2025. Le commerce retourne à sa place, asservi à des objectifs politiques. De ce point de vue, Trump nous donne une leçon douloureuse, mais fort utile. François Lenglet Quels seront les secteurs les plus touchés ? Les entreprises de luxe peuvent supporter à la fois une augmentation de prix et une contraction de leurs marges, qui sont importantes. En revanche, pour les produits laitiers et fromage, c’est l’un de nos postes d’exportation importants, le consommateur sera moins enclin à payer. Ce seront les exportateurs qui vont devoir encaisser la moins-value, s’ils ne veulent pas perdre des parts de marché. Idem pour la cosmétique, également l’une de nos forces à l’export. Le haut de gamme s’en sortira, grâce à la puissance des marques et à l’image du « made in France », mais les produits grand public, plus sensibles au prix, devraient souffrir. L’automobile n’est concernée qu’indirectement, car nous n’exportons pas de voitures françaises outre-Atlantique. Les équipementiers français, sous-traitants des constructeurs européens, pourraient toutefois subir les conséquences de la pression sur les exportateurs allemands. Dans tous ces domaines, les industriels vont tenter de produire davantage aux États-Unis, pour échapper aux taxes. Il peut donc y avoir une nouvelle vague de délocalisations. Restent enfin des industries dans l’incertitude, car leur régime douanier n’a pas encore été défini, comme la pharmacie. Peut-on s’attendre désormais à une marginalisation de la Commission européenne ? Von der Leyen va-t-elle devenir l’amie que les États membres n’assument plus ? Les questions commerciales divisent l’Europe depuis toujours, à la fois entre États membres, qui n’ont pas les mêmes intérêts, et d’un secteur à l’autre au sein d’un même pays. Cette fois-ci, pourtant, le continent n’est pas vraiment divisé, il se partage entre les perdants résignés et les perdants soulagés. Soulagés parce qu’ils redoutaient pire - c’est la force de Trump que d’avoir attendri la viande pendant les négociations, en menaçant de taxes encore plus punitives. Au-delà des jérémiades, il n’y a donc pas de réelle volonté de remettre en cause l’accord avalisé par la présidente de la Commission. De plus, plusieurs partenaires commerciaux des États-Unis ont déjà avalé leur pilule, le Japon, la Corée du Sud, et tous ceux qui attendent dans le couloir de la Maison-Blanche… Il n’y a plus guère que la Chine qui tienne tête à l’Amérique. Il faut espérer que cette affaire aura au moins eu pour effet de révéler à l’Europe, à ses citoyens et ses dirigeants, l’ampleur des changements en cours dans les relations internationales. Dans la confrontation qui s’intensifie, tout est stratégique, y compris les questions commerciales. Tout a un prix. Tout est levier pour obtenir de l’influence ou des ressources. Cela exige de nous une révolution, dans l’idéologie et dans l’action, après quarante ans où le libre-échange était considéré comme l’état naturel des rapports internationaux, indépendant des questions politiques et profitables à tous. Le commerce retourne à sa place, asservi à des objectifs politiques. De ce point de vue, Trump nous donne une leçon douloureuse, mais fort utile. Pour reprendre un aphorisme de l’économiste Marc de Scitivaux, dans la longue histoire du coup de pied au derrière, ce n’est pas toujours le pied le plus coupable.

"Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le solde naturel est négatif. Ce que l’on attendait pour 2027 est déjà là, en 2025. Trop tôt. Trop vite. Et pourtant, pas un sursaut. Pas un électrochoc. Le pays continue, imperturbable, comme sous anesthésie. Ce chiffre, pourtant fondamental, ne suscite ni débat national, ni mobilisation. On le constate, on le commente, puis on passe à autre chose. Comme toujours." https://www.frontieresmedia.fr/tribunes/tribune-louise-morice-le-silence-des-enfants-le-prix-du-renoncement

Une tribune de Mathieu Bock-Côté dans FigaroVox (25/07/2025) https://www.lefigaro.fr/vox/politique/mathieu-bock-cote-de-la-fin-du-macronisme-20250724 CHRONIQUE - Le macronisme, dont Bruno Retailleau a prédit la fin une fois qu’Emmanuel Macron ne sera plus président de la République, a d’abord été le réflexe de survie d’un régime en panne, avant de se muer en une forme de centrisme autoritaire. C’est une des polémiques de l’été : sommes-nous témoins de la fin du macronisme ? La question peut se comprendre au premier degré : dans quelle mesure Emmanuel Macron peut-il encore peser jusqu’à l’élection présidentielle de 2027 ? Pour certains, elle relève de l’hérésie. La garde prétorienne du président accuse ainsi de lèse macronisme les figures du gouvernement qui n’ont pourtant jamais caché leur hostilité à son endroit. Voyons-y la joute politique ordinaire. À découvrir La question ne devient pourtant intéressante qu’en se détachant de la personnalité du président de la République pour faire plutôt le bilan de la synthèse qu’il a cherché à composer en 2017. Ce qui nous oblige à revenir à ses origines. Le macronisme fut d’abord le réflexe de survie d’un régime en panne, aux clivages devenus stériles, sentant monter une menace « populiste » et voulant se donner les moyens de la mater en ripolinant sa façade et en confiant la direction du pays à un jeune homme qu’on disait exceptionnel. Les élites politiques concurrentes qui, jusqu’alors, s’affrontaient selon la loi de l’alternance entre la gauche et la droite, se fédérèrent alors dans ce qu’on allait appeler un bloc central revendiquant le monopole de la République, de ses valeurs et de la légitimité démocratique, mobilisé contre des extrêmes, censées menacer la démocratie. L’alternative était posée : macronisme ou barbarie ! La rhétorique anti-extrêmes au cœur du macronisme masquait toutefois une fixation bien plus précise sur la droite nationale - alors qu’il convergeait culturellement avec la gauche radicale. Le macronisme n’a jamais cessé de proposer une offre politique conjuguant diversitarisme et mondialisme, auxquels s’est ajoutée la transition énergétique, sous le signe d’un empire européen à construire. L’homme européen auquel rêvent les macronistes a souvent eu les traits d’un l’homo sovieticus revampé. Le macronisme semblait faire du multiculturalisme une promesse. Il croyait les tensions dans les quartiers solubles dans la croissance, convaincu qu’il n’existe pas d’incompatibilité entre certaines civilisations, que l’islam est une religion comme une autre, et que le nombre, en matière migratoire, est une variable insignifiante. Il n’a pas vu et ne voit toujours pas la submersion migratoire, sauf pour la célébrer. Il se représente moins l’immigration comme une fatalité que comme un projet. Le macronisme s’est aussi rapidement dévoilé comme une forme de centrisme autoritaire qui préfère se faire appeler État de droit Mathieu Bock-Côté Le macronisme se voulait aussi un technocratisme : les meilleurs enfin rassemblés pourraient facilement résoudre les problèmes de la France, dégraisser l’État social, relancer l’économie et libérer les énergies du pays. La pensée unique trouvait sa traduction pratique et quiconque entendait gouverner à partir d’autres principes était accusé de se laisser emporter par des bouffées idéologiques délirantes. La situation financière de la France laisse croire que cette stratégie était moins performante que prévu. Le macronisme s’est aussi rapidement dévoilé comme une forme de centrisme autoritaire qui préfère se faire appeler État de droit. De 2017 à 2025, les initiatives se sont multipliées pour assurer une régulation publique de l’information, pour lutter contre les discours haineux, pour étendre la surveillance des pensées coupables au discours privé, sans oublier la dissolution de nombreux groupes identitaires, l’acharnement judiciaire et financier contre le RN et la fermeture d’une chaîne de télévision décrétée d’opposition. Le régime n’a plus de base populaire C’est ce qui a permis au macronisme de fédérer, l’an passé, les partis du système dans un front républicain allant de l’extrême gauche à la droite classique pour empêcher l’arrivée au pouvoir du RN. Le macronisme, à ce stade, abolissait le pluralisme politique authentique. Il n’y avait de diversité idéologique légitime qu’au sein du bloc central. L’extrême centre et la gauche radicale ont l’antifascisme en langage partagé. La droite classique, évidemment, s’est tue, de peur de déplaire. La seule opposition autorisée est celle qui se structure dans les paramètres du régime, et qui célèbre ses principes, avant de le contredire dans les détails. La révolte fiscale se fait entendre, la révolte identitaire et sécuritaire travaille la France depuis un bon moment, mais le macronisme est résolu à mater les gueux et les lépreux, qu’il se représente comme un peuple factieux, presque comme une meute de dégénérés dangereux. Le régime n’a plus vraiment de base populaire, mais ne s’en émeut guère. Le macronisme en est ainsi venu à confondre les palais de la République avec le maquis. Derrière les appels à répétition à sauver la démocratie, on trouve surtout une caste, qui est aussi une élite moins douée qu’elle ne le croit, résolue à prendre tous les moyens nécessaires pour conserver ses privilèges et ses avantages, effrayée devant la possibilité qu’une autre élite la congédie et la balaie. Les prébendes de la République valent bien la peine qu’on se batte pour elles.

Une tribune de Julien Abbas dans Valeurs Actuelles "La France, bercée par ses souvenirs de grandeur, se trouve aujourd’hui, après huit ans de présidence d’Emmanuel Macron, fragilisée sur l’échiquier mondial. L’action de Jean-Noël Barrot à la tête du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ne fait qu’accentuer cette dérive." https://www.valeursactuelles.com/politique/jean-noel-barrot-un-ministre-etranger-aux-affaires

Un edito d'Eric Chol dans l'Express (16/07) Et si on appliquait le plan Pinay-Rueff à la France ? Arrivé à Matignon en 1958, le général de Gaulle trouve un pays au bord de la banqueroute, comparable à la situation actuelle. Le président de la République a eu beau appeler à « la force d’âme », le pays aura du mal à se défaire du bonnet d’âne qui désormais le caractérise en Europe. Car comment qualifier autrement l’abyssesse des finances publiques, rendue possible par une croissance moribonde et dix ans de promesses mensongères successifs pour l’intendance, de la démagogie d’un personnel politique plus soucieux des élections que de l’intérêt national, et de l’addiction incurable de nos compatriotes aux chèques et à l’Etat ? On connaît (depuis 1974) la chanson, mais n’y fait : la France, année après année, déchoit. Même le plan Bayrou ne lui ressemble qu’à une énième incantation qui nourrira une gêne ou elle sera vite oubliée. Et si l’on essayait vraiment un plan de redressement national ? C’est ce qu’avait fait l’un des ministres des Finances les plus brillants, Antoine Pinay, nommé en 1958 par le général de Gaulle. Un esprit comparable mentalement au plus lucide des conseillers de Gaulle, lorsqu’il arrive à Matignon, c’est d’avoir compris que la crise budgétaire de la France, anémique, asphyxiée par les dépenses, dissuadait le grand débiteur d’agir. Pinay demande donc l’aide d’un directeur général du FMI de l’époque, le Suédois Per Jacobsson, ni plus ni moins. Le plus fou est qu’à Paris, comme à Washington, ce fut le diagnostic économique qui fit l’unanimité : la France, dans sa totalité – Intérieur, Défense, Affaires étrangères… – devait rendre les comptes à l’Etat, dans les moindres détails. Et c’est à ce moment-là que le général de Gaulle, aidé par Jacques Rueff, inspecteur des finances, met le pied dans la fourmilière. L’événement économique déterminant de décembre 1958, pour assainir le pays, Car oui, c’était possible, et de Gaulle l’a fait. Comment ? Tout d’abord en misant sur Jacques Rueff, un inspecteur des finances habitué à voler au secours des économies fragiles : trente ans plus tôt, dépêché par la Société des nations, cet ancien du cabinet Poincaré avait testé l’efficacité de ses recettes en Bulgarie, en Grèce ou au Portugal. De ces sauvetages, le polytechnicien a tiré une devise : « Exigez l’ordre financier ou acceptez l’esclavage. » Le plan Pinay-Rueff, adopté en décembre 1958, n’a rien d’un chemin de roses : augmentation de taxes et des impôts, compression des dépenses publiques, fin de nombreuses subventions, dévaluation du franc… La purge a un goût amer. « Et bien, les Français crient. Et après ? », rétorque de Gaulle à ses ministres inquiets. Mais les Français n’ont pas crié, et les comptes de la nation ont été rétablis en six mois. « La force de ce programme, c’est qu’il touchait l’ensemble des classes sociales : agriculteurs, retraités, fonctionnaires, chefs d’entreprise… Tout le monde a dû mettre la main à la poche », analyse l’historienne Laure Quennouëlle-Corre. Le plan Pinay-Rueff avait d’autres atouts. La popularité de Pinay, pour faire passer la pilule auprès des Français. « Sa mise en œuvre a été faite par un homme fort qui disposait d’un ascendant et d’une majorité très importante dans le pays. Le plan a été accepté parce qu’il était porté par de Gaulle, » précise l’auteur du Dénî de la dette. Une histoire française (Flammarion). Sept décennies plus tard, on a la recette, mais incontestablement, on manque encore d’un chef !

Un post Linkedin de François Vannesson, avocat au barreau des Hauts-de-Seine et fondateur du cabinet Morpheus Avocats Najat Vallaud-Belkacem, L’avatar capillaire du pédagogisme invertébré, vient d’être bombardée à la Cour des comptes. Une récompense bien méritée pour l’immense œuvre de destruction méthodique qu’elle a menée contre l’instruction publique : elle a vidé les cerveaux avec une cuillère en bois, puis repeint les murs de la salle de classe avec les restes. À l’époque, elle nous vendait l’école comme un espace d’auto-expression émotive où la syntaxe était fasciste, la chronologie raciste, la discipline patriarcale et l’excellence un attentat psychologique. Elle dirigeait le ministère comme on organise une orgie dans un hospice : sans scrupule, sans hygiène, sans témoin. Et maintenant elle va compter. Pas les fautes, non, ni les manques, ni les milliards égarés entre deux lubies. Elle va compter avec sa méthode : à la louche, au ressenti, à l’échelle du trauma perçu. Chaque déficit sera une blessure symbolique, chaque trou dans le budget une opportunité de réinvention inclusive. Mais la meilleure part, c’est le parrainage. François Bayrou, incarnation ambulante du compromis diarrhéique, l’a propulsée là. L’homme qui croit encore à son destin présidentiel comme un vieil ivrogne croit au retour de l’amour conjugal. Il négocie une nomination comme un souteneur distribue des faveurs : contre une abstention PS sur la censure. République mon amour, tu n’es plus qu’un kiosque à prostitutions morales. La scène est si grotesque qu’on en pleurerait de rage : l’ancienne démolisseuse de la langue française promue gardienne des comptes. L’incompétence sanctifiée, l’idéologie élevée au rang de compétence, l’erreur transformée en critère de sélection. Bientôt viendra son premier rapport : « Vers une comptabilité intersectionnelle : décoloniser les bilans, racialiser les soldes ». Elle y ajoutera une bibliographie lacrymale, quelques verbes en inclusif approximatif, et un graphique en arc-en-ciel pour masquer l’effondrement. La France, pendant ce temps, crève à petit feu. On supprime les jours fériés, on broie les actifs, on appuie sur la gorge des classes moyennes jusqu’à ce qu’elles n’aient plus que l’impôt pour respirer. Mais au sommet de la pyramide invertie, les fossoyeurs se félicitent. On ne leur demande plus d’être bons. Juste d’avoir bien nui. Et là, Najat coche toutes les cases. Avec application. Et un très joli stylo.

ENTRETIEN - Le ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, a contesté sur LCP l’existence d’un quelconque « islamo-gauchisme » au sein de l’université française, arguant que le terme n’existait pas « en tant que terme universitaire ». Pour le philosophe Pierre-Henri Tavoillot*, cette affirmation est doublement erronée. * Maître de conférences à Sorbonne Université et président du Collège de philosophie, Pierre-Henri Tavoillot est aussi le référent laïcité de la région Île-de-France. https://www.lefigaro.fr/vox/societe/quoi-qu-en-dise-le-ministre-la-realite-du-terrain-confirme-l-existence-d-un-islamo-gauchisme-dans-les-universites-20250709 LE FIGARO. – Le ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, a contesté le 7 juillet sur LCP l’existence d’un quelconque « islamo-gauchisme » au sein de l’université française, arguant que le terme n’existait pas « en tant que terme universitaire ». « Il n’est même pas bien défini, donc cette notion n’existe pas », a-t-il assuré. Selon vous, cet argumentaire tient-il la route ? Passer la publicité Pierre-Henri TAVOILLOT. - À vrai dire, ce propos est doublement erroné : d’abord parce que le concept d’« islamo-gauchisme » est clairement identifié, et ensuite parce que, comme toute idéologie, il est évidemment présent à l’université, réceptacle naturel de toutes les idéologies existantes. Mais chaque chose en son temps. Revenons au concept qui a été construit par Pierre-André Taguieff dans les années 2000 et dont l’histoire est parfaitement connue. L’historien des idées l’évoque notamment dans son ouvrage Liaisons dangereuses. Islamo-nazisme, islamo-gauchisme (Hermann, 2021). À partir de là, la définition de l’idéal-type est simple à établir, avec trois points fondamentaux qui le caractérisent. Il y a d’abord l’idée que l’islam est la religion des « opprimés » - ce qui permet aux révolutionnaires de gauche d’abjurer leur aversion du religieux, la religion étant traditionnellement perçue comme l’« opium du peuple ». Et la révolte islamiste est, pour le révolutionnaire en herbe, une « divine surprise » qui permet de pallier la tendance conservatrice, voire réactionnaire, du prolétariat européen. En effet celui-ci se contente dorénavant de « défendre les acquis sociaux » ou de voter pour le Rassemblement national. Dans ces conditions, la révolution n’est plus envisageable avec lui, d’où la deuxième idée structurante qui réside dans l’urgence de faire venir un prolétariat actif et révolutionnaire. L’islamo-gauchisme soutient donc l’ouverture sans limite des frontières et l’accueil de ceux qu’ils pointent comme les « damnés de la terre ». Avec ces derniers, il redevient possible d’envisager la destruction de la pseudo-social-démocratie libérale et du système capitaliste. La troisième idée est que l’islamisme est lui-même une simple réaction de défense, légitime donc, face à un impérialisme occidental et néocolonial qui veut imposer à coups de canon son « idéologie des droits de l’homme » dans le monde entier. De ce point de vue, les plus à l’extrême vont percevoir les attentats comme des réactions, à l’instar du pogrom du 7 Octobre en Israël, que certains ont qualifié d’« acte de résistance ». D’ailleurs, la judéophobie est l’une des dernières composantes, et non des moindres, de cette idéologie. On a là un raisonnement qui donne sa cohérence à bien des prises de position étranges de la part de La France insoumise, notamment. Dire que le concept n’existe pas, c’est se priver du moyen de comprendre l’extrême gauche, et même une partie de la gauche, qui met par exemple Gaza et le drapeau palestinien en tête de toutes ses revendications. D’après le ministre, tous les atermoiements des dernières années à l’université témoignent donc simplement d’une tradition française bien ancrée, celle de la forte politisation des universités. Sur ce point, il n’a pas tort : qu’est-ce qui différencie vraiment la période actuelle ? Il existe tout de même une inquiétude supplémentaire par rapport au passé : on a affaire là, potentiellement, à de la violence. Ce ne sont pas seulement des débats d’idées. On a vu ce qui s’est passé à l’école avec Samuel Paty et Dominique Bernard quand la haine est attisée. Ces choses sont à prendre au sérieux. Ce n’est pas majoritaire, mais c’est une minorité fanatique. Entre les débats même violents que l’on a pu connaître par le passé à l’université et ceux d’aujourd’hui, il y a un potentiel changement de nature. Cette idéologie existe donc à l’université ? Elle n’est pas majoritaire ni structurelle, mais elle est bien présente. Et cela dépend largement des secteurs. On peut en donner bien des exemples : il n’a par exemple échappé à personne qu’un certain nombre de blocages qui avaient eu lieu ces derniers mois devant ou dans nos universités se justifiaient par l’hostilité envers la guerre à Gaza. De prime abord, on peut se demander pourquoi, dans une université française, on bloque les cours du fait de la guerre au Moyen-Orient ? En effet, la France n’est pas cobelligérante : sur le strict plan universitaire, ça n’a pas de sens. Il a donc fallu trouver des justifications et on les a trouvées au cœur de ce qu’on appelle l’islamo-gauchisme. Il faut arrêter ce déni qui, en plus d’être agaçant, donne l’impression que c’est l’ignorance qui prime Pierre-Henri Tavoillot Plus personnellement, en tant que référent laïcité de la région Île-de-France, j’ai de nombreuses remontées de terrain qui témoignent de ce que l’on appelle l’« entrisme islamiste ». Ce n’est pas un fantasme. Il y a quelques mois, notre collègue Fabrice Balanche a été interrompu dans son propre cours par des activistes. À Lyon, on sait aussi qu’il existe des salles de prière au sein des établissements. Il y a le spectacle de l’Unef dont la dimension de gauche laïque cède la place aujourd’hui à une dimension « frériste » - cela laisse d’ailleurs dans la stupéfaction ceux qui furent ses anciens militants. Les étudiants sont-ils les seuls concernés ? Les professeurs le sont également. J’ai de nombreux collègues proches de La France insoumise, et ils sont d’ailleurs dans leur bon droit. Certains, comme François Burgat, se revendiquent même de l’islamo-gauchisme. Preuve, s’il en fallait, que, si, aujourd’hui, pour nombre de gens, ce terme est péjoratif, il est en premier lieu descriptif et renvoie à des idées et à un raisonnement. Je ne suis pas d’accord avec cette position, mais elle a de la cohérence : ainsi, dire que ça n’existe pas n’a absolument aucun sens… C’est une grille incontestable qui explique une partie des débats aujourd’hui en France. Dans la classification de la gauche selon Jacques Julliard, il y a la gauche collectiviste, la gauche libertaire, la gauche libérale et la gauche jacobine. Il y a beaucoup d’antagonismes entre elles, mais ce qui réunit les gauches libertaire et collectiviste, c’est précisément l’islamo-gauchisme. Elles vont se retrouver ensemble comme à la manifestation contre l’islamophobie du 10 novembre 2019. Cette dernière avait réuni la CGT, l’Unef, le Parti communiste, Les Verts, Lutte ouvrière, LFI, le NPA. Il y avait une unification des deux gauches radicales qui s’opposaient, de ce point de vue, aux deux autres gauches, laïcardes. Il faut donc arrêter ce déni qui, en plus d’être agaçant, donne l’impression que c’est l’ignorance qui prime. D’autant qu’il est de plus en plus marginal. Il faut être clair pour établir un diagnostic fiable. Ce serait d’ailleurs bienheureux pour tout le monde, car cela nous empêcherait à la fois de sous-réagir et de surréagir. Il faut plutôt accepter le réel, pour, ensuite, voir ce qui relève de la liberté d’expression politique et ce qui relève des attitudes et des actions contraires à l’esprit et à la lettre des universités. Là est le véritable enjeu. D’autant que la prise de parole du ministre s’oppose à ce que disaient certains de ses prédécesseurs… Cet effet yoyo est une constante depuis que Jean-Michel Blanquer a cessé d’être ministre. Lui a eu l’immense mérite d’avoir une politique claire et de long terme sur le sujet. Maintenant, les allers-retours sont permanents, alors même que la réalité commence à apparaître au grand jour.

Les propositions pour réformer les dépenses publiques ne manquent pas et le Sénat a rendu récemment une nouvelle copie. Mais François Bayrou aura t'il ne courage de n'en retenir ne serait ce que quelques unes plutôt que de tomber dans la lâcheté habituelle des augmentations d’impôts ... https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/budget-les-propositions-chocs-du-senat-pour-redresser-les-comptes-publics-2175473 Budget : les propositions chocs du Sénat pour redresser les comptes publics Gel des crédits, non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, jours de carence des fonctionnaires, « année blanche » sur les prestations sociales… La majorité sénatoriale a livré des recommandations drastiques pour redresser les comptes.Par Stéphane Loignon, Solenn Poullennec Le Sénat a rendu sa copie budgétaire au Premier ministre. Son contenu donne une idée de l'ampleur des sacrifices qui pourraient être demandés. Lundi, le président de la Chambre haute, Gérard Larcher, s'est rendu à Matignon pour dévoiler la contribution de la majorité sénatoriale au prochain budget, à une semaine de l'annonce par François Bayrou de son plan de redressement des finances publiques. « Les Echos » ont pu se procurer ce document révélé par Contexte. Sans prétendre remplacer le gouvernement, les sénateurs de la majorité du centre et de droite ont souhaité apporter leur pierre à l'édifice, en compilant des pistes d'économies pour ramener le déficit à 4,6 % du PIB l'an prochain, contre 5,4 % visés cette année. « Il y a une voie, qui est exigeante, mais c'est maintenant qu'il faut le faire », insiste le rapporteur général du budget, Jean-François Husson (LR), à l'issue de ce travail collégial entamé mi-mai. « On a essayé d'équilibrer entre les entreprises, les retraités, les actifs. Que chacun puisse considérer qu'il est soumis au même régime d'effort… », témoigne la sénatrice centriste Elisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des Affaires sociales. Selon elle, « ce n'est pas la copie définitive » mais plutôt « des options ». Baisse des dépenses Alors que le gouvernement a estimé l'effort nécessaire à 40 milliards d'euros en 2026, les propositions sénatoriales aboutissent à une fourchette comprise entre 30 à 50 milliards d'euros. « Sur les presque 50 milliards, environ 45 milliards concernent la baisse de la dépense publique, ça ne s'est jamais fait », souligne Jean-François Husson. Le recours à la fiscalité se limite à un éventuel gel du barème de l'impôt sur le revenu, dans le cadre d'une « année blanche » si les baisses de dépenses ne suffisent pas, et à la pleine application du dispositif contre la fraude CumCum (1,5 à 2 milliards d'euros à la clé), prévu au budget 2025 et que les sénateurs jugent bridé par un texte d'application de Bercy. Tout le reste repose sur la baisse des dépenses, en premier lieu de l'Etat. A minima, le Sénat recommande le gel en valeur des crédits budgétaires - hors défense, charge de la dette et contribution à l'Union européenne -, qui produirait 10 milliards d'euros d'économies par rapport à l'évolution spontanée des dépenses. Chaque baisse de 1 % des crédits hors loi de programmation rapporterait 2,4 milliards d'euros supplémentaires. Non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux Sauf pour les Armées, le Sénat propose même de « réinterroger » les lois de programmation qui encadrent les budgets du ministère de l'Intérieur, de la Justice et de la Recherche. Au maximum, ramener les crédits au niveau du dernier budget avant Covid (soit celui de 2019), en tenant compte de l'inflation, rapporterait carrément 22 milliards d'euros (un objectif qui ne pourrait être atteint que progressivement). Pour réaliser des économies dans la durée, les sénateurs veulent aussi que l'Etat reprenne le contrôle de sa masse salariale, qui a grimpé de 6,7 % l'an passé. Ils remettent sur la table le principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, mis en place sous le mandat de Nicolas Sarkozy puis abandonné sous François Hollande. La mesure rapporterait 500 millions d'euros l'an prochain. Ils réclament également l'harmonisation du régime des jours de carence dans la fonction publique (un jour actuellement) avec celui du privé (trois jours), avec 200 millions d'euros à la clé en 2026. La rationalisation des agences et opérateurs apporterait 540 millions d'euros d'économies sur leur fonctionnement, en suivant les recommandations du rapport de la sénatrice LR Christine Lavarde. « Année blanche » notamment sur les retraites. Les collectivités apporteraient un écot modeste au redressement des comptes, à hauteur d'un « maximum de 2 milliards d'euros », comme cette année. Celles-ci ne sont que « de manière anecdotique responsable de l'aggravation de la dette publique depuis 2019 », juge le Sénat, contrairement à la Cour des comptes. Les sénateurs voient en revanche de gros gains potentiels dans la lutte contre l'enchevêtrement des compétences entre Etat et collectivités. L'application des recommandations du rapport Ravignon rapporterait jusqu'à 7,5 milliards d'euros, éventuellement au bout de deux ans (3,8 milliards la première année). Une réforme des décrets tertiaires, dont le coût qui pèse sur les collectivités aurait atteint 3,3 milliards d'euros en 2023, permettrait de récupérer cette somme, potentiellement en deux ans. Enfin, la Sécurité sociale fournirait environ 10 milliards d'euros d'économies en 2026 dans le plan des sénateurs, notamment via une « année blanche » (non-indexation) des prestations sociales (5 milliards d'euros dont 3 milliards d'euros pour les retraites). L'Assurance Maladie apporterait aussi 5 milliards d'euros, par différentes mesures concernant entre autres la prise en charge des affections de longue durée, les médicaments et les dispositifs médicaux. Les assureurs santé pourraient se voir confier des missions de prévention, aujourd'hui assumées par la « Sécu ». Reste à savoir dans quelle mesure le gouvernement s'inspirera de ces nombreuses propositions.