3 questions à ... Bernard Carayon
3 questions à ... Bernard Carayon

1. Que signifie pour vous « être de droite » ?
La droite est réactionnaire. La vraie droite. C'est sa vertu : la gauche (macroniste ou non) est si ennuyeuse et vaniteuse. Avec cette manie de croire que la Science est le début et la fin de l'humanité. Avec cette obsession de rationaliser les comportements humains, et, sans la moindre cohérence, de bâtir une église sans Dieu, avec ses dogmes, ses excommunications, ses saints, ses fêtes et sa liturgie. Et cette prétention d’incarner le progrès !
Le comble n'est pas que la gauche s'arroge le monopole de l'intelligence et de la morale ; de ce qui se dit, en somme, et de ce qui s'écrit. Mais c'est qu'on la croit ! Parfois, pour s'exciter et sortir de l'ordre moral, la gauche devient révolutionnaire : pas longtemps. Elle n'a jamais cultivé le courage et les vertus de l'homme de caractère : elle se réfugie dans les mouvements populaires et ne se donne à un chef que lorsqu’elle n’a pas le choix.
Les girondins se soumettent à Danton, Danton à l'argent, et tout le monde à Bonaparte. Pour faire comme les vrais, on s'encanaille à l'Odéon et l'on conspue les flics à distance. Ce n'est pas un hasard si certains d’entre nous ont honoré les seuls authentiques héros de la gauche : au mur des Fédérés.
Au fond nous avons beaucoup de raisons de ne pas aimer la gauche et d'être de droite.
Je n'ai pas dit « à droite ». Il ne faut pas confondre l'essence avec la situation géographique, les racines avec le statut du locataire.
Etre « de droite », c'est d'abord ne pas oublier. Avoir une filiation. Même si l'on ne connaît pas tous ses ancêtres. A gauche, on descend du singe. Toujours le scientisme ! A droite, comme l’écrit Tillinac, « des preux et des laboureurs ».
Je ne me suis jamais senti dans la peau d'un singe, mais enfant j'ai rêvé des cathares et des corsaires ; j'ai pleuré en apprenant l'humiliation de Vercingétorix et la victoire de Giap à Diên-Biên-Phu. Parlementaire ou maire, je n’ai jamais commémoré un 19 mars [1] honteux et tragique.
A droite, il est vrai, le souvenir se mêle au goût de la tragédie : mieux vaut un bel échec qu'une triste victoire. Car on n'oublie pas les héros disparus : « heureux les épis mûrs et les blés moissonnés ». Que nous disent ceux qui sont rentrés ? « Nous sommes là. Parmi les vivants. Comme vous, chez qui suinte l’ennui. »
Etre de droite, c'est cultiver l'émotion. Notre ivresse ne naît pas des systèmes : il faut être snob comme un homme de gauche pour se pâmer à la lecture de la Contribution à la critique de l'économie politique de Marx…
Les paysages de nos terroirs et la certitude que la France est un pays unique, aimé du monde entier, c'est sans doute pour cela que l'on ne peut être de droite sans être Français. Avez-vous entendu parler d'une droite anglaise ? Non ! Là-bas, on est conservateur ! Aux Etats-Unis ? Pas plus. Ce sont des républicains !
Au Maroc ? Impossible ! Ceux qui sont de gauche sont chez nous... Au Cambodge ? S'il y en a avait eu, il n'y en a plus...
La droite est donc d'abord française. La gauche ? Elle appartient plus souvent au « Monde ». La droite aime les vins de Loire - quand on est fauché, on se contente de Cheverny - les jardins à la française, le granit du Sidobre, la forêt d'Orléans.
Elle trouve son inspiration en de « hauts lieux où souffle l'esprit ». Elle cherche son axe en Corrèze plutôt qu’au Zambèze, et n'aime pas la Côte d'Azur.
Enracinée. Emotive : la droite est aussi ludique. « Que ferais-tu ? demandait-on à Saint François, si tu apprenais ta mort prochaine ? Je continuerai à jouer à la balle. ».
Qui l'eut crû ? Saint François était des nôtres.
La droite n'aime pas les bien-pensants : elle préfère les bienheureux. La droite, je le répète, la vraie, est rebelle dans l'âme et fidèle à la France : elle l'aime comme la « passante » de Baudelaire : « un éclair, puis la nuit, fugitive beauté dont le regard m'a fait soudainement renaître, ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?».
L'enthousiasme n'est jamais loin de la déception. Mais à la fin, à droite, on rit ! On rit de ceux qui croient au Progrès. Lisez Céline. On rit des riches. On rit avec le peuple. Le peuple sans majuscule : ce n'est pas un concept. On rit avec le peuple quand le peuple rit des malheurs des possédants.
La droite ne peut être consensuelle : elle trouve que le mot commence trop mal. Quand on n'a plus d'idées, on cherche le consensus. Cela évite de se battre pour rien. La gauche est experte à fabriquer du consensus lorsque cela l'arrange. Voyez le culte de Jaurès. Surtout dans le Tarn : ici, on n'a pas le droit de discuter son autorité morale. Célébré pompeusement à Carmaux par ses héritiers géographiques, il est même amoureusement fleuri, à date fixe, par les conservateurs de Castres.
Il est vrai que chez nous, on a toujours eu le culte de la parole. On oublie pudiquement le mot de Clemenceau : « je n'ai jamais connu un homme qui ait dit si peu de choses en autant de mots. » Gambetta et Clemenceau, à l'inverse, dérangent la gauche : ils ont trop le sens de l'Etat pour ne pas lui faire peur. Et puis Jaurès est un exclu, comme Marx : de sa propre société. Dans les « Sept femmes de la Barbe Bleue », Anatole France décrit Jaurès sous les traits de Jeronimo : « il ne se console pas de manquer d'aristocratie et d'élégance. Il n'est pas heureux ». Jaurès est un « piège à consensus ». L'instrument admirable d'une vieille propagande qui culpabilise ceux qui ne sont pas du même camp. Le cas n'est pas unique. Mais la méthode est toujours la même : avant de gagner les élections, la gauche dégoûte la droite du combat. Elle la prive de ses défenses quand elle ne s'approprie pas nos propres valeurs : l'émotion, la fête, l'enracinement, les libertés. En position de force, elle attire la droite sur son terrain et lui impose ses mots, ses codes, sa hiérarchie des valeurs. Mais qu'elle soit en position de faiblesse, et elle renoue avec les vertus du consensus.
La droite ne doit pas être consensuelle : elle se nourrit de « l'insécurité et de l'inquiétude, de la tourmente et de la bagarre [2] ».
La droite dans le fond incarne la noblesse du caractère et de la vie.
On conseillait, sous la Révolution, à la duchesse de Berry, de se cacher en ville, fondue dans l'anonymat : « paysanne, tant que vous voudrez, bourgeoise jamais ! »
Vous l'avez compris ? Elle aussi, était des nôtres ...
2. Pourquoi vous êtes-vous engagé en politique ? Quels rêves/idéaux vous animent ? Quelle lignes voudriez-vous faire bouger ?
Pour servir mon pays et mon terroir !
J’ai hérité de ma famille l’amour de la France et le respect admiratif de ses grands hommes : Clovis, Saint-Louis, Louis XIV, Colbert, Bonaparte, de Gaulle.
De ses nobles figures : Bayard et d’Estienne d’Orves. Et lorsque je confronte notre passé avec notre présent, j’ai le sentiment d’avoir changé de pays. Et pourtant, c’est le même pays. Nous ne sommes pas voués à subir ce qui est, à proprement parler, une douce décadence. Le gaullisme est la colonne vertébrale de la France. Je suis convaincu qu’une génération de rebelles et de résistants est en train de se lever sans se résumer à une droite qui serait « de droite ». Rassembler ceux qui n’en peuvent plus des soumissions de notre pays ; rassembler les français qui se sentent étrangers dans leur propre pays. Rassembler ceux qui savent que la souveraineté de notre pays est la clé de tout : et en particulier du droit à notre continuité historique.
3. Quels constats faites-vous sur le climat politique en général en France ? Quelles sont vos peurs ? Vos espoirs ?
Quand la médiocrité morale, l’amateurisme et l’arrogance se conjuguent, cela donne le macronisme, ultime avatar du socialisme mâtiné de faux libéralisme et de vrai esprit libertaire.
Il doit rester un accident de l’histoire. Cinq ans, c’est déjà trop. Pour la paix civile, il faut construire l’alternance.
« Il n’y a pas de fatalité de l’histoire » disait de Gaulle, « un mot, un geste, et le cours de l’histoire est détourné ».
Pour les amateurs de cuisine politique, « les carottes sont cuites » : « autant aider Emmanuel Macron, il n’y en a pas d’autres ». Mais qui le connaissait en 2016 ? Connaissons-nous celui qui doit lui succéder ? Ce n’est pas sûr. Je le répète : le temps est aux rebelles.
[1] Date du cessez-le-feu en Algérie, à partir duquel commencent en Algérie les massacres commis par le FLN, des harkis, des pieds noirs et des soldats métropolitains.
[2] Extrait de la « Prière du parachutiste », André Zirnheld, 1942.







