Vaccination obligatoire, le gouvernement renonce (provisoirement?)
Vaccination obligatoire, le gouvernement renonce (provisoirement?)

Quelques remarques en vrac, non tant sur le fond (3) mais sur la forme extrêmement révélatrice de l’amateurisme gouvernemental (1) et de l’idéologie dominante (des barrières mentales) qui y règne (2).
1) Encore une preuve de l’amateurisme hallucinant de ce gouvernement Castex, à l’image de ceux d’Edouard Philippe. Un pas en avant, un pas en arrière. On dit tout, et son contraire. Et on recommence. On s’exprime avec certitude et arrogance, puis on on rétropédale piteusement. Comment avoir pensé qu’une telle mesure n’allait pas déclencher un tollé généralisé et multiplier des procès d’intention ravageurs (*voir infra en 3) pour l’image de l’équipe Macron dans un contexte où l’on entend en permanence, parfois à tort, souvent à raison, que les libertés sont menacées et où l’autoritarisme, à défaut d’autorité, du chef de l’Etat, de son premier ministre et du ministre de la santé sont quotidiennement dénoncées? Le proposer semblait une renonciation, faire marche arrière est dévastateur car c’est un mauvais point de plus qui corrobore le procès d’amateurisme qui leur colle à la peau .
Ceci dit pour une fois c’est aussi faire preuve de sagesse. S’entêter aurait été suicidaire. Après tant d’erreurs, les 80 km/heure, la réforme des retraites, la taxe carbone avec les premiers gilets jaunes, la négation des erreurs sur les masques et les tests, le gouvernement aura au moins appris que lorsqu’une mesure déclenche un tel tollé généralisé, il est inutile d’insister et que le pourrissement d’une mesure impopulaire et (car) incomprise sur le long terme est un poison mortel pour l’exécutif, une sorte de sparadrap dont on ne peut plus, à terme, de débarrasser.
Lancer des ballons d’essai dans l’opinion pour voir les réactions, éventuellement reculer ensuite si la réaction d’opposition est trop massive, faire passer ensuite une demi-mesure mieux acceptée en comparaison de ce à quoi on a échappé, est une technique politique vieille comme le monde que nombre de prédécesseurs de ce gouvernement ont pratiquée, parfois avec succès. Mais Il faut choisir son contexte. Le vaccin n’est pas encore là, ni un traitement imparable, ni des tests accessibles à tous (et qui ne valent de toute manière que pour l’instant présent). Il n’y a pas de recul nécessaire pour rassurer l’opinion sur son efficacité et ses effets secondaires. Le seuil de tolérance face à des mesures jugées liberticides et pourtant infiniment moins graves semble être atteint. Psychologiquement la société française est fragilisée, on craint que la cocotte minute n’explose (d’où la tactique de réconciliation du chef de l’Etat avec sa police?). Le complotisme ne s’est jamais aussi bien porté. Entre désespérance et colère, l’opinion est chauffée à blanc. Ce n’était vraiment pas le moment! À moins que Véran n’ait pensé qu’en période de vacances et de préparation d’un Noël au rabais, une telle mesure allait passer comme une lettre à la poste dans l’indifférence générale. Décidément , cet homme , totalement déconnecté du terrain, est incapable de sentir l’opinion et ne lna pas en haute estime.
2) « La vaccination ne sera pas obligatoire. C’est une mauvaise polémique venue du Rassemblement national (…). Dans le contexte que nous connaissons, le gouvernement va proposer de reporter le texte de plusieurs mois ». Cette explication d’Olivier Veran annonçant le retrait provisoire du texte est absolument hallucinante et symptomatique de l’aveuglement idéologique des macronistes issus de la gauche bien-pensante.
Véran est à l’image de son collègue Dupont Moretti, partageant la même obsession face à une extrême droite fantasmée, comme d’ailleurs les maires EELV qui, à la moindre critique face à des prises de position ou décisions loufoques et maladroites qui font rire ou grincer la France entière (le sapin, le Tour de France, les cours d’école « dégenrées ») incriminent aussitôt un mauvais procès fait par les « fachos ». Quoi qu’il se passe, à la moindre critique, c’est évidemment la faute de l’extrême droite, qu’ils pensent incarnée dans le rassemblement national. Fut un temps où c’était les juifs, les francs-maçons et les communistes qui étaient responsables de tous les maux de la République. Ce triple fantasme existe encore de manière résiduelle chez certains individus radicalisés à droite, en particulier dans la véritable extrême-droite que l’on entend peu, minoritaire dans l’opinion, absente du jeu politique républicain. Aujourd’hui, le bouc émissaire et en même temps le deus ex machina a l’origine de toute critique, c’est le RN !
Cette accusation est d’autant plus ridicule cette fois que sur ce projet, résumé sous l’accusation de « vaccination obligatoire », on a vu s’exprimer des gens de tous horizons, peut-être encore davantage à gauche ce qui est notable sur les réseaux (car au rejet d’un procédé jugé liberticide s’ajoute pour certains le militantisme anti-vaccin et le complotisme, nettement plus répandus de ce côté de l’échiquier politique), y compris la commission des lois du Sénat, des journalistes et chroniqueurs sur les plateaux dont certains plutôt indulgents envers la Macronie, sans compter les réticences et la surprise au sein même du gouvernement que relatent les médias.
Ces apprentis sorciers ne se rendent-ils pas compte qu’en attribuant au Rassemblement national des positions plutôt populaires partagées par une majorité de l’opinion (lutte contre l’islamisme, immigration contrôlée, jusqu’à ... l’attachement à la tradition de l’arbre de Noël ou au Tour de France, et aujourd’hui le refus d’une vaccination obligatoire que même des médecins reconnus et des journalistes s’attachent à décrédibiliser sur les plateaux) qu’ils contribuent même à renforcer ce qu’ils prétendent combattre ? Bientôt, grâce ou à cause d’eux , leur insulte favorite, « facho », sera devenu un compliment puisque penser comme une majorité de l’opinion, s’opposer aux décisions d’un gouvernement impopulaire, c’est à leurs yeux mériter ce qualificatif et « tenir le discours du RN ».
3) Sur le fond, je suis éminemment moins choquée que nombre de mes amis par la philosophie implicite de ce projet. D’autant plus que, contrairement à ce qui a été dit, il ne s’agissait pas seulement d’imposer un vaccin pour accéder à certains lieux ou activité mais que le projet prévoyait comme alternative un test négatif ou un traitement curatif en supposant que ce dernier existe. Ceci dit, incomplet, il ne prévoyait pas le cas des personnes ayant une sérologie positive (les gens ayant été touchés et ayant donc des défenses immunitaires naturelles) ni celui des personnes dispensées de vaccin (allergiques à certaines composantes, trop fragiles, c’est-à-dire des personnes pour qui le rapport bénéfice/risque serait négatif). Mais on constate encore une fois ici le défaut de communication, l’incapacité aujourd’hui à s’expliquer ou à être entendu pour les membres d’un gouvernement qui a perdu la confiance sur les questions sanitaires, puisque ce projet mal fignolé mais plus complexe que l’image que les réseaux en ont donné est vite devenu synonyme de vaccination obligatoire.
Mais de toutes manières c’était beaucoup trop tôt et effectivement, aujourd’hui, liberticide . Le projet avait au moins six mois à un an d’avance, et encore sous condition que ce que les médecins espèrent se soit vérifié: que le vaccin fonctionne, soit disponible pour tous (problème du volume des commandes), et que le rapport bénéfice/risque soit de manière écrasante en sa faveur, qu’un traitement à l’efficacité reconnue soit disponible, que des tests facile à pratiquer (voire en auto contrôle), généralisés, moins coûteux, soient également à disposition.
Une telle mesure ne pourra être en effet proposée à la représentation nationale sans attenter aux libertés individuelles :
- Qu’une fois que le vaccin sera là et disponible pour quiconque le souhaite. On voit mal en effet comment le projet initial de ce gouvernement aurait pu simplement être validé par le Parlement car tout le monde en l’état actuel des commandes et des possibilités techniques ne sera pas vacciné dans les mois à venir, même si chacun le désirait.
- Qu’il aura été largement administré;
- Avec un recul temporel suffisant par rapport aux premiers vaccinés en EHPAD ou simplement par rapport aux autres pays vaccinés avant la France pour en mesurer statistiquement les effets;
- Que ce recul aura donc permis d’analyser les éventuels effets secondaires de la vaccination, ou en tout cas leur fréquence et leur gravité par rapport à la masse des vaccinés;
- Et surtout que l’on pourra prouver qu’il existe une nette supériorité des bénéfices par rapport aux risques, par exemple mortalité des personnes vaccinées en EHPAD par rapport à celles qui ne le sont pas , disparition des clusters dans les lieux (villes, entreprises, EHPAD...) où une majorité de personnes l’auront acceptée.
Tout cela prend du temps, Il faut que la vaccination s’installe, convainque, se développe, et ensuite fasse ses preuves. Ou pas.
Ensuite, si et seulement si les résultats sont probants, une mesure imposant la vaccination pour accéder à certains lieux collectifs, que cela vienne de l’Etat ou de certaines entreprises privées (transports, clubs sportifs, lieux d’enseignement) où une personne non vaccinée pourrait répandre la maladie (qui toucherait par ricochet d’autres personnes non vaccinées, non pas par choix mais parce qu’exclues de la vaccination pour incompatibilité avec certaines composantes, comme cela existe déjà pour les vaccins existants) ne me choque nullement et ne me paraîtrait pas discriminatoire.. C’est déjà le cas pour les vaccins obligatoires afin d’accéder à l’école.
À ce moment-là tout est question de responsabilité individuelle, de citoyenneté, on ne peut pas toujours avoir le beurre et l’argent du beurre « , soit on accepte les règles collectives et le principe de la protection mutuelle là où l’espace est partagé et le risque présent, soit on se tourne vers une alternative où le vaccin n’est pas obligatoire, et on en trouvera toujours, dans tous les domaines, certes parfois avec des contraintes en plus. C’est cela aussi la citoyenneté, la prise de responsabilité de chacun en conscience, en pesant les avantages et les inconvénients de la décision que l’on prend et en acceptant les conséquences induites.
Natacha Gray







