Débat entre les droites : billet d'humeur
Débat entre les droites : billet d'humeur

Un de nos fidèles sympathisants qui a assisté au débat organisé par Lignes Droites le 22 février nous a adressé cette tribune passionnante. Merci à lui. Nous partageons ce texte avec vous avec enthousiasme. N'hésitez pas à nous faire part de vos réactions.
"Chers amis,
Me permettrez-vous de vous adresser ce petit billet d’humeur, suite à la réunion de Lignes droites du mercredi 22 février 2023. Et tout d’abord de vous adresser mes compliments pour les efforts que vous déployez pour unir les droites.
Ce billet volontairement critique ne met pas en cause le bureau de Lignes droites, loin s’en faut. Mais il témoigne d’une certaine amertume. Tout de même, cette réunion où les leaders de Haute- Garonne avaient la parole. Quelle indigence. Je partage l’opinion d’une personne de l’assistance qui a exprimé sa déception.
Explication :
Que de banalités maintes fois ressassées sur les fausses oppositions binaires gauche-droite remplacée par l’opposition mondialistes-nationalistes, sur la défense de nos valeurs (non définies, quelles valeurs ? Celles de la République, celles de la démocratie ? Est-ce la même chose ?). On trouve à mon sens une bonne définition de la république chez Michel Winock (Revue Le débat numéro 210, mai-aout 2020). La république, c’est « l’intériorisation par les citoyens de la primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers ». Y sommes-nous ? Quant à la démocratie, suivons Régis Debray dans sa célèbre distinction entre république et démocratie. En bref, l’idée de la république est proche de la définition ci-dessus, la république, c’est la liberté plus le citoyen autonome (« auto-nome » ça veut dire capable de s’imposer à soi-même des règles), alors que la démocratie (modèle essentiellement anglo-saxon), ce sont avant tout les libertés individuelles. La tolérance est du côté de la démocratie et donc du communautarisme et donc du voile islamique. La république « à la française » si j’ose dire est du côté de l’indivisibilité de la nation. Que choisissent les droites ? J’ajoute cette réflexion trouvée chez Jacques Julliard qui met en doute la capacité de la démocratie, à l’instar de la démocratie athénienne, à fonctionner dans de grands ensembles. (Jacques Julliard, L’esprit du peuple. Robert Laffont. Collection bouquins).
L’Union Européenne ne s’est pas bâtie sur le modèle de la démocratie. Elle en est même le déni. Et aujourd’hui, elle édicte des règles qui s’imposent aux états « démocratiques ». Ce qui ne veut pas dire que nous n’avons pas besoin d’Europe. Sans elle, la folie dépensière de notre actuel Etat serait comme la Grèce d’il y a quelques années, sous la tutelle du FMI. Nous tirons donc des traites sur une institution qui nous impose son autre tutelle. Quelle position, forcément intermédiaire une union des droites (LR + RN et les autres satellites) peut-elle raisonnablement chercher dans cette union ?
Que de questions brulantes que l’on n’a pas posées. On parle beaucoup des valeurs de la République. Voir ci-dessus. Quelle République ? On en est à la cinquième. Et aujourd’hui, prenons l’école. Les valeurs défendues aujourd’hui à l’école ont-elles encore quelque chose à voir avec celles de la République du Jules Ferry ?
Prenons le nationalisme. Selon le mot de Mitterrand, ce grand président (venu de droite) que l’opportunisme a transformé en homme de gauche pour la conquête du pouvoir. Il disait « le nationalisme, c’est la guerre ». Ne faut-il pas aujourd’hui assumer à droite le nationalisme comme forme de fidélité à la nation ? Et le crier assez fort pour couvrir ceux qui hurlent au fascisme dès que l’on prononce ce mot. Ils sont nombreux dans les milieux intellectuels, universitaires, culturels, médiatiques (là ils sont quasiment majoritaires). Et combien de personnes à droite s’arque boutent sur la dangereuse ligne rouge à ne pas dépasser, alors que les fascistes sont à l’ultragauche, soutenus par ce qui reste de la gauche qui ayant, par trahison, perdu l’électorat populaire parti chez madame le Pen, se voue au diable pour exister. La nation, c’est l’histoire commune, massacrée à l’école et par la France d’aujourd’hui, qui s’abstient ou qui vote Macron. La nation, c’est l’enracinement, cher à la philosophe Simone Weil. L’enracinement, besoin naturel de tout être humain.
La nation, c’est ce qui unit les Hommes dans une identité. Qu’est devenu aujourd’hui le concept d’identité ? Les grands esprits (dominants) nous expliquent qu’elle n’existe pas. L’identité façon 21ème siècle est quelque chose de fluide, donc de fluctuant. Ce qui fait que la personne, réduite à un écoulement permanent ne sait plus ce qu’elle est. Elle ne se reconnait plus dans sa nature devenue éphémère et protéiforme. Vive la déconstruction préparée de longue date (les philosophes français de gauche des années 60, Foucault, Derida, Deleuze ou Bourdieu ont implanté dans les campus américains, sous le nom de French theory (nul n’est prophète en son pays) le concept de la déconstruction au temps du Général de Gaulle, qui savait ce qu’était une nation. Et on a 50 ans plus tard en retour le wokisme en Europe (occidentale, précisons-le). Quelle position de la droite (notamment locale) sur ce sujet ?
Civilisation. La personne dans l’auditoire du mercredi l’a dit : Personne n’en a parlé. Les invités à la table ronde ont-ils seulement esquissé une réponse ? Donc je reprends la question. Quelle civilisation européenne voulons-nous ? Ce qui fondait la civilisation européenne, c’était le Christianisme. Un philosophe mondain de droite, ancien ministre de l’Education de Nicolas Sarkozy, Luc Ferry, rabâche sur les ondes de Radio classique que comme le Christianisme s’est effondré, ce qui est vrai, désormais même avec l’aide de son chef spirituel actuel, le pape François qui préfère tendre la main aux Musulmans, nouvel entité victimaire pour tous nos bien-pensants, plutôt que de défendre les Chrétiens d’Orient, précisément massacrés par les dits Musulmans. Si nous ne voulons plus d’une Europe chrétienne, laquelle voulons-nous ? Celle de la commission européenne ? Celle de Macron ? C’est la même chose. C’est une Europe désincarnée. C’est une Europe de marché. Sans transcendance. Pas étonnant qu’elle ne fasse pas rêver les peuples. Comme la France ne fait plus rêver les citoyens, réduits à l’état brut de consommateurs débiles.
Ce que veulent les tenants du libéralisme économique, de la semaine à quatre jours. Même l’art est devenu une marchandise comme les autres. Il y a en ce moment une exposition sur Vermeer au Rijksmuseum d’Amsterdam, de janvier à juin. 200 000 billets ont été vendus. Il n’y a plus de places disponibles avant la fin de l’expo. Je renvoie aux pages féroces du philosophe Michel Onfray qui décrit avec la nausée ces masses d’abrutis qui défilent agglutinés en cohue pressée devant les chefs-d’œuvre en photographiant les tableaux au lieu de les regarder et de les admirer. Comme l’école de la République ne fait plus rêver les enfants. Tant elle leur tend un miroir pour qu’ils admirent l’auto-phénomène de leur propre épanouissement. Pour les adultes, qui ne vont plus à l’école, le miroir, c’est le selfie. Grâce à Apple. Grâce au progrès scientifique, grâce au progrès de la civilisation des progressistes. Grâce à l’avènement de cette société voulue par les « mondialistes » qui fabrique des consommateurs versatiles et tue le citoyen. Alors oui, dans ce cas, défendons notre pouvoir d’achat. Au diable le citoyen ! Quel politique osera aller contre cela ? Dans la Rome antique, c’était panem et circenses. Quelle élévation a-t-on connu depuis ? Le progrès, oui, le progrès scientifique certes. Mais le progrès dans le domaine moral ? Regardons le monde, celui de l’Ukraine et d’ailleurs, mais aussi chez nous. Où est le progrès moral ?
Dans ce monde démantelé, où l’individualisme est triomphant, où il n’y a que des droits (de l’humain, pas de l’Homme… Il faut penser aux femmes tout de même !), quel statut du citoyen ? Que dit la Droite ou que dirait l’union des droites à ce sujet ? Nos participants à la table ronde y ont-ils pensé ? Quand l’individualisme devient la norme dans une société, quelle possibilité pour l’autorité ? Si le nationalisme, c’est la guerre (voir ci-dessus), l’individualisme, c’est la barbarie. Là-dessus la droite a quelques idées sur le régalien. Cela peut devenir un bout de la plateforme des droites. Mais il ne faut pas avoir peur de froisser (était-ce le mot, employé mercredi par un membre du panel ?) les media. Surtout ne pas les fâcher. Les media sont les nouveaux terroristes de la pensée correcte. Il faut les ménager. Ou bien l’union des droites aurait-elle le courage de les affronter ? Zemmour, combien de voix aux élections ? Mieux que Pécresse tout de même. La droite de LR (car sa gauche, c’est Macron). Cette droite a déjà renoncé à tout ce dont nous parlons ici. Elle est « sociétale », pas nationale, est-elle prête à défendre ce qui fait nation ? Que fait-elle sur les questions éthiques ? Une partie d’entre elle ne vote-t-elle pas comme la gauche les « avancées sociétales » des droits de l’individu ? Les députés républicains qui paniquent à l’idée qu’ils vont devoir expliquer à leurs élus qu’ils vont voter « l’immonde » réforme des retraites (tellement radicale qu’il faudra en refaire une autre dans 10 ans) sont-ils prêts à défendre une société où l’on a des devoirs de solidarité générationnelle et pas seulement des droits. Combien de voix défendent les générations futures que ce gouvernement et d’autres auparavant accablent par anticipation de dettes insoutenables ? Individualisme, voire égoïsme foncier, oblige. Mais c’est aussi cet individualisme (d’ailleurs aussi à la racine du Christianisme, il faut le reconnaitre) qui entraîne la violence dans la société et jusque dans l’hémicycle.
Crise de l’autorité tous azimuts. On en parle ? Je ne vais pas énumérer. Il suffit de voir se multiplier les refus d’obtempérer. Absence d’Etat. Un président qui désacralise la fonction. Une société désarticulée, « archipellisée » (Jérôme Fourquet). Refus du travail, même chez les cadres du pays. Critiques de jeunes brillants diplômés qui abîment l’école d’élite qui les a formés le jour de la remise des diplômes. Du jamais vu. On ne s’en émeut même pas, tant ceux qui en sont conscients, mesurent le travail à faire pour sortir de l’ornière.
Face à ces défis, il est affligeant d’entendre dire « Je ne peux pas voter avec un parti qui vote les lois du gouvernement » ! Et si la loi est bonne pour le peuple ?
Des droites traditionnelles, qui depuis l’analyse célèbre de René Raymond sont au nombre de 3. Une Légitimiste, une Orléaniste et une Bonapartiste. Laquelle des 3 est susceptible de promouvoir une union des droites ? La première est monarchiste et la monarchie a son utilité en Belgique, au Royaume-Uni (C’est justement elle qui l’unit) ou en Espagne. Pour la France, c’est râpé. La seconde, c’est l’idéologie de Macron. Râpé aussi. Reste l’option Bonaparte. Qu’en pensent ces politiques du panel ? Ils ont intérêt à se faire vite une religion. Car la République des juges est déjà en train de les remplacer.
J’ai eu l’inélégance d’être beaucoup trop long. Je prie mes lecteurs éventuels de m’en excuser."







