Retraites : Billet d'humeur
Retraites : Billet d'humeur

La réforme des retraites voulue par le président E Macron, est fortement contestée par toute la gauche et l’extrême droite. J’ai pensé que l’analyse et le point de vue d’une personne à la retraite depuis fin 2015 pourrait éclairer notre association politique.
Notre système de retraite est basé sur la solidarité entre générations, c’est ainsi qu’il en avait été décidé en 1945 avec la création de la Sécurité Sociale. A cet époque et jusque dans les années 60, la durée moyenne du temps de travail était de 45 heures par semaines voir plus avec les heures supplémentaires. Le système de retraite fonctionnait alors correctement car les actifs étaient beaucoup plus nombreux que les retraités, travaillaient plus que maintenant et en plus jusqu’à l’âge de 65 ans alors que l’espérance de vie était beaucoup moindre !
Puis est arrivé mai 68 qui a amorcé une réduction du temps de travail à 40 heures par semaines parfaitement compréhensible du fait des forts gains de productivité gagnés grâce à la technologie. Puis un changement brutal est survenu en 1981 où une ordonnance Auroux accorde la retraite à partir de 60 ans, une 5eme semaine de congé payé et la semaine à 39 heures. C’était écrit dans le programme commun de Mitterrand. Une simple ordonnance avait suffi, nul besoin de passer par l’assemblée nationale pour un changement si radical mais populaire qui allait affaiblir notre économie et amorcer une sérieuse désindustrialisation de la France ! Ne parlons pas de la valeur « travail » qui a commencé à décliner puisque tout pouvait désormais être fabriqué à bas cout [MM1] en Asie pendant que nous consacrons plus de temps à nos loisirs.
Et il a fallu rajouter une couche à cette mesure socialo-communiste avec la mise en place des RTT et les lois Aubry en 1998 et 2000, permettant de réduire le temps de travail hebdomadaire à 35 heures. Certes j’ai bénéficié de ces lois, mais j’avoue que je n’arrivais plus à prendre tous mes congés que je transformais en salaire quand c’était possible. Je pense que ces lois ont assommé la valeur « travail » et ont semé une grosse pagaille dans certains secteurs, je pense notamment au secteur hospitalier qui n’a toujours pas intégré cette réduction de temps de travail car il exige avant tout du personnel dévoué et pas des robots.
Depuis 1981, le déséquilibre de la retraite de base (dite de la Sécurité Sociale car celle des caisses complémentaires est indirectement touchée par la réforme du fait de l’allongement du temps de cotisations) n’a pas cessé de s’accentuer car d’un côté les actifs (et donc les cotisants) travaillaient de moins en moins, et de l’autre le nombre croissant de retraités du fait de l’augmentation de l’espérance de vie (en 2022, 8 ans de mieux depuis 1981 selon l’INSEE). Sous la présidence de Sarkozy en 2010, l’âge légal de départ à la retraite a donc été remonté progressivement à 62 ans et le nombre de trimestres à 166. C’était une mesure intermédiaire car on savait déjà qu’il fallait aller plus loin dans la réforme pour sauver notre système de retraite basé sur la solidarité entre générations ! Toute la gauche avait bien évidemment contesté cette réforme. Etant né en 1954, elle m’avait directement touchée, j’ai donc pris ma retraite un peu avant mes 62 ans sans que cela me révolte car j’avais parfaitement conscience que le déséquilibre de notre modèle allait peser sur les actifs et les plus jeunes !
En prenant ma retraite en 2015, j’ai réalisé que le montant brut de ma pension de retraite était amputé de 10,1 % au titre de la CSG, CRDS et autres cotisations sociales. Ce taux est variable suivant les revenus et va jusqu’à 10,1% si le RFR est supérieur à 23193€ pour une personne seule en 2021. Ce prélèvement finance essentiellement le volet Santé de la Sécurité Sociale, il me parait donc tout à fait justifié compte tenu que les retraités ont de plus en plus besoin de soins !
En devenant veuf en 2021, j’ai aussi réalisé que la pension de réversion ne s’appliquait que sur la partie complémentaire. Beaucoup de personnes pensent à tort qu’elle s’applique aussi à la pension de base alors que seuls les fonctionnaires en bénéficient. C’est la France des privilèges et de tous les régimes spéciaux sur lesquels je ne vais pas m’étaler dans cette rubrique ! Pour information, le montant moyen de la retraite de base s’élève à environ 1250€ parmi mes amis, auquel il faut rajouter le montant versé par les complémentaires (ARGIC, ARCO…) qui permet un niveau de vie plus confortable.
Début 2020, le COVID 19 a malheureusement porté un autre coup sur la valeur travail. Tout a changé depuis les années 60. J’ai de plus en plus le sentiment que la valeur travail s’étiole au fil du temps pour laisser une très grande place aux loisirs. C’est ainsi que non seulement le temps de travail diminue, mais on veut aussi partir assez tôt pour profiter d’une vie plus libre et sans contrainte.
Dans ce contexte qui favorise l’oisiveté, faire remonter l’âge minimum légal de départ à la retraite à 64 ans ne passe donc pas malgré le grand risque que notre modèle s’effondre à terme. Je pense que peu de personnes en sont conscientes et ignorent que l’espérance de vie a augmenté de 8 ans depuis 1981. Tous les pays d’Europe l’ont compris et ont donc augmenté l’âge de départ. La gauche et l’extrême droite cèdent au populisme en refusant cette évidence ! La droite l’avait aussi bien compris en préconisant un âge de départ à 65ans lors des dernières présidentielles.
Pour ma part, le système idéal doit être progressif quand c’est possible pour éviter une rupture brutale tout en permettant de continuer à financer le système. Les métiers dont la pénibilité est avérée, doivent pouvoir bénéficier d’exemptions. Par ailleurs, le projet de réforme actuel ne met pas à contribution les très riches retraités, notamment certains politiciens et des hauts cadres du privé comme de la fonction publique. Je serais partisan qu’au-dessus d’un certain Revenu Fiscal de Référence, une contribution exonérée d’impôts leur soit demandée ; elle s’ajouterait au 10,1% que j’ai évoqué avant. Le seuil et le pourcentage d’une telle contribution seraient bien évidemment discutables et à déterminer (faisons confiance aux experts de Bercy); cette mesure permettrait aussi une belle solidarité intergénérationnelle avec les plus aisés des retraités. Mais une telle mesure nous conduirait sur un terrain miné, et toucherait notamment beaucoup de politiciens et de hauts fonctionnaires qui perçoivent déjà plus de 10000€ par mois ! Alors rêvons….
Roland Mézières







