Démocratie : oui ! Communautarisme : non !

Natacha Gray • 28 octobre 2019

Les dangers de l’offensive islamiste aux municipales


Dans un contexte politique tendu où les uns s’inquiètent de la progression de « l’hydre islamiste » et de ses attaques tous azimuts pour asseoir sa visibilité dans l’espace français, quand d’autres dénoncent la « stigmatisation des musulmans » voire une « islamophobie ambiante », à l’heure où le débat est réactivé suite à l’attaque terroriste à la Préfecture de Paris et à la nouvelle polémique sur le voile, nous recevons la confirmation qu’un parti communautariste, l’UDMF (Union des Démocrates Musulmans de France), conformément à ce qu’il avait annoncé lors des élections européennes, va présenter un certain nombre de listes lors des prochaines municipales. Toulouse n’y fait pas exception , puisque l’on apprenait ces derniers jours que l’UDMF y prépare une liste, la Ville rose étant considérée par les responsables de ce parti comme un terreau propice aux thèses communautaires musulmanes.


En réaction à ce qui, pour beaucoup, constitue une énième provocation des partisans de l’islam politique, un danger, et un nouveau coup de canif dans la laïcité, le sénateur LR Bruno Retailleau, qui travaille à une proposition de loi sur le sujet, demandait courageusement ces derniers jours, rejoint en cela par nombre de personnalités de droite comme de gauche, d’« interdire tout financement public d’un mouvement communautariste qui ne respecterait pas les principes de souveraineté nationale et de laïcité, et prohiber, sous le contrôle du juge administratif, les candidatures et la propagande électorale communautaristes.»

Est-ce légal d’interdire ces listes communautaristes ou, à défaut, souhaitable ? Est-ce seulement possible ? Y a-t-il vraiment lieu de s’inquiéter face à un parti qui a fait 0,13% des suffrages le 26 mai dernier, soit 28 395 voix, et se positionne 27e sur 34 listes ? Ce score modeste est précisément le principal argument de ceux qui ne souhaitent pas voir le débat s’ouvrir sur la légitimité de ces listes. Mais le problème nous semble infiniment plus complexe et les inquiétudes doivent porter à bien plus longue échéance que ces quelques résultats qui ne sont qu’un premier pas dans une stratégie à long terme de partition et d’affrontement, celle de l’islam politique et plus précisément des Frères musulmans.

1. L’UDMF est bien un vecteur de propagation de l’islamisme au sein de nos démocraties.

Une clarification sémantique d’abord. Le choix de Bruno Retailleau, évoquant des listes « communautaristes » et non « communautaires », semble préférable car le suffixe « iste » est celui que l’on emploie pour désigner une activité, une action, voire une offensive, très souvent au service d’un idéal politique (islamiste, communiste, socialiste, gauchiste, populiste…). Le cas qui nous concerne est uniquement celui de partis autoproclamés « musulmans » (en fait islamistes comme nous allons le démontrer), ne s’adressant qu’à une fraction de la population.

Il existe en France plusieurs partis communautaristes musulmans dont Égalité et Justice, Démocratie représentative, Français et musulmans, l’UDMF … Ce dernier, le plus important, a été créé en novembre 2012 par Najib Azergui et compterait aujourd’hui quelques centaines d’adhérents et quelques permanents.


Tous ces partis récusent le qualificatif de communautaristes et s’abritent derrière des éléments de langage, ce qui est typique de la tactique des Frères musulmans qui font toujours semblant, dans un premier temps, de s’accommoder des règles de la démocratie. Ainsi aux Européennes la liste était baptisée "Union pour une Europe au service des peuples", et l’UDMF affirmait sur son site être " non confessionnel, laïc et profondément républicain ", même si le programme comportait un certain nombre d’items sans ambiguïté sur l’électorat visé (voir paragraphe suivant). Mais il est vrai qu’officiellement les candidats tenaient un discours qui relevait plutôt de la rhétorique gauchiste généraliste : combat social, lutte contre la pauvreté, éducation pour tous, désenclavement des quartiers, lutte contre les discriminations et le « racisme d’Etat » (même si la lecture du programme nous apprend que seuls les musulmans seraient les seuls à les subir), souhait que l’Europe impose aux États membres le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales …. Illustration s’il en est de la parenté entre islamisme et extrême gauche (« l’islamo-gauchisme » dénoncé en son temps par Manuel Valls).

Pourtant l’UDMF est bien un parti communautaire, qui ne s’adresse qu’aux musulmans . Car c ette modération dans le langage a été abandonnée dès le lendemain des résultats, apportant la reconnaissance de facto qu’il s’agissait bien d’un parti destiné exclusivement aux musulmans de France. C’est sur Oumma.com que Nabil Azergui remerciait ceux qui avaient mené des " opérations de terrain en plein jeûne de ramadan " et les électeurs qui, par leur vote, avait témoigné d’« une colère grandissante notamment quant à la stigmatisation dont font l’objet les musulmans partout en Europe" et permis de dépasser les " listes antimusulmanes " (comme celle de R. Camus).

Pas de surprise toutefois, sauf pour ceux qui ne connaissent pas le jeu assez fin des Frères musulmans avec la démocratie. Reprenons les principaux éléments du programme qui apparaissaient clairement pour qui se donnait la peine de lire autre chose que ce que les candidats donnaient à entendre sur les plateaux (à savoir un parti vivre-ensembliste, laïc, démocrate, non-confessionnel) : il s’agissait d’« assurer la sécurité des communautés musulmanes européennes », de « combattre l’islamophobie sur le sol européen », de « dissoudre toutes associations ou groupements islamophobes », d’organiser une Europe de la défense qui viendrait militairement en aide aux musulmans de par le monde (Ouïghours, Rohingyas, Gazaouis, Yéménites…), à l’exclusion évidemment d’autres populations « opprimées » qui ne sont jamais mentionnées ; de combattre « l’exploitation régulière des musulmans servis en pâture, partout en Europe, afin d’endosser la responsabilité de l’échec des choix politiques menés au sein de l’UE en matière d’économie, de sécurité ou d’intégration »

Les résultats d’ailleurs (comme pour les autres micro-partis musulmans) aux différentes élections montrent qu’ils obtiennent leurs meilleurs résultats dans des bureaux de vote de quartiers où la population de confession musulmane est surreprésentée . On note également la confession de la majorité des candidats, la présence importante de femmes voilées chez les militantes et les candidates, jusque sur l’affiche officielle de l’UDMF pour les Européennes.


C’est, au-delà, un parti communautariste islamiste qui ne cache pas des projets comme celui de vouloir revenir sur les « lois liberticides » de 2004 et 2010 sur le voile et le niqab et sur l’interdiction des prières de rue. Déjà la rhétorique victimaire (voir ci-dessus), l’emploi du terme « islamophobie » inventé par les Frères musulmans pour faire taire tout débat, le qualificatif d’ « antisioniste » parfaitement assumé (dont on sait qu’il est le faux-nez, pour l’islamo-gauchisme, de l’antisémitisme qui, lui, tombe sous le coup de la loi), le parti pris « anti-colonialiste » (qui évoque le discours racialiste des Indigènes de la République et la volonté de s’opposer à l’ancien colonisateur en jouant sur ce que Kipling nommait « le sanglot de l’homme blanc », i.e. la culpabilité, tout en rejetant la civilisation occidentale), le voile chariatique sur les affiches, font partie de l’arsenal de symboles et des éléments de langage qui ne trompaient guère l’observateur averti. Quant à la volonté affichée à plusieurs reprises d’interdire toute recherche scientifique ou critique sur l’islam, elle signe, peut-être mieux que tout autre signal, l’idéologie politico-religieuse des islamistes. Mohamed Sifaoui, dans son récent ouvrage [1] , dénonce d’ailleurs la proximité de l’UDMF avec les Frères musulmans.

D’ailleurs l’UDMF est bien qualifiée de « danger » par les services de renseignements qui y reconnaissent la stratégie de cette organisation tentaculaire dont l’objectif final est, bien évidemment, l’instauration du califat, de la charia, et la destruction de la laïcité. Il en est de même pour les deux autres principaux partis communautaristes : Égalité et Justice, né en 1915, capable de présenter plus de 50 candidats aux législatives de 2017 est considéré comme une filiale du parti islamiste d’ Erdoğan . Quant à Hadama Traoré, le fondateur et tête de liste de Démocratie représentative, présente comme l’UDMF aux élections européennes, rappelons qu’il s’est fait connaître récemment en organisant une manifestation de soutien (interdite) … à Mickaël Harpon, le terroriste de la préfecture de police de Paris.


Prenons le cas de Toulouse . Taoufik Mhamdi, originaire du Mirail-Bellefontaine, très actif au sein de l’UDMF, travaille paraît-il à la constitution d’une liste pour les Municipales. Comme on l’a dit, une très forte proportion d’immigrés de confession musulmane et la radicalisation croissante de certains quartiers où l’islam politique progresse rapidement (comme en témoigne visuellement la prolifération des tenues chariatiques dans l’espace public) laisse espérer un vote massif permettant même de se maintenir au second tour et de faire pression sur les autres candidats. Ajoutons que l’UDMF entretient un contentieux avec Jean-Luc Moudenc : en 2016, suite à un discours du maire de Toulouse dénonçant les dangers du « nazislamisme » [2] lors des cérémonies célébrant le 72e anniversaire de la libération de Toulouse, le fondateur de l’UDMF avait répliqué dans Oumma.com en comparant la situation des musulmans contemporains à celle des Juifs sous Vichy ! Néanmoins le mouvement semble pour l’instant manquer de financements pour soutenir la prochaine campagne et gagner en notoriété, c’est pourquoi les avis sont partagés quant à la possibilité de percer réellement et de constituer une force capable de peser sur les autres candidats entre les deux tours. Mais intéressons-nous au parcours du leader toulousain de l’UDMF : cet ancien agent de sécurité à l’aéroport Toulouse-Blagnac a été licencié en avril 2016 « pour cause sérieuse et réelle ». Ajoutons qu’une perquisition avait été menée à son domicile, 5 mois auparavant, en novembre 2015, dans le cadre de l’état d’urgence, 11 jours après les attentats du Bataclan. Sans suite judiciaire toutefois. Aujourd’hui à son compte, il est considéré, par les services de renseignement, comme proche de la confrérie des Frères Musulmans, en raison de « faits objectifs établissant une proximité », même si lui s’en défend : « qui nous prouve que nous avons des liens avec ce parti qui se trouve à plus de 3500 km de Paris ? » déclare-t-il à France 3 Occitanie qui l’interrogeait à ce sujet. Argument bien faible à l’heure des réseaux sociaux et des financements à distance.



2. Faut-il s’en inquiéter ?

Si l’on en croit un certain nombre de commentateurs, politiques ou sur les médias, ce serait un non-sujet compte tenu de la faiblesse des résultats aux dernières élections européennes. Rappelons que l’UDMF c’est « moins de 29000 voix pour la France entière », comme aiment à le dire d’un air consterné les journalistes aux invités qui s’inquiètent de la prolifération des listes présentées par ce parti aux prochaines municipales. Ajoutons que « Démocratie représentative » est aussi parmi les dernières avec 0,01% des voix et qu’Egalité et Justice n’avait obtenu qu’1% des voix aux législatives de 2017.

Mais ses résultats cachent de profondes inégalités géographiques car ces listes ont pu faire des scores remarquables ( et cela d’autant plus que les électeurs devaient imprimer leurs bulletins) dans certains quartiers où ces partis ont fait campagne, ceux où existe une importante communauté musulmane gagnée par le radicalisme et le séparatisme religieux , où ils concurrencent des listes d’envergure nationale . Ces résultats sont à la fois, en ce sens, les symptômes d’un communautarisme ethnique et religieux et les vecteurs insidieux de sa propagation. Ainsi, en banlieue parisienne, l’UDMF a plusieurs fois dépassé les 5 % et régulièrement les 6% (7,43% à Garges-Lès-Gonesses où le parti termine en quatrième position et même devant les LR, le PS, EELV; 6,77% à Mantes-la-Jolie dont 16,74% dans le quartier du Val-Fourré, plus de 6% à La Courneuve…). Il en est de même dans le Nord, avec par exemple 6,10% à Maubeuge, dont plus de 40% dans un quartier de la ville. On pourrait ici multiplier les exemples et égrener des noms trop souvent synonymes dans l’actualité de zones de non-droit, territoires perdus de la République, où l’on retrouve le cocktail explosif des trafics en tous genres, de la propagande islamiste, des violences contre la police…

Oui il faut s’en inquiéter, car cette stratégie d’occupation de l’espace public et entrisme dans les équipes municipales, départementales, régionales, participe de la politique des petits pas que connaissent bien tous ceux qui ont eu à étudier, fréquenter, écouter des représentants de la confrérie des Frères musulmans, dont les services de renseignement qui l’observent et l’ont mise en évidence depuis longtemps. Comme autrefois le FIS en Algérie, comme en Égypte sous la houlette du l’ancien président Morsi, comme Ennahda en Tunisie, comme Musulmans de France (l’ancienne UOIF, qu’ils ont noyautée), les Frères musulmans font semblant d’accepter le jeu de la démocratie et les lois de la République, que pourtant ils méprisent, rejettent et combattent, pour arriver légalement au pouvoir. Ils ne s’en cachent d’ailleurs pas. C’est ce qui les oppose aux salafistes, car ils n’utilisent pas la violence ni le terrorisme (du moins directement car ils ont toujours une armée de l’ombre, qu'ils inspirent et protègent quand ils arrivent au pouvoir). Contrairement à nombre de nos politiques, ils intègrent le temps long dans leurs stratégies : l’objectif final reste l’islamisation des sociétés occidentales et l’établissement de la charia mais ils savent que cela passera par nombre de compromissions, par la voie légale et, judiciarisant tout, par le retournement des faiblesses de nos démocraties contre elles-mêmes. Ils investissent donc l’espace public, font de l’entrisme dans tous les secteurs-clés (éducation, transports, justice, armées et police, médias…) et dans le monde politique via les élections, habituent les citoyens à l’omniprésence de l’islam politique par des symboles visuels récurrents ou l’envahissement de la sphère médiatique (victimisation ou réactions aux provocations généralement volontaires). Le succès du mot « islamophobie », créé de toutes pièces par ces minorités qui jouent sur la culpabilisation des sociétés anciennement coloniales, est une constante dans leurs revendications. Ils sont ceux que les socialistes français (Fabius notamment) ont qualifiés « d’islamistes modéré », oxymore (puisqu’ils défendent précisément une théocratie où la loi divine, liberticide et misogyne, prime sur celle des hommes) qu’ils se sont empressés de reprendre à leur compte.

Si l’on reprend l’exemple des pays du Maghreb, nos compatriotes musulmans qui ont souffert de l’islamisme sur place rappellent que la stratégie des petits pas commence toujours ainsi : en Algérie laïque, les islamistes ont ainsi réclamé le retour du voile pour quelques-unes, au nom de la lutte contre les discriminations et de la liberté de conscience. Puis, lorsqu’il eût gagné du terrain, la pression fut de plus en plus forte pour que toutes les femmes musulmanes le portent, traitées alors de mauvaises musulmanes en cas de résistance à l’enfoulardisation, puis cette exigence de cette police des mœurs gagna l’ensemble des femmes, désormais persécutées en cas de refus. Après avoir composé pendant des années avec la démocratie, le Front Islamique du Salut, devenu majoritaire en 1990 à l’Assemblée, fit aussitôt tomber le masque, plongeant en réaction le pays désormais divisé en deux camps dans des années de guerre civile meurtrière. Rappelons de même que les Frères musulmans en Égypte, à peine élus de manière démocratique et sur des mensonges, s’engagèrent à établir la charia, les promesses (hier démocratiques) n’engageant que ceux qui les croient : seule la réaction d’un peuple gagné depuis Nasser à la laïcité (17 millions d’Egyptiens dans les rues du Caire lors d’une manifestation monstre et l’appel à l’armée) les fit reculer. En Tunisie des mois de manifestations dans les rues et de sit-in devant l’Assemblée, jour et nuit, entravèrent les projets totalitaires d’Ennahda qui ne cachait plus les mêmes objectifs. On pourrait également prendre l’exemple du parti d’ Erdoğan , l’AKP, présenté pendant des années par les Européens comme la preuve que l’islamisme « modéré » pouvait s’accommoder de la démocratie et dont on sait ce qu’il advient aujourd’hui.

Il faut donc bien avoir en tête que la stratégie des Frères musulmans est de créer des communautés qui vont entrer en concurrence et que l’objectif final est de voir celle des islamistes dominer. Et qu’eux, à l’inverse de notre société de l’immédiateté, se donnent le temps d’atteindre leur objectif, ce temps long dont ils ont une toute autre perception.


Cette stratégie des petits pas s’illustre déjà en France dans plusieurs domaines, dont celui de la politique qui nous intéresse ici. On voit ainsi l’UDMF pointer le bout de son nez en 2015 pour les élections départementales (la plupart des candidatures sont invalidées) ; puis revenir pour les Européennes (où une signature oubliée au moment du dépôt -volontairement ?- lui permet d’être la dernière liste validée in extremis par le ministère de l’Intérieur, ce qui lui fait une publicité inespérée). Considérant que les résultats sont déjà très encourageants, Nejib Azergui annonce aussitôt de nombreuses listes aux Municipales et dit espérer avoir un jour les 500 signatures nécessaires pour participer à une présidentielle . Pour cela, il faut investir les collectivités locales , ou un certain nombre de ces partis communautaires (comme Français et Musulmans) comptent déjà un certain nombre de conseillers municipaux en région parisienne (sur des listes diverses droites ou divers gauche). Le fondateur de l’UDMF s’est d’ailleurs allié à l’UDI à Bobigny pour les dernières municipales.

L’exemple de nos voisins européens devrait pourtant nous ouvrir les yeux sur le danger des listes se réclamant de l’islam.

Aux Pays Bas, le parti Nida , a obtenu deux sièges au conseil municipal de Rotterdam (où les musulmans représentent 20% de la population), rejoignant un autre parti communautariste musulman, financé par la Turquie (Denk) et qui a remporté un total de 24 sièges dans 13 villes néerlandaises, dont trois à Amsterdam et trois à Rotterdam. Les exigences de ces partis sont grosso modo comparables à celles qui sont exprimées par l’UDMF si ce n’est qu’ils n’hésitent pas à promouvoir un développement séparé des communautés. Si en Allemagne, « l’Alliance pour l’innovation et la justice » (BIG), lobby ouvertement pro- Erdoğan , n’a obtenu jusqu’à présent que des scores assez faibles (inférieurs à 1%), la situation est plus grave en Belgique. Dès 2012, s’est présenté aux élections le parti ISLAM («Intégrité, Solidarité, Liberté, Authenticité, Moralité») dont le programme se bornait apparemment à défendre une meilleure intégration des musulmans : obtenant deux élus et autour de 2% dans la région de Bruxelles, le parti a aussitôt tombé le masque et changé son discours pour faire … la promotion de la charia.

Il faut s’en inquiéter, enfin, car même avec des résultats modiques, ces élus dans les conseils, ou le poids représenté par ces listes entre deux tours, peuvent pousser un certain nombre de candidats à des alliances contre nature et à l’électoralisme le plus racoleur . Sans compter que tout ce qui donne aux propagandistes de l’islam radical une visibilité et une tribune, et bien évidemment une occasion de se victimiser, est à proscrire par tous les moyens possibles.


3. Peut-on interdire les listes communautaristes ?

A priori non, rien dans la loi actuelle ne le permet. Dans l’exemple belge ci-dessus, malgré les réactions virulentes, une pétition en ligne, l’action des élus, ce fut impossible. En France, en droit électoral, la liberté d’expression l’emporte sur tout. Ce qui explique que nombre de listes communautaires (chasseurs et pêcheurs, royalistes, listes corses, bretonnes, basques) aient pu se présenter, élection après élection. Il est vrai que leur cas n’a jamais été vraiment discuté, bien que défendant les intérêts d’une partie de la population, leurs programmes ne mettant pas en péril notre système démocratique ou n’entrant pas en contradiction avec lui.

Mais que ces listes soient légales ne signifient pas nécessairement qu’elles soient souhaitables : nous avons vu que le programme des partis musulmans relève de l’islamisme, c’est-à-dire d’un totalitarisme politico-religieux et d’une volonté d’affrontement entre les communautés. Il faut donc trouver des parades pour entraver cet entrisme islamiste au sein des conseils municipaux.


Les musulmans (ou plus exactement les islamistes, car le projet politique de ces listes ne fait pas illusion comme on l’a vu plus haut) rétorquent qu’il existe bien des partis qui se réclament du christianisme et que l’interdiction serait donc une discrimination. Il en fut ainsi, dans l’Histoire récente, des partis qui relevaient de la démocratie chrétienne, le MRP (Mouvement républicain populaire), le CDS (Centre des démocrates sociaux), le FRS (Forum des Républicains sociaux) devenu en 2009 le PCD (Parti Chrétien démocrate). Il en est de même Outre-Rhin avec les chrétiens démocrates de la CDU-CSU. Sur le fond, évidemment, comparaison n’est pas raison. Tous ces partis sont non-confessionnels, restent dans un cadre national, ne visent aucunement la satisfaction de la communauté des chrétiens et ne se sont jamais réfugiés dans une logique de victimisation. La référence chrétienne est seulement liée à des valeurs et bien évidemment à l’Histoire de la France, longtemps « fille aînée de l’Eglise ». Que l’on soit croyant ou non, les valeurs portées par le christianisme ont profondément marqué notre identité, comme l’islam définit celle de pays où il reste généralement religion d’État (même dans la moderne Constitution de la Tunisie). En d’autres termes les partis dits « chrétiens » ne heurtent évidemment pas les fondamentaux de notre contrat social, de la même façon que la religion chrétienne a, depuis longtemps, fait la preuve de sa capacité à s’insérer dans le débat démocratique et à se situer dans une logique de respect et de promotion de notre démocratie. Comme l’écrit pertinemment Céline Pina dans Le Figaro, c’est même une position radicalement opposée à celle des islamistes puisque si « les chrétiens-démocrates s’inspirent des valeurs chrétiennes au bénéfice de tous, les démocrates musulmans consacrent leurs efforts à la défense des musulmans au détriment de l’ensemble ». Cela étant dit, il est évident que l’on ne peut critiquer la mention confessionnelle « musulman » dans le nom de la liste ou du parti sans se voir rétorquer qu’il s’agit d’une énième discrimination antimusulmane tant qu’il existe un parti chrétien démocrate autorisé.


4. Alors que faire ?

La première parade se place au moment du dépôt de candidature de ces listes, ce qui suppose évidemment que les préfectures ne se contentent plus d’examiner la légalité des listes sur le plan formel et administratif mais évidemment que des commissions ad hoc puissent statuer sur le fond en y traquant tout ce qui est anti-républicain. Il s’agirait d’identifier et de dénoncer tout ce qui est incompatible avec notre Constitution (bien qu’il s’agisse évidemment avant tout d’attaques programmées contre la laïcité et la civilisation européenne, ce qui est plus difficile à prouver). Car il est évident que ces mouvements politiques n’ont aucune compatibilité avec notre système politique et notre échelle de valeurs, notamment en faisant la promotion, dans leurs programmes, de revendications faisant prévaloir la loi religieuse sur celles de la République. Le projet de loi proposée par le sénateur Retailleau, englobant de façon indifférenciée tous les partis que l’on peut qualifier de communautaires (sur une base confessionnelle ou non), permettrait donc à la fois de ne pas utiliser de financement public pour des intérêts particuliers (ce qui, au-delà du cas des listes islamistes, semble relever du bon sens même, le contribuable n’ayant pas à financer des intérêts catégoriels, même honorables, et a fortiori ceux qui vont contre ses propres intérêts) mais surtout d’interdire des listes dont le programme entrerait en contradiction avec les lois et valeurs de la République. Ceci dit, on peut faire confiance aux Frères musulmans et affidés pour avancer habilement masqués dans la présentation de leurs programmes afin de ne pas tomber d’amblée sous le coup de la loi.

On peut bien évidemment décider d’interdire purement et simplement les listes communautaires explicitement religieuses au nom de la laïcité. Tous les sondages montrent qu’une écrasante majorité de Français y sont favorables, tous bords confondus. Cela pénaliserait, entre autres, des partis se réclamant du christianisme dont les valeurs ne sont évidemment pas en contradiction avec la Constitution. Mais cela aurait l’avantage d’éviter l’inévitable victimisation des listes musulmanes qui hurleront, sinon, à la discrimination à la moindre interdiction. Toujours sur le plan juridique, cela supposerait de définir clairement ce que l’on entend par liste communautaire ou confessionnelle. Néanmoins, même en enlevant le mot « musulman » du nom des partis, il est probable que leurs électeurs les reconnaîtraient au travers d’éléments de langage, même choisis avec soin pour ne pas tomber sous le coup d’une interdiction (discriminations, antisionisme, racisme d’Etat…). En outre cela reviendrait à ne pas nommer l’ennemi, ce qui revient à ne pas le combattre . Car le fait est que tous les communautarismes ne nous attaquent pas. Un seul a pour projet de détruire les fondements de la République de la démocratie et les valeurs fondamentales de la France et, au-delà , de l’Occident : l’islam politique, qu’il soit celui du wahhabisme ou des Frères musulmans.

Le problème dépasse évidemment la simple question des listes communautaristes, et supposerait qu’en parallèle soit enfin posée la question de ce que doit être l’islam de France , de ce qu’il nous est possible de tolérer, ou pas, ce fameux débat que le Président de la République, comme son Premier ministre, ne cessent de différer : interdiction du voile de type chariatique dans l’espace public ; interdiction de tout mode de propagation du salafisme ou de l’idéologie des Frères musulmans sur notre territoire (et donc définition précise de ce qui caractérise la propagande de l’islam politique), classement des Frères musulmans parmi les sectes comme aux États-Unis, ce qui est d’ailleurs la manière dont le confrérie est considérée par tous les musulmans (de foi ou sociologiques) laïcs et démocrates sur notre territoire et dans leur propre pays. Rappelons que Philippe Bas, le président de la commission des lois au Sénat, avait proposé que soit inscrit dans la Constitution le principe que « nul ne puisse se prévaloir de son appartenance ethnique ou religieuse pour se soustraire à la règle commune ».

Avant l’élection , à défaut de pouvoir interdire ces listes (ou, si on les interdit, pour couper court à la victimisation), le combat doit rester politique et pédagogique. Il faut interroger les candidats sur les questions qui fâchent (égalité homme/femme par exemple), les pousser dans leurs retranchements afin qu’ils se dévoilent, expliquer que ce parti est islamiste et ne concerne pas tous les musulmans ; il faut sans relâche faire comprendre à ceux qui sont intégrés, respectueux des lois de la République et du mode de vie français, pratiquant un islam personnel, moderne et ouvert, souvent engagés eux-mêmes contre l’islam politique, qu’ils ne doivent en aucun cas se laisser convaincre par une rhétorique identitaire apparemment « soft » car elle est le premier pas d’une adhésion, par habitude et imprégnation, au modèle théocratique de la charia. L’effort pédagogique suppose également, enfin, de nommer précisément l’ennemi , le communautarisme et le séparatisme islamistes, bref l’islam politique, fondé sur une lecture littérale du Coran, ce que se refuse à faire clairement, pour l’instant, le Président de la République.

Après l’élection, la vigilance est de rigueur , suivie de sanctions. Déjà la loi, dans son état actuel, peut suffire à sanctionner, au nom de la laïcité, ou plus généralement au nom de la Constitution, tout représentant de la fonction publique ou agent de l’Etat qui rompt l’obligation de neutralité car devant appliquer, sans aucune discrimination possible, les lois de la République, il ne peut sous aucun prétexte afficher une quelconque préférence religieuse. Sont évidemment concernés par extension un maire ou un conseiller municipal, rémunérés sur fonds publics. L’exemple belge nous donne aussi quelques pistes : beaucoup, dès avril 2018, ont pointé certains points du programme du parti ISLAM qui appelait sans complexe à l’introduction de la charia, de séparer hommes et femmes dans les transports publics, pendant que son leader (Redouane Ahrouch) refusait de se faire maquiller par une femme, de serrer la main des candidates. Plusieurs plaintes ont été déposées et le tribunal de Bruxelles l’a condamné en avril 2019 à six mois de prison pour s’être rendu coupable de discrimination envers des femmes et à des dommages et intérêts pour les plaignantes. Les réactions fermes de la part des femmes discriminées (dont une journaliste) et de la Justice ont donc ouvert les yeux de bien des musulmans non islamistes sur les intentions de ce parti qui se prétendait, comme tous ceux du même genre, démocrate et laïc. Aux Pays-Bas, de la même manière, suite à des dérapages ultérieurs systématiquement pointés et sanctionnés par les partisans de la laïcité et de la démocratie, le parti Nida a perdu ses deux sièges au conseil municipal de Rotterdam.

Cela suppose de cesser toute culpabilisation face à la victimisation inévitable , de répondre argument après argument comme l’ont fait les Belges et les Néerlandais. On en est encore loin en France. Il est évident que toute tentative d’interdire ou de mettre en cause les listes communautaristes islamistes (islamistes car elles ne représentent que le modèle de société prôné par les littéralistes, et en aucun cas les objectifs et les valeurs de tous les musulmans) se heurtera à la tactique déjà rôdée des tenants de l’islam politique qu’Alexandre Del Valle a résumée par la trilogie : provocation-victimisation-médiatisation . Il faut donc prendre garde de rester scrupuleusement dans le cadre du droit, de la Constitution, des obligations liées aux lois sur la laïcité. Et faire évoluer nos lois dans les directions ci-dessus exposées.

Enfin il revient aux candidats de ne pas s’allier , que ce soit directement ou entre deux tours, à l’UDMF ou tout autre parti communautariste musulman, mais il est surtout de la responsabilité des électeurs de refuser leurs suffrages à quiconque conclura une alliance électorale avec les ennemis de la République. Rappelons à cette occasion le clientélisme imprudent de l’UDI : l’UDMF a obtenu son premier conseil municipal à Bobigny (où l’UDMF a obtenu un score vingt fois supérieur à son score national aux Européennes), dans l’équipe du maire Stéphane de Paoli. De même Nizarr Bourchada, fondateur de Français et Musulmans, tête de liste de l’UDMF aux régionales en Ile-de-France, vient du même parti centriste, tout comme d’autres responsables de ces mouvements musulmans, illustrant la porosité entre l’UDI et les militants islamistes.

Interdire les listes UDMF est souhaitable, mais à l’heure actuelle n’est malheureusement pas légal. Le projet de loi Retailleau donnerait des armes à la démocratie contre ses ennemis qui utilisent désormais des voies légales pour la combattre de l’intérieur. Il faut désormais, au-delà, oser clairement nommer cet ennemi : le problème, ce ne sont pas les listes communautaires en général, mais les listes dites musulmanes, qui sont les chevaux de Troie de l’islamisme . Dans l’attente d’une clarification législative, le remède ne peut être que politique avant d’être juridique : vigilance et pédagogie, fixation sans ambiguïté puis rappel régulier des limites à ne pas dépasser, qui sont celles de la Constitution, volonté de ne plus céder au chantage de la victimisation, décomplexion face à l’accusation d’ « islamophobie », refus d’alliances quel qu’en soit le prix électoral et, pour l’électeur, qui doit prendre ses responsabilités, sanction immédiate des listes qui franchiraient cette ligne rouge.



[1] Taqiyya ! Comment les Frères musulmans veulent infiltrer la France , l’Observatoire, septembre 2019

[2] « Le terrorisme et la barbarie nous ont frappés et nous frappent encore… Notre premier devoir est de nommer le mal. Ceux qui préfèrent édulcorer la réalité se contentent de parler de « terrorisme » et de « barbarie », évitant soigneusement de désigner l’idéologie qui les inspire. C’est comme si, derrière Vichy, on avait ignoré qu’il y avait « Mein Kampf »… Ce mal c’est le « nazislamisme » … » ( https://www.infos-toulouse.fr/2016/09/16/nazislamisme-les-propos-de-jean-luc-moudenc-emeuvent-la-communaute-musulmane/ )




par Nicolas Conquer (Valeurs Actuelles) 23 novembre 2025
A l’heure de l’IA, l’immigration choisie devient un grand déclassement "Cette question deviendra l’une des dimensions majeures des prochaines échéances électorales en France. Ceux qui continueront de célébrer « l’immigration choisie » sans condition seront jugés pour ce qu’ils sont : les fossoyeurs silencieux de la mobilité sociale de nos enfants." https://www.valeursactuelles.com/economie/a-lheure-de-lia-limmigration-choisie-devient-un-grand-declassement
par Louise Morice dans Frontières 23 novembre 2025
Je suis de la génération Bataclan. La génération qui n’a pas connu la guerre, mais qui voit le sang couler sur son propre sol. Chaque année, chaque mois, chaque semaine. Nous avons grandi dans l’ombre des sirènes et des bougies, dans la peur sourde des métros bondés, des gares trop silencieuses, des sacs abandonnés. Je fais partie d’une génération qui vit la barbarie à chaque coin de rue ; d’une génération de femmes qui hésite à mettre une jupe, de garçons qui baissent les yeux pour éviter une provocation. Nous sommes ceux qui ont appris trop tôt ce que veut dire mourir pour rien. Je suis de la génération qui n’oubliera jamais, et qui ne pardonnera pas. Remplie de colère, parce qu’on ne nous protège pas. Remplie de colère, parce qu’ils ont les clés mais préfèrent le déni, la lâcheté, plutôt que le courage d’affronter le réel. Ils disent craindre la guerre civile, mais la guerre est déjà là, diffuse, rampante, dans les cœurs et dans les rues. J’avais seize ans, j’étais au lycée. Je me souviens du message sur la conversation de classe : « Y’a encore un attentat à Paris. » Encore. Ce mot résonne encore plus fort que les balles. Ce n’était pas le premier. Et nous savons, hélas, que ce ne sera pas le dernier. Louise Morice, média Frontières
par Jeanne Durieux (Le Figaro) 10 novembre 2025
"Contrairement au conflit à Gaza, ou à la guerre en Ukraine, la guerre au Soudan passe largement sous les radars politiques et médiatiques." "il n’y a pas d’armes actionnées par des Juifs, donc pas d’antisémitisme à galvaniser sous le masque de la bonne cause" Deux poids et deux mesures avec Gaza ? Une chronique de Jeanne Durieux sur un conflit qui passe largement sous les radars politiques et médiatiques à lire dans le Figaro : https://www.lefigaro.fr/international/pourquoi-parle-t-on-moins-du-conflit-au-soudan-que-de-gaza-ou-de-l-ukraine-20251108 DÉCRYPTAGE - Contrairement au conflit à Gaza, ou à la guerre en Ukraine, la guerre au Soudan passe largement sous les radars politiques et médiatiques. Des civils abattus d’une rafale de kalachnikov le long des talus, des hommes rassemblés en groupe pour être brûlés vifs, des enfants épuisés et muets qui déambulent sans parents le long des camps de réfugiés, des femmes atones au regard hanté qui taisent les viols collectifs dont elles ont été victimes. Voilà quelques-unes de la kyrielle d’images insoutenables qui ont envahi les réseaux sociaux ces derniers jours, presque deux semaines après la prise de la ville soudanaise d’El-Fasher par les FSR, les Forces de soutien rapide. Un premier bilan fait état d’environ 3000 civils abattus, mais le bilan pourrait être en réalité considérablement plus élevé. À découvrir Ces massacres de civils, dont l’horreur augmente à chaque témoignage rapporté par les ONG, jettent une lumière crue sur le conflit sanglant qui sévit au Soudan depuis plus de deux ans. Il oppose, sur un échiquier soudanais très complexe mêlé d’enjeux ethniques et religieux, les généraux Al-Burhan, chef de l’armée régulière, à Mohamed Daglo dit Hemedti, à la tête des FSR. Et s’inscrit dans le temps long d’une guerre multifactorielle qui ensanglante la région du Darfour depuis des décennies. Et pourtant, les massacres qui sévissent dans ce pays d’Afrique de l’Est bordé par la mer Rouge peinent à bénéficier d’une couverture médiatique ou de dénonciations proportionnelles à la hauteur des 150.000 morts et des 12 millions de déplacés depuis 2023. Contrairement au conflit à Gaza qui engendre depuis deux ans nombre de mobilisations, réactions, et polarise profondément la société française, la guerre au Soudan ne génère qu’une discrète indignation, voire un silence indifférent, malgré plusieurs récits publiés par les médias (dont Le Figaro ). Comment, malgré tout, expliquer cet angle mort ? Le Soudan échappe aux schémas impérialistes et colonialistes Le Soudan est un pays «inclassable», présente d’emblée le chercheur Marc Lavergne. À cheval sur l’Afrique noire et le monde arabe, multiethnique et multireligieux, lié à la Méditerranée, mais aussi à l’Afrique centrale et au Sahel, il échappe à toute catégorisation géographique mais également historique. Le Soudan a été conquis par les Britanniques et les Égyptiens à la fin du XIXe siècle, qui y ont établi un condominium [un territoire sur lequel plusieurs puissances exercent conjointement une souveraineté, NDLR], avant que le pays ne proclame son indépendance en 1956. Mais en réalité, «les Anglais n’ont pas vraiment colonisé le pays puisqu’ils n’y voyaient qu’une mainmise formelle. Ils sont d’ailleurs regrettés par les Soudanais», pointe encore Marc Lavergne. Par cette histoire, le Soudan échappe aux schémas classiques «impérialistes et colonialistes» qui ont profondément forgé les dynamiques actuelles de la plupart des pays africains. Et c’est d’abord là que le bât blesse. Concrètement, le Soudan n’est pas considéré comme un pays où doit s’exercer une lutte anti-impérialiste ou décoloniale, matrice des discours actuels qui défendent par exemple ardemment la Palestine en «lutte» contre «l’État colonisateur» que serait Israël. En réalité, «le conflit qui déchire le Soudan n’est pas une guerre idéologique mais un conflit pour l’argent», avance Marc Lavergne. Les factions en guerre cherchent en partie à contrôler le pays pour des motivations économiques : ils se disputent notamment la mainmise sur le contrôle des ressources économiques soudanaises agricoles et minières (comme l’or et pétrole). Et dans ce conflit, «le sort, comme l’opinion des civils, est complètement évacué» pointe le spécialiste. Le conflit à Gaza accapare la question du génocide Or, c’est précisément le conflit idéologique qui fait de Gaza une tragédie abondamment exposée. Se joue là le paradoxe de la solidarité sélective : les défendeurs de la cause palestinienne requièrent une prise en charge mondiale de cette tragédie mais s’opposent de l’autre «à l’universalité funéraire» pour d’autres conflits, pointait l’écrivain Kamel Daoud dans les colonnes du Point dès novembre 2024. Selon le prix Goncourt, il n’est pas populaire de plaindre tous les morts, quelles que soient leurs origines. Il poursuivait : «Si vous abordez ce sujet tragique [de la guerre au Soudan, NDLR], vous êtes accusé de cacher un conflit armé ’exclusif’ [celui de Gaza, NDLR], de changer de sujet, de procrastiner et de manipuler.» Par ailleurs, de façon évidente, les mobilisations autour du conflit armé à Gaza servent de relais à l’antisémitisme. Très concrètement au Soudan, «il n’y a pas d’armes actionnées par des Juifs, donc pas d’antisémitisme à galvaniser sous le masque de la bonne cause. (...)», appuie Kamel Daoud. Ce que corrobore l’avocat et essayiste Gilles William Golnadel dans une tribune publiée au Figaro : «[Il y a] une focalisation sur la chose juive par une sorte de fascination», expose-t-il pour justifier l’exposition qui entoure Gaza. Or, au Soudan, «les musulmans y tuent d’autres musulmans, ce qui équivaut à zéro. La mort ne devient importante que si elle suscite des émotions collectives à travers un casting précis», pointe encore Kamel Daoud. Davantage de personnes peuvent avoir été assassinées en une semaine à el-Fasher, sans aucune exagération, qu’en deux ans à Gaza. Nathaniel Raymond, directeur exécutif du laboratoire humanitaire de recherches à Yale Pourtant, les ethnies du Darfour (Fours, Masalit et Zaghawa) ont été victimes d’un génocide au début des années 2000, notamment de la part des Janjawid, ces milices arabes dont découlent aujourd’hui les FSR. Et ces violences contre les ethnies non arabes ont redoublé avec la reprise du conflit en 2023. Mais aujourd’hui, la question du «génocide» dans le débat public est presque exclusivement captée par les événements à Gaza. «Les informations qui remontent du terrain [au Soudan] témoignent d’un nettoyage ethnique voire d’un génocide en cours. On s’est posé des questions très longtemps sur Gaza, on a eu toutes sortes de débats, “est-ce un génocide ou pas ?” alors qu’au Darfour, on avait des éléments [pour le caractériser] et on n’en parlait pas du tout», a pointé le 6 novembre 2025 sur le plateau de C ce soir Meriem Amellal, journaliste spécialiste de l’Afrique à France 24. Plus prosaïque, Nathaniel Raymond, directeur exécutif du laboratoire humanitaire de recherches à Yale, établissait un parallèle cette semaine : «davantage de personnes peuvent avoir été assassinées en une semaine à el-Fasher, sans aucune exagération, qu’en deux ans à Gaza». Et pour cause : après la prise de cette ville, il n’y a pas eu de mouvement massif de population, comme c’est normalement le cas dans une zone nouvellement conquise. Cette constatation «augmente la probabilité que la majorité des civils soient morts, capturés ou cachés» dans l’enceinte de la ville, indique un rapport établi par l’université de Yale et cité par le Middle East Eye . Les Nations unies estiment à environ 60.000 le nombre de personnes ayant réussi à fuir el-Fasher − près de 200.000 personnes sont en conséquence toujours entre les mains des sanguinaires milices. À titre de comparaison, 67.000 civils environ auraient trouvé la mort à Gaza depuis le 7 octobre 2023, selon le décompte (invérifiable) du Hamas. En clair, le Soudan est bien loin des projections collectives et des débats qui agitent et polarisent nos sociétés occidentales. Au sein de cette guerre africaine s’entrelacent de nombreux enjeux internes qui entravent notre implication morale dans le conflit. En Occident, «on ne fait pas la différence entre tous les Soudanais, même s’il existe de nombreuses différences ethniques», éclaire Marc Lavergne, - à l’inverse, là encore, du conflit à Gaza, qui oppose deux parties clairement connues et identifiées. Ce que corrobore encore Kamel Daoud dans sa chronique au Point : «Le corps d’un Soudanais est-il moins choquant parce qu’il n’a pas d’histoire qui nous ressemble ?» s’interroge-t-il. Par ailleurs, depuis deux ans, le conflit soudanais oppose deux généraux belligérants unanimement dénoncés. Les Forces de soutien rapide se sont certes rendues complices de nombreux massacres de civils, largement documentés ces derniers jours, mais les exactions du gouvernement dit «légal» du général Al-Burhan les talonnent sur l’échelle de la violence. «Concrètement, les troupes d’Al-Burhan tuent certes moins de gens, mais les milices qui sont alliées à l’armée régulière font les basses besognes. Et de façon générale, l’armée n’a que faire des civils», résume Roland Marchal, chercheur au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po Paris. Par ailleurs, les acceptions des termes «gouvernement légal» et «gouvernement rebelle» ne s’appliquent pas réellement au Soudan. «Lorsque deux généraux anciens complices s’affrontent, qui est dans la légalité et qui ne l’est pas ?» interroge le chercheur Marc Lavergne. Et ce dernier de poursuivre : «Entre une armée putschiste, dirigée par al-Burhan, qui a ruiné le pays et pris le pouvoir par un coup d’État, et les Forces de sécurité rapide dirigées par le général Hemedti, grand responsable de la crise du Darfour en 2005, qu’on présente comme des rebelles alors qu’ils sont avant tout des Bédouins, à qui accorder la légitimité ?» De quel côté se placer ? Un tel parti pris est, à l’inverse, plus évident dans le cas du conflit en Ukraine : il y a d’un côté l’agresseur, la Russie, et l’agressé, l’Ukraine, dont une partie des terres a été envahie par l’armée russe. Peu d’intérêt stratégique La donne géopolitique impose également sa grille de lecture : celle des Européens est d’abord liée aux décisions de Washington et à la menace russe. Là encore, l’attention constante qu’accorde la France au conflit russo-ukrainien se justifie ainsi par la proximité géographique et culturelle avec l’Ukraine. Cette dernière étant aux portes de l’Europe et candidate à l’UE et l’Otan, les Français ont tout intérêt à peser pour la victoire de l’Ukraine et la résolution du conflit. Dans le cas du Soudan, la France, qui avait soutenu la chute du régime d’Omar el-Béchir en 2019 en s’affirmant se placer du côté «de ce nouveau Soudan», y accorde en réalité peu d’intérêt. «Il n’y a plus cette génération de gens qui ont connu la Françafrique et qui conservent des liens et des intérêts forts sur le continent», dépeint Marc Lavergne, pour qui «la France s’est désintéressée du Soudan».
par Olivier Babeau / Valeurs Actuelles 4 novembre 2025
"Fuite des cerveaux, désindustrialisation, endettement, services publics défaillants, dépendance au luxe et à l’aéronautique : la France adopte les caractéristiques économiques des pays pauvres" Une tribune à lire dans Valeurs Actuelles : https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/economie/olivier-babeau-la-france-se-tiers-mondise
par Guillaume Roquette dans FigaroVox 3 novembre 2025
Un edito de Guillaume Roquette dans FigaroVox suite à la large victoire de Javier Milei aux législatives de mi-mandat en Argentine. Javier Milei a mis ses actes en accord avec ses paroles depuis qu’il dirige le pays. Et pendant ce temps là, en France, on cogite sur la meilleure façon d'augmenter encore un peu plus la fiscalité alors que nous sommes déjà champion du monde toutes catégories ! https://www.lefigaro.fr/vox/politique/l-editorial-du-figaro-magazine-la-lecon-argentine-20251031 "Large vainqueur aux législatives de mi-mandat, avec un peu plus de 40% des voix pour son parti au niveau national, Javier Milei a mis ses actes en accord avec ses paroles depuis qu’il dirige le pays. Une victoire éclatante. En remportant haut la main les dernières élections législatives en Argentine, Javier Milei a ridiculisé les pseudo-experts qui affirmaient qu’un président aussi libéral serait nécessairement désavoué par les électeurs. À travers ce scrutin, le peuple de ce pays nous administre une magnifique leçon de courage : oui, on peut choisir en toute conscience la voie du redressement, accepter des efforts douloureux, couper à la tronçonneuse dans les dépenses publiques si c’est la condition pour ne pas sombrer. Pour nous autres Français, les Argentins sont des Martiens. Malgré notre dette vertigineuse, notre administration obèse et nos prélèvements obligatoires suffocants, nous refusons collectivement de rompre avec un modèle pourtant à bout de souffle, comme si nous pouvions indéfiniment vivre à crédit sans en payer un jour le prix. L’essayiste Mathieu Laine dresse ce constat désabusé : « Les peuples ne deviennent libéraux que quand ils ont touché le fond de la piscine keynésienne. » Passer la publicité Nous en sommes loin. Le patron du Parti socialiste français, Olivier Faure, continue au contraire de claironner qu’ « il va falloir prendre l’argent là où il est, c’est-à-dire dans les poches de ceux qui ont les moyens ». Voilà les gens avec lesquels le premier ministre Sébastien Lecornu a dangereusement choisi de pactiser : des démagogues d’une médiocrité crasse qui vont tuer notre pays si on les laisse faire. Là-bas, Nicolás ne veut plus payer Pourquoi les Argentins sont-ils capables d’un sursaut auquel nous nous refusons, en tout cas pour l’instant ? La démographie est l’une des réponses : leur pyramide des âges est moins déséquilibrée que la nôtre. Plus nombreux et plus jeunes, les actifs ne veulent plus d’un système qui les empêche de vivre décemment. Là-bas, Nicolás ne veut plus payer. On connaît le franc-parler de Javier Milei. Quand on lui demande ce qu’il pense de ses adversaires progressistes, il les traite de « gauchistes de m… » et affirme : « Il ne faut pas leur laisser un millimètre, si vous le faites, ils vont l’utiliser pour vous détruire. »« Ma mission est de botter le cul des keynésiens et des fils de p… collectivistes. » Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement… Et sa franchise ne s’arrête pas aux discours. Contrairement à ce qui se passe habituellement avec la droite française quand elle est au pouvoir, le président argentin a mis ses actes en accord avec ses paroles depuis qu’il dirige le pays. Il a baissé la dépense publique de 30% et supprimé 60 000 postes de fonctionnaires. Le nombre de ministères est passé de 21 à 10. « Afuera » (ça dégage) ! Pour la gauche française, Milei est le mal personnifié. En rétablissant l’équilibre budgétaire de son pays (une première depuis 14 ans), il a coupé les vivres à des centaines de structures politiques, médiatiques et culturelles qui vivaient au crochet de l’État. Un cauchemar pour nos progressistes ; un modèle à suivre pour une droite digne de ce nom."
par Pierre Brochand (ancien directeur général de la DGSE) 18 octobre 2025
Immigration de masse, insécurité, risque de guerre civile... Le cri d’alarme de Pierre Brochand (ex-DGSE) "EXCLUSIF - Vingt ans après les émeutes qui avaient éclaté à Clichy-sous-Bois puis dans toutes les banlieues, l’ancien directeur général de la DGSE dresse le constat inquiétant d’une France au bord de la « confrontation interne »." Une tribune à lire dans FigaroVox : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/immigration-de-masse-insecurite-risque-de-guerre-civile-le-cri-d-alarme-de-pierre-brochand-ex-dgse-20251017 LE FIGARO MAGAZINE. - Il y a tout juste vingt ans, le 27 octobre 2005, éclataient les premières grandes émeutes de banlieue. Plus qu’une expression de violence passagère, était-ce le début d’un long processus nous conduisant à une forme de « guerre civile » ? Pierre BROCHAND. - Avec le recul, ce qui s’est passé, il y a vingt ans, apparaît, d’abord, comme un révélateur cruel de l’état du pays. Depuis les années 1980, s’était dessiné un paysage inédit : des émeutes ethniques, jamais vues, fusaient ponctuellement en zones urbaines, sur fond de délinquance, d’islamisation et de séparation. La vague d’octobre, en étendant l’incendie à plusieurs villes simultanément, a sonné un réveil en fanfare. Deux tiers de nos compatriotes en ont déduit qu’il fallait « arrêter l’immigration ». Ceux qui détenaient le pouvoir ne les ont pas écoutés. Résultat : rien n’a été fait. Ce qui nous amène directement aux angoisses d’aujourd’hui, que résume la prophétie de « guerre civile ». Je doute que celle-ci se réalise à court terme. En revanche, je tiens pour certaines les affirmations suivantes : – Si nous restons bras croisés, nous irons vers le pire. – Ce pire sera la régression de notre pays en tous domaines, à commencer par la sécurité de ses habitants et, plus généralement, leur bonheur de vivre. – L’épicentre en sera la débâcle de la confiance sociale, clé de voûte des peuples heureux, dont la perte disloque non seulement les sociétés « multi » mais aussi les fondements de l’État-providence. – Je ne vois pas d’autre ferment à ces ébranlements que l’irruption d’une immigration de masse, aux caractéristiques antagoniques des nôtres. Qu’est-ce qui vous rend dubitatif à l’égard du terme « guerre civile », pourtant repris par nombre de responsables politiques ? D’abord, les mots eux-mêmes. Je viens de le dire : pour moi, le fait générateur de troubles à venir ne peut être qu’importé. En effet, dans une démocratie avancée et apaisée, les différends, entre autochtones, ne semblent plus de nature à ressusciter la Révolution ou la Commune. La parenthèse de la « question sociale », ouverte en 1848, refermée en 1968, a laissé la place à des compromis quantitatifs sur le partage d’un gâteau commun, autour de la notion de pouvoir d’achat. De même, les problèmes sociétaux, qui ont pris la suite, n’ont jamais donné lieu à échanges de coups de feu : la haute tenue de la Manif pour tous en a fourni la preuve. Pour faire simple, je dirais qu’entre citoyens de souche, la violence, politique et sociale, n’est plus de mise : pour eux, l’Histoire est finie, au sens de Fukuyama. Leurs débats sont canalisés pour converger fatalement vers un centrisme bien-pensant, quel que soit le numéro de la République. Ceux qui le contestent ne sont pas nombreux : les black blocs ont affiché leurs limites, l’ultradroite parade modestement. L’échec des « gilets jaunes » a, en outre, confirmé qu’aucun projet, centré sur la redistribution du gâteau, ne pouvait renverser la table. Pour la même raison, j’écarte les concepts de « décivilisation » et d’« ensauvagement », qui, en douce, tendent à mettre tout le monde dans le même sac. J’irai plus loin : c’est le thème même de l’immigration, qui, par rétroaction, risque de susciter les plus graves dissensions chez les natifs, entre « universalistes » (mondialistes mercantiles, humanistes rêveurs, wokistes justiciers) et « localistes » (patriotes têtus, régionalistes renaissants, communautaires de tradition). Schisme, qui, d’ailleurs, réintroduit, dans le jeu belliqueux, certains de nos extrémistes, tenants d’une mythique « convergence des luttes », prêts à servir de cheval de Troie aux factions les plus militantes de l’immigration. Nos immigrés sont entrés avec de lourds bagages culturels, religieux, historiques, qu’ils n’ont pas abandonnés à la frontière Pierre Brochand Ensuite, le fait que les fauteurs de troubles de 2005, comme leurs prédécesseurs et successeurs, soient majoritairement de nationalité française ne change en rien le diagnostic. Nos immigrés sont entrés avec de lourds bagages culturels, religieux, historiques, qu’ils n’ont pas abandonnés à la frontière. Ces bagages étaient même si pesants qu’une partie de leurs arrière-petits-enfants continuent à les porter. Énumérons-les, une fois encore, puisque tout en découle : origine du tiers-monde, mœurs communautaires, majorité musulmane, culture de l’honneur, passé colonisé, démographie dynamique, endogamie élevée, faible niveau culturel, productivité et employabilité inférieures, coagulation en isolats géographiques et, surtout, donc, aggravation de ces dispositions au fil des générations dans un contexte global de vengeance du Sud sur le Nord. De ce point de vue, la distinction entre guerre « civile » et « étrangère » ressort brouillée. Nous sommes, au minimum, dans un cas hybride, qui efface, dès le départ, la dimension fratricide des luttes entre Armagnacs et Bourguignons, catholiques et protestants, et où la géopolitique intervient au moins autant que la politique. C’est pourquoi je préfère parler de confrontation interne, vulnérable à des ingérences extérieures. Dans ce tableau, il faut toutefois réserver un sort particulier à l’outre-mer, héritier lui aussi de l’ère coloniale, et doté d’une géographie lointaine et insulaire : on peut y voir des « laboratoires », où des débuts d’insurrection ont déjà opposé des citoyens français, selon leur origine ethnique. Enfin, une « vraie » guerre civile est une lutte armée, au sein d’une même collectivité, entre parties organisées qui s’en disputent le contrôle. Soit le basculement, brutal et total, d’un pays tout entier dans une violence physique concertée. Je le redis : cette vision paraît simpliste. Car d’innombrables hypothèses, plus complexes, sortant des sentiers battus, peuvent se vérifier. Même si nous pensons très fort à l’Empire romain, nul précédent ne saurait nous guider. Gardons à l’esprit qu’aucune société, avant la nôtre, n’a vécu sous le règne de l’individualisme de masse, sorte de terra incognita, sans carte ni boussole. Si nous ne nous dirigeons pas tout à fait vers une « guerre civile », vers quoi allons-nous ? Mon sentiment est le suivant. Bien avant d’en arriver à une bataille à mort pour la souveraineté, nous allons continuer de nous enfoncer dans des sables mouvants. Le raz-de-marée migratoire, s’il persiste, va produire un enchaînement de dégradations, à la fois sous-jacentes dans la durée et explosives dans l’instant. L’immigration actuelle est un fait social total dont les ondes de choc se font sentir partout. Pour les schématiser, elles raniment, d’abord, les clivages non négociables, c’est-à-dire non solubles en procédures, que nous pensions derrière nous : discorde religieuse, inimitié coloniale, fléau racial, gouffre culturel, allégeances nationales incompatibles, auxquels s’ajoute, pour faire bonne mesure, inadéquation économique. En bref, nous prenons, en pleine figure, le boomerang d’une Histoire, loin d’être finie ailleurs. Cheminement souterrain, donc, quand ces disruptions, imperceptibles au jour le jour, finissent par émerger à force de cumulation. Bouffées détonantes lorsque, de ces transformations, naissent des contradictions que les mécanismes d’absorption – autrefois performants avec les eurochrétiens – ne parviennent plus à surmonter. La violence devient, alors, la seule issue. Violence multiforme – délinquante, nihiliste, métapolitique –, d’abord sporadique et dispersée, mais prenant une tournure agglutinante, au fur et à mesure qu’empirent les dérèglements. Soit, au final, un processus quasi volcanique, associant un magma souterrain, porteur de tendances lourdes, et des éruptions soudaines, survenant à tout prétexte. Étant entendu que le choix n’est pas toujours entre la vie et la mort, mais aussi entre une existence qui mérite d’être vécue et d’autres qui n’en valent pas la peine. Sinon, à quoi bon ? J’ai bien conscience qu’ainsi esquissé, ce futur reste nébuleux. Ce qui n’interdit pas d’ouvrir un cadre de réflexion, qui, tout en essayant d’exclure la paranoïa – tâche parfois difficile – met en évidence un éventail de possibles. Sous la forme de l’État de droit, l’État régalien n’est plus que l’ombre de lui-même Pierre Brochand Vous parlez d’un « cadre de réflexion ». Pouvez-vous mieux le cerner ? À mon avis, il faut commencer par prendre conscience du point d’arrivée, lui, irrécusable : une France à majorité africaine et musulmane, bien avant la fin de ce siècle. Bouleversement que je défie quiconque d’espérer paisible et débonnaire. La logique conduit, donc, d’abord à identifier les acteurs de cette tragédie. Si l’on en croit la grille de lecture en vigueur, ils sont en nombre illimité, puisque tout n’est que cas particuliers. Ce n’est pas mon approche. Mon expérience professionnelle m’incite à commettre le péché d’amalgame. Les groupes restent des agents historiques déterminants, et le redeviennent encore plus quand refont surface les casus belli d’antan. Pour moi, ces groupes sont au nombre de quatre. Le plus proactif est constitué de « ceux venus d’ailleurs ». Le critère pertinent, pour l’analyser, est celui de l’acculturation. Faute de statistiques, je m’en tiendrais à l’intuition. Sur un effectif qui atteint désormais 25 à 30% des résidents (sur trois générations), les « assimilés » ne sont plus, à mon sens, que 5 à 10%, les « intégrés » comptent pour 30 à 40% et le reste flotte de la non-adhésion à la haine sur fond d’assistanat. La jeunesse masculine en représente le fer de lance. C’est à travers cette dernière strate que sont ravivés, dans l’espace public, les us et coutumes des pays de départ, avec lesquels nous n’avons jamais demandé à cohabiter. J’attire l’attention sur le fait que l’intégration, « espoir suprême et suprême pensée », n’est qu’un CDD (le respect de la loi contre l’emploi, chacun gardant son quant-à-soi) : en période de basculement, les intégrés pèseront naturellement dans ce sens. Restent « ceux d’ici », les « déjà-là », rejoints par la frange des assimilés. Là aussi, en usant d’une sociologie de la hache, j’y distinguerai trois sous-groupes. « Ceux d’en haut » forment un noyau dur minoritaire, à l’abri des métropoles, à partir desquelles ils font rayonner l’idéologie du « laissez passer, laissez tomber », apothéose prétendue de la « civilisation ». Métropoles où se nouent, d’autre part, des relations pragmatiques de connivence, au moins matérielles, avec « ceux d’ailleurs », rassemblés alentour. « Ceux d’en bas » (65 à 70% du grand total) n’ont pas la même vision : soumis en permanence à des chocs avec des « civilisations » (minuscules, plurielles) aux pratiques antithétiques des leurs, ils n’acceptent plus cette situation et cherchent à le faire savoir poliment, sans y parvenir. Néanmoins, le haut et le bas se retrouvent pour rejeter l’autodéfense et se blottir derrière un quatrième agent : les forces de l’ordre, seule formation armée autorisée sur le territoire français. Ce monopole de la violence est, toutefois, soumis à fortes contraintes. D’abord budgétaires : l’efficacité de ces « gardiens de la paix » est conditionnée par la taille de leurs effectifs, ce qui pose le problème crucial de leur saturation en cas de coup dur. Restrictions juridiques, surtout, sous la forme de l’État de droit, pierre angulaire de la « société des individus » : sous ce régime, l’État national régalien, modèle prédominant auparavant, n’est plus que l’ombre de lui-même. D’une certaine façon, il est même un adversaire à désarmer, car menaçant, du reste de son autorité, les droits fondamentaux de chacun, étrangers et malfaisants compris. Cette impuissance voulue est source d’une incohérence mortelle. En effet, l’immigration ne tombe pas du ciel. Elle est, elle aussi, la conséquence du renversement de paradigme, survenu dans les années 1970, quand nous sommes passés de l’autodétermination des peuples, délimitée par des frontières, à celle des individus, libres de se mouvoir à l’échelle planétaire. Révolution qui, d’un même élan, a donné le feu vert à des exodes massifs, et empêché la puissance publique des pays de destination de les entraver. Or, la survie d’un tissu social, aussi fragile que le nôtre, ne tient qu’à un fil : celui d’une homogénéité culturelle parfaite, autour d’un « néochristianisme païen » unanime, seul à même d’intérioriser l’injonction du vivre-ensemble. Personne ne niera que les nouveaux venus n’ont pas du tout – mais, alors, pas du tout – suivi ce parcours historique, qui nous a conduit à l’épuisement de l’inimitié. D’où la quadrature du cercle : une société qui se veut ouverte mais ne peut se perpétuer que fermée à ceux qui ne partagent pas sa xénophilie. Voilà pour la distribution de la pièce, où nous jouons notre survie. Les réseaux sociaux enclenchent des spirales de contamination aussi soudaines qu’incontrôlables. OLIVIER CORET / OLIVIER CORET pour le Figaro Mag Si nous continuons d’explorer votre cadre de réflexion entre ces acteurs, quels sont les paramètres principaux des évolutions à venir ? Ce que vous me demandez, c’est comment va évoluer le rapport des forces. Si l’on reprend la métaphore d’un fleuve souterrain incandescent, la question devient : quels sont les éléments qui l’accélèrent et ceux qui le ralentissent ? L’accélérateur décisif est, bien sûr, la démographie, indicateur le plus fiable des temps futurs. On ne le répétera jamais assez : nous nous acheminons vers une inversion de majorité, ethnique et religieuse, dans notre pays. Ce n’est plus l’épaisseur du trait. De surcroît, ce chassé-croisé, hors de contrôle, tend à l’exponentialité : il se nourrit des droits opposables, dont se prévalent les immigrés, mais aussi de l’auto-engendrement des diasporas, qui génèrent un fort excédent naturel, disparu chez « ceux d’ici ». En outre, l’immigration est une grandeur non scalable, dont la qualité mute avec la quantité. D’où la notion de masse critique, au-delà de laquelle ce qui était possible en deçà ne l’est plus. Les quartiers où tous ces seuils sont dépassés sont la vitrine de ce qui nous attend. On y retrouve les réminiscences des pays de départ, dont aucun n’est démocratique, développé et égalitaire : incivisme, xénophobie, intolérance, banditisme, omerta, consanguinité, corruption, clientélisme, etc. Ce chamboulement, annoncé par l’arithmétique, ne peut se dérouler sans convulsions. Il y a aussi des « retardants » au processus. Mais ce ne sont, hélas, que des expédients temporaires visant à reculer pour mieux sauter. Le premier est l’évitement, entre anciens et nouveaux. Chacun vote avec ses pieds et se regroupe par affinités, preuve par neuf qu’on ne s’apprécie que mollement : « ceux d’en haut » dans la zone verte des centres-villes, « ceux d’en bas » en France périphérique, « ceux d’ailleurs » dans les banlieues. À ce contournement primaire s’ajoutent des fuites secondaires : la ruée vers l’enseignement privé, l’expatriation des jeunes diplômés, l’alya des Français juifs. Mais le vase déborde déjà : en attestent la répartition autoritaire des demandeurs d’asile en milieu rural et l’implantation obligatoire de logements sociaux dans des villes qui n’en veulent pas. Ensuite, viennent les petits arrangements pour acheter la paix sociale, voire des gains électoraux, sans secouer le cocotier. Ces concessions unilatérales se pratiquent à tous les échelons, depuis la politique de la ville au niveau national, jusqu’aux compromissions municipales, avec des consultants peu recommandables (imams, caïds, grands frères). On songe à la du Barry : « Encore une minute, monsieur le bourreau ! » Autre aspect : les deux minorités actives, susceptibles de coordonner les « révoltés » – trafiquants et Frères musulmans –, n’ont pas intérêt à renverser immédiatement la table. Les premiers en sont au stade embryonnaire de la cartellisation (DZ Mafia), avec pour ambition d’éliminer la concurrence et d’exploiter la poule aux œufs d’or, sans l’achever. Les seconds préfèrent l’entrisme à bas bruit afin d’imposer progressivement les codes de leur religion, en comptant sur l’inexorable loi du nombre pour triompher. Reste le plus grand frein à la belligérance : le comportement des « natifs d’en bas ». Chacun admire leur retenue («vous n’aurez pas notre haine »). Certes, leurs votes, croissants, en faveur de la « maîtrise des flux » montrent que leur imaginaire demeure national. Mais leur choix dans l’isoloir ne se double d’aucune démonstration de rue, pourtant circuit le plus court pour se faire entendre en France. Le poids des seniors ne pousse, évidemment, pas à l’action ni aux changements de cap. Mais, surtout, l’ensemble de la société vit sous les sédatifs obligatoires, que réclame le traitement de l’anarchie individualiste et de l’agressivité multiculturaliste. Citons pêle-mêle : la recherche du bien-être par la consommation, comme unique but commun ; la manipulation des émotions tétanisantes, telles que la peur (épidémies, Russie, climat) et la culpabilité (Vichy, colonialisme, racisme) ; le recours transversal au divertissement. Encore davantage, l’individu-roi, replié sur lui-même, attache un prix démesuré à sa vie biologique, occasion unique à ne pas rater, face à des extraterrestres (terroristes, délinquants) dont les valeurs « héroïques » lui sont devenues illisibles. C’est pourquoi les manifestations qu’il s’autorise – marches blanches, bougies, peluches – clament, avant tout, son refus d’en découdre. Les Français n’ont-ils pas restitué 150.000 armes en 2022 ? Notre orgueil de civilisé est de refouler nos pulsions. Attitude louable et honorable. Mais, alors, ne nous plaignons pas si nous sommes confrontés à des dissidences, que notre passivité enhardit. "La tiers-mondisation de notre corps social n’ira pas sans gros dégâts collatéraux" Pierre Brochand Vous évoquez un fleuve souterrain qui avance, mais aussi fait éruption en surface. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce point ? Notre pronostic vital est-il engagé, comme vous l’envisagiez en 2023 ? Il faut partir de l’état des lieux ! 1500 portions de territoire, en « peau de léopard », échappent au plein contrôle des autorités publiques, et la pression sociale qui s’y exerce va à rebours de nos façons de vivre et de penser. Se répand, dans ces contre-sociétés enclavées, une guérilla de basse intensité contre ce qui y subsiste de l’État national et, plus généralement, d’influence française (pompiers, médecins, enseignants, arbitres). Un pessimiste y décèlerait même le retour, en mode mineur, des insurrections coloniales : commissariats-fortins, check-points, « hits and runs » réciproques, caves-sanctuaires, contraste jour/nuit, lutte pour la « conquête des cœurs » (la politique de la ville, resucée du Plan de Constantine, contre l’entraide sociale fournie par imams et dealers), recherche d’interlocuteurs valables, « porteurs de valise », omerta ordinaire, etc. Ne manque – et ce n’est pas rien – que l’armature du FLN. La crainte la plus plausible est que cet écosystème ne gagne en extension, fréquence et intensité, en vertu de la combinaison d’effectifs qui s’accroissent et d’une distance culturelle qui ne se réduit pas. Le modèle, que je privilégie, vous l’aurez compris, est celui de plaques tectoniques, mises en branle par le couple infernal individualisme-immigration, dont le frottement produit des étincelles qui finissent par embraser la plaine. Sur cette base, rien, hélas, n’interdit que soient franchis, un à un, des seuils critiques irréversibles : usage d’armes létales, pénétrations en « zone verte », submersion des forces classiques, entrée en scène de l’armée, prises d’otages, etc. Parmi les phénomènes déstabilisants, un sort à part doit être fait au terrorisme, bien sûr, mais encore plus aux pillages, auxquels les jeunes des quartiers se sont déjà adonnés : rien n’est plus facile, contagieux et efficace pour réduire à zéro la confiance sociale, libérer les instincts et mettre à genoux une société, bien au-delà des méfaits eux-mêmes. Et, voilà que, pour couronner le tout, pointent les drones, innovation stupéfiante qui met à portée de chacun des capacités incalculables de dissémination de la terreur. En fond de tableau, il faut aussi garder à l’esprit que nous vivons sur le fil du rasoir, en raison de notre dépendance à des réseaux, qui sont autant de catalyseurs de chaos. Les réseaux « sociaux » remettent au premier plan la psychologie des foules, décuplent le potentiel de tangage et enclenchent des spirales de contamination aussi soudaines qu’incontrôlables. Quant aux « vitaux » – électricité, eau, gaz, transports, communication –, leur rupture nous renverrait en un éclair à un état de nature, où régneraient les moins inhibés, dont on devine qui ils seraient. À l’échelle nationale, ce scénario, qui suppose un haut degré de planification et exécution, relève de la science-fiction et nous éloigne des quartiers pour nous renvoyer vers des activistes indigènes, voire des services étrangers. Mais, on ne saurait écarter des applications locales, dont tireraient parti les éléments incontrôlés, dont il est question ici. Quant aux détonateurs proprement dits, la liste en est plus longue qu’on ne croit : aux attentats d’ampleur, « bavures », heurts communautaires habituels s’ajoutent des situations insoupçonnées, comme une brutale sortie de l’euro, suscitant une ruée vers les banques et, par engrenage, une déstabilisation de la rue, livrée aux exactions. Sans doute aucun de ces « fantasmes raisonnés » ne se produira, à brève échéance. Sans doute allons-nous continuer à vivre sur les pentes d’un Etna, dont les projections ne frapperont pas tout le monde, tout le temps, mais de plus en plus de monde, de plus en plus souvent. En tout cas, restons sûrs que la tiers-mondisation de notre corps social n’ira pas sans gros dégâts collatéraux, y compris physiques. Jusqu’à l’engagement du pronostic vital ? À très long terme, on ne peut malheureusement qu’opiner, en raison de la dynamique démographique, hors laquelle, il faut bien le reconnaître, tout n’est que bavardage, plus ou moins informé. Cette grande régression peut-elle être enrayée ? Un redressement est-il possible ? Comment ? Contrairement aux apparences, c’est votre question la plus facile, car les réponses existent et sont devenues banales. Mais, elles sont aussi inévitablement féroces, à proportion du temps et du terrain perdus. S’il reste une petite chance d’éteindre la mèche, il n’est d’autre voie que celle d’un radicalisme sans remords. Soit, à la fois, réduire les flux d’entrée à leur plus simple expression, reprendre le contrôle des diasporas et rétablir l’ordre public. Ce qui est tout à fait possible, mais exige un formidable regain de volonté. D’abord, prendre des mesures immédiatement opérationnelles en matière d’immigration (gel des régularisations, réduction drastique des naturalisations, raréfaction des visas des pays à risque). Puis, enjamber le préambule constitutionnel, indispensable au rétablissement des droits, collectifs et autonomes, du peuple français. Enfin, sur ce canevas, faire flèche de tout bois : externaliser les demandes d’asile, ramener à zéro l’attractivité sociale et médicale de la France, dégonfler les diasporas en agissant sur les titres de séjour, muscler la laïcité en l’étendant à l’espace public. Plus généralement, s’attaquer au virus mortel de l’impunité, par une réforme pénale décomplexée, s’adressant au moins autant aux peines, telles qu’elles sont décidées et appliquées, en cas de récidive, qu’à leur quantum. Sous cette brève formulation, l’ordonnance cache, on le sait, une entreprise herculéenne, dont, les choses étant ce qu’elles sont, j’ai le plus grand mal à imaginer qu’elle soit mise en œuvre. Mais, à l’inverse, je suis en mesure de garantir à vos lecteurs que, si nous persistons à céder au biais de normalité, pour repousser à plus tard ce qui aurait dû être fait hier, nous ne préparons pas à nos descendants des lendemains qui chantent.
par Pierre Nerval 15 octobre 2025
Un post X de Pierre Nerval : Lundi 13 octobre 2025, Emmanuel Macron s’envolera pour l’Égypte, persuadé qu’il va marquer l’Histoire en soutenant la première phase du plan de paix élaboré sous l’impulsion de Donald Trump, en coordination avec le Qatar, la Turquie et l’Égypte. En réalité, il n’y marquera rien... sinon la confirmation d’un trouble narcissique devenu incompatible avec la fonction de chef d’État. Car tout, chez Emmanuel Macron, est désormais mise en scène. Ce déplacement, présenté comme un geste diplomatique fort, n’est qu’un nouveau chapitre du roman qu’il écrit sur lui-même : Macron, l’homme providentiel. Mais la diplomatie ne se nourrit pas de poses, et la paix ne se bâtit pas à coups de photos devant les pyramides. Ce président vit dans un théâtre permanent. Il ne gouverne pas, il se projette. Il n’écoute pas, il parle de lui. Il ne consulte pas, il s’impose. Chaque déplacement devient un plateau de tournage, chaque déclaration une réplique, chaque crise une occasion d’apparaître. La France, elle, n’est plus qu’un décor de prestige... un arrière-plan commode pour ses ambitions d’acteur global. ... Pendant qu’il parade au Caire, les Français s’enlisent dans la crise économique, la perte de confiance, la fatigue morale d’un pays sans cap. Et tandis que les grandes puissances mènent la partie diplomatique à coups d’influence, d’énergie et de stratégie, notre président se rêve en chef de paix universel sans en avoir ni les moyens ni la crédibilité. Il ne voit pas que son narcissisme étouffe l’efficacité, que sa parole lasse autant qu’elle divise, et que son image, devenue son obsession, ridiculise la France qu’il prétend incarner. Un président qui s’aime trop finit toujours par oublier son peuple. Ce voyage en Égypte, qu’on nous vend comme un acte de diplomatie, n’est qu’un pèlerinage à son propre culte. Macron n’ira pas chercher la paix : il ira chercher son reflet.
par Alexandre Devecchio dans FigaroVox 4 octobre 2025
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par Étienne Gernelle 1 octobre 2025
Un éditorial d'Étienne Gernelle dans Le Point : https://www.lepoint.fr/editos-du-point/etienne-gernelle-le-zucmano-lepenisme-ou-le-fantasme-du-quelqu-un-d-autre-paiera-25-09-2025-2599534_32.php L’incroyable opération Zucman a encore frappé. Dans une France oppressée de ses difficultés économiques, on peut comprendre que l’appel pour la beauté des démonstrations mathématiques, l’autorité conférée par l’aura d’une grande université américaine (Stanford, rien de moins !) et l’image flatteuse de l’exil fiscal retourné contre lui séduisent. Mais ce n’est pas parce qu’une idée est enrobée dans des habits de prestige qu’elle est juste. Gabriel Zucman, économiste de gauche, très respecté dans son milieu, mène depuis des années une campagne pour la création d’un impôt mondial sur la fortune. Son raisonnement est simple : puisque les riches peuvent déplacer leurs fortunes pour éviter l’impôt, il faut créer un prélèvement coordonné à l’échelle planétaire. Avec cette manœuvre habile, on peut faire passer l’utopie du grand soir pour un pragmatisme de bon sens. L’idée séduit les partis de gauche, évidemment, mais aussi le RN, qui l’utilise dans sa rhétorique « anti-riches » tout en caressant l’espoir de voir cet argent magique remplir les caisses de l’État français. Le problème est que l’impôt mondial, même présenté avec le sérieux des économistes bardés de diplômes, reste une chimère. Il n’existe aucune instance capable de le mettre en œuvre, aucun mécanisme de contrainte universelle pour obliger tous les pays à l’adopter, et encore moins à le percevoir et le redistribuer. Déjà qu’à l’échelle européenne, l’harmonisation fiscale ressemble à un chemin de croix interminable, on imagine mal la Chine, les États-Unis, l’Inde, la Russie et d’autres accepter de s’aligner sur une taxation commune des patrimoines. En réalité, cet impôt mondial, c’est un peu la version contemporaine du mythe de l’argent magique. L’idée que l’on pourrait financer les dépenses publiques toujours croissantes non pas en faisant des choix, en hiérarchisant, en arbitrant – bref en gouvernant –, mais en allant chercher ailleurs des ressources illimitées. Le grand fantasme du « quelqu’un d’autre paiera ». Dans son livre Le triomphe de l’injustice, Zucman, avec son complice Emmanuel Saez, avait déjà popularisé cette vision, qui a rencontré un immense écho. Le discours est rassurant, flatteur : si les services publics se dégradent, si la dette explose, ce n’est pas à cause d’un excès de dépenses, d’une fuite en avant budgétaire, mais de la rapacité des riches et de l’insuffisance de la redistribution. La réalité, d’abord, est que la France n’est pas avare en matière de prélèvements : elle figure parmi les pays les plus taxés au monde, avec une fiscalité déjà très redistributive. Ensuite, croire qu’un impôt mondial règlerait tout revient à s’installer dans une illusion dangereuse. Au lieu d’affronter nos problèmes réels – la faible productivité, l’absence de réformes structurelles, l’endettement chronique –, on préfère croire qu’une baguette magique fiscale viendra nous sauver. La facilité d’adoption de ce discours tient au fond à un trait bien français : le refus de la responsabilité budgétaire. Depuis quarante ans, la dépense publique croît sans frein, chaque gouvernement repoussant le moment de la vérité en empruntant davantage. Comme si le monde entier était condamné à payer notre confort. Bref, le zucmano-lépénisme est une jolie fiction. Mais elle ne résout rien. Au contraire, elle alimente notre incapacité à voir la réalité en face. À force de rêver d’un impôt universel et miraculeux, on se prive des vraies solutions, certes moins spectaculaires, mais infiniment plus efficaces : réformer, produire plus et dépenser mieux.
par Franz-Olivier Giesbert 1 octobre 2025
Un edito de Franz-Olivier Giesbert dans Le Point https://www.lepoint.fr/editos-du-point/fog-comme-un-champ-de-ruines-24-09-2025-2599462_32.php Que la gauche ait perdu toutes les élections depuis 2017, même quand elle clamait victoire, cela ne l’empêche pas de détenir les clés du pouvoir : tel est le paradoxe qui contribue à ruiner notre vieille démocratie. D’où le sentiment qu’ont les Français de n’être plus gouvernés et leur tentation de renverser la table. Certes, il est toujours sain, dans une démocratie, qu’un pouvoir soit confronté sans cesse à des contre-pouvoirs. Mais à condition que ceux-ci ne finissent pas par le paralyser ou par prendre sa place. Or la gauche d’atmosphère contrôle à peu près toutes les institutions de la République. Sur le papier, c’est beau comme l’antique : vigie de la République, le Conseil constitutionnel est censé vérifier notamment que les lois sont conformes à la Constitution. Sauf qu’il penche fortement à gauche et à la peur du crédit, notamment en censurant, l’an dernier, la commande d’Emmanuel Macron et de son ministre Laurent Fabius, près de soixante textes d’application de la loi immigration dédiée au contrôle et à l’intégration et pilotée, entre autres, par Bruno Retailleau. L’immigration est un totem, pas touche ! Le 19 juin, le Conseil constitutionnel, toujours dans la même logique immigrationniste, a réduit à néant la loi Attal sur la justice des mineurs, qui, dans notre pays, continuent ainsi de bénéficier d’une sorte de sauf-conduit après avoir commis leurs forfaits, au grand dam d’une majorité de Français. Le 7 août, il a encore enfoncé le même clou en retoquant, au nom de la liberté individuelle, la loi visant à autoriser le maintien en rétention d’étrangers jugés dangereux. En somme, le vénérable institut ignore de moins en moins le droit, tout comme le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, qui a inscrit dans le marbre le regroupement familial en 1978, sans en référer bien sûr à la souveraineté populaire. Les magistrats jugent souvent en fonction de leur conviction – de gauche ou d’extrême gauche. Pas tous, Dieu merci, mais, pour paraphraser La Fontaine, selon que vous serez de gauche ou de droite, les jugements vous rendront blanc ou noir. Une preuve parmi tant d’autres : apparemment, la justice a mis un mouchoir sur l’affaire des assistants des eurodéputés du parti de Jean-Luc Mélenchon, soupçonné de détournements de fonds, comme l’a rappelé opportunément l’Office européen de lutte antifraude, alors que, pour des faits semblables, François Bayrou a déjà été jugé et qu’une peine d’inéligibilité menace Marine Le Pen. Vous avez dit bizarre ? À voir ses « trophées », le célèbre Parquet national financier (PNF) est surtout une machine de guerre contre la droite, avec une obsession : Nicolas Sarkozy, coupable d’avoir comparé un jour les magistrats à des « cassation » à « des petits pois qui se ressemblent tous ». Pour avoir critiqué dans ce journal ses méthodes, nous savons à quoi nous en tenir : ce n’est pas l’objet du PNF, acharnant judiciairement depuis vingt ans à ruiner des hommes et des femmes, souvent avant même un début de moyens. C’est bien simple : avec sa présidence du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), l’audiovisuel public est presque totalement noyauté à gauche, sous la houlette de l’inévitable Arcom, « régulateur des médias » qui dépend, entre autres, de l’Éducation nationale... Dans sa “Déambulation dans les ruines”, un livre magnifique, Michel Onfray nous emmène en voyage dans la civilisation gréco-romaine, qui est morte pour laisser place à la nôtre, la judéo-chrétienne, aujourd’hui en point. Dans son introduction, il cite les Fragments posthumes de Nietzsche, où le philosophe allemand évoque les « valeurs du déclin », et force est de constater qu’elles commencent à recouvrir le mur sur notre vieux continent : la désagrégation de la volonté ; le triomphe de la populace ; la domination de la lâcheté sociale ; la honte du mariage et de la famille ; la haine de la tolérance ; la généralisation de la paresse ; le goût du remords ; une nouvelle conception de la vertu ; le dégoût de la situation présente. Réveillons-nous. Maintenant que, grâce à la pédagogie de François Bayrou, les Français saisissent la gravité de la situation financière du pays, il est temps de se ressaisir et de relever la tête. De passer à l’espoir ! Comme disait Tocqueville, « ce n’est pas parce qu’on voit poindre à l’horizon qu’il faut arrêter d’avancer ».