Pour une droite décomplexée ! L’exemple des élections madrilènes
Pour une droite décomplexée ! L’exemple des élections madrilènes

Écrasante victoire de la droite ce mardi 4 mai ! Celle-ci double son score de 2019, lors des précédentes élections régionales et remporte, avec 44,7 % des voix, 65 sièges sur 136, frôlant de peu la majorité absolue ! Taux de participation historique de 76,24 % ! Un rêve ? Non une réalité ! Mais c’est en Espagne que cela se passe, plus précisément dans la communauté autonome de Madrid. Car hélas, il ne s’agit pas de la droite française mais du Partido Popular (PP) qui vient d’obtenir une victoire historique, lui permettant même de gouverner à la majorité simple puisqu’il a remporté à lui tout seul davantage de sièges que toute l’opposition de gauche réunie. Cela se passe chez nos voisins espagnols, certes, mais tant dans l’évolution de sa stratégie d’alliances, que dans une campagne ferme et fière se revendiquant d’une « droite décomplexée » et ne se trompant pas d’adversaire, dans les choix courageux assumés depuis un an dans la crise sanitaire, ce triomphe de la droite madrilène semble porteur de nombreux enseignements pour les LR, aujourd’hui écartelés entre plusieurs tropismes.
1.Rappelons tout d’abord le contexte .
Pourquoi seule la communauté madrilène était-elle concernée par ces élections régionales ? Le scrutin avait été provoqué par la décision surprise de Madame Díaz Ayuso, la présidente de l’assemblée régionale de mettre fin à son alliance avec le parti de centre droit Ciudadanos (l’équivalent de LREM).
Ensuite précisons que les enjeux sont beaucoup plus importants chez nos voisins que pour une élection régionale en France, les régions, qualifiées de communautés autonomes, ayant infiniment plus de pouvoirs que chez nous. Parmi elles, la région de Madrid est la plus riche du pays et la plus densément peuplée (avec 6,5 millions sur un peu moins de 47 millions d’habitants). Et c’est évidemment la région de la capitale.
Ces élections, très suivies par les médias espagnols, devaient donc faire l’effet de test , et cela d’autant plus que le chef du gouvernement s’était personnellement impliqué. Et même si les résultats ne sont pas censés avoir d’impact immédiat au niveau national, il semblait déjà évident à tous qu’ils pourraient faire et défaire des carrières politiques, ce qui est déjà le cas : dès l’annonce des résultats, calamiteux pour son parti, Pablo Iglesias, le leader de Podemos et de la coalition de gauche aux régionales, l’équivalent de LFI en France, a déjà annoncé qu’il quittait la politique . Et Isabel Díaz Ayuso, présidente de la région, confirme sa position de figure montante de la droite espagnole. La campagne s’est d’ailleurs déroulée dans un climat exceptionnellement tendu. En outre les électeurs ne s’y sont pas trompés et la très forte mobilisation reflète la portée nationale du scrutin. D’ailleurs le Partido Popular avait bel et bien présenté cette élection comme une étape cruciale sur le chemin de son retour au pouvoir en Espagne
2.Les résultats sont sans appel.
Le Partido popular, avec sa ligne clairement droitière, a donc doublé son score depuis le scrutin de 2019. Avec 44,7% des voix, 65 sièges sur 136, il manque de peu la majorité absolue (47,5%) mais pourra gouverner seul avec une majorité simple, tant que Vox ne s’oppose pas à lui, ce que la leader du parti d’extrême-droite n’a aucune intention de faire puisqu’elle a aussitôt annoncé que le PP pourrait toujours compter sur ses voix. Contrairement aux prévisions, la droite de la communauté madrilène n’a donc même pas besoin de faire la moindre alliance pour gouverner.
Vox, le parti d’extrême-droite, avec 13 sièges contre 12 l’année précédente, sort stabilisé de ce scrutin. Certains commentateurs disent qu’il est affaibli, ou marginalisé. Certes il ne peut établir le moindre chantage qu’une alliance nécessaire aurait rendu possible. Mais les grands perdants sont au centre, et à gauche.
Ciudadanos , le parti de centre droit qui voulait renouveler la politique et que certains ont comparé à LREM (1), disparaît de l’assemblée. Après ce revers historique il ne compte plus aucun député à l’assemblée régionale, ses électeurs semblant s’être majoritairement reportés sur le PP après l’accord du PSOE avec l’extrême gauche.
Les socialistes du PSOE étaient arrivés en tête en 2019 mais n’avaient pas trouvé d’alliés pour se hisser au pouvoir, laissant la place à la coalition droite-centre droit. Ils perdent 13 députés régionaux, n’ont plus que 24 sièges. Ils sont même devancés sur leur gauche par la petite formation de gauche Más Madrid (MM) , conduite par Mónica García, une jeune médecin inconnue du grand public. C’est un revers cinglant pour Pedro Sánchez, à la tête du gouvernement depuis 2018, car ce dernier s’était investi personnellement dans la campagne, cherchant à mobiliser l’électorat de gauche et centriste en brandissant la menace de l’extrême droite (« fascisme », « dictature »). Il a d’ailleurs qualifié de « tragédie » le triomphe du Parti Populaire qu’il décrit comme « la droite trumpiste ».
Podemos ou Unidas Podemos (UP) (allié du PSOE dans ces élections régionales mais aussi partenaire des socialistes au sein de la coalition au pouvoir en Espagne), l’équivalent de la France Insoumise là-bas, est considéré comme le grand perdant car c’est son leader Pablo Iglesias qui était le chef de file de la coalition de gauche. Aspirant à diriger la Communauté de Madrid, il avait même quitté son poste de vice président du gouvernement Sánchez pour mener son parti dans la bataille des régionales. Il vient donc d’annoncer son retrait de la vie politique après cette victoire écrasante de la droite.
En définitive la gauche tout entière ne totalise plus que 58 sièges soit moins que le Partido Popular à lui tout seul
Notons enfin, une fois encore, la participation qui traduit une très forte mobilisation malgré la pandémie, 5,1 million d’électeurs s’étant déplacés en masse, soit plus de 76% des électeurs, une hausse de plus de 10 % par rapport au scrutin de l’année dernière qui avait pourtant, déjà, fortement mobilisé.
Les illustrations ci-dessous (source El País ) témoignent visuellement, au-delà des mots, du triomphe de la droite et de l’effondrement de ses adversaires
Les résultats (par
commune) en 2019 et en 2021 (en rouge la
gauche, en bleu, la droite) :

Répartition (en voix)
en 2019 et 2021 :

Répartition (en
sièges) comparaison 2019 et 2021 :

Répartition et majorité absolue en mai 2021 :

3. Les raisons de la victoire
Une campagne nettement à droite
Sous l’égide de l’expert en marketing politique Miguel Ángel Rodríguez, le PP a fait le pari gagnant de jouer la carte d’une droite décomplexée , que ses adversaires ont qualifiée de « populiste » (qualificatif que le PP n’a pas rejeté), une droite très droitière, fière de ses valeurs libérales et consciente des enjeux identitaires et sécuritaires, à l’opposé du choix opéré deux ans auparavant d’une droite recentrée qui avait conduit à l’alliance avec Ciudadanos (parti se disant « progressiste et de centre droit). Le slogan de campagne était « Le communisme ou la liberté», faisant de la gauche, et plus particulièrement de Pedro Sánchez, le président du gouvernement socialiste, son unique adversaire (ce qui prouve bien la dimension nationale de cette élection régionale).
En revanche la candidate du PP n’a jamais attaqué l’extrême droite, ne l’a pas soutenue non plus, a refusé de prendre position lors d’une campagne d’affichage de Vox qui avait scandalisé la gauche qui dénonçait un « appel à la haine », où se trouvaient mises en parallèle la retraite d’une personne âgée et les dépenses, estimées à 10 fois supérieures, pour un mena (un mineur isolé). Isabel Díaz Ayuso s’était contentée de contester les chiffres exagérés des affiches qu’elle a reconnus comme «faux » mais sans dénoncer le fond (le coût important d’un mineur non accompagné) et sans nier les problèmes sécuritaires que ces bandes de jeunes, souvent liés à des filières crapuleuses, posent à la capitale espagnole.
D’un autre côté, l’extrême droite, par l’intermédiaire de sa candidate Rocío Monasterio, n’a pas fait campagne contre Isabel Díaz Ayuso, prévoyant sans doute que le PP aurait besoin de Vox pour gouverner. De toutes façons, lors d’un débat marqué par une passe d’arme que les médias ont qualifiée de « très polie », elle aussi avait annoncé clairement son choix de s’allier, s’il le fallait, au PP (jugé pourtant trop progressiste) pour « ne pas laisser les rouges prendre le pouvoir ».
Ajoutons que les sondages avaient montré qu’à droite 8 électeurs sur 10 approuvaient cette ligne droitière, la fin de l’alliance avec le centre droit et le refus de faire de Vox un épouvantail. Les résultats du vote ont montré que ce soutien s’est retrouvé jusque dans les urnes.
Un bilan
Ajoutons que, comme tout sortant, Isabel Díaz Ayuzo pouvait présenter un bilan, libéral, conservateur et sécuritaire. Mais il est indéniable qu’a particulièrement compté sa politique sanitaire, applaudie par une majorité de citoyens de la Communauté madrilène et décriée par ses adversaires. Dans sa campagne, toujours avec son slogan « liberté ! », Isabel Díaz Ayuso a toujours expliqué son choix de préserver « l’art de vivre à la madrilène » avec des restaurants et des bars toujours ouverts en pleine crise sanitaire. En effet la présidente s’est toujours affirmée comme une ferme opposant e au x stricte s restrictions sanitaires , malgré les pressions du gouvernement central, afin de protéger les entreprises, entre autres les bars et les restaurants qui sont restés ouverts. Cette stratégie a porté ses fruits sur le plan économique et de la santé mentale d’une population qui a exprimé à de nombreuses reprises son ras-le-bol à l’égard des mesures anti Covid. En revanche, les adversaires de la présidente de région ne se sont pas privés, sans succès, de pointer le bilan sanitaire effectivement plus sombre qu’ailleurs de la région de Madrid.
Un parti renouvelé
Le Parti populaire a été profondément renouvelé, suite à un scandale de corruption (qui avait chassé du pouvoir les anciens, autour de Rajoy et permis l’accession au pouvoir en 2018 des socialistes), avec l’arrivée de nouveaux cadres, dont Díaz Ayuso (42 ans), au parler vrai et dans la droite ligne de cette droite décomplexée qui s’est affirmée lors du scrutin madrilène.
Des erreurs à gauche
Inversement, le succès de la droite a été amplifié par les erreurs de ses adversaires de gauche. Comme souvent, leur programme s’est résumé d’une part à diaboliser la droite et une éventuelle alliance avec les « fachos » de Vox (bien plus à droite et conservateur, il est vrai, que le parti de Marine Le Pen) ; d’autre part le PSOE et ses alliés se sont enferrés, notamment lors d’un calamiteux débat retransmis par la télévision, en multipliant les mensonges et les dénis de réalité, leur seule stratégie d’opposition. Certains journaux régionaux ont même écrit qu’en écoutant les représentants madrilènes du parti socialiste et de Podemos, ils avaient eu le sentiment de découvrir l’existence d’une « réalité parallèle » (les libertés accordées par la présidente lors de la pandémie auraient plongé la région une sorte d’apocalypse, où règneraient la misère et la mort). Enfin, en catastrophe, les leaders des deux gauches rivales qui s’étaient opposées pendant la campagne ont décidé d’une alliance (« démocratie contre fascisme »), moins de deux semaines après avoir annoncé qu’il n’y en aurait jamais. Cette ligne fluctuante a poussé, d’après les analystes, les électeurs centristes, déçus par Ciudadanos, tentés de voter PSOE mais horrifiés par l’extrême gauche de Podemos, à aller voter pour le PP.
En conclusion, il semblerait que l’Espagne soit revenue au bipartisme idéologique et que la tentation du grand centre soit en train d’exploser. Le choix d’une droite décomplexée, fière de ses valeurs, ne se dispersant pas dans les attaques contre l’extrême droite comme s’il s’agissait, honteuse, de prouver qu’elle n’est pas ce que la gauche dit qu’elle est, mais indiquant clairement sa priorité et son principal adversaire, i.e. la coalition de gauche, a porté ses fruits au-delà de toute attente. En témoigne également la très forte mobilisation des électeurs qui sont revenus aux urnes.
En dépit
des différences culturelles, dans les institutions, et de deux histoires
différentes, l’Espagne et la France se ressemblent. Sans doute y a-t-il dans ce
triomphe du Partido Popular dans les élections régionales, des leçons à tirer
pour la droite française qui cherche désespérément, en ce moment, un cap et une
colonne vertébrale. Lorsqu’elle affirme fièrement
qui elle est, ce qu’elle veut, qu’elle avance en
fonction de ses valeurs et non pas en répondant en permanence aux procès d’intention de ses adversaires qu’elle semble
parfois vouloir séduire et convaincre de sa respectabilité, lorsqu’elle n’oublie
pas quel est son principal adversaire et néglige (en ne la diabolisant pas) l’extrême droite à laquelle la gauche la
renvoie en permanence, lorsqu’elle n’est pas dans les dénis de réalité pour
rassurer ceux qui souvent s’y complaisent au centre et à gauche, lorsqu’elle ne
se perd pas dans d’improbables alliances qui l’éloignent de son ADN, la droite
triomphe et retrouve ses électeurs
perdus. Et bien au-delà.
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(1) Un de nos lecteurs, Pierre Boixareu, nous envoie ce très intéressant commentaire concernant la Ciudadanos et sa proximité idéologique avec LREM :
"Ciudadanosest bien l'ancêtre de lrem. Son fondateur charismatique (Alberto
Rivera) fut d'abord militant PS, puis PP avant de fonder C's sur la
rhétorique utilisée plus tard par macron : d'abord parti catalan -
Ciutadans, son bailleur de fonds était une petite caisse d'épargne
régionale présidée par l'un de mes cousins qui m'avait rejoindre
l'opération au commencement (le PP est laminé en Catalogne depuis
longtemps, C's et le PSC sont les 2 partis représentatifs anti
indépendantistes, et dans les terres profondément nationalistes, seul le
PSC survit, ce qui m'a valu d'accepter de figurer sur leur liste aux
dernières municipales; mon nom est connu sur le plan local, grand-père
puis oncle maires, la liste PSC est passée d'1 à 3 élus sur 11 grâce à
ma représentation connue à C's et au PP, les 8 autres sont
indépendantistes ... -, il avait vocation à briser la spirale
indépendantiste (comme le veut le PP) mais à réclamer plus de
compétences - donc d'autonomie pour la Generalitat (comme ne le souhaite
pas le PP). Son "en-même temps", en quelque sorte. Depuis le départ de
Rivera, le parti ne cesse de s'effondrer. Au Parlement européen, C's et
lrem siègent ds le même groupe "Renew Europe)"







