Pour une droite décomplexée ! L’exemple des élections madrilènes

  • par Natacha Gray
  • 06 mai, 2021

Pour une droite décomplexée ! L’exemple des élections madrilènes

Écrasante victoire de la droite ce mardi 4 mai ! Celle-ci double son score de 2019, lors des précédentes élections régionales et remporte, avec 44,7 % des voix, 65 sièges sur 136, frôlant de peu la majorité absolue ! Taux de participation historique de 76,24 % ! Un rêve ? Non une réalité ! Mais c’est en Espagne que cela se passe, plus précisément dans la communauté autonome de Madrid. Car hélas, il ne s’agit pas de la droite française mais du Partido Popular (PP) qui vient d’obtenir une victoire historique, lui permettant même de gouverner à la majorité simple puisqu’il a remporté à lui tout seul davantage de sièges que toute l’opposition de gauche réunie. Cela se passe chez nos voisins espagnols, certes, mais tant dans l’évolution de sa stratégie d’alliances, que dans une campagne ferme et fière se revendiquant d’une « droite décomplexée » et ne se trompant pas d’adversaire, dans les choix courageux assumés depuis un an dans la crise sanitaire, ce triomphe de la droite madrilène semble porteur de nombreux enseignements pour les LR, aujourd’hui écartelés entre plusieurs tropismes.

 

1.    Rappelons tout d’abord le contexte.

Pourquoi seule la communauté madrilène était-elle concernée par ces élections régionales ? Le scrutin avait été provoqué par la décision surprise de Madame Díaz Ayuso, la présidente de l’assemblée régionale de mettre fin à son alliance avec le parti de centre droit Ciudadanos (l’équivalent de LREM).

Ensuite précisons que les enjeux sont beaucoup plus importants chez nos voisins que pour une élection régionale en France, les régions, qualifiées de communautés autonomes, ayant infiniment plus de pouvoirs que chez nous. Parmi elles, la région de Madrid est la plus riche du pays et la plus densément peuplée (avec 6,5 millions sur un peu moins de 47 millions d’habitants). Et c’est évidemment la région de la capitale.

Ces élections, très suivies par les médias espagnols, devaient donc faire l’effet de test, et cela d’autant plus que le chef du gouvernement s’était personnellement impliqué. Et même si les résultats ne sont pas censés avoir d’impact immédiat au niveau national, il semblait déjà évident à tous qu’ils pourraient faire et défaire des carrières politiques, ce qui est déjà le cas : dès l’annonce des résultats, calamiteux pour son parti, Pablo Iglesias, le leader de Podemos et de la coalition de gauche aux régionales, l’équivalent de LFI en France, a déjà annoncé qu’il quittait la politique . Et Isabel Díaz Ayuso, présidente de la région, confirme sa position de figure montante de la droite espagnole. La campagne s’est d’ailleurs déroulée dans un climat exceptionnellement tendu. En outre les électeurs ne s’y sont pas trompés et la très forte mobilisation reflète la portée nationale du scrutin. D’ailleurs le Partido Popular avait bel et bien présenté cette élection comme une étape cruciale sur le chemin de son retour au pouvoir en Espagne

 

 

2.    Les résultats sont sans appel.

Le Partido popular, avec sa ligne clairement droitière, a donc doublé son score depuis le scrutin de 2019.  Avec 44,7% des voix, 65 sièges sur 136, il manque de peu la majorité absolue (47,5%) mais pourra gouverner seul avec une majorité simple, tant que Vox ne s’oppose pas à lui, ce que la leader du parti d’extrême-droite n’a aucune intention de faire puisqu’elle a aussitôt annoncé que le PP pourrait toujours compter sur ses voix. Contrairement aux prévisions, la droite de la communauté madrilène n’a donc même pas besoin de faire la moindre alliance pour gouverner.

Vox, le parti d’extrême-droite, avec 13 sièges contre 12 l’année précédente, sort stabilisé de ce scrutin. Certains commentateurs disent qu’il est affaibli, ou marginalisé. Certes il ne peut établir le moindre chantage qu’une alliance nécessaire aurait rendu possible. Mais les grands perdants sont au centre, et à gauche.

Ciudadanos, le parti de centre droit qui voulait renouveler la politique et que certains ont comparé à LREM (1), disparaît de l’assemblée. Après ce revers historique il ne compte plus aucun député à l’assemblée régionale, ses électeurs semblant s’être majoritairement reportés sur le PP après l’accord du PSOE avec l’extrême gauche.

Les socialistes du PSOE étaient arrivés en tête en 2019 mais n’avaient pas trouvé d’alliés pour se hisser au pouvoir, laissant la place à la coalition droite-centre droit. Ils perdent 13 députés régionaux, n’ont plus que 24 sièges. Ils sont même devancés sur leur gauche par la petite formation de gauche Más Madrid (MM), conduite par Mónica García, une jeune médecin inconnue du grand public.  C’est un revers cinglant pour Pedro Sánchez, à la tête du gouvernement depuis 2018, car ce dernier s’était investi personnellement dans la campagne, cherchant à mobiliser l’électorat de gauche et centriste en brandissant la menace de l’extrême droite (« fascisme », « dictature »).  Il a d’ailleurs qualifié de « tragédie » le triomphe du Parti Populaire qu’il décrit comme « la droite trumpiste ».

Podemos ou Unidas Podemos (UP) (allié du PSOE dans ces élections régionales mais aussi partenaire des socialistes au sein de la coalition au pouvoir en Espagne), l’équivalent de la France Insoumise là-bas, est considéré comme le grand perdant car c’est son leader Pablo Iglesias qui était le chef de file de la coalition de gauche. Aspirant à diriger la Communauté de Madrid, il avait même quitté son poste de vice président du gouvernement Sánchez pour mener son parti dans la bataille des régionales. Il vient donc d’annoncer son retrait de la vie politique après cette victoire écrasante de la droite.

En définitive la gauche tout entière ne totalise plus que 58 sièges soit moins que le Partido Popular à lui tout seul

Notons enfin, une fois encore, la participation qui traduit une très forte mobilisation malgré la pandémie, 5,1 million d’électeurs s’étant déplacés en masse, soit plus de 76% des électeurs, une hausse de plus de 10 % par rapport au scrutin de l’année dernière qui avait pourtant, déjà, fortement mobilisé.  

            Les illustrations ci-dessous (source El País ) témoignent visuellement, au-delà des mots, du triomphe de la droite et de l’effondrement de ses adversaires

Les résultats (par commune) en 2019 et en 2021 (en rouge la gauche, en bleu, la droite) :


Répartition (en voix) en 2019 et 2021 :


Répartition (en sièges) comparaison 2019 et 2021 :


Répartition et majorité absolue en mai 2021 :

3.     Les raisons de la victoire

 

Une campagne nettement à droite

Sous l’égide de l’expert en marketing politique Miguel Ángel Rodríguez, le PP a fait le pari gagnant de jouer la carte d’une droite décomplexée, que ses adversaires ont qualifiée de « populiste » (qualificatif que le PP n’a pas rejeté), une droite très droitière, fière de ses valeurs libérales et consciente des enjeux identitaires et sécuritaires, à l’opposé du choix opéré deux ans auparavant d’une droite recentrée qui avait conduit à l’alliance avec Ciudadanos (parti se disant « progressiste et de centre droit). Le slogan  de campagne était « Le communisme ou la liberté», faisant de la gauche, et plus particulièrement de Pedro Sánchez, le président du gouvernement socialiste, son unique adversaire (ce qui prouve bien la dimension nationale de cette élection régionale).

En revanche la candidate du PP n’a jamais attaqué l’extrême droite, ne l’a pas soutenue non plus, a refusé de prendre position lors d’une campagne d’affichage de Vox qui avait scandalisé la gauche qui dénonçait un « appel à la haine », où se trouvaient mises en parallèle la retraite d’une personne âgée et les dépenses, estimées à 10 fois supérieures, pour un mena (un mineur isolé). Isabel Díaz Ayuso s’était contentée de contester les chiffres exagérés des affiches qu’elle a reconnus comme «faux » mais sans dénoncer le fond (le coût important d’un mineur non accompagné) et sans nier les problèmes sécuritaires que ces bandes de jeunes, souvent liés à des filières crapuleuses, posent à la capitale espagnole.

D’un autre côté, l’extrême droite, par l’intermédiaire de sa candidate Rocío Monasterio, n’a pas fait campagne contre Isabel Díaz Ayuso, prévoyant sans doute que le PP aurait besoin de Vox pour gouverner. De toutes façons, lors d’un débat marqué par une passe d’arme que les médias ont qualifiée de « très polie », elle aussi avait annoncé clairement son choix de s’allier, s’il le fallait, au PP (jugé pourtant trop progressiste) pour « ne pas laisser les rouges prendre le pouvoir ».

Ajoutons que les sondages avaient montré qu’à droite 8 électeurs sur 10 approuvaient cette ligne droitière, la fin de l’alliance avec le centre droit et le refus de faire de Vox un épouvantail. Les résultats du vote ont montré que ce soutien s’est retrouvé jusque dans les urnes.

Un bilan

Ajoutons que, comme tout sortant, Isabel Díaz Ayuzo pouvait présenter un bilan, libéral, conservateur et sécuritaire. Mais il est indéniable qu’a particulièrement compté sa politique sanitaire, applaudie par une majorité de citoyens de la Communauté madrilène et décriée par ses adversaires. Dans sa campagne, toujours avec son slogan « liberté ! », Isabel Díaz Ayuso a toujours expliqué son choix de préserver « l’art de vivre à la madrilène » avec des restaurants et des bars toujours ouverts en pleine crise sanitaire. En effet la présidente s’est toujours affirmée comme une ferme opposante aux strictes restrictions sanitaires, malgré les pressions du gouvernement central, afin de protéger les entreprises, entre autres les bars et les restaurants qui sont restés ouverts. Cette stratégie a porté ses fruits sur le plan économique et de la santé mentale d’une population qui a exprimé à de nombreuses reprises son ras-le-bol à l’égard des mesures anti Covid. En revanche, les adversaires de la présidente de région ne se sont pas privés, sans succès, de pointer le bilan sanitaire effectivement plus sombre qu’ailleurs de la région de Madrid.

Un parti renouvelé

Le Parti populaire a été profondément renouvelé, suite à un scandale de corruption (qui avait chassé du pouvoir les anciens, autour de Rajoy et permis l’accession au pouvoir en 2018 des socialistes),  avec l’arrivée de nouveaux cadres, dont Díaz Ayuso (42 ans), au parler vrai et dans la droite ligne de cette droite décomplexée qui s’est affirmée lors du scrutin madrilène.

Des erreurs à gauche

Inversement, le succès de la droite a été amplifié par les erreurs de ses adversaires de gauche. Comme souvent, leur programme s’est résumé d’une part à diaboliser la droite et une éventuelle alliance avec les « fachos » de Vox (bien plus à droite et conservateur, il est vrai, que le parti de Marine Le Pen) ; d’autre part le PSOE et ses alliés se sont enferrés, notamment lors d’un calamiteux débat retransmis par la télévision, en multipliant les mensonges et les dénis de réalité, leur seule stratégie d’opposition.  Certains journaux régionaux ont même écrit qu’en écoutant les représentants madrilènes du parti socialiste et de Podemos, ils avaient eu le sentiment de découvrir l’existence d’une « réalité parallèle » (les libertés accordées par la présidente lors de la pandémie auraient plongé la région une sorte d’apocalypse, où règneraient la misère et la mort). Enfin, en catastrophe, les leaders des deux gauches rivales qui s’étaient opposées pendant la campagne ont décidé d’une alliance (« démocratie contre fascisme »), moins de deux semaines après avoir annoncé qu’il n’y en aurait jamais. Cette ligne fluctuante a poussé, d’après les analystes, les électeurs centristes, déçus par Ciudadanos, tentés de voter PSOE mais horrifiés par l’extrême gauche de Podemos, à aller voter pour le PP.

 

            En conclusion, il semblerait que l’Espagne soit revenue au bipartisme idéologique et que la tentation du grand centre soit en train d’exploser. Le choix d’une droite décomplexée, fière de ses valeurs, ne se dispersant pas dans les attaques contre l’extrême droite comme s’il s’agissait, honteuse, de prouver qu’elle n’est pas ce que la gauche dit qu’elle est, mais indiquant clairement sa priorité et son principal adversaire, i.e. la coalition de gauche, a porté ses fruits au-delà de toute attente. En témoigne également la très forte mobilisation des électeurs qui sont revenus aux urnes.

            En dépit des différences culturelles, dans les institutions, et de deux histoires différentes, l’Espagne et la France se ressemblent. Sans doute y a-t-il dans ce triomphe du Partido Popular dans les élections régionales, des leçons à tirer pour la droite française qui cherche désespérément, en ce moment, un cap et une colonne vertébrale. Lorsqu’elle affirme fièrement qui elle est, ce qu’elle veut, qu’elle avance en fonction de ses valeurs et non pas en répondant en permanence aux procès d’intention de ses adversaires qu’elle semble parfois vouloir séduire et convaincre de sa respectabilité, lorsqu’elle n’oublie pas quel est son principal adversaire et néglige (en ne la diabolisant pas)  l’extrême droite à laquelle la gauche la renvoie en permanence, lorsqu’elle n’est pas dans les dénis de réalité pour rassurer ceux qui souvent s’y complaisent au centre et à gauche, lorsqu’elle ne se perd pas dans d’improbables alliances qui l’éloignent de son ADN, la droite triomphe et  retrouve ses électeurs perdus. Et bien au-delà.


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(1) Un de nos lecteurs, Pierre Boixareu, nous envoie ce très intéressant commentaire concernant la Ciudadanos et sa proximité idéologique avec LREM :

"Ciudadanosest bien l'ancêtre de lrem. Son fondateur charismatique (Alberto Rivera) fut d'abord militant PS, puis PP avant de fonder C's sur la rhétorique utilisée plus tard par macron : d'abord parti catalan - Ciutadans, son bailleur de fonds était une petite caisse d'épargne régionale présidée par l'un de mes cousins qui m'avait rejoindre l'opération au commencement (le PP est laminé en Catalogne depuis longtemps, C's et le PSC sont les 2 partis représentatifs anti indépendantistes, et dans les terres profondément nationalistes, seul le PSC survit, ce qui m'a valu d'accepter de figurer sur leur liste aux dernières municipales; mon nom est connu sur le plan local, grand-père puis oncle maires, la liste PSC est passée d'1 à 3 élus sur 11 grâce à ma représentation connue à C's et au PP, les 8 autres sont indépendantistes ... -, il avait vocation à briser la spirale indépendantiste (comme le veut le PP) mais à réclamer plus de compétences - donc d'autonomie pour la Generalitat (comme ne le souhaite pas le PP). Son "en-même temps", en quelque sorte. Depuis le départ de Rivera, le parti ne cesse de s'effondrer. Au Parlement européen, C's et lrem siègent ds le même groupe "Renew Europe)"




par Aymeric Belaud 24 avril 2025
"Notre pays chute depuis 2020 et la période covid. De 66, sa note est descendue à 62,5 en 2024. Elle n’est certes pas la seule à voir son indice diminuer, mais elle reste une mauvaise élève parmi les pays développés. Elle a toujours été l‘une des dernières en Europe occidentale depuis la création de l’indice en 1995."
Une analyse intéressante de la liberté économique en France, pourtant qualifiée d'ultra libéral par certains ...

par Bernard Carayon 9 avril 2025
Magnifique tribunedans le JDD de notre ami Bernard Carayon qui souligne parfaitement toutes les incohérences de la Commission Européenne  en matière de défense !

par Pauline Condomines (VA) 8 avril 2025
"Ce mercredi 26 mars, au Palais des Sports, une conférence sur la menace islamiste a rassemblé un large public au Palais des Sports de Paris. Bruno Retailleau, Manuel Valls et de nombreux militants, chercheurs et auteurs ont appelé à la lutte contre un fléau qui “menace la République”."

par Lignes Droites 5 avril 2025

Nouveau grand succès pour la conférence de Lignes Droites du 3 avril !

Tous nos remerciements à Monsieur Patrice Michel pour son exposé très pédagogique sur le système judiciaire français, ses liens avec les instances européennes, son histoire, et son organisation au sein des différentes justices administratives, civiles et pénales.

Tous les participants (environ 75 personnes) ont particulièrement apprécié la clarté de cet exposé et quelques idées pour améliorer son efficacité. Deux rappels essentiels ont été fait :

- notre système judiciaire est là pour faire respecter la loi et bon nombre des reproches qui lui sont fait viennent en fait du politique.

- la neutralité de la justice française a été largement entamée par certains individus, en particulier issus du syndicat de la magistrature. Ce devrait être au Conseil Supérieur de la Magistrature de garantir cette neutralité politique.  Mais sans doute par corporatisme et lâcheté, il n'intervient pas assez, même face à des situations extrêmes comme celle du "mur des cons". Là encore ce devrait être au politique d'avoir le courage de mener à bien les réformes nécessaires pour s'assurer du bon fonctionnement du Conseil de la Magistrature.

par Maxime Duclos 4 avril 2025

Aujourd’hui, la France traverse un moment décisif. Dans une décision qui ne laisse aucun doute, Marine Le Pen se voit infliger une peine d’inéligibilité, à seulement deux ans des présidentielles. Ce verdict dépasse largement le simple domaine juridique pour s’inscrire dans un affrontement politique direct.

La magistrate Bénédicte de Perthuis affirme s’inspirer d’Eva Joly pour son parcours judiciaire et son engagement en tant que magistrate. Elle l’a d’ailleurs déclaré sans ambiguïté : « Eva Joly a changé mon destin. » lors d’un podcast en 2020. Une phrase forte, qui traduit bien plus qu’une simple admiration professionnelle. On y perçoit une affection profonde pour une figure dont les opinions, notamment sur la justice, sont tranchées et assumées.

Mais Eva Joly, au-delà de son parcours de magistrate, reste aussi un personnage politique clivant, dont l’engagement écologiste et les prises de position marquées ne laissent personne indifférent. L’apprécier, c’est souvent adhérer aussi, d’une certaine manière, à une certaine vision du monde et des combats idéologiques. Dès lors, difficile d’ignorer que cette inspiration, aussi sincère soit-elle, puisse laisser planer un doute sur une possible proximité idéologique.

Dans ce contexte, le Syndicat de la magistrature, connu pour ses positions marquées à gauche et ayant publiquement appelé à voter contre l’extrême droite le 12 juin 2024 ajoute une dimension particulière à cette affaire. Cette prise de position contribue à brouiller la frontière entre engagement idéologique et impartialité judiciaire.

Dès lors, difficile de ne pas voir dans cette condamnation un verdict dont l’écho dépasse le cadre strictement juridique pour résonner sur le terrain politique, au moment même où se prépare une échéance électorale majeure.

Encore plus inquiétant, l’identité des deux assesseurs qui ont participé au verdict reste inconnue, un manque de transparence qui renforce le sentiment d’un coup d’État judiciaire. Ce flou soulève des questions cruciales sur l’impartialité et l’indépendance de notre système judiciaire, surtout à l’approche d’un scrutin historique.

Ce moment demeure un symbole fort : la justice, qui devrait être la gardienne impartiale de nos lois, se retrouve aujourd’hui au centre d’interrogations profondes. Si la magistrate ne revendique pas ouvertement d’engagement politique, son admiration pour une figure aussi marquée qu’Eva Joly, ainsi que le contexte entourant cette décision, peuvent laisser penser que son jugement pourrait être influencé par une certaine orientation idéologique. Cela envoie un message clair à l’ensemble du paysage politique français et soulève inévitablement des questions sur la frontière, de plus en plus ténue, entre justice et politique.

Face à cette situation inédite, la nécessité de transparence s’impose, et il est essentiel que les interrogations sur l’indépendance de la justice soient pleinement abordées. Ce moment marque un tournant dans la vie politique française et pose une question fondamentale : la justice peut-elle encore être perçue comme une institution neutre, ou court-elle le risque d’être influencée par des dynamiques idéologiques qui dépassent son cadre strictement juridique ?

Comme l’ont souligné plusieurs responsables politiques, dans un moment aussi décisif, même si une condamnation doit être prononcée, le fait de rendre Marine Le Pen inéligible à seulement deux ans des présidentielles soulève des doutes légitimes sur la volonté politique et idéologique de l’empêcher d’accéder au pouvoir. Selon des estimations récentes de l’IFOP, Marine Le Pen aurait eu la possibilité d’obtenir entre 34 et 38% des voix au premier tour des présidentielles de 2027, selon plusieurs sondages récents. Cette décision semble dépasser le simple cadre juridique. Ce choix, dans un contexte aussi crucial, appartient au peuple et non à une juridiction.

Il en va de la confiance des 11 millions d’électeurs qui, sans pouvoir débattre, parlementer ou exercer leur droit démocratique, se voient privés de la possibilité de voter pour la représentante politique qui, selon les projections, aurait toutes les chances de jouer un rôle clé dans la politique de 2027. Cette décision semble porter une forme de nonchalance envers ces électeurs, en les privant de la possibilité d’exprimer leur voix de manière libre et démocratique. Ce n’est pas simplement une question de légalité, mais une tentative potentielle de déstabiliser le Rassemblement National, d’affaiblir ses capacités à se renforcer et à atteindre, d’ici 2027, une représentativité de 37% des suffrages, au moment où le débat politique pourrait être radicalement transformé par leur ascension.



NDLR : Merci à Maxime Duclos pour ses billets d'humeur toujours très intéressant. On pourrait ajouter queBénédicte de Perthuis n'avait pourtant pas une réputation de sévérité particulière puisque c’est elle qui avait prononcé la relaxe du ministre Olivier Dussopt, jugé pour favoritisme (et finalement condamné en appel !). Deux poids et deux mesures ?


par Pierre Lemaignen 2 avril 2025

Par la voix d'Eric Lombard, le ministre de l’économie, Bpifrance annonçait la semaine dernière vouloir collecter 450 millions d’euros auprès des Français pour les entreprises de défense, et la création à cette fin d’un fonds baptisé « Bpifrance Défense », réservé aux particuliers et destiné à la défense et à la cybersécurité.

Voyons le côté positif des choses : les Français vont peut-être enfin découvrir ce qu'est le private equity et ses bienfaits ! Sur la période 2013/2023, les rendements du private equity français ont été de l'ordre de 13% brut. Quelqu'un qui aurait investi 500 € en France dans cette classe d'actifs aurait aujourd'hui un capital net de frais d'environ 1000 €. Sur le papier, cet investissement a donc tout pour plaire avec des entreprises qui existent déjà et qui sont souvent bien implantées, un marché a priori florissant dans les années à venir et a priori une montagne de commandes à venir. Mais comme cela est répété pour toute publicité pour un placement financier : " Les performances passées ne préjugent pas des performances futures ". Car dans ce cas de figure en particulier, il y a des hics et pas des moindres ... Le problème essentiel n'est pas l'investissement ! Il y a énormément d'épargne et de trésorerie sur le marché actuellement. Le problème essentiel c'est qu'il faut des commandes sur le long terme. Or ces commandes publiques annoncées par les pays européens seront-elles encore là dans cinq ans ?

Il faut souligner plusieurs aspects sur le risque qui porte sur ces commandes publiques en particulier pour la France :

1. Chaque pays européen va investir en fonction de deux logiques :

- diplomatique : certains continueront à acheter du matériel américain quoi qu'il arrive

- industrielle : les commandes seront soumises à des impératifs nationaux pour soutenir l’industrie locale.

On peut donc toujours mettre en avant les investissements prévus pour l'ensemble de l'Europe, l'essentiel des retombées pour l'industrie française seront essentiellement issues de la politique nationale et pas seulement européenne ...

2. Quelle confiance peut-on avoir dans les annonces d'aujourd'hui ? L'Europe a toujours été une vraie girouette sur les sujets relatifs à la défense européenne, à la fois en termes de stratégie et d'investissement.

Encore aujourd'hui, un label ESG dans ce domaine est, de fait, quasi impossible (aux côtés de l’alcool, du tabac et des jeux d’argent ...).

Même la France qui a pourtant fait partie des bons élèves en termes d'investissement dans le domaine de la défense n'a pas toujours fait preuve d'une réelle constance (en particulier sous Hollande).

Au lendemain d'un inéluctable traité de paix signé entre l'Ukraine et la Russie dans l'année à venir, ou après un hypothétique effondrement du régime russe dont ils rêvent tous, l'hystérie collective de nos dirigeants européens sera-t-elle encore d'actualité ?

3. Acheter des chars est un investissement qui trouvera toujours des détracteurs acharnés dans notre société. Bien malin est celui capable aujourd'hui de nous dire qui sera au pouvoir en France en 2030 à l'échéance de ce fond d'investissement.  

4. Comment la France compte tenu de son endettement pourra-t-elle financer ces investissements ? Compte tenu de notre niveau d'endettement, il faudra soit augmenter la fiscalité (mais nous sommes déjà champion du monde ce qui plombe nos entreprises), soit trouver des arbitrages au détriment d'autres dépenses ... Mais quels sont les arbitrages que les français accepteront : la justice ? l'éducation ? La santé ? Je ne vous parle même pas des retraites ! Certains sondages montrent qu'une majorité de Français (et j'en fais partie) est favorable aujourd'hui à cette politique de réarmement ... Mais dès que le même sondage pose des questions sur les moyens de financer cette politique, d'ores et déjà, cette majorité s'effondre. Qu'en sera t'il dans deux ou trois ans ?

La France fait déjà aujourd'hui face à un mur de la dette absolument vertigineux ( la question n'est pas son existence mais la distance à laquelle il se trouve et le temps qu'il nous reste avant qu'on se le prenne en pleine figure) et une incapacité depuis 50 ans à apporter la moindre réforme à son modèle social. Comment peut on considérer sérieusement les annonces d'augmentation du budget français de la défense de plusieurs dizaines de milliards d'euros ?

Bref, ce type de financement peut éventuellement être une poule aux œufs d'or. Il présente aussi des risques intrinsèques majeurs ! Et il faudra regarder en détail l'offre qui sera faite et analyser de manière très prudente les engagements sur les commandes à venir. Mais il est fort à craindre que dans la précipitation, nous soyons en train de mettre la charrue avant les bœufs pour participer au développement de nos entreprises !

par LR31 1 avril 2025
par Lignes Droites 13 mars 2025
Lignes Droites soutiendra toutes les candidatures d’union des droites. Bonne chance à David Gerson et à sa future équipe !

par Emmanuel Chaunu 13 mars 2025
par Maxime Duclos, adhérent Lignes Droites 10 mars 2025
Billet d'humeur d'un de nos adhérents,Maxime Duclos :  


En 1997, l’année de ma naissance, le taux de fécondité était de 1,71 enfant par femme, un chiffre déjà bien inférieur au seuil de remplacement des générations, estimé à environ 2,1 enfants par femme, sans que cela signifie pour autant que la parentalité allait de soi. Mais en 2024, les chiffres sont sans appel : 1,62 enfant par femme, et une chute des naissances qui semble inarrêtable. Comment en est on arrivé là ? Et surtout, pourquoi les jeunes d’aujourd’hui ne veulent-ils plus fonder de famille ?

La natalité française a connu une première chute importante après 1972, Mai 68 a profondément transformé la société française, et même si la chute de la natalité après 1972 n’est pas directement causée par ces événements, ils ont joué un rôle dans l’évolution des mentalités et des comportements qui ont ensuite influencé la fécondité. L’entrée massive des femmes sur le marché du travail, l’accès à la contraception et la légalisation de l’IVG en 1975 ont profondément modifié les comportements familiaux. Cependant, après cette période de déclin, la fécondité s’est stabilisée autour de 1,8-2 enfants par femme pendant plusieurs décennies. Depuis 2010, en revanche, la chute est spectaculaire : entre 2010 et 2024, le nombre de naissances est passé de 832 800 à 663 000, soit une baisse de 21,50 %. Un effondrement historique qui ne cesse de s’accélérer, sans qu’aucun véritable sursaut ne semble pointer à l’horizon.

Les raisons sont multiples, mais elles pointent toutes vers une réalité inquiétante : avoir un enfant en 2024 est devenu un choix difficile, parfois même un luxe. Pourtant, il est essentiel d’être honnête avec nous-mêmes : la précarité économique, bien que réelle, n’explique pas tout. Trop de jeunes se cachent derrière cet argument pour justifier un refus d’engagement bien plus profond. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui préfèrent "profiter" avant d’avoir des enfants, cherchant un confort personnel au détriment de la responsabilité collective. Cette mentalité est en partie héritée d’une éducation plus permissive, où les limites ont été repoussées, où la contrainte est devenue un gros mot. Les méthodes pédagogiques modernes, comme Montessori, sont souvent citées comme un progrès, mais elles traduisent aussi un changement de paradigme issu des transformations post-68 : un enfant doit s’épanouir à son rythme, être libre de ses choix, et ne pas être contraint. Résultat ? Une génération qui repousse l’effort, qui cherche avant tout son propre bien-être, et qui voit la parentalité comme une privation de liberté plutôt que comme un accomplissement.

Au-delà de cette évolution sociétale, l’idée même de nation s’efface. Faire des enfants, c’est assurer le renouvellement des générations, maintenir une dynamique économique, préserver un équilibre social. Or, nous vivons dans une société où l’individualisme prime sur l’intérêt collectif. Nous consommons, nous voyageons, nous vivons pour nous-mêmes sans nous soucier des répercussions à long terme. Cette quête incessante de liberté, ce refus des obligations, nous mènent à une impasse. Car moins de naissances, c’est aussi moins de travailleurs demain, une économie qui s’essouffle, et des systèmes de retraite qui s’effondrent. Nous ne voulons plus d’enfants, mais qui paiera alors pour notre vieillesse ?

Peut-on encore inverser la tendance ? Il ne s’agit pas de forcer les jeunes à avoir des enfants, mais de redonner du sens à la parentalité. Il faut retrouver un intérêt commun, réapprendre à voir l’avenir autrement que par le prisme de la jouissance immédiate. Faire des enfants, ce n’est pas seulement une contrainte, c’est une transmission, une continuité, un acte fondateur pour une société. Il faut redonner envie, réhabiliter la famille comme un pilier essentiel du bien-être personnel et collectif, et non plus comme une entrave. Tant que nous resterons enfermés dans cette quête illusoire de liberté absolue, tant que nous refuserons de voir au-delà de notre propre existence, la chute des naissances n’aura aucune raison de s’arrêter. Et avec elle, c’est tout un modèle de société qui s’effondrera.

Sources :

INSEE “Bilan démographique annuel”

INED “Pratiques parentales et enfance"

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