Dans le regard d'en face
Récemment une trentaine de cadres du PS publiaient dans le JDD à l’initiative de Sébastien Vincini, patron de la fédération de Haute-Garonne un manifeste dit pour un « progrès partagé ». Je vais peut-être vous surprendre en vous disant que c’est un document de grande valeur non seulement pour la pensée de gauche en France, mais aussi pour la droite.
Trois raisons nous permettent de dire cela.
Première raison : une base de réflexion et de départ solide
Il y a d’abord la capacité de donner une base solide et un large écho à ce manifeste qui en soi n’est qu’une motion à vocation majoritaire en préparation du prochain congrès du PS. La démarche n’est pas celle d'un simple regroupement d’élus et de cadres sur une photo, tare moderne de la pratique politique contemporaine. Elle est surtout une vision commune, un regroupement d’idées qui intervient à un moment ou Générations (mouvement de Benoît Hamon) attire une partie de la pensée de gauche autour d’une vision du monde assez travaillée et revisitée issue de la campagne des primaires et de celle à l’élection présidentielle de son leader. Ainsi, ce manifeste est la première réaction intellectuelle construite et volontaire du PS et cela n’a aucune importance si elle arrive des territoires et non pas du sommet.
A droite, pour l’instant rien de cela. Chez les LR, le parti sort d’une élection interne menée davantage sur des postures et des tendances par rapport à des attentes électorales et un besoin de regroupement. Tristement les perdants de cette élection s’empressent de contester déjà l’aura, l’autorité et les choix du chef. Le tout est pour l’instant dépourvu de contenu, puisque ce contenu devrait justement être l’œuvre majeure et la mission principale pour laquelle Laurent Wauquiez avait été élu : refonder les LR sur un socle de valeurs inspirés de la sensibilité qu’il a bien voulu porter dans son discours et ses promesses. Alors, avant même de pouvoir travailler, on lui fait un procès d’intention et on pose des conditions à sa liberté de réflexion et de parole. Bien entendu, sans tenir compte de la légitimité qui est la sienne et qui est celle des urnes ! La règle démocratique de la majorité est ainsi contestée, bafouée. Contrairement au PS ou la motion précitée n’est qu’à « vocation majoritaire », chez les LR la majorité est déjà définie, mais le contenu, les orientations et les idées sont contestés puisqu’ils n’ont jamais été présentés comme une vision du monde. Il y a là un défaut de base solide.
Du côté souverainiste, un mouvement comme le MPF anciennement fondé par Philippe de Villiers reste bloqué dans une éternelle attente du retour espéré de son leader charismatique. Chez Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan, on note un repli sur des positions assez aseptisées et classiques et réduites au plus petit dénominateur commun de ce que les uns et les autres peuvent accepter au sens du mouvement après son aventure électorale de 2017. Enfin, au FN, c’est la lutte des cartels de pouvoir au sein même d’un cartel familial. Pourtant le moment est plus propice que jamais au développement d’une pensée souverainiste en Europe (regardons le Brexit, la fronde des 12 pays d’Europe centrale et orientale, les frustrations de l’Italie, le besoin de ressourcer l’unité espagnole, l’incapacité d’assimiler une aussi grande vague migratoire…), à une vision d’un monde plus respectueux de la diversité des identités nationales, à l’affirmation d’un socle civilisationnel non négociable. Rien de cela et aucun travail de reconstruction d’une vision du monde! Il serait péremptoire de dire que les droites françaises sont en échec. Ce qui est certain en revanche c’est qu’elles sont commotionnées et elles font preuve d’une terrible lenteur. Une lenteur intellectuelle.
Le centre ne mérite pas d’être évoqué dans ces lignes car n’étant rien d’autre qu’une approche circonstancielle du monde entre « ni…ni… » et « à la fois…et en même temps… ». La posture centriste est une démarche de gestionnaire, non pas de leader. Le centre sera toujours une posture périphérique mais nécessaire à ceux qui auront l’audace d’imaginer l’avenir et en assumer les risques de leurs dessins.
Le deuxième raison pour laquelle le manifeste du PS est si pertinent c’est parce qu’il traite justement des valeurs et d’une certaine vision du monde.
Certes, un lecteur ancré à droite (et même parmi les centristes) n’y trouvera pas son compte, ni son âme dans certaines de ces valeurs et cette vision du monde de la gauche française. Mais elles ont le mérite d’être courageusement annoncées, d’être assumées et de donner un cap au-delà de la désignation d’un éventuel capitaine ou des moyens pour y parvenir à la simple gestion du pouvoir. Etre de droite signifie être à un bout d’un mouvement de balancier qui doit sereinement porter notre société dans son mouvement en face entre les visions du monde de la gauche et celle de la droite.
Il est rassurant d’avoir un critique et un contradicteur, car cela nous oblige à nous surpasser dans la recherche de nos valeurs, à en être convaincus et à argumenter. A contrario, sans ces visions si fortes et clivantes du monde nous n’y trouverons que des compromissions au lieu des valeurs et cela s’appelé vulgairement « des intérêts », pas de conviction (donc pas d’avis) et l’adhésion acclamative bête et béate sans la force des arguments (l’antichambre des totalitarismes et de la dépersonnalisation).
Voyons dans ce manifeste un défi pour la gauche, mais aussi un vrai défi pour la droite qui est maintenant obligé d’arrêter de se cacher derrière le doigt et proclamer elle aussi ses valeurs et sa vision du monde. Et cela librement, sans auto-censure et en assumant les éventuelles imperfections. Comme le font ces trente cadres du PS ayant emboîté le pas de Sébastien Vincini.
Si la pensée de droite n’a pas l’énergie d’une méthode, elle pourrait tout simplement s’emparer de ce manifeste, le commenter, le critiquer et y opposer des valeurs et une vision du monde alternative…
Poser la question fondamentale de l’utilité sociale d’une formation politique est la troisième raison qui donne de la valeur à ce manifeste
Le monde des partis a connu un glissement manifeste du rôle de réflexion et principal médiateur dans le champ social et sociétal à celui de simple gestionnaire des forces militantes et des guichets d’investitures (surtout par la proximité et le nombre des échéances électorales plus propices à la distribution des rôles qu’à la réflexion de fond). Le séisme des élections présidentielles et législatives de 2017 oblige les partis à se repenser et à se remettre en cause. Il s’agit pour les appareils d’assumer leur part de responsabilité dans les défaites, de renouveler les méthodes et les pratiques. Mais ce qui est encore plus important c’est le fait que pour la première fois le répit électoral donne le temps nécessaire à cet œuvre de « pansement des plaies » et de « rééducation ». Car, tel un estropié et accidenté de la vie, il faut réapprendre a vivre en société avec les nouvelles contraintes, conscient du fait qu’il sera impossible de retrouver ce qu’il a perdu, qu’il ne sera plus jamais le même et qu’il ne verra plus le monde de la même façon et que le monde le regardera différemment.
Le manifeste du PS parle de « nouveaux outils » et de « nouvelles pratiques ». Cela nécessite de la force, de l’exemplarité et du courage, car je suis toujours sidéré de voir à quel point on se réjouit de voir à droite des militants se lever contre le système des primaires sans leur en expliquer les vertus. D’abord les primaires en tant que nouvelle pratique ont apporté un début de débat sur le fond, sur les valeurs, sur les façons de faire. Cela nous a permis d’écouter, d’adhérer, d’être déçus, en tout cas de choisir un minimum « sur pièces ». Ensuite, contester les primaires c’est finalement s’insurger contre un principe démocratique. C’est bien cela que d’avoir peur de se soumettre à la règle démocratique et laisser à un "conclave d’assassins" vous imposer le meilleur d’entre eux, déjà paralysé dans ses choix et son action future par les « ascenseurs qu’il aura à renvoyer » en guise de remerciement aux complices de sa victoire.
Il reste, certes le débat des primaires ouvertes. La force des convictions entraine des adhésions massives à un projet et ouvre le monde des partis à des citoyens non engagés. Cela ne peut être au final que vertueux et légitimant. Cependant beaucoup de militants ont vécu avec le sentiment et la peur d’un vote parasite et impertinent par des gens venus d’autres horizons de valeurs dans le but était celui de saboter le résultat final. Soyons sérieux, le plébiscite des gagnants des primaires - d’un bord comme de l’autre - était tel que même si de tels comportements ont pu exister, ils n’auraient que peu influencé l’issue finale.
La conclusion est donc une rupture flagrante entre le choix assumé et courageux des électeurs (militants, sympathisants et simples citoyens) et ce qui aurait été « stratégiquement bon » pour les appareils. Et la chute que les partis nous suggèrent joue sur notre peur « primaire » de l’adversaire et propose la fin de l’expérimentation démocratique. Cela mérite réflexion et méfiance. Et cela demande surtout au-delà de « nouveaux outils » et « de nouvelles pratiques », de nouvelles cartes mentales de la part des appareils politiques et des élus qui les incarnent.
Les partis sont paradoxalement déclassés aujourd'hui par un monde « jupitérien » qui fait naviguer les citoyens sur d’autres orbites, en apparence libérés des attractions habituelles, mais aspirés par un immense trou noir sans aspect, sans contenu et qui souhaiterait absorber tout et toute raison par une inavouée propension totalitaire et absolue.
Les partis doivent se réinventer, inventer la force de leur attraction, porter un message incarné par des valeurs assumés et des comportements qui y concourent. Les partis ont toujours été condamnés à travailler avec les angoisses et les espoirs des gens. Mais apaiser une angoisse ne signifie pas seulement l’énoncer, comme d’ailleurs énoncer l’espoir ne signifie pas lui donner une chance de s’accomplir. L’utilité sociale des formations politiques est un vrai enjeu.
Les formations politiques, les partis, retrouveront leur lettre de grandeur quand le dire pour exister et gagner la confiance laissera la place à « Vous permettre de dire, pour que Nous fassions et redonnions confiance ».
L’utilité sociale d’un parti ne peut être évaluée qu’à l’aune à la fois d’une vision du monde et à la fois des pratiques qui seraient toutes au service de l’intérêt général.
Parce que réfléchir à droite signifie se nourrir de ses propres expériences, de ses convictions et ses idées, mais aussi de la connaissance de la vision du monde de nos plus courageux contradicteurs, voyons qu’elle est la part de réflexion et d’introspection sur les valeurs que nous pourrions tirer de la lecture de leur manifeste. C’est à cet exercice que je vous invite. Il ne saurait être complet et complété que par notre propre et si attendue catharsis :
" Beaucoup a été dit sur les causes de la défaite des socialistes en 2017 : divisions, usure du pouvoir, renoncements et reniements. Mais n’oublions pas la dimension la plus grave, la marginalisation idéologique. Le Congrès d’Aubervilliers, ne pourra pas être le congrès de toutes les réponses mais il s’agira bien de la question fondamentale pour une formation politique : celle de son utilité sociale. C’est à celle-ci qu’il convient d’apporter une réponse et tout en faisant émerger de nouveaux outils et de nouvelles pratiques politiques.
La victoire du prétendu "ni de droite ni de gauche" a sidéré l’opinion publique et bousculé le paysage politique. Six mois plus tard il reste une vision moins idyllique. La loi de l’individualisme s’impose et le Président de la République peine à réduire la fracture entre gagnants et perdants de la modernité alors même que ce qui fait nation réside justement dans ce sentiment que le progrès sera partagé. La cohésion d’une société ne se décrète pas par éléments de langage distillés à la télévision.
Ce libéralisme nous montre également son incapacité à répondre à l’urgence climatique
La forme contemporaine du libéralisme se traduit par des mutations technologiques et sociétales d’une ampleur inédite. Nous sommes bel et bien face à un nouveau monde, mais celui-ci ne se résume pas à un rajeunissement du personnel politique ou à l’arrivée massive de DRH à l’Assemblée. Il est avant tout celui d’une violence sociale sans précédent, d’une rupture des mécanismes de solidarité, d’une remise en cause permanente des protections collectives.
Ce libéralisme nous montre également son incapacité à répondre à l’urgence climatique et sa cécité face à l’ère anthropocène qui s’annonce. C’est d’ailleurs logique, le libéralisme économique considérant que le bien commun n’est rien d’autre que la somme des intérêts individuels, il est incapable d’affronter un défi qui nous dépasse tous, qui nécessite un sursaut collectif qui est contraire à l’essence même de sa doctrine.
La faillite de la social-démocratie européenne complique encore davantage notre tâche face à ces nouveaux enjeux : un sentiment d’impuissance voire de complaisance vis-à-vis de la mondialisation et du capitalisme s’est installé. C’est l’idée même du progrès qui est mise en cause face aux risques climatique et écologique, tout autant que face à l’incompréhension devant les mutations engendrées par la révolution technologique et de l’intelligence artificielle. L'action dans les territoires est sans doute le levier le plus puissant pour agir efficacement sur la vie des citoyens.
Nous devons comprendre ces nouvelles douleurs contemporaines. C’est en ce sens que le PS doit faire l’effort de compréhension avant de vouloir et de pouvoir être force de proposition.
Pour cela, l’action dans les territoires est sans doute le levier le plus puissant pour agir efficacement sur la vie des citoyens. C’est là que doit se mener concrètement le combat, de l’écoute, de l’action et de la preuve. Seule cette proximité et ce caractère concret peuvent permettre de regagner la confiance. C’est pourquoi le territoire est, et doit être au centre de la refondation du PS. Le territoire c’est le réel.
Beaucoup dans leur vie quotidienne se ressentent du côté des perdants et éprouvent un sentiment de dépossession et de déclassement. Notre projet doit être marqué par l’exigence de « vies dignes » pour tous en leur apportant la protection qui est un droit (accès à la santé, à un logement digne, au bien-être au travail, à une protection sociale de qualité pour tous les travailleurs), en renforçant leur confiance dans le progrès à laquelle ils aspirent ((tiers de confiance, intimité numérique), en faisant appel à l’innovation sociale, comme l’expérimentation lancée récemment par des départements sur le revenu de base. L’Europe doit devenir une Europe-providence pour atteindre le meilleur niveau possible de bien-être économique, social et culturel
C’est pourquoi le PS doit proposer un projet de société des Nouveaux possibles Maîtrisés s’articulant autour de nouveaux communs qui sont une redéfinition des services publics notamment à l’aune de la révolution numérique, un nouveau modèle productif écologique, de nouveaux droits sociétaux et de nouveaux mécanismes redistributifs qui poursuive le combat pour l’égalité
L’Europe dans ce contexte doit devenir une Europe-providence pour atteindre le meilleur niveau possible de bien-être économique, social et culturel pour ses peuples, et une puissance pour mettre l'humain au cœur de la mondialisation.
Nous devons porter notre idéal républicain d’émancipation et d’accomplissement de chacun par l’accès de tous à l’éducation, à la culture, à l’art, et à la garantie pour chacun d’un temps de loisir suffisant pour pouvoir s’épanouir, alors que les mutations du monde du travail posent la question de la déconnexion et de la capacité à échapper à une vie passée entre les transports et l’entreprise. Cet idéal est le meilleur rempart contre le réveil de particularismes identitaires sources de division. À contre-courant de l’uniformisation, qui génère pertes de repères et d’identité dans un monde où tout se dématérialise, notre identité repose à la fois sur des patrimoines culturels et historiques, auquel il faut redonner de la vie et du sens, en bâtissant la deuxième phase de l’exception culturelle.
Ce nouveau cadre idéologique du socialisme sera celui de l’affirmation de nos valeurs humanistes face à une techno-finance sans contrôle. Le Congrès d’Aubervilliers doit être une première étape vers la construction d’une nouvelle doctrine, celle où le progrès est mieux partagé, un nouvel horizon à dessiner, pour que les Français considèrent à nouveau le socialisme comme un chemin d’espoir."
Les premiers signataires :
Sébastien Vincini (1er Féd Haute-Garonne), Valérie Rabault (Députée, 1er Féd Tarn-et-Garonne), Emmanuel Grégoire (1er Féd Paris), Gabrielle Siry (SN), Edouardo Rihan Cypel (SN), Nicolas Brien (1er Féd Allier), Sébastien Denaja (SN), Annie Guillemot (Sénatrice, co-resp. Rhône), Gilbert-Luc (Sénateur, co-resp. Rhône) et Sylvie Guillaume (Députée européenne, co-resp. Rhône), (Boris Faure (1er Féd Français de l’Etranger), Didier Steinville (1er Féd intérimaire Hautes-Alpes), Emmanuelle De Gentili (1er Féd Haute-Corse), Etienne Lejeune (1er Féd Creuse), Frédéric Orain (1er Féd Loir et Cher), Guillaume Crépin (1er Féd Cher), Guillaume Mathelier (1er Féd Haute-Savoie), Jean-Jacques Thomas (1er Féd Aisne), Joël Carreiras (SN), Laurent Cervoni (SN), Marc Mancel (SN), Maxime Picard (1er Féd Morbihan), Nathalie Malmberg (SN), Nicolas Sfez (SN), Philippe Dussert (1er Féd Hautes-Pyrénées), Rémi Demersseman (SN), Stéphane Ibarra (1er Féd Vendée), Sylvain Mathieu (1er Féd Nièvre), Vincent Recoules (1er Féd Tarn), Vincent Véron (1er Féd Orne), Olivia Polski (adjointe Paris, Secrétaire Nationale)
1er Fed : 1er fédéral de département
SN : Secrétaire national


Les trois piliers du vote à droite — immigration, insécurité, identité — forment désormais un socle commun
Ce que les états-majors n’osent pas faire, les électeurs le feront



EXCLUSIF- Après les révélations du Figaro sur l’existence de dizaines de millions d’euros de subventions attribuées à des organismes proches de l’islam radical, le ministre délégué chargé de l’Europe Benjamin Haddad tape du poing sur la table, et appelle à renforcer la lutte contre les discours de haine.
Paris fera-t-il plier Bruxelles? Selon les informations exclusives du Figaro , la France va dénoncer très prochainement auprès de la Commission européenne les multiples financements que l’UE a attribués à des organismes promouvant l’islam radical, l’antisémitisme ou le séparatisme.
Dans une note consultée par Le Figaro , qui sera portée par le ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad, Paris appelle «l’Union européenne à redoubler ses efforts» dans la lutte contre l’antisémitisme et contre les discours de haine, et à «défendre les valeurs européennes (...) en évitant tout financement à des entités et personnes hostiles aux valeurs européennes». Ces « défaillances (...) sont de nature à nuire gravement à l’adhésion de nos concitoyens au projet européen» , peut-on aussi lire.
«Scandales réguliers»
D’après une source proche du dossier, cela fait suite à des «scandales réguliers» qui ont été révélés par Le Figaro il y a quelques semaines, et qui «démontrent un défaut de vigilance de la Commission et une capacité des organisations islamistes à se jouer de sa naïveté».
Rappelons en quelques lignes le fonctionnement des subventions européennes. En théorie, toutes organisations cherchant à en profiter doivent porter des actions «respectant les valeurs de l’UE» , à savoir la liberté, la démocratie, l’égalité, l’état de droit ou les droits de l’homme. Une fois les subventions approuvées en commissions - et il en existe pléthore -, elles sont référencées dans le système de transparence financière (STF), un site internet public dont le contenu est actualisé tous les 30 juin, et accordées dans le cadre de «programmes» et par des agences européennes spécifiques.
À titre d’exemple, l’UE a engagé en septembre 2024 une contribution de près de 2,5 millions d’euros pour le projet «LIFE Vinoshield» , qui cherche à protéger les vignes européennes contre les effets du dérèglement climatique. Un autre projet plus controversé, celui du « Coran européen » , qui souhaite prouver que «le Coran a joué un rôle important dans la formation de la diversité et de l’identité religieuses européennes médiévales et modernes» , a lui reçu 9,8 millions d’euros de subventions du Conseil européen de la recherche depuis son lancement en 2019. Des dizaines de milliers de projets aux ambitions aussi diverses que variées sont référencées ainsi sur le STF.
Une université qui appelait à l’«intifada mondiale»
Avec cette note, le gouvernement entend surtout dénoncer les organisations proches de l’islam radical ayant profité de l’argent européen. L’association FEMYSO, pour «Forum des organisations européennes musulmanes de jeunes et d’étudiants» , qui représente une trentaine d’associations de jeunesse dans 22 pays européens, est notamment en ligne de mire. Elle a reçu plus de 210.000 euros de l’UE. Pourtant, l’association a toujours été réputée comme étant proche des Frères musulmans.
Après avoir critiqué plusieurs lois françaises, notamment celle interdisant le port de signes religieux ostentatoires à l’école, FEMYSO, par la voix de sa présidente Hande Taner, avait critiqué la France dans une vidéo en novembre 2021, dans laquelle elle clamait que «la plus grosse exportation de la France est le racisme». Des propos tenus après le retrait d’une campagne de communication que l’association avait réalisé pour le Conseil de l’Europe, qui mettait en avant des affiches pro-voile, sur lesquelles on pouvait lire: «La beauté se trouve dans la diversité comme la liberté dans le hidjab» ou «Apportez de la joie, acceptez le hidjab».
L’ONG internationale Islamic Relief Worldwide a, elle, reçu pas moins de 18.834.433 euros de l’Europe entre 2014 et 2020. Cette association qui se présente comme caritative a pourtant été classée comme «terroriste» par Israël, la soupçonnant de financer le Hamas. L’un de ses responsables avait aussi qualifié en 2020 les juifs de «petits enfants de singes et de porcs». Son successeur avait lui caractérisé le Hamas comme étant le «plus pur mouvement de résistance de l’histoire moderne».
Les subventions versées à l’université islamique de Gaziantep sont également dans le collimateur de Paris. Cet établissement, situé en Turquie et qui a intégré le programme Erasmus+ en 2022, a profité d’un programme de subventions de 250.000 euros. Ses recteurs successifs avaient pourtant légitimé les mariages incestueux entre oncles et nièces, affirmé que les athées «adorent le diable» , que l’homosexualité est un «trouble psychologique» et appelé à une «intifada mondiale».
Près de deux millions d’euros ont aussi été versés à l’université islamique de Gaza, «établissement qui a accueilli des cadres du Hamas tels qu’ Ismail Haniyeh et Mohammed Deif » , expliquait au Figaro la sénatrice UDI de l’Orne Nathalie Goulet ( L’argent du terrorisme , éditions Le Cherche Midi, 2025).
«Lignes directrices»
Pour endiguer cette dilapidation d’argent public, la note portée par Benjamin Haddad soumet plusieurs propositions, comme la mise en place d’une «procédure de filtrage» et de «lignes directrices», pour que les agences européennes approuvant les subventions puissent être guidées face à des «concepts parfois abstraits, comme l’“hostilité aux valeurs européennes”», indique au Figaro notre source proche du dossier.
Elle appelle aussi à vérifier l’identité et les antécédents des personnes associées aux entités faisant la demande de financements. Actuellement, seuls les antécédents de l’entité elle-même sont scrutés - ce qui avait d’ailleurs été dénoncé en avril dernier par la Cour des comptes européenne dans un rapport au vitriol, portant sur l’opacité des subventions distribuées par l’UE. On pouvait y lire qu’ «aucune vérification n’est réalisée (par les gestionnaires) sur la dépendance financière ou les sources de financement (des entités subventionnées), alors que cela aurait permis d’obtenir des informations utiles sur les personnes qui se trouvent derrière (elles)».
La lutte contre l’antisémitisme comme priorité
Enfin, cette note prône une meilleure lutte contre l’antisémitisme, alors que les discours antijuifs ont explosé dans toute l’Europe depuis l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre 2023, et la guerre à Gaza qui a suivi.
Pour ce faire, Paris compte proposer d’étendre le champ des «eurocrimes» - ces méfaits considérés comme graves dans toute l’Union (terrorisme, mariage forcé...) - aux discours et crimes de haine.
La France appelle également la Commission à «utiliser tous les outils à sa disposition pour réguler les très grandes plateformes en ligne, en particulier grâce au règlement européen sur les services numériques (DSA)» , et à enseigner la mémoire de la Shoah dans tous les établissements scolaires en Europe.
La Commission européenne cernée de toutes parts
Cette note dite «libre» sera présentée dans un premier temps ce lundi à la ministre fédérale autrichienne des Affaires européennes, Claudia Plakolm, lors d’une réunion à Paris à laquelle le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et Benjamin Haddad doivent participer. Elle sera ensuite présentée formellement au Conseil des affaires générales (CAG), où les ministres des affaires européennes de l’ensemble des 27 ainsi qu’un représentant de la Commission européenne se réunissent une fois par mois.
Le sujet des subventions de l’UE se veut de plus en plus prégnant au sein des partis politiques. Toujours selon nos informations, à la suite des révélations du Figaro , la délégation du Rassemblement national au Parlement européen, menée par Jean-Paul Garraud, a adressé le 24 avril dernier une lettre à Ursula von der Leyen. Le courrier, cosigné par l’ensemble de la délégation dont Jordan Bardella, demandait à la présidente de la Commission européenne «de mettre fin définitivement à la subvention de toute association, ONG, université et autre structure liée de près ou de loin à l’islamisme. Il est temps que l’Union européenne mette fin à sa naïveté», pouvait-on lire. Pour l’heure, ce courrier est resté lettre morte. À voir si la note du gouvernement connaît le même sort.




