Le wokisme, meilleur allié des dictatures
Le wokisme, meilleur allié des dictatures

Renaud Girard: «Le wokisme, meilleur allié des dictatures»
Née dans les universités américaines au cours de la deuxième décennie du XXIe siècle, l’idéologie woke (« restons éveillés ! ») se structure sur les problèmes identitaires, liés à la race, au genre, à l’orientation sexuelle. Elle fait de ces questions une obsession. Elle choque un esprit français classique car elle s’oppose à l’universalisme progressiste hérité des Lumières. Peu friands du libre débat, promu par le mouvement des Lumières, les wokes ne veulent pas entendre parler d’autres opinions que les leurs. Ils veulent les effacer du grand forum des idées, en pratiquant la « cancel culture » . Ce sont les nouveaux inquisiteurs.
En 2020, ils ont eu la peau de Bari Weiss, chef des pages Opinions du New York Times , qui avait été recrutée trois ans plus tôt pour introduire de la diversité intellectuelle dans le journal. L’idéologie woke n’a eu hélas aucun mal à traverser l’Atlantique. L’autre jour, à la fin d’un agréable vol sur Air France, une sympathique hôtesse m’a demandé de remplir un questionnaire. J’ai naturellement accepté et me suis mis au travail, un crayon à la main, afin de remplir les cases. À un alinéa, notre brave compagnie nationale m’a prié de cocher quel était mon sexe. M, F, ou Autre ? J’ai eu un instant de très grand flou. J’ai relu. Je n’en croyais pas mes yeux. Je me suis demandé dans quel monde irréel j’étais soudain tombé.
Dans ma vie, je n’avais auparavant éprouvé qu’une seule fois un tel sentiment d’irréalité. C’était en mai 1968. J’avais treize ans et étais en quatrième dans le Quartier latin. En contemplant la façade de la Sorbonne recouverte d’un immense portrait de Mao et en entendant les étudiants hurler « CRS, SS ! » , j’avais confié à un camarade de classe : « Mais savent-ils vraiment qui est Mao et qui furent les SS ? » Que de jeunes Français instruits préférassent Mao ou Trotski à de Gaulle me semblait proprement hallucinant.
Une pensée totalitaire au simplisme dangereux
Le gauchisme français a obtenu des scores ridicules à toutes les élections démocratiques ayant suivi mai 1968. Mais son idéologie délétère, alliant le laxisme au dogmatisme, a pénétré petit à petit le monde de l’enseignement. Au point d’endommager l’Éducation nationale française, qui était admirée universellement dans les années gaulliennes et qui est tombée aujourd’hui au 25e rang du classement international Pisa. Le wokisme américain présente le même danger que feu le gauchisme français. C’est une idéologie minoritaire dans les sociétés occidentales mais, tel un virus, il peut saper petit à petit leurs fondements. Déjà, il veut réécrire l’histoire. Il s’attaque aux romans nationaux. Il veut débaptiser la capitale des États-Unis, sous prétexte que Washington possédait des esclaves dans sa ferme en Virginie.
Nous devons être fiers de notre histoire, ne serait-ce que pour nourrir notre patriotisme, irremplaçable ciment socialDans son anachronisme, dans son refus de prendre en compte les contextes historiques, le wokisme est une pensée totalitaire au simplisme dangereux. En France, il avait fait irruption lors du bicentenaire de la victoire d’Austerlitz. Le président Chirac et son premier ministre Villepin avaient renoncé à le célébrer car intimidés par quelques associations d’outre-mer rappelant que Napoléon avait, en 1802, rétabli l’esclavage dans les Antilles. Le roman national est celui qui, à la fois, rend hommage au général Bonaparte pour son génie militaire, et honore le député Victor Schoelcher pour avoir définitivement aboli l’esclavage en 1848. Les deux ont leurs rues à Paris et c’est bien ainsi. Il est absurde de vouloir juger les grands hommes de l’histoire avec les critères moraux d’aujourd’hui.
Nous devons être fiers de notre histoire, ne serait-ce que pour nourrir notre patriotisme, irremplaçable ciment social. Nous, les Occidentaux, avons-nous toujours été des saints ? Certainement pas. Mais les Orientaux non plus. La Shoah a certes été commise en Occident. Mais, en 1945, le camp des vraies valeurs occidentales, issues du christianisme et des Lumières, a fini par battre le paganisme nazi. Aujourd’hui, le drame est que le wokisme se fait, involontairement, le meilleur allié des dictatures. Il permet à la Russie de Vladimir Poutine de prétendre être le dernier refuge des valeurs familiales chrétiennes traditionnelles, alors que son régime pratique le racket et l’assassinat, actions assez peu chrétiennes.
Comme les wokistes, Xi Jinping ne supporte pas les opinions étrangères à la sienne. Pour lui, le web est un champ de bataille idéologique, qu’il convient de purger des idées contraires à la ligne du parti. Le président chinois pratique la « cancel culture » à la sauce rouge. Face au wokisme, nous devons défendre les valeurs judéo-chrétiennes qui ont fait la force de nos sociétés occidentales. Nous ne pouvons accepter qu’une idéologie délétère nous affaiblisse de l’intérieur, sous le regard narquois des dictateurs qui nous jalousent.







