Le feuilleton parisien

Vendredi dernier, le candidat LREM Benjamin Griveaux a annoncé son retrait pour la course à la mairie de Paris, suite à la diffusion sur internet d’une vidéo intime qu’il aurait lui-même filmée avant de l’envoyer à un tiers.
Cette vidéo s’est ensuite retrouvée dans les mains d’un personnage trouble, l’activiste russe Piotr Pavlenski qui s’est empressé de la publier sur internet. Elle a ensuite été vue, très probablement téléchargée et copiée, puis commentée par le cirque médiatique habituel.
Pour Benjamin Griveaux, le coup est terrible, tant personnellement que politiquement, et sur ce dernier plan il est impossible qu’il s’en relève. Contrairement aux apparences, cela fait les affaires de la macronie qui, incapable de départager ses candidats, se dirigeait vers un échec probable à Paris alors qu’il s’agit d’un territoire qui lui est électoralement très favorable. En effet, si demain LREM perd cette élection qui aurait dû, au vu du bilan déplorable de l’actuelle maire et la faiblesse de l’opposition de droite, lui être acquise, il ne sera plus question de l’échec de LREM incapable de tenir ses candidats, mais de l’échec de Griveaux.
Ce dernier, personnage détesté par ses collègues politiques, généralement taxé d’arrogance et souvent qualifié de hautain voire de méprisant, maintenant que ses ambitions ont volé en éclats et qu’il ne représente plus une menace pour personne, bénéficie soudain de la sollicitude générale. Pour le microcosme politico-médiatique, il est devenu la pauvre victime d’une attaque infâme sur un aspect de sa vie qui ne devrait regarder que lui. Et tous de se lamenter sur le niveau du débat en France qui, avec cette lamentable affaire, serait descendu encore plus bas qu’il n’a l’habitude d'être.
Et pourtant… Cette affaire, et les réactions qu’elle entraîne sont révélatrices de plusieurs choses. Tout d’abord, cela rappelle l’absolue nullité de la grande majorité des politiques dès qu’il s’agit de sujets liés aux données numériques. Pour un responsable, que ce soit dans le monde politique, la finance ou l’industrie, la manipulation de données est quelque chose qui ne doit jamais être pris à la légère : dès l’instant ou du contenu, fichier comptables, listings, ou vidéos, est connecté à Internet ou envoyé à un tiers, il y a danger qu’il soit piraté. Et le piratage, dans 99% des cas, n’est pas le fait de hackers surdoués produisant de la ligne de code à la pelle comme on le voit au cinéma, mais d’abus de confiance et de manipulations négligentes de données sensibles. Qu’un responsable politique, qui est avant tout un communiquant, dont le smartphone est aujourd’hui l’outil de travail numéro un, n’ait pas compris cela, et ne prenne pas des précautions particulières chaque fois qu’il l’utilise, est un exemple de plus de la légèreté et de l’amateurisme qui caractérisent si bien nos deux derniers gouvernements.
Si Mr Griveaux était devenu, comme il en avait la prétention, maire de Paris, il aurait sûrement eu accès à un grand nombre de données sensibles, dont des secrets défense. Combien de temps aurait-il fallu avant qu’un manipulateur doué ne lui en fasse divulguer certains ?
Mais le pire est la réaction immédiate de bon nombre de responsables politiques de tous bords, car c’est le symptôme du mal profondément ancré dans notre pays, l’étatisme : face à cet infâme étalage, il faut légiférer. Quel réflexe typiquement français : un problème, vite, une loi. Il n’est rien que l’Etat ne puisse résoudre. Dormez tranquilles braves gens, confiez-vous nos impôts et n’oubliez pas de voter de temps à autre : nous nous occupons du reste.
Le RGPD (règlement général de protection des données, un règlement européen), encadre déjà strictement la collecte et la diffusion d’images ou de vidéos. Rajouter une loi là-dessus serai comme de créer une loi pour interdire la mort chaque fois que quelqu’un se suicide. Mais créer des lois est un bon moyen de faire oublier que l’essentiel n’est pas de voter une loi, mais de la faire appliquer, ce qui nécessite de se poser un certain nombre de questions plus désagréables (comme ses modalités pratiques, ou son financement).
Or, Internet est un outil qui a été conçu pour permettre la diffusion d’informations. Toutes les lois du monde n’y changeront rien. Même l’état chinois, qui y consacre des moyens colossaux, n’arrive pas à empêcher complètement la diffusion d’informations contraires à sa propagande. Dans grand nombre d’états totalitaires Internet reste le seul espace pour une opposition démocratique. Ne l’oublions pas.
La censure d’internet ne se décrète pas. L’augmentation du pouvoir d’achat non plus, pas plus que la quantité d’électricité produite par une éolienne. Ce sont nos comportements qui doivent évoluer, et notamment la conscience que les vidéos, les photos, les articles, une fois envoyés sur internet, ne disparaîtront jamais et que quelqu’un pourra un jour les utiliser contre nous. La création de lois pour y remédier ne produira au mieux comme résultat qu'un gâchis de plus des finances publiques.







