La vérité sur les élections au Royaume Uni - Les leçons à tirer, pour la droite française.

Natacha Gray • 24 juillet 2024

La vérité sur les élections au Royaume Uni - Les leçons à tirer, pour la droite française.

Une (longue) tribune d'une de nos plus fidèles adhérentes !


La vérité sur les élections au Royaume Uni

Les leçons à tirer, pour la droite française.


En dépit des apparences, il y a beaucoup de points communs entre nos deux pays de part et d’autre de la Manche. Et pas simplement dans le contexte des récentes élections législatives anticipées, décidées par le Président de la République en France, par le chef du gouvernement au Royaume Uni, mais par la victoire en sièges (mais minoritaire en voix) des gauches françaises et britanniques, l’effondrement (en sièges et en voix) du parti conservateur et la progression inexorable et révélatrice d’un troisième bloc qualifié naturellement d’extrême-droite (far-right) par ses adversaires et par les médias mainstream mais qui se définit comme le vrai conservatisme, fondé sur des valeurs et objectifs abandonnés par ceux qui, au pouvoir depuis 14 ans, étaient censés les promouvoir.

Par idéologie, incompétence ou ignorance, ou peut-être tout simplement par indifférence à ce qui se passe au-delà de nos frontières, nos médias se sont contentés d’annoncer l’écrasante victoire de la gauche britannique en se focalisant sur le nombre de sièges obtenus. Les enseignements sont infiniment plus complexes que cela et, de l’autre côté du Channel, on insiste plutôt aujourd’hui sur l’inadéquation entre un système électoral dépassé (1) qui voit la gauche triompher bien au-delà de ce qu’elle représente dans le pays réel où elle reste minoritaire (2), sur les raisons de l’effondrement de l’ancien grand parti conservateur (3) mais surtout l’extraordinaire progression d’autres droites, et notamment celle de Reform.uk (4), qui entre au Parlement, et de celui qui apparaît comme son nouveau leader, Nigel Farage, le chef de file des forces du Brexit qui a récupéré en quelques semaines de campagne une partie des voix ayant déserté les Tories. Précisons que le reste de ces voix conservatrices déçues se répartissent moins sur quelques votes de rétorsion à gauche que sur une abstention sans précédent depuis les années 1880 ou sur d’autres petites forces de droite et du centre comme les Libéraux Démocrates, LibDem.

La situation en France nous étant bien mieux connue, cette analyse se concentrera sur la situation britannique que le lecteur pourra comparer par lui-même avec le paysage politique post-électoral français. Il y a d’importantes leçons à en tirer pour la droite, ou les droites, française(s) en particulier, les droites européennes en général.


1. Dissolution et système électoral

En France comme au Royaume Uni les citoyens ont dû se rendre en effet dans les bureaux de vote pour des élections anticipées que personne n’attendait. Les élections à la Chambre des communes devaient avoir lieu cet automne mais le Premier Ministre Rishi Sunak a pris tout le monde de court (comme le président français) en dissolvant l’Assemblée le 30 mai dernier, espérant peut-être conforter sa majorité alors que son gouvernement, très critiqué, bénéficiait toujours d’une majorité absolue à Westminster ! Ces élections majoritaires à un tour ont eu lieu le 4 juillet dernier. Comme en France, pris de court, les partis, et notamment les petits et moyens, ont dû dans l’urgence élaborer un programme et surtout trouver des candidats présentables. Ainsi le parti Reform a-t-il été accusé, à tort, de présenter des candidats qui n’existaient pas car, tenant à être présent dans 609 constituencies (circonscriptions électorales) sur 650 (car il y a eu quelques rares accord pour ne pas défavoriser un autre candidat de droite), ce qui permet de compter ses soutiens en voix, nombre de ceux qui ont été trouvés dans l’urgence n’avaient aucun passé politique, aucune visibilité numérique, aucun site de campagne. Le même parti a même été contraint de retirer son investiture à des candidats dénichés à la va-vite et qui se sont avérés coupables, dans la présente campagne ou par le passé, de propos racistes. Comme Le RN en France.

Le système électoral est différent du nôtre mais présente le même type d’aberration, il ne rend absolument plus compte de la réalité des votes dans le pays et ne peut que susciter frustrations et mécontentement. C’est un scrutin uninominal majoritaire à un tour, appelé aussi FPTP ou FPP, c’est-à-dire First-past-the-post, en clair « le premier qui passe le poteau (la ligne d’arrivée) » a gagné. Il présente un certain nombre d’avantages, d’abord financièrement (un seul tour à organiser), pas de tractations contre-nature entre deux tours comme dans le mode de scrutin français, et une interprétation très simple des résultats. En outre il convenait plutôt bien à la situation politique qui prévalait encore au siècle dernier, c’est-à-dire un bipartisme net entre une droite conservatrice (les Tories) et une gauche travailliste (Labour) qui alternaient au pouvoir régulièrement.


Mais aujourd’hui, si la gauche reste globalement uniforme malgré le cavalier seul des Verts, la droite a éclaté en une multitude de tendances rivales. L’inconvénient est que le candidat qui a obtenu le plus de voix, qui remporte donc l’élection immédiatement à la majorité relative, peut être très minoritaire dans sa circonscription, par exemple (et le cas s’est présenté maintes fois cette fois-ci) si tous les autres candidats sont dans l’opposition. Le Labour rassemble en effet toutes les gauches, de la vieille gauche patriote à la gauche wokiste, internationaliste, indigéniste, antisémite et immigrationniste, en passant par des écologistes les plus radicaux, même si le parti des Greens (les Verts) envoie aussi des candidats séparément. En face l’opposition de droite des Tories (LR en quelque sorte), LibDem (un centre droit que l’on pourrait comparer au MoDem) et Reform (la droite nationale) sont allés à l’élection en ordre dispersé. Le résultat est qu’ils sont dans le pays toujours majoritaires en voix mais que le Labour a remporté la majorité absolue des sièges.


Le décalage entre nombre de voix pour la droite, majoritaire comme en France, et nombre de sièges obtenus est encore plus spectaculaire que chez nous : Avec 33,69% des voix les travaillistes (Labour) ont obtenu 411 sièges à la Chambre des communes, soit 176 sièges de plus que la majorité absolue, raison pour laquelle les médias nous présentent cette victoire comme écrasante, omettant de décrire une situation beaucoup plus complexe. On peut y ajouter les 6,74% des Verts, soit 4 sièges. Les droites réunies représentent 23,70% pour les Conservateurs (121 sièges), 12,22%, soit 72 sièges pour le Centre droit (LibDem) et 14,22%, soit 5 sièges pour la droite de Reform (qui se veulent les vrais conservateurs). Ainsi la gauche (Labour + Green) représente-t-elle 40,43% des électeurs s’étant exprimé et la droite 50,14%. Le reste se partageant entre le parti indépendantiste écossais (SNP, 2,52%) et des partis « autres » en inquiétante progression, car il s’agit la plupart du temps de partis communautaristes représentant l’islam radical.

Notons donc pour commencer quelques aberrations : Reform qui a obtenu plus de 14% des voix n’a que 5 sièges alors que LibDem, avec à peine plus de 12% en remporte 72 ! Et la droite avec plus de 50% des voix n’obtient que 198 sièges contre 415 pour la gauche.

On peut aussi exprimer cette injustice, puisque le système électoral ne représente plus le pays réel, en convertissant ces résultats en nombre de voix nécessaires pour obtenir un siège à Westminster :

1 député Labour : 23 405 votes

1 LibDem : 49 504 votes

1 Conservative/ 57 285 votes

1 SNP : 83 279 votes

1 Green 476 730

1 Reform : 1 000 912 votes.

On comprend que dans ces circonstances, de plus en plus de voix s’élèvent au Royaume Uni pour demander la fin du FPTP et l’instauration d’un système proportionnel.


2. La gauche travailliste (Labour) est loin d’avoir gagné

La gauche de Keir Starmer a gagné largement en termes de sièges, la plus large victoire depuis 1997 avec une majorité absolue de 176 sièges, mais avec moins de 34% du vote national, elle obtient moins que Jeremy Corbyn en 2017 et moins que Tony Blair à chaque fois.


En clair le Labour a remporté l’élection non pas en raison de nouveaux électeurs mais grâce à une abstention spectaculaire à droite, la pire depuis … 1880 ! Car, comme en France, alors que la droite s’abstient devant des candidats qui ne la satisfont pas entièrement, la gauche se mobilise. En voix la gauche a stagné en Angleterre (+ 0,6%), a fortement décliné au Pays de Galles (où elle est représentée au pouvoir par la nouvelle gauche woke mettant en pratique dans de nouvelles lois discriminatoires, son racisme anti-Blancs, son obsession racialiste et les théories du genre). Elle n’a clairement augmenté (+20% en sièges) qu’en Ecosse mais cela était prévu par tous les observateurs, car elle y a pris la place (et une grande partie des sièges) du SNP, le parti national écossais, indépendantiste, largement discrédité aujourd’hui par la politique wokiste de Nicola Sturgeon (qui y a perdu sa place de Premier Ministre) et de son successeur Humza Yousaf (remplacé depuis mai par John Swinney) et des scandales financiers à répétition touchant le parti et son équipe dirigeante.


Cette gauche largement majoritaire en siège va néanmoins vers d’importantes difficultés futures : moins parce qu’elle ne représente pas le pays réel car son opposition de droite, comme en France, n’est pas connue pour fomenter blocages, émeutes, refus d’obéir ; mais parce qu’elle est, comme le Nouveau Front Populaire, constituée de gauches inconciliables, d’une extrême gauche puissante jusqu’aux socio-démocrates. Nos médias vantent, à tort, la métamorphose des Travaillistes. Mais quelle métamorphose ? Certes ils ont éliminé aujourd’hui les plus antisémites de leurs leaders comme Jéremy Corbyn. Mais cette gauche a constamment soutenu l’immigration sans frontières et les affirmations communautaristes religieuses, toléré les pratiques chariatiques, encouragé les blocages de Londres et d’autres grandes villes britanniques chaque samedi depuis le 7 octobre par des foules pro-palestiniennes et même pro-Hamas, hurlant des slogans antisémites, arrachant les drapeaux britanniques des monuments officiels pour y accrocher ceux de Daesh et de la Palestine, histoire comme en France de se constituer un nouvel électorat. Et, comme en France, elle diabolise les opposants et qualifie toute protestation de « raciste » et « islamophobe ». Mais, comme signalé plus haut, le retour de bâton est qu’elle a perdu un certain nombre de circonscriptions qui lui étaient acquises au profit de ses anciens protégés qui ont présenté des candidats communautaristes indépendants (comme Corbyn qui a rejoint un parti pro-Gaza) dans des circonscriptions à majorité musulmane et ont obtenu 15 sièges à l’Assemblée. On n’est jamais mieux servi que par soi-même.

Ainsi dans ce « nouveau » parti travailliste, la vieille gauche (old left) est-elle réduite à l’état de survivante, l’essentiel des nouvelles troupes alliant des tendances communautaristes, les écologistes radicaux, les wokistes le plus débridés au point que l’on a vu Keir Starmer, le nouveau PM, répondre gêné à un journaliste lui demandant de définir « what a woman is » et si une femme pouvait avoir un pénis : « oui, enfin la majorité des femmes non mais quelques-unes oui » pour ne pas s’aliéner sa majorité wokiste dont le cheval de bataille est la transidentité. Alors oui, s’il y a eu métamorphose, c’est que cette gauche, par conviction ou stratégie, a totalement absorbé les revendications wokistes, racialistes, communautaristes.

C’est ainsi qu’une des premières mesures des Travaillistes désormais au gouvernement a été d’annuler le Plan Rwanda (qui consistait, comme d’autres pays le font, de faire examiner par ce pays tiers toutes les demandes d’asile avant acceptation, ou non, sur le sol britannique, donc d’y expédier tout migrant clandestin arrivant sur les côtes par les small boats) ; puis d’inventer une nouvelle taxe (sur les véhicules électriques, ce qui va le mettre en porte à faux avec sa branche écologiste) et de donner des gages à sa majorité wokiste en réintroduisant dans les programmes scolaires dès l’école primaire les leçons sur les identités de genre que le gouvernement conservateur, sur la pression populaire, venait de limiter pour les mineurs.

Donc des mesures à l’encontre de ce à quoi aspirent, selon tous les sondages et le succès d’immenses rassemblement patriotes pacifiques (le prochain est le 27 juillet), une immense majorité de Britanniques. Ainsi, si la gauche a gagné, ce n’est pas pour elle-même, mais parce que la droite des Tories s’est effondrée.



3. La droite conservatrice « officielle » des Tories s’est effondrée


Comment le parti conservateur, qui avait bénéficié d’une victoire historique en 2019, avec 80 sièges de majorité, a-t-il pu subir un tel désastre électoral 5 ans plus tard ? Comme on l’a vu en première partie, la droite reste majoritaire en voix dans le pays mais le parti qui l’avait toujours incarnée, les Tories ou Conservatives, ont obtenu le pire résultat de leur histoire. Le grand parti disparaît, au profit de partis périphériques. Les chiffres sont éloquents, les Tories ont perdu 190 sièges.

Ce n’est pas une surprise, car cette droite est constamment accusée d’avoir trahi ses promesses, son programme, c’est-à-dire les fondamentaux d’un parti de droite, depuis des années mais plus encore depuis l’arrivée de Rishi Sunak au poste de Premier Ministre (non élu mais désigné en interne après vote des adhérents pour remplacer Liz Truss, démissionnaire, elle-même remplaçant Boris Johnson, démissionnaire). En effet, à de rares exceptions près (Liz Truss pendant pendant un mois et 19 jours où elle fut en poste au 10 Downing Street ; et quelques récentes mesures du gouvernement Sunak, trop tardives contre les théories du genre et la propagande des activistes trans à l’école), cette droite a échoué à contrôler les frontières et à faire baisser l’immigration, à prendre des mesures contre l’insécurité, à faire baisser les taxes et le poids de l’Etat. Parallèlement, avec un pouvoir d’achat en berne, face à la crise de l’énergie, une pression fiscale accrue, les Britanniques ont constaté l’effondrement de la qualité et de l’efficacité de leurs services publics, notamment de santé (la NHS : National Health Service). Les conservateurs ont échoué à combattre le wokisme dans les médias, dans les services publics et dans l’Education, et ont laissé s’installer les théories du genre et la sexualisation précoce des enfants à l’école. Pire, soumis aux accusations de la Gauche, de peur de sembler raciste, islamophobe, transphobe, ils ont soutenu les activistes et diabolisé (voire exclu des rangs des Tories) au Parlement les députés qui pointaient ces promesses non tenues, ces trahisons répétées en rupture avec le programme initial, les dangers identitaires et les attentes de la population. Sunak a même fini par renvoyer le ministre de l’Intérieur, une vrai conservatrice, Suella Braveman, initiatrice du Plan Rwanda, parce qu’elle demandait la sortie du Royaume Uni de l’ECHR (la CEDH, la Cour Européenne des Droits de l’Homme), responsable de la plupart des blocages dans la lutte contre l’immigration illégale.


Mais pour quelles raisons cette droite conservatrice a-t-elle gouverné dans l’oubli total des promesses qui l’avaient portée au pouvoir, au point qu’une expression circule qualifiant Labour et Tories de two cheeks or the same arse (les deux fesses d’un même postérieur). Certes, au pouvoir pendant les confinements à répétition (Lockdowns), elle a mécontenté une grande partie de son électorat libéral, et cela d’autant plus que plusieurs scandales (certes artificiellement amplifiés par les médias dominants, dont la BBC, soutiens indéfectibles et partiaux de la gauche) ont montré que ses leaders ne s’appliquaient pas les mêmes restrictions (Party Gate). Mais l’essentiel est ailleurs, une soumission aux préconisations du Forum Economique Mondial (WEF) qui l’a rendue plus globaliste que préoccupée par les intérêts nationaux, une incapacité totale à régler les problèmes liés à l’immigration (question qui était pourtant au cœur du vote pro-Brexit) en raison de son refus de sortir de la CEDH, une sorte de complexe face à une gauche braillarde et accusatrice de peur de sembler raciste, islamophobe, transphobe et de susciter des mouvements de foule qu’elle ne saurait contrôler.


Mais on doit aussi s’interroger sur les démisions successives qui l’ont fragilisée et discréditée : tous ceux qui ont tenté d’être de vrais conservateurs parmi les Premiers Ministres, les Ministres et députés) ont été poussés vers la sortie par des scandales orchestrés par l’ensemble des médias suivis par les réseaux, campagnes de calomnies, d’accusations diverses, d’indignations portées par des meutes numériques, menant à la « cancellation » (l’annulation, la disparition de la scène publique) notamment autour des chaînes de désinformation publiques comme la BBC à côté de laquelle France Inter semblerait presque un média d’extrême-droite ! J’exagère à peine. La cancel culture (ou culture du bâillon) est véritablement un fléau outre-Manche et tous les médias publics sont de gauche. Quant aux médias privés, ils sont sous la coupe d’un régulateur nommé OfCom (l’équivalent de notre ArCom mais en encore plus hémiplégique), ce qui réduit les chaînes véritablement conservatrices, opposées à cette idéologie internationaliste et woke incarnée à la fois par le Labour et les Tories, à se montrer dans une opposition très contrôlée. L’OfCom veille et sévit (amendes, demande du retrait de l’antenne de journalistes trop disruptifs par rapport au narratif officiel). GBNews, la petite sœur de CNews, en sait quelque chose et s’est beaucoup « assagie » à force d’amendes menaçant sa survie et de mises en garde de la part du régulateur que la droite appelle parfois « l’OfCommunist ». A côté la BBC et d’autres peuvent désinformer, mentir, insulter, laisser des journalistes ou invités racialistes cracher leur racisme anti-Blancs (race-baiting : obsession de la race, culpabilisation de l’Occidental, victimisation), leur soutien aux émeutes, et même les appels à assassinat (sur Trump) en toute tranquillité. L’OfCom est borgne et ne tape que sur la droite. Et la droite n’a pas trouvé la force, ou suffisamment de conviction, ou tout simplement de courage pour s’affirmer envers et contre tout. Il est vrai que les droites, quelles qu’elles soient, partent avec un handicap qui est aussi à leur honneur : les gens de droite ne dénoncent pas, ne se vautrent pas dans le djihad judiciaire, ne font pas de liste de déviants à éliminer, ne hurlent pas en meute contre un opposant qui les contredit, ne menacent pas de bloquer le pays ou les institutions. Mais elle s’est soumise à l’idéologie dominante et s’est contentée, au mieux, de reconnaître des problèmes et de promettre de tenter d’y remédier enfin. L’attitude de Rishi Sunak après la défaite est révélatrice, il ne cesse de s’excuser (I apologise), envers son parti, envers le pays, de n’avoir pas fait ceci ni cela.


4. La montée extraordinaire et inattendue du parti Reform.UK


Alors où sont passées les voix de droite qui ne se sont pas réfugiées dans l’abstention ? Une minorité s’est tournée vers le centre droit, les Libéraux-Démocrates, ou Lib-Dem. Beaucoup, on l’a dit, se sont réfugiés dans l’abstention. Mais la surprise est venue de la progression spectaculaire d’un petit parti sans députés, Reform.uk, qui a attiré l’essentiel des électeurs de droite qui se sont exprimés. L’ancien leader du Brexit Party, Nigel Farage, retiré de la politique et devenu depuis présentateur d’une émission à succès sur GBNews, s’est relancé contre toute attente dans la bataille des urnes qu’il annonçait quelques semaines auparavant ne plus vouloir mener pour lui-même. C’est ainsi que les Tories ont perdu 180 sièges à cause de Reform que les électeurs ont préféré, ce qui a divisé les votes de droite et conduit à la victoire de la gauche. A noter que d’autres micro-partis, comme The Reclaim Party, n’ont pas présenté de candidat et se sont ralliés explicitement à Reform. Comme dit son leader Laurence Fox : « peu importe qui se voit attribuer le mérite (take the credit), l’important est le résultat et que nos idées progressent ».


Reform était un petit parti conservateur sans député, il a augmenté en moins d’un mois de campagne, avec l’arrivée de Farage, de 13 points ! Il est passé de 0 à 5 sièges (dont un pour un ancien Tory exclu de son groupe parlementaire pour avoir dénoncé l’islamisation de Londres), a failli à quelques voix près en emporter une dizaine de plus car il est souvent arrivé deuxième dans les circonscriptions, loin devant les Tories. Il est ainsi devenu la principale force d’opposition sur les terres dévolues à la gauche britannique. Comme le dit son leader, « nous avons ouvert un front dans les Tories, on vient maintenant pour les Labour », confirmant sa nouvelle volonté d’engagement sur les deux flancs qu’il présente comme les deux faces d’une même politique.


Les enquêtes ont montré qu’un grand nombre d’électeurs des Tories sont passés à Reform.uk car le programme (le Manifesto) du parti correspond à ce qui est attendu par cette droite britannique : l’arrêt des migrations par la Manche (small boats), la sortie de l’ECHR (la CEDH), une baisse drastique de l’immigration, la lutte contre l’insécurité, moins de taxes, moins de régulation, moins de wokisme, moins de chaos et un respect de l’Histoire et des traditions britanniques, en d’autres termes des préoccupations identitaires. Selon le leit-motiv du présentateur TV Nigel Farage depuis des années : « England is broken ». Il s’agit à présent de le reconnaître et de la reconstruire.

Nigel Farage a longtemps soutenu Marine Le Pen dans une perspective d’union des droites en France depuis la fondation du Rassemblement National. Mais il est à noter qu’il l’a très sévèrement critiquée en juin dernier et a pris ses distances avec la droite nationale française en raison d’un programme économique jugé dispendieux et irréaliste. Car Farage, comme Reform, défendent des idées conservatrices classiques mais une économie libérale.


Le succès de Reform est d’autant plus spectaculaire et significatif que, comme de bien entendu, le parti a été diabolisé pendant la campagne, par ses adversaires mais essentiellement par les médias mainstream, par une partie des députés conservateurs aussi, accusé d’être « far-right » (d’extrême droite), raciste, islamophobe, transphobe etc. Comme il parlait ouvertement d’identité britannique, d’assimilation, de frontière à contrôler, et d’insécurité, on a eu droit au retour de la bête immonde, aux bruits de bottes, à des références à la seconde guerre mondiale, aux nazis et toute la sémantique habituelle à laquelle plus personne ne croit. Et comme partout ailleurs aux fantasmes sur un parti de l’étranger, soutenu par les Russes, parce que Nigel Farage n’a jamais caché une position « trumpiste » sur la guerre en Ukraine, sur les responsabilités partagées, et la recherche d’une troisième voie n’isolant pas totalement la Russie et recentrant ressources et investissement sur le Royaume-Uni (make Britain great again). Le pire est sans doute le terrible mépris de classe incarné par les politiques et les médias, vent debout contre Reform, comme ils le furent contre les brexiters (les partisans du Brexit) se moquant de ses nouveaux électeurs présentés comme racistes, inéduqués, stupides, aveugles ou apeurés, alors qu’il s’agit de classes moyennes et populaires profondément patriotes. C’est d’ailleurs dans ces circonscriptions abandonnées par les Travaillistes et méprisées par les Conservateurs que Reform a fait ses meilleurs résultats.


Alors quel avenir pour la droite britannique ?

Si le grand parti Tories, qui fut pour le Royaume-Uni l’équivalent de ce que furent l’UMP puis les LR, souhaite se reconstruire au cours des cinq ans à venir de l’actuelle législature et déjà reconquérir son cœur de cible, perdu au profit de Reform, il semble évident qu’il doit prendre en compte les volontés de ceux qu’il a abandonnés, écouter leurs doléances, traiter ses électeurs actuels et anciens avec plus de respect, réinstaurer le débat au sein du parti et pas seulement imposer la vision globaliste de ses élites mondialisées et déconnectées du terrain. C’est ce que souhaiteraient des anciens ministres et députés comme Suella Braveman, Kémi Badenoch, Jacob Rees-Mogg dont on évoque, souvent, le possible départ vers Reform si le parti échoue à se reconstruire autour de vraies valeurs de droite.


Hélas, c’est l’inverse qui semble se produire, le parti depuis la défaite étant en train de se purger en excluant tout ceux qui contestent le leadership des centristes. Les élites veulent retourner au centre (ou il y a déjà les LibDem) et, de toute évidence, préserver un électorat communautariste, notamment musulman, en hausse et qui se déplace pour voter : mais cet électorat est déjà soit gagné au Labour, soit s’organise par ses propres moyens et avec ses propres mouvements. Il en est de même pour l’électorat urbain gagné par le wokisme est qui est le cœur de cible de la gauche actuelle. Il est peu probable que cet électorat se téléporte vers la droite. La voie centrale est un mirage dangereux.


Il faudrait aux Tories réinventer totalement le parti, son idéologie, son programme, retrouver une identité de droite, conservatrice, patriote et se défaire de sa soumission/culpabilisation face aux attaques de la gauche. Diabolisé par les médias, Reform est resté droit dans ses bottes, il y a gagné en crédibilité, en voix, en sièges, devenant, dans bien des circonscriptions, la seconde force du pays. Si les Tories ne le font pas, Nigel Farage le fera.

par Une interview de François Lenglet par Ronan Planchon dans FigaroVox 5 août 2025
https://www.lefigaro.fr/vox/monde/francois-lenglet-la-commission-europeenne-court-comme-un-canard-sans-tete-desorientee-par-la-disparition-du-monde-d-hier-20250803 ENTRETIEN - Après l’accord signé avec les États-Unis de Donald Trump le 27 juillet en Écosse, l’Europe entame son «siècle de l’humiliation», estime le journaliste économique et essayiste. François Lenglet est éditorialiste économique à TF1-LCI et RTL. Son prochain livre : Qui sera le prochain maître du monde ?, Éditions Plon, octobre 2025. LE FIGARO. - Dans le cadre de son accord avec Trump , l’Union européenne accepte de voir la quasi-totalité de ses exportations de biens vers les États-Unis frappées de droits de douane à hauteur de 15 % et n’obtient ni ne sanctionne rien en retour. Une autre issue était-elle possible ? Passer la publicité François LENGLET. - Non, cet accord est tout sauf surprenant. Il matérialise le rapport de force entre l’Amérique de Trump et l’Europe : tout pour moi, le reste pour toi. C’est la conséquence du rôle nouveau qu’occupent les États-Unis dans les affaires du monde, la « superpuissance voyou », pour reprendre les termes de l’universitaire américain Michael Beckley. C’est-à-dire la puissance numéro un sans autre ambition que de se renforcer au détriment des autres, à commencer par les alliés de naguère - ce sont eux qui offrent le meilleur rendement dans le chantage, parce qu’ils sont faibles. Le plus frappant dans cette affaire, c’est que l’Union européenne est contente. Humiliée et satisfaite. Alors même qu’en plus des tarifs, Bruxelles piétine ses propres politiques, pour satisfaire Trump. Elle accepte ainsi d’investir 600 milliards en Amérique, alors que l’exode de l’investissement est justement le principal problème pointé par le rapport Draghi… Elle s’engage à acheter des armes américaines, alors qu’elle exhorte les pays membres à renforcer leur base industrielle de défense… Elle s’engage à acheter des tombereaux de gaz américains alors qu’elle œuvre pour le zéro carbone ! Quant à la prétendue « prévisibilité » offerte par l’accord aux exportateurs, c’est une vaste blague. Un condamné à dix ans de prison peut évidemment se féliciter de la prévisibilité de son cadre de vie pour la prochaine décennie. Londres a obtenu de la Maison-Blanche le taux de tarifs douaniers les plus bas possible à ce jour (10 %). Cette « victoire » participe-t-elle à la décrédibilisation de l’Union européenne ? Le commerce américain avec le Royaume-Uni n’est pas déficitaire, cela peut expliquer le traitement plus favorable qu’a obtenu Londres. Dans la hiérarchie des royaumes tributaires de l’empire américain, nous occupons un rang intermédiaire, entre le Royaume-Uni, qui s’en sort mieux, et le Japon, duquel Trump a obtenu le versement de plusieurs centaines de milliards directement au Trésor américain. Et tous ceux qui sont menacés aujourd’hui de 30 % ou 40 % s’ils ne concluent pas d’accord cette semaine. Si l’Union européenne n’était pas en position de force, est-ce parce qu’elle ne maîtrise aucune de ses positions stratégiques à l’échelle de l’économie globale ? Oui, sans aucun doute. Il faut se souvenir que l’Union européenne n’a pas été conçue pour peser dans le jeu mondial. La raison d’être fondamentale de la Commission de Bruxelles, c’est de surveiller les États membres pour qu’ils se soumettent aux règles du marché unique et de la concurrence. Bruxelles a été dressé pour éradiquer les frontières et le nationalisme économique à l’intérieur de l’Union. L’édification de ce marché unique a d’ailleurs été une propédeutique utile pour apprivoiser la mondialisation, surtout pour la France et sa bureaucratie. Mais les temps sont bouleversés. La mondialisation change de nature et de périmètre, elle se fragmente, à cause du recentrage de la puissance principale sur ses intérêts exclusifs au détriment d’un ordre mondial. Il ne peut y avoir de mondialisation sans maître du monde assumé. La Commission devrait donc s’appuyer sur les frontières et pratiquer une sorte de nationalisme européen, si cette expression n’était pas un oxymore, pour défendre les États membres dans la grande confrontation entre les empires. Elle en est incapable car il faudrait pour cela qu’elle renie les traités. Elle court donc comme un canard sans tête, désorientée par la disparition du monde d’hier. Bruxelles a passé des semaines à élaborer des contre-mesures punitives pour les États-Unis en expliquant que nous n’allions pas les utiliser… Les fonctionnaires ont inventé la version commerciale du pistolet à bouchon. François Lenglet L’Europe-puissance est une chimère, entretenue par les fédéralistes qui voudraient encore sauver leur rêve. C’est le dernier stade du déni, avant l’acceptation de la réalité : l’Europe entame son « siècle de l’humiliation », comme la Chine de 1842, après la guerre de l’opium. Trump, exactement comme les Britanniques de l’époque, force l’ouverture de nos ports. Avec ces accords, l’Europe signe donc son traité de Nankin, qui avait asservi l’empire du Milieu aux intérêts commerciaux britanniques. Mais à la décharge de Bruxelles, le problème est plus grave que celui de la seule Commission. Ce sont les citoyens eux-mêmes qui rechignent à la puissance et aux sacrifices qu’elle exigerait d’eux. « Nous n’avons pas été craints », aurait dit Emmanuel Macron juste après cet accord-capitulation. C’est ce qu’on appelle une litote… Le problème pour être craint, c’est bien sûr d’avoir des moyens de rétorsion, mais c’est surtout de vouloir les utiliser. Bruxelles a passé des semaines à élaborer des contre-mesures punitives pour les États-Unis en expliquant que nous n’allions pas les utiliser… Les fonctionnaires ont inventé la version commerciale du pistolet à bouchon. Pire, les officiels français expliquaient à la veille de l’accord qu’il n’y aurait pas de rétorsions tarifaires, car les économistes avaient calculé qu’elles seraient préjudiciables à nos consommateurs ! Pour Trump, ces tarifs visent-ils surtout à relocaliser la production aux États-Unis ? Oui, il veut siphonner la croissance mondiale. Il récuse la position de « consommateur en dernier ressort », qui avait toujours été celle du maître du monde, les États-Unis au XXe siècle, le Royaume-Uni au XIXe. Il vise au contraire la réindustrialisation de son pays. C’est pour cela qu’il veut des tarifs et un dollar faible, afin d’inciter les industriels du monde entier à s’installer aux États-Unis. Il ne s’arrêtera pas là. Ces tarifs vont servir à la coercition des partenaires, afin qu’ils réévaluent leurs devises ou financent gratuitement la dette américaine, avec les fameuses obligations à coupon zéro prônées par l’un des inspirateurs de Trump, Stephen Miran. L’autre objectif est bien sûr budgétaire. Les taxes douanières vont remplir les coffres de Washington. Rien que l’accord avec l’Europe pourrait lui fournir une centaine de milliards de ressources annuelles supplémentaires. Il s’agit de financer le « Big and Beautiful Budget », les baisses d’impôts votées par le Congrès le mois dernier. Dans les deux cas, c’est la stratégie de la prédation : l’Amérique pompe les investissements pour arroser son sol, et les ressources financières des autres pour les redistribuer à ses entreprises sous forme de baisse d’impôt. Ne surestime-t-on pas la victoire de Trump ? Les engagements d’achats et d’investissements européens n’ont d’autre valeur que politique… C’est vrai que les chiffres sont tellement fous qu’ils ne sont pas crédibles. Ursula von der Leyen s’est engagée à 250 milliards d’achats de gaz liquéfié par an, alors que nous sommes, pour l’Europe entière, en dessous de 100 milliards aujourd’hui… Mais cela crée quand même une pression pour les années qui viennent, et c’est sans doute ce que cherchaient les négociateurs américains. Aussi déraisonnables qu’ils soient, ces montants ont été semble-t-il validés par l’Europe. Et, au-delà des considérations sur les montants, une leçon doit être retenue : l’accès aux marchés internationaux a un prix, car il a une valeur. Et ce prix est à la hausse, depuis l’élection de Trump. L’Europe ferait donc bien de réfléchir au prix de l’accès à son propre marché, l’un des plus grands du monde, et à la façon de négocier les prochains accords commerciaux. À quoi peut-on s’attendre, concrètement, sur le plan commercial ? Toute la question est de savoir qui va payer les tarifs. En bonne logique, c’est le consommateur américain, qui verra augmenter le prix des biens importés. Non pas de 15 %, car dans le prix final, les coûts de distribution comptent pour jusqu’à un tiers. En réalité, chacun des intervenants dans le circuit commercial, exportateur, transporteur, importateur, distributeur et consommateur va être mis sous pression pour réduire ses marges ou payer un peu plus. La répartition de ces efforts sera variable en fonction du rapport de force sur le marché, très différent selon les secteurs. Tout cela devrait contracter les flux commerciaux à destination de l’Amérique. Avec des conséquences sur la croissance, moins fortes en France qu’en Allemagne et en Italie, plus exportatrices, comme on le constate déjà sur les chiffres du deuxième trimestre 2025. Le commerce retourne à sa place, asservi à des objectifs politiques. De ce point de vue, Trump nous donne une leçon douloureuse, mais fort utile. François Lenglet Quels seront les secteurs les plus touchés ? Les entreprises de luxe peuvent supporter à la fois une augmentation de prix et une contraction de leurs marges, qui sont importantes. En revanche, pour les produits laitiers et fromage, c’est l’un de nos postes d’exportation importants, le consommateur sera moins enclin à payer. Ce seront les exportateurs qui vont devoir encaisser la moins-value, s’ils ne veulent pas perdre des parts de marché. Idem pour la cosmétique, également l’une de nos forces à l’export. Le haut de gamme s’en sortira, grâce à la puissance des marques et à l’image du « made in France », mais les produits grand public, plus sensibles au prix, devraient souffrir. L’automobile n’est concernée qu’indirectement, car nous n’exportons pas de voitures françaises outre-Atlantique. Les équipementiers français, sous-traitants des constructeurs européens, pourraient toutefois subir les conséquences de la pression sur les exportateurs allemands. Dans tous ces domaines, les industriels vont tenter de produire davantage aux États-Unis, pour échapper aux taxes. Il peut donc y avoir une nouvelle vague de délocalisations. Restent enfin des industries dans l’incertitude, car leur régime douanier n’a pas encore été défini, comme la pharmacie. Peut-on s’attendre désormais à une marginalisation de la Commission européenne ? Von der Leyen va-t-elle devenir l’amie que les États membres n’assument plus ? Les questions commerciales divisent l’Europe depuis toujours, à la fois entre États membres, qui n’ont pas les mêmes intérêts, et d’un secteur à l’autre au sein d’un même pays. Cette fois-ci, pourtant, le continent n’est pas vraiment divisé, il se partage entre les perdants résignés et les perdants soulagés. Soulagés parce qu’ils redoutaient pire - c’est la force de Trump que d’avoir attendri la viande pendant les négociations, en menaçant de taxes encore plus punitives. Au-delà des jérémiades, il n’y a donc pas de réelle volonté de remettre en cause l’accord avalisé par la présidente de la Commission. De plus, plusieurs partenaires commerciaux des États-Unis ont déjà avalé leur pilule, le Japon, la Corée du Sud, et tous ceux qui attendent dans le couloir de la Maison-Blanche… Il n’y a plus guère que la Chine qui tienne tête à l’Amérique. Il faut espérer que cette affaire aura au moins eu pour effet de révéler à l’Europe, à ses citoyens et ses dirigeants, l’ampleur des changements en cours dans les relations internationales. Dans la confrontation qui s’intensifie, tout est stratégique, y compris les questions commerciales. Tout a un prix. Tout est levier pour obtenir de l’influence ou des ressources. Cela exige de nous une révolution, dans l’idéologie et dans l’action, après quarante ans où le libre-échange était considéré comme l’état naturel des rapports internationaux, indépendant des questions politiques et profitables à tous. Le commerce retourne à sa place, asservi à des objectifs politiques. De ce point de vue, Trump nous donne une leçon douloureuse, mais fort utile. Pour reprendre un aphorisme de l’économiste Marc de Scitivaux, dans la longue histoire du coup de pied au derrière, ce n’est pas toujours le pied le plus coupable.
par Henri Guaino 4 août 2025
"Lettre ouverte à Jean-Luc Mélenchon à propos de la langue française et de quelques autres sujets" Une tribune d'Henri Guaino parue dans Le Figaro le 28 juillet 2025 : https://www.notrefrance.fr/index.php/medias/
par Louise Morice 26 juillet 2025
"Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le solde naturel est négatif. Ce que l’on attendait pour 2027 est déjà là, en 2025. Trop tôt. Trop vite. Et pourtant, pas un sursaut. Pas un électrochoc. Le pays continue, imperturbable, comme sous anesthésie. Ce chiffre, pourtant fondamental, ne suscite ni débat national, ni mobilisation. On le constate, on le commente, puis on passe à autre chose. Comme toujours." https://www.frontieresmedia.fr/tribunes/tribune-louise-morice-le-silence-des-enfants-le-prix-du-renoncement
par Mathieu Bock-Côté 26 juillet 2025
Une tribune de Mathieu Bock-Côté dans FigaroVox (25/07/2025) https://www.lefigaro.fr/vox/politique/mathieu-bock-cote-de-la-fin-du-macronisme-20250724 CHRONIQUE - Le macronisme, dont Bruno Retailleau a prédit la fin une fois qu’Emmanuel Macron ne sera plus président de la République, a d’abord été le réflexe de survie d’un régime en panne, avant de se muer en une forme de centrisme autoritaire. C’est une des polémiques de l’été : sommes-nous témoins de la fin du macronisme ? La question peut se comprendre au premier degré : dans quelle mesure Emmanuel Macron peut-il encore peser jusqu’à l’élection présidentielle de 2027 ? Pour certains, elle relève de l’hérésie. La garde prétorienne du président accuse ainsi de lèse macronisme les figures du gouvernement qui n’ont pourtant jamais caché leur hostilité à son endroit. Voyons-y la joute politique ordinaire. À découvrir La question ne devient pourtant intéressante qu’en se détachant de la personnalité du président de la République pour faire plutôt le bilan de la synthèse qu’il a cherché à composer en 2017. Ce qui nous oblige à revenir à ses origines. Le macronisme fut d’abord le réflexe de survie d’un régime en panne, aux clivages devenus stériles, sentant monter une menace « populiste » et voulant se donner les moyens de la mater en ripolinant sa façade et en confiant la direction du pays à un jeune homme qu’on disait exceptionnel. Les élites politiques concurrentes qui, jusqu’alors, s’affrontaient selon la loi de l’alternance entre la gauche et la droite, se fédérèrent alors dans ce qu’on allait appeler un bloc central revendiquant le monopole de la République, de ses valeurs et de la légitimité démocratique, mobilisé contre des extrêmes, censées menacer la démocratie. L’alternative était posée : macronisme ou barbarie ! La rhétorique anti-extrêmes au cœur du macronisme masquait toutefois une fixation bien plus précise sur la droite nationale - alors qu’il convergeait culturellement avec la gauche radicale. Le macronisme n’a jamais cessé de proposer une offre politique conjuguant diversitarisme et mondialisme, auxquels s’est ajoutée la transition énergétique, sous le signe d’un empire européen à construire. L’homme européen auquel rêvent les macronistes a souvent eu les traits d’un l’homo sovieticus revampé. Le macronisme semblait faire du multiculturalisme une promesse. Il croyait les tensions dans les quartiers solubles dans la croissance, convaincu qu’il n’existe pas d’incompatibilité entre certaines civilisations, que l’islam est une religion comme une autre, et que le nombre, en matière migratoire, est une variable insignifiante. Il n’a pas vu et ne voit toujours pas la submersion migratoire, sauf pour la célébrer. Il se représente moins l’immigration comme une fatalité que comme un projet. Le macronisme s’est aussi rapidement dévoilé comme une forme de centrisme autoritaire qui préfère se faire appeler État de droit Mathieu Bock-Côté Le macronisme se voulait aussi un technocratisme : les meilleurs enfin rassemblés pourraient facilement résoudre les problèmes de la France, dégraisser l’État social, relancer l’économie et libérer les énergies du pays. La pensée unique trouvait sa traduction pratique et quiconque entendait gouverner à partir d’autres principes était accusé de se laisser emporter par des bouffées idéologiques délirantes. La situation financière de la France laisse croire que cette stratégie était moins performante que prévu. Le macronisme s’est aussi rapidement dévoilé comme une forme de centrisme autoritaire qui préfère se faire appeler État de droit. De 2017 à 2025, les initiatives se sont multipliées pour assurer une régulation publique de l’information, pour lutter contre les discours haineux, pour étendre la surveillance des pensées coupables au discours privé, sans oublier la dissolution de nombreux groupes identitaires, l’acharnement judiciaire et financier contre le RN et la fermeture d’une chaîne de télévision décrétée d’opposition. Le régime n’a plus de base populaire C’est ce qui a permis au macronisme de fédérer, l’an passé, les partis du système dans un front républicain allant de l’extrême gauche à la droite classique pour empêcher l’arrivée au pouvoir du RN. Le macronisme, à ce stade, abolissait le pluralisme politique authentique. Il n’y avait de diversité idéologique légitime qu’au sein du bloc central. L’extrême centre et la gauche radicale ont l’antifascisme en langage partagé. La droite classique, évidemment, s’est tue, de peur de déplaire. La seule opposition autorisée est celle qui se structure dans les paramètres du régime, et qui célèbre ses principes, avant de le contredire dans les détails. La révolte fiscale se fait entendre, la révolte identitaire et sécuritaire travaille la France depuis un bon moment, mais le macronisme est résolu à mater les gueux et les lépreux, qu’il se représente comme un peuple factieux, presque comme une meute de dégénérés dangereux. Le régime n’a plus vraiment de base populaire, mais ne s’en émeut guère. Le macronisme en est ainsi venu à confondre les palais de la République avec le maquis. Derrière les appels à répétition à sauver la démocratie, on trouve surtout une caste, qui est aussi une élite moins douée qu’elle ne le croit, résolue à prendre tous les moyens nécessaires pour conserver ses privilèges et ses avantages, effrayée devant la possibilité qu’une autre élite la congédie et la balaie. Les prébendes de la République valent bien la peine qu’on se batte pour elles.
par Julien Abbas (Valeurs Actuelles) 26 juillet 2025
Une tribune de Julien Abbas dans Valeurs Actuelles "La France, bercée par ses souvenirs de grandeur, se trouve aujourd’hui, après huit ans de présidence d’Emmanuel Macron, fragilisée sur l’échiquier mondial. L’action de Jean-Noël Barrot à la tête du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ne fait qu’accentuer cette dérive." https://www.valeursactuelles.com/politique/jean-noel-barrot-un-ministre-etranger-aux-affaires
par Eric Chol (L'Express) 26 juillet 2025
Un edito d'Eric Chol dans l'Express (16/07) Et si on appliquait le plan Pinay-Rueff à la France ? Arrivé à Matignon en 1958, le général de Gaulle trouve un pays au bord de la banqueroute, comparable à la situation actuelle. Le président de la République a eu beau appeler à « la force d’âme », le pays aura du mal à se défaire du bonnet d’âne qui désormais le caractérise en Europe. Car comment qualifier autrement l’abyssesse des finances publiques, rendue possible par une croissance moribonde et dix ans de promesses mensongères successifs pour l’intendance, de la démagogie d’un personnel politique plus soucieux des élections que de l’intérêt national, et de l’addiction incurable de nos compatriotes aux chèques et à l’Etat ? On connaît (depuis 1974) la chanson, mais n’y fait : la France, année après année, déchoit. Même le plan Bayrou ne lui ressemble qu’à une énième incantation qui nourrira une gêne ou elle sera vite oubliée. Et si l’on essayait vraiment un plan de redressement national ? C’est ce qu’avait fait l’un des ministres des Finances les plus brillants, Antoine Pinay, nommé en 1958 par le général de Gaulle. Un esprit comparable mentalement au plus lucide des conseillers de Gaulle, lorsqu’il arrive à Matignon, c’est d’avoir compris que la crise budgétaire de la France, anémique, asphyxiée par les dépenses, dissuadait le grand débiteur d’agir. Pinay demande donc l’aide d’un directeur général du FMI de l’époque, le Suédois Per Jacobsson, ni plus ni moins. Le plus fou est qu’à Paris, comme à Washington, ce fut le diagnostic économique qui fit l’unanimité : la France, dans sa totalité – Intérieur, Défense, Affaires étrangères… – devait rendre les comptes à l’Etat, dans les moindres détails. Et c’est à ce moment-là que le général de Gaulle, aidé par Jacques Rueff, inspecteur des finances, met le pied dans la fourmilière. L’événement économique déterminant de décembre 1958, pour assainir le pays, Car oui, c’était possible, et de Gaulle l’a fait. Comment ? Tout d’abord en misant sur Jacques Rueff, un inspecteur des finances habitué à voler au secours des économies fragiles : trente ans plus tôt, dépêché par la Société des nations, cet ancien du cabinet Poincaré avait testé l’efficacité de ses recettes en Bulgarie, en Grèce ou au Portugal. De ces sauvetages, le polytechnicien a tiré une devise : « Exigez l’ordre financier ou acceptez l’esclavage. » Le plan Pinay-Rueff, adopté en décembre 1958, n’a rien d’un chemin de roses : augmentation de taxes et des impôts, compression des dépenses publiques, fin de nombreuses subventions, dévaluation du franc… La purge a un goût amer. « Et bien, les Français crient. Et après ? », rétorque de Gaulle à ses ministres inquiets. Mais les Français n’ont pas crié, et les comptes de la nation ont été rétablis en six mois. « La force de ce programme, c’est qu’il touchait l’ensemble des classes sociales : agriculteurs, retraités, fonctionnaires, chefs d’entreprise… Tout le monde a dû mettre la main à la poche », analyse l’historienne Laure Quennouëlle-Corre. Le plan Pinay-Rueff avait d’autres atouts. La popularité de Pinay, pour faire passer la pilule auprès des Français. « Sa mise en œuvre a été faite par un homme fort qui disposait d’un ascendant et d’une majorité très importante dans le pays. Le plan a été accepté parce qu’il était porté par de Gaulle, » précise l’auteur du Dénî de la dette. Une histoire française (Flammarion). Sept décennies plus tard, on a la recette, mais incontestablement, on manque encore d’un chef !
par LD31 26 juillet 2025
On croyait que la suppression des 2 jours fériés, ce serait pour réduire le cout du travail ? Raté ... ce sera pour financer un impôt supplémentaire sur les entreprises !
par François Vannesson 17 juillet 2025
Un post Linkedin de François Vannesson, avocat au barreau des Hauts-de-Seine et fondateur du cabinet Morpheus Avocats Najat Vallaud-Belkacem, L’avatar capillaire du pédagogisme invertébré, vient d’être bombardée à la Cour des comptes. Une récompense bien méritée pour l’immense œuvre de destruction méthodique qu’elle a menée contre l’instruction publique : elle a vidé les cerveaux avec une cuillère en bois, puis repeint les murs de la salle de classe avec les restes. À l’époque, elle nous vendait l’école comme un espace d’auto-expression émotive où la syntaxe était fasciste, la chronologie raciste, la discipline patriarcale et l’excellence un attentat psychologique. Elle dirigeait le ministère comme on organise une orgie dans un hospice : sans scrupule, sans hygiène, sans témoin. Et maintenant elle va compter. Pas les fautes, non, ni les manques, ni les milliards égarés entre deux lubies. Elle va compter avec sa méthode : à la louche, au ressenti, à l’échelle du trauma perçu. Chaque déficit sera une blessure symbolique, chaque trou dans le budget une opportunité de réinvention inclusive. Mais la meilleure part, c’est le parrainage. François Bayrou, incarnation ambulante du compromis diarrhéique, l’a propulsée là. L’homme qui croit encore à son destin présidentiel comme un vieil ivrogne croit au retour de l’amour conjugal. Il négocie une nomination comme un souteneur distribue des faveurs : contre une abstention PS sur la censure. République mon amour, tu n’es plus qu’un kiosque à prostitutions morales. La scène est si grotesque qu’on en pleurerait de rage : l’ancienne démolisseuse de la langue française promue gardienne des comptes. L’incompétence sanctifiée, l’idéologie élevée au rang de compétence, l’erreur transformée en critère de sélection. Bientôt viendra son premier rapport : « Vers une comptabilité intersectionnelle : décoloniser les bilans, racialiser les soldes ». Elle y ajoutera une bibliographie lacrymale, quelques verbes en inclusif approximatif, et un graphique en arc-en-ciel pour masquer l’effondrement. La France, pendant ce temps, crève à petit feu. On supprime les jours fériés, on broie les actifs, on appuie sur la gorge des classes moyennes jusqu’à ce qu’elles n’aient plus que l’impôt pour respirer. Mais au sommet de la pyramide invertie, les fossoyeurs se félicitent. On ne leur demande plus d’être bons. Juste d’avoir bien nui. Et là, Najat coche toutes les cases. Avec application. Et un très joli stylo.
par Interview du philosoque Pierre-Henri Tavoillot par Eugénie Boilait dans FigaroVox 16 juillet 2025
ENTRETIEN - Le ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, a contesté sur LCP l’existence d’un quelconque « islamo-gauchisme » au sein de l’université française, arguant que le terme n’existait pas « en tant que terme universitaire ». Pour le philosophe Pierre-Henri Tavoillot*, cette affirmation est doublement erronée. * Maître de conférences à Sorbonne Université et président du Collège de philosophie, Pierre-Henri Tavoillot est aussi le référent laïcité de la région Île-de-France. https://www.lefigaro.fr/vox/societe/quoi-qu-en-dise-le-ministre-la-realite-du-terrain-confirme-l-existence-d-un-islamo-gauchisme-dans-les-universites-20250709 LE FIGARO. – Le ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, a contesté le 7 juillet sur LCP l’existence d’un quelconque « islamo-gauchisme » au sein de l’université française, arguant que le terme n’existait pas « en tant que terme universitaire ». « Il n’est même pas bien défini, donc cette notion n’existe pas », a-t-il assuré. Selon vous, cet argumentaire tient-il la route ? Passer la publicité Pierre-Henri TAVOILLOT. - À vrai dire, ce propos est doublement erroné : d’abord parce que le concept d’« islamo-gauchisme » est clairement identifié, et ensuite parce que, comme toute idéologie, il est évidemment présent à l’université, réceptacle naturel de toutes les idéologies existantes. Mais chaque chose en son temps. Revenons au concept qui a été construit par Pierre-André Taguieff dans les années 2000 et dont l’histoire est parfaitement connue. L’historien des idées l’évoque notamment dans son ouvrage Liaisons dangereuses. Islamo-nazisme, islamo-gauchisme (Hermann, 2021). À partir de là, la définition de l’idéal-type est simple à établir, avec trois points fondamentaux qui le caractérisent. Il y a d’abord l’idée que l’islam est la religion des « opprimés » - ce qui permet aux révolutionnaires de gauche d’abjurer leur aversion du religieux, la religion étant traditionnellement perçue comme l’« opium du peuple ». Et la révolte islamiste est, pour le révolutionnaire en herbe, une « divine surprise » qui permet de pallier la tendance conservatrice, voire réactionnaire, du prolétariat européen. En effet celui-ci se contente dorénavant de « défendre les acquis sociaux » ou de voter pour le Rassemblement national. Dans ces conditions, la révolution n’est plus envisageable avec lui, d’où la deuxième idée structurante qui réside dans l’urgence de faire venir un prolétariat actif et révolutionnaire. L’islamo-gauchisme soutient donc l’ouverture sans limite des frontières et l’accueil de ceux qu’ils pointent comme les « damnés de la terre ». Avec ces derniers, il redevient possible d’envisager la destruction de la pseudo-social-démocratie libérale et du système capitaliste. La troisième idée est que l’islamisme est lui-même une simple réaction de défense, légitime donc, face à un impérialisme occidental et néocolonial qui veut imposer à coups de canon son « idéologie des droits de l’homme » dans le monde entier. De ce point de vue, les plus à l’extrême vont percevoir les attentats comme des réactions, à l’instar du pogrom du 7 Octobre en Israël, que certains ont qualifié d’« acte de résistance ». D’ailleurs, la judéophobie est l’une des dernières composantes, et non des moindres, de cette idéologie. On a là un raisonnement qui donne sa cohérence à bien des prises de position étranges de la part de La France insoumise, notamment. Dire que le concept n’existe pas, c’est se priver du moyen de comprendre l’extrême gauche, et même une partie de la gauche, qui met par exemple Gaza et le drapeau palestinien en tête de toutes ses revendications. D’après le ministre, tous les atermoiements des dernières années à l’université témoignent donc simplement d’une tradition française bien ancrée, celle de la forte politisation des universités. Sur ce point, il n’a pas tort : qu’est-ce qui différencie vraiment la période actuelle ? Il existe tout de même une inquiétude supplémentaire par rapport au passé : on a affaire là, potentiellement, à de la violence. Ce ne sont pas seulement des débats d’idées. On a vu ce qui s’est passé à l’école avec Samuel Paty et Dominique Bernard quand la haine est attisée. Ces choses sont à prendre au sérieux. Ce n’est pas majoritaire, mais c’est une minorité fanatique. Entre les débats même violents que l’on a pu connaître par le passé à l’université et ceux d’aujourd’hui, il y a un potentiel changement de nature. Cette idéologie existe donc à l’université ? Elle n’est pas majoritaire ni structurelle, mais elle est bien présente. Et cela dépend largement des secteurs. On peut en donner bien des exemples : il n’a par exemple échappé à personne qu’un certain nombre de blocages qui avaient eu lieu ces derniers mois devant ou dans nos universités se justifiaient par l’hostilité envers la guerre à Gaza. De prime abord, on peut se demander pourquoi, dans une université française, on bloque les cours du fait de la guerre au Moyen-Orient ? En effet, la France n’est pas cobelligérante : sur le strict plan universitaire, ça n’a pas de sens. Il a donc fallu trouver des justifications et on les a trouvées au cœur de ce qu’on appelle l’islamo-gauchisme. Il faut arrêter ce déni qui, en plus d’être agaçant, donne l’impression que c’est l’ignorance qui prime Pierre-Henri Tavoillot Plus personnellement, en tant que référent laïcité de la région Île-de-France, j’ai de nombreuses remontées de terrain qui témoignent de ce que l’on appelle l’« entrisme islamiste ». Ce n’est pas un fantasme. Il y a quelques mois, notre collègue Fabrice Balanche a été interrompu dans son propre cours par des activistes. À Lyon, on sait aussi qu’il existe des salles de prière au sein des établissements. Il y a le spectacle de l’Unef dont la dimension de gauche laïque cède la place aujourd’hui à une dimension « frériste » - cela laisse d’ailleurs dans la stupéfaction ceux qui furent ses anciens militants. Les étudiants sont-ils les seuls concernés ? Les professeurs le sont également. J’ai de nombreux collègues proches de La France insoumise, et ils sont d’ailleurs dans leur bon droit. Certains, comme François Burgat, se revendiquent même de l’islamo-gauchisme. Preuve, s’il en fallait, que, si, aujourd’hui, pour nombre de gens, ce terme est péjoratif, il est en premier lieu descriptif et renvoie à des idées et à un raisonnement. Je ne suis pas d’accord avec cette position, mais elle a de la cohérence : ainsi, dire que ça n’existe pas n’a absolument aucun sens… C’est une grille incontestable qui explique une partie des débats aujourd’hui en France. Dans la classification de la gauche selon Jacques Julliard, il y a la gauche collectiviste, la gauche libertaire, la gauche libérale et la gauche jacobine. Il y a beaucoup d’antagonismes entre elles, mais ce qui réunit les gauches libertaire et collectiviste, c’est précisément l’islamo-gauchisme. Elles vont se retrouver ensemble comme à la manifestation contre l’islamophobie du 10 novembre 2019. Cette dernière avait réuni la CGT, l’Unef, le Parti communiste, Les Verts, Lutte ouvrière, LFI, le NPA. Il y avait une unification des deux gauches radicales qui s’opposaient, de ce point de vue, aux deux autres gauches, laïcardes. Il faut donc arrêter ce déni qui, en plus d’être agaçant, donne l’impression que c’est l’ignorance qui prime. D’autant qu’il est de plus en plus marginal. Il faut être clair pour établir un diagnostic fiable. Ce serait d’ailleurs bienheureux pour tout le monde, car cela nous empêcherait à la fois de sous-réagir et de surréagir. Il faut plutôt accepter le réel, pour, ensuite, voir ce qui relève de la liberté d’expression politique et ce qui relève des attitudes et des actions contraires à l’esprit et à la lettre des universités. Là est le véritable enjeu. D’autant que la prise de parole du ministre s’oppose à ce que disaient certains de ses prédécesseurs… Cet effet yoyo est une constante depuis que Jean-Michel Blanquer a cessé d’être ministre. Lui a eu l’immense mérite d’avoir une politique claire et de long terme sur le sujet. Maintenant, les allers-retours sont permanents, alors même que la réalité commence à apparaître au grand jour.
par Stéphane Loignon et Solenn Poullennec (Les Echos) 14 juillet 2025
Les propositions pour réformer les dépenses publiques ne manquent pas et le Sénat a rendu récemment une nouvelle copie. Mais François Bayrou aura t'il ne courage de n'en retenir ne serait ce que quelques unes plutôt que de tomber dans la lâcheté habituelle des augmentations d’impôts ... https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/budget-les-propositions-chocs-du-senat-pour-redresser-les-comptes-publics-2175473 Budget : les propositions chocs du Sénat pour redresser les comptes publics Gel des crédits, non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, jours de carence des fonctionnaires, « année blanche » sur les prestations sociales… La majorité sénatoriale a livré des recommandations drastiques pour redresser les comptes.Par Stéphane Loignon, Solenn Poullennec Le Sénat a rendu sa copie budgétaire au Premier ministre. Son contenu donne une idée de l'ampleur des sacrifices qui pourraient être demandés. Lundi, le président de la Chambre haute, Gérard Larcher, s'est rendu à Matignon pour dévoiler la contribution de la majorité sénatoriale au prochain budget, à une semaine de l'annonce par François Bayrou de son plan de redressement des finances publiques. « Les Echos » ont pu se procurer ce document révélé par Contexte. Sans prétendre remplacer le gouvernement, les sénateurs de la majorité du centre et de droite ont souhaité apporter leur pierre à l'édifice, en compilant des pistes d'économies pour ramener le déficit à 4,6 % du PIB l'an prochain, contre 5,4 % visés cette année. « Il y a une voie, qui est exigeante, mais c'est maintenant qu'il faut le faire », insiste le rapporteur général du budget, Jean-François Husson (LR), à l'issue de ce travail collégial entamé mi-mai. « On a essayé d'équilibrer entre les entreprises, les retraités, les actifs. Que chacun puisse considérer qu'il est soumis au même régime d'effort… », témoigne la sénatrice centriste Elisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des Affaires sociales. Selon elle, « ce n'est pas la copie définitive » mais plutôt « des options ». Baisse des dépenses Alors que le gouvernement a estimé l'effort nécessaire à 40 milliards d'euros en 2026, les propositions sénatoriales aboutissent à une fourchette comprise entre 30 à 50 milliards d'euros. « Sur les presque 50 milliards, environ 45 milliards concernent la baisse de la dépense publique, ça ne s'est jamais fait », souligne Jean-François Husson. Le recours à la fiscalité se limite à un éventuel gel du barème de l'impôt sur le revenu, dans le cadre d'une « année blanche » si les baisses de dépenses ne suffisent pas, et à la pleine application du dispositif contre la fraude CumCum (1,5 à 2 milliards d'euros à la clé), prévu au budget 2025 et que les sénateurs jugent bridé par un texte d'application de Bercy. Tout le reste repose sur la baisse des dépenses, en premier lieu de l'Etat. A minima, le Sénat recommande le gel en valeur des crédits budgétaires - hors défense, charge de la dette et contribution à l'Union européenne -, qui produirait 10 milliards d'euros d'économies par rapport à l'évolution spontanée des dépenses. Chaque baisse de 1 % des crédits hors loi de programmation rapporterait 2,4 milliards d'euros supplémentaires. Non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux Sauf pour les Armées, le Sénat propose même de « réinterroger » les lois de programmation qui encadrent les budgets du ministère de l'Intérieur, de la Justice et de la Recherche. Au maximum, ramener les crédits au niveau du dernier budget avant Covid (soit celui de 2019), en tenant compte de l'inflation, rapporterait carrément 22 milliards d'euros (un objectif qui ne pourrait être atteint que progressivement). Pour réaliser des économies dans la durée, les sénateurs veulent aussi que l'Etat reprenne le contrôle de sa masse salariale, qui a grimpé de 6,7 % l'an passé. Ils remettent sur la table le principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, mis en place sous le mandat de Nicolas Sarkozy puis abandonné sous François Hollande. La mesure rapporterait 500 millions d'euros l'an prochain. Ils réclament également l'harmonisation du régime des jours de carence dans la fonction publique (un jour actuellement) avec celui du privé (trois jours), avec 200 millions d'euros à la clé en 2026. La rationalisation des agences et opérateurs apporterait 540 millions d'euros d'économies sur leur fonctionnement, en suivant les recommandations du rapport de la sénatrice LR Christine Lavarde. « Année blanche » notamment sur les retraites. Les collectivités apporteraient un écot modeste au redressement des comptes, à hauteur d'un « maximum de 2 milliards d'euros », comme cette année. Celles-ci ne sont que « de manière anecdotique responsable de l'aggravation de la dette publique depuis 2019 », juge le Sénat, contrairement à la Cour des comptes. Les sénateurs voient en revanche de gros gains potentiels dans la lutte contre l'enchevêtrement des compétences entre Etat et collectivités. L'application des recommandations du rapport Ravignon rapporterait jusqu'à 7,5 milliards d'euros, éventuellement au bout de deux ans (3,8 milliards la première année). Une réforme des décrets tertiaires, dont le coût qui pèse sur les collectivités aurait atteint 3,3 milliards d'euros en 2023, permettrait de récupérer cette somme, potentiellement en deux ans. Enfin, la Sécurité sociale fournirait environ 10 milliards d'euros d'économies en 2026 dans le plan des sénateurs, notamment via une « année blanche » (non-indexation) des prestations sociales (5 milliards d'euros dont 3 milliards d'euros pour les retraites). L'Assurance Maladie apporterait aussi 5 milliards d'euros, par différentes mesures concernant entre autres la prise en charge des affections de longue durée, les médicaments et les dispositifs médicaux. Les assureurs santé pourraient se voir confier des missions de prévention, aujourd'hui assumées par la « Sécu ». Reste à savoir dans quelle mesure le gouvernement s'inspirera de ces nombreuses propositions.