"C'est sur la fierté que l'on construit les nations ouvertes au monde"
- par Henri Guaino
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- 28 févr., 2021
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"C'est sur la fierté que l'on construit les nations ouvertes au monde"


Les faits sont bel et bien présents. Depuis plusieurs années maintenant, nous assistons à la montée en puissance du camp national, du patriotisme et d’un sursaut identitaire et souverainiste.
Les raisons sont multiples, et bien connues aujourd’hui : insécurité, immigration de masse, baisse du pouvoir d’achat, et surtout la volonté orgueilleuse d’Ursula von der Leyen d’imposer une forme d’empire européen, une superstructure où les lois européennes priment sur les lois nationales.
C’est déjà une réalité, notamment en France, avec l’article 55 de la Constitution, qui donne la primauté aux traités internationaux sur les lois françaises, à condition qu’ils soient appliqués par l’autre partie. Cela permet au droit européen, issu de ces traités, de passer devant nos lois nationales, même si la Constitution reste au sommet de la hiérarchie juridique. C’est dans ce contexte que le camp national prend de plus en plus d’ampleur. Car ce que les peuples veulent, ce n’est pas Bruxelles, ce n’est pas les technocrates, c’est la souveraineté, la frontière, l’ordre, et le respect de l’identité de chaque nation. Mais cela dérange.
Et parce que cela dérange, tout doit être fait pour l’étouffer.
Commençons par les élections en Roumanie, où Călin Georgescu, indépendant et ancien membre du gouvernement, crée la surprise en obtenant environ 22,9 % des voix lors du premier tour de la présidentielle de novembre 2024. Bien que son score ait surpris les observateurs, ce n’est pas tant le résultat qui choque, mais bien la réaction du système. La Cour constitutionnelle de Roumanie a annulé le premier tour sous prétexte de soupçons d’ingérence russe dans le processus électoral, ce qui a mené à une nouvelle élection en mai 2025. George Simion, leader du parti AUR (Alliance pour l’unité des Roumains), a alors remporté le premier tour avec 40,5 % des voix. Ce résultat démontre que la résistance populaire contre l’élite bruxelloise et mondialiste ne cesse de croître. Quel ironie, que le peuple répond de plus belle.
Regardons maintenant l’Allemagne. En 2024, l’AfD (Alternative für Deutschland) a vu ses résultats augmenter dans certaines régions. En particulier, en Saxe et en Thuringe, le parti a fait des progrès significatifs, franchissant le seuil des 30 % dans certaines circonscriptions. Mais en mai 2025, l’Office fédéral de protection de la Constitution classe officiellement l’AfD comme organisation “d’extrême droite avérée”, ce qui permet aux autorités d’utiliser des moyens de surveillance importants. Cela inclut l’espionnage des communications privées, une mesure qui, en théorie, aurait pour but de protéger la démocratie contre des menaces extrémistes, mais qui constitue en réalité une atteinte directe à la liberté individuelle et à la démocratie elle-même. Ce genre de censure légalisée montre l’effort du système pour contrôler toute forme de contestation.
En Italie, la Première ministre Giorgia Meloni, issue du mouvement Fratelli d’Italia, a obtenu un soutien populaire massif en raison de ses politiques contre l’immigration illégale et de ses réformes économiques. Son gouvernement a réduit les flux migratoires grâce à des accords
bilatéraux avec des pays comme la Tunisie et l’Albanie, tout en s’attaquant au déficit public. Des résultats concrets, donc, mais qui sont systématiquement diabolisés par une grande partie des médias occidentaux, notamment en France, où elle est toujours présentée comme une menace fasciste. Ses réformes économiques sont pourtant saluées à l’international, notamment par les
investisseurs, mais en Italie et à l’étranger, les médias continuent de lui prêter des intentions autoritaires, au lieu de se concentrer sur ses réels succès.
En Autriche, le FPÖ (Parti de la liberté d’Autriche), bien que minoritaire dans le gouvernement, connaît une croissance continue. Le parti, dirigé par Herbert Kickl, a atteint 25 % lors des dernières élections législatives de 2024, une performance solide malgré les efforts des médias pour minimiser sa popularité et la diaboliser en raison de son opposition ferme à l’immigration et à l’UE.
Le cas de ces pays et partis est le reflet d’un phénomène qui s’amplifie à travers l’Europe. Ce n’est pas seulement l’extrême droite qui est victime de censure, mais bien toute forme de populisme nationaliste qui défie l’ordre établi. L’Union européenne et ses institutions font tout pour étouffer ces mouvements en légitimant des actions de censure et de répression. Mais les peuples européens, malgré les obstacles et les manœuvres de l’élite, continuent de se battre pour leur liberté, leur souveraineté et leur identité.
Aujourd’hui, la démocratie européenne semble être un concept à géométrie variable : on peut voter, mais seulement si l’on choisit le bon camp. C’est cela, la véritable atteinte à la démocratie. Car tout doit être fait pour étouffer l’extrême droite, oui, mais en réalité, c’est surtout la volonté des peuples européens de décider pour eux-mêmes qui est mise en danger.
Maxime Duclos

EXCLUSIF- Après avoir été déprogrammé par son éditeur, le livre paraît enfin cette semaine aux Presses universitaires de France. Un livre collectif qui pourrait être un tournant dans la bataille culturelle qui se joue entre wokes et antiwokes.
Rarement un livre aura été autant vilipendé avant même sa parution. Avant même que quiconque n’ait pu le lire. On dit que le monde de l’édition se nourrit de polémiques, mais Paul Garapon, qui dirige les Puf, le temple de l’édition universitaire, se serait bien passé de celle qu’a déclenchée l’annonce de la parution de "Face à l’obscurantisme woke". Au point que l’éditeur, pourtant initiateur du projet, a hésité à censurer l’ouvrage, sans doute effrayé par la campagne médiatique orchestrée par une partie du monde journalistique et intellectuel de gauche. Aux yeux des journalistes du Monde et de Libération , le seul titre du livre a suffi pour le disqualifier et instruire un procès en trumpisme et en poutinisme à ses auteurs.
Côté intellectuels, c’est l’historien Patrick Boucheron, professeur au Collège de France et coauteur de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris, qui a décoché les premières flèches. Le vendredi 7 mars, lors d’une conférence de presse à l’occasion d’une journée de mobilisation contre les coupes budgétaires opérées par Donald Trump au sein de la recherche américaine, il s’indigne : « On trouve aussi quelques idiots utiles dans l’Université. Il y a des livres qui continuent de paraître. Il y en a un aux Puf qui s’appelle Face à l’obscurantisme woke. Aux Puf ! Aux Puf ! » s’étrangle-t-il. La maison d’édition est tout près de céder devant la pression exercée par le mandarin. Au lendemain de la sortie de Patrick Boucheron, alors que le texte était édité, maquetté, la jaquette choisie, la parution annoncée pour début avril sur le site des Puf et sur les réseaux sociaux, la direction annonce dans un communiqué qu’elle suspend la publication. « À deux doigts de se trumpiser en publiant un pamphlet antiwoke, les éditions Puf rétropédalent », peut-on lire dans Le Nouvel Obs.
Mais quelques jours après la polémique, sans doute par crainte d’apparaître comme un censeur, Paul Garapon revient finalement sur sa décision qu’il dit avoir prise dans l’urgence. Le livre est repoussé, mais pas enterré. Les lecteurs vont pouvoir se faire leur propre opinion. Le Figaro Magazine s’est procuré en exclusivité Face à l’obscurantisme woke , qui paraît cette semaine, pour juger sur pièces. Et rétrospectivement, on comprend mieux l’inquiétude des thuriféraires du wokisme.
Une contre-révolution scientifique
De nombreux essais sont déjà parus sur le sujet, mais ce qui a déclenché l’ire et suscité la peur de l’intelligentsia, c’est que Face à l’obscurantisme woke n’est en rien un pamphlet, n’en déplaise à une certaine presse. Il s’agit du fruit des travaux de chercheurs dont la légitimité académique est incontestable. Rassemblant les contributions de 26 auteurs (Nathalie Heinich, Sami Biasoni, Céline Masson, Samuel Fitoussi, Guylain Chevrier, Tarik Yildiz, Florence Bergeaud-Blackler, Renée Fregosi, Pierre-André Taguieff…), l’ouvrage de 460 pages est dirigé par trois universitaires reconnus : la professeur de lettres Emmanuelle Hénin, le professeur d’histoire Pierre Vermeren et le linguiste Xavier-Laurent Salvador, par ailleurs directeur de l’Observatoire du décolonialisme.
Nous sommes dans un délire idéologique, mais plus profondément dans une contre-révolution scientifique
Emmanuelle Hénin, professeur de lettres
Dans la bataille culturelle qui se joue actuellement entre wokes et antiwokes, le livre pourrait être un tournant. Il démontre d’abord la faiblesse intellectuelle du wokisme. « Ce qui caractérise le mouvement woke, c’est son ignorance et la pauvreté abyssale des raisonnements qu’il propose, ce n’est clairement pas une idéologie charpentée, structurée comme pouvait l’être le marxisme ou le maoïsme, analyse Emmanuelle Hénin avant de pointer les contradictions évidentes du mouvement : Ne pas cesser de revendiquer les droits des femmes tout en clamant que la femme n’existe pas, il faut le faire. Encore hier, je suis tombée sur la vidéo d’une enseignante à Sciences Po expliquant qu’on ne peut pas garder la devise “ Liberté, Égalité, Fraternité ” car le mot “fraternité” exclut les femmes. Ce type de raisonnement absurde, on en trouve à la pelle par des gens qui sont pourtant professeurs ou professeurs des universités », raconte-t-elle au téléphone, mi-amusée, mi-dépitée. Et de conclure : « Nous sommes dans un délire idéologique, mais plus profondément dans une contre-révolution scientifique. »
Pour les auteurs, le wokisme, comme l’indique le titre de leur ouvrage, est moins une idéologie qu’une nouvelle forme d’obscurantisme inaugurant un âge de la bêtise. S’il se réclame d’une démarche scientifique et se pare de la légitimité universitaire, il n’est rien d’autre qu’un charabia pseudo-intellectuel fondé sur quelques mots-clés : « hétéropatriarcat », « racisme systémique », « culture du viol », « intersectionnalité »… Le caractère grotesque des sujets de recherche à la mode, qu’énumère Emmanuelle Hénin dans son introduction et qui attirent les financements au détriment de recherches fondamentales, est édifiant : « Musicologies gaies, lesbiennes et queer » ; « hétéronormativité dans les sources : représentations et transgressions de l’injonction hétérosexuelle » ou encore « Contre-je : genre et énonciations minoritaires en littérature ».
Des institutions gangrenées
Aux yeux des auteurs, le wokisme constitue une incroyable régression de la rationalité au cœur même du temple de la raison et du savoir que devrait être l’Université. Ils y voient aussi une défaite de l’universalisme et une dérive totalitaire car cet obscurantisme s’impose par la terreur intellectuelle et la censure (annulation de colloques et de conférences, marginalisation et diabolisation des chercheurs non woke), et applique à tous les sujets une même grille de lecture identitaire et manichéenne opposant systématiquement les « dominés » aux « dominants », c’est-à-dire les femmes et les minorités (qu’elles soient ethniques, religieuses ou sexuelles) au « mâle blanc hétérosexuel occidental ». Le wokisme, en plus d’aggraver le déclin de l’enseignement et de forger une jeune génération d’ignorants, alimente ainsi les fractures communautaires et vient légitimer la rhétorique séparatiste des islamistes.
Les auteurs alertent sur l’ampleur du phénomène et son extension aux sciences dures. Certes, contrairement aux États-Unis, personne en France n’affirme que « les mathématiques puent le suprémacisme blanc ». Mais rappeler la réalité biologique des sexes peut s’avérer périlleux, et pas seulement. Au nom d’un constructivisme absolu, les sciences sociales woke dénient la biologie dans son ensemble. Le professeur Leonardo Orlando, contributeur du livre, a fait les frais de cette « biophobie » voyant son cours sur Darwin annulé à Sciences Po. Loin de se limiter aux seuls amphithéâtres universitaires, l’obscurantisme étend son emprise dans toutes les institutions (écoles, médias, entreprises et même Église) pour mieux tenter de redescendre dans la société.
Il faut notamment lire le chapitre de Vincent Tournier sur la manière dont le Conseil supérieur de l’audiovisuel (aujourd’hui Arcom) a contribué, sous couvert de nobles objectifs, au développement du wokisme, en particulier à travers son très contestable « baromètre de la diversité ». « Diversité », on l’aura compris, ethnique et non idéologique. L’obscurantisme woke est soutenu par l’ensemble des instances occidentales, de l’ONU et l’UE jusqu’aux institutions culturelles et organismes de pilotage de la recherche, CNRS en tête, souligne Emmanuelle Hénin dans son introduction. Dans l’entretien qu’ils nous ont accordé, Xavier-Laurent Salvador et Pierre Vermeren expliquent ainsi le rôle central et délétère joué par les institutions européennes. Acquises aussi bien à l’idéologie woke qu’à la rhétorique des Frères musulmans, celles-ci sont chargées d’orienter les crédits à la recherche. L’Union européenne a ainsi financé à coups de millions d’euros des projets de recherche sur la théorie du genre, mais aussi liés d’une manière ou d’une autre aux Frères musulmans.
Dernier exemple en date, le financement à hauteur de 10 millions d’euros d’un projet de Coran européen. C’est sans doute l’aspect le plus subversif du livre, celui qui explique la panique de certains universitaires et leur tentative de censure. Face à l’obscurantisme woke révèle en creux que le wokisme est aussi un moyen d’ascension sociale pour un monde de la recherche prolétarisé. Pour nombre d’universitaires déclassés, la conversion au wokisme permet d’obtenir de précieuses subventions et un certain confort matériel. Les intellectuels woke, pour certains d’entre eux, sont moins des militants sincères que des opportunistes instrumentalisant « les luttes contre les discriminations » pour mieux avancer dans leur carrière et asseoir leur pouvoir. Patrick Boucheron aurait-il été autre chose qu’un mandarin médiéviste connu des seuls spécialistes s’il n’avait enfourché le militantisme woke ?
Reflux américain, consolidation française
Dans le contexte de l’élection de Trump, Face à l’obscurantisme woke devrait susciter le débat en France. Mais paradoxalement, le reflux du wokisme aux États-Unis semble l’encourager en France. « Il y a une tentation française de vouloir jouer un mouvement de résistance face aux Américains et de positionner la France comme la nation woke », explique l’essayiste Pierre Valentin, contributeur de l’ouvrage. Le président de la République a ainsi invité les chercheurs américains qui seraient persécutés par Trump à venir poursuivre leurs travaux en France. Étant donné que ce sont les départements de sciences humaines les plus politisés des universités américaines qui sont visés par les coupes budgétaires du président américain, il y a plus de chances que nous attirions des apôtres du « genre » ou de la « race » que de futurs ingénieurs ou prix Nobel de médecine. Avons-nous vraiment besoin d’importer de nouveaux islamo-gauchistes ?
Au moment même où Emmanuel Macron faisait ces annonces, l’affaire Fabrice Balanche venait confirmer les constats de Face à l’obscurantisme woke sans que cela n’émeuve le président de la République. Après avoir été chassé de son cours par des « étudiants » cagoulés et en keffieh aux cris de « sale sioniste, dehors ! », le maître de conférences en géographie à l’université Lyon-2 et spécialiste de la Syrie se voyait lâché par toute sa hiérarchie. Isabelle von Bueltzingsloewen, présidente de l’université lyonnaise, s’exprimait après plusieurs semaines de silence, non pour condamner les injures et les intimidations, mais tout au contraire pour accabler son collègue. L’association France Universités, qui regroupe des dirigeants d’universités, loin de désavouer la présidente abondait dans son sens, dénonçant « les fantasmes d’islamo-gauchisme et de wokisme » qui régneraient à l’Université. Fabrice Balanche a été placé sous protection fonctionnelle. Où ira-t-il se réfugier lorsque l’Université française sera devenue l’ultime refuge du wokisme ?

« Ce que dit le narcotrafic de l’affaissement de la France »
En France, le narcotrafic, c’est l’autre nom des conséquences. Quand un pays s’affaisse, cède aux pressions migratoires, relâche son autorité, dégrade son école, disloque les familles, efface sa culture, il laisse place à l’argent facile, à la violence sauvage, aux plaisirs autodestructeurs. En cinquante ans, nous sommes passés de Borsalino à la DZ Mafia. Le conseil municipal d’une petite ville de province qui, au début des années 1980, réglementait les alambics, découvre, dans ses rues, l’horreur du trafic de crack.
De Marseille à Saint-Ouen, le Petit Nicolas et ses copains marchent au parc ou dans la cour de l’école sur les seringues ou les sachets de poudre. Rennes résonne du bruit des kalachnikovs et, de Poitiers à Grenoble, les braves gens croisent, entre deux courses, l’un des trois mille « points de deal » qui gangrènent notre pays. Évidemment, le trafic, l’addiction, la drogue, le crime organisé n’ont pas attendu notre temps pour semer la mort, mais il faut être Pangloss pour ne pas voir que nous ne cessons de franchir des seuils. « Péages » à l’entrée de cités, partition du territoire, conférence de presse menaçante et maintenant attaques de prison : c’est tout l’ordre social qui est ébranlé. L’État tente de répondre, pied à pied, mais tout indique qu’il est débordé.
C’est pour cela que la loi portée par Bruno Retailleau et Gérald Darmanin était plus que nécessaire. Nécessaire mais certainement pas suffisante. Cette loi est un préalable, mais le sursaut doit être d’une tout autre ampleur. Il exige que les mots retrouvent enfin leur sens. La frontière sans laquelle il est impossible d’empêcher les trafics. La sanction qui devrait être immédiate et impitoyable, du gros bonnet au consommateur en passant par les vendeurs, les guetteurs, les transporteurs. L’Éducation qui élève l’homme au-dessus de ses pulsions. La langue qui libère du seul langage de la violence. La culture, la sociabilité, les attachements, la transmission, les efforts du corps, la vie de l’esprit : toutes ces richesses immatérielles qui surclassent, sans convoquer la morale, les paradis artificiels.
Les narcotrafiquants n’ont pas seulement fait dans notre pays plus de cent morts en un an. Ils posent aussi à notre société disloquée, déboussolée, déprimée, une question existentielle.


TRIBUNE - La façon caricaturale dont est présenté le libéralisme dans le débat public est la preuve d’un manque criant de culture sur cette école de pensée, son exercice pratique, mais aussi sur ses acteurs et leurs origines, regrettent la docteur en sciences et l’essayiste*.
* Aurélie Jean a récemment publié « Le code a changé. Amour et sexualité au temps des algorithmes » ( L’Observatoire, 2024). Erwan Le Noan est l’auteur de L’Obsession égalitaire. « Comment la lutte contre les inégalités produit l’injustice » (Presses de la Cité, 2023).
Admettons-le, en France le libéralisme n’a pas bonne presse. Il est réduit à une conflictualité sociale, à un chaos économique, à une vilenie humaine dont il faudrait se méfier et s’éloigner. Dans un contresens alimenté par quelques esprits acerbes ou ignorants, l’imaginaire collectif l’associe à des figures autoritaires, à des héros immoraux ou à des épisodes brutaux. Le débat politique le présente comme une idéologie, à la fois dominante et sans cesse vacillante, structurée mais incertaine. La caricature le décrit sous les traits de privilégiés avides, soucieux de leur égoïsme. Tout cela est faux et démontre un manque de culture populaire sur cette école de pensée et son exercice pratique, sur ses acteurs et sur leurs origines. Car, contre l’idée reçue, on ne naît pas libéral, on le devient !
Être libéral, c’est se demander sans cesse comment, en toutes circonstances, rendre chaque individu plus libre de choisir sa vie, en respectant celle des autres. Être libéral, c’est être convaincu que la meilleure voie pour y parvenir est l’autonomie (non l’indépendance) individuelle et l’échange, qui fait croître la richesse et le savoir - et la cohésion sociale par l’entraide. Être libéral, c’est se rappeler que la liberté est fragile et que la défendre est un combat continuellement renouvelé, qui n’accepte pas de solution unique et implique un questionnement permanent.
Le libéralisme ne propose ainsi qu’un guide de lecture, une référence dans toute réflexion : en revenir systématiquement au choix libre et responsable de l’individu, pour que chacun puisse déterminer par soi-même la voie de sa propre conception d’une vie réussie. C’est un goût pour le doute qui impose la modération et le changement en réponse aux déséquilibres sociaux, économiques et culturels. Le libéral assume de se tromper et corrige sa pensée.
Aussi, le libéralisme ne s’hérite pas, il s’acquiert. Les plus convaincus des libéraux et les plus convaincants sont certainement ceux qui, venant de tout horizon social et économique, ont fait un cheminement intellectuel propre à leurs expériences.
Sa quête est celle de la créativité. Être libéral, c’est reconnaître à chacun sa part de talent et d’inventivité – et donc sa légitimité à participer à l’enrichissement intellectuel ou matériel du monde.Le libéral est, très tôt, revêche à toute forme d’autorité qui ne se légitime pas ou qui vient limiter l’épanouissement de l’individu. Il aime, chez Camus, l’aspiration à la révolte philosophique. Il remet sans cesse en question les affirmations. Cet esprit de fronde naît parfois dès l’école, comme chez Stefan Zweig.
Cette indocilité du libéral est une inquiétude, qui le conduit à se méfier de tout pouvoir, surtout démesuré, surtout s’il n’accepte pas la contestation : le libéral est fébrile devant les réflexes courtisans de ceux qui s’aplatissent complaisamment devant le renforcement continu de la puissance publique et son contrôle de nos vies. Il se retrouve dans Tocqueville ou Montesquieu. Il ne peut oublier que, au XXe siècle, c’est l’État, pas l’entreprise, qui a été l’instrument privilégié des pires abominations de l’histoire : le fascisme, le communisme, le nazisme. Le secteur privé n’est pas parfait, mais lui est soumis à la contradiction permanente de la concurrence.
Défier les vérités imposées
La révolte libérale est, plus encore, celle de tous ceux qui, au nom de la dignité de l’individu, ont résisté par les mots ou par les armes, aux totalitarismes : Arendt, Aron, Havel, Voltaire… Un libéral cherche à défendre la liberté des autres, même celle de ses contradicteurs ou celle dont il ne bénéficie pas.
On devient libéral en doutant des choix subis, en défiant les vérités imposées : tous les individus étant égaux, personne n’a le droit de choisir votre vie à votre place sans votre consentement explicite. Le libéral se retrouve dans les combats de Simone Veil pour les femmes. Il est ouvert à une réflexion honnête sur les évolutions de la société : la liberté individuelle sera-t-elle confortée ou amoindrie si la société admet la GPA ou une loi sur la fin de vie ?
Le libéral ne saurait dès lors être conservateur et encore moins réactionnaire, car il refuse les états de fait, il conteste les vérités imposées, il renie les réflexes qui obstruent la pensée. Il s’inquiète, il s’interroge, il doute jusqu’à se forger une conviction intime, conscient qu’elle n’est pas nécessairement partagée.
Le libéral n’est pas non plus un révolutionnaire, car, convaincu de l’égalité entre les individus, il privilégie le droit et la délibération. Il croit à la dignité de chacun et à la légitimité de toutes les paroles. Il se défie de « l’homme providentiel ». Il est démocrate.
Dépasser nos propre limites
Le libéral est dans un questionnement régulier, même en contradiction avec les siens. Avec Germaine de Staël, il s’inquiète des passions - et des populistes qui prétendent clore le débat. Il a appris à dompter les élans emportés de la colère, il plaide pour maîtriser la violence, même légitime. Il refuse tout ce qui attache les individus à une caste et rejette les assignations. Avec Vargas Llosa, il repousse l’obligation d’appartenir à une « tribu » et ne reconnaît que les allégeances choisies.
Sa quête est celle de la créativité. Être libéral, c’est reconnaître à chacun sa part de talent et d’inventivité - et donc sa légitimité à participer à l’enrichissement intellectuel ou matériel du monde.
La quête libérale se réalise souvent dans l’entrepreneuriat, c’est-à-dire dans la recherche du dépassement de nos propres limites, de notre propre finitude, en prenant le risque de créer ce vers quoi ou ceux vers qui conduisent nos aspirations. Est libéral celui qui cherche à créer sa voie. En ce sens, il favorise le marché, car il y voit le meilleur instrument de coordination volontaire de milliards de volontés divergentes.
Certains deviennent enfin libéraux par émotion. Par une répulsion instinctive de l’oppression, de l’injustice, de l’écrasement. Par une bouffée charnelle de liberté. Par une volonté irréductible et indomptable de tromper le sort. Par la découverte d’une force intérieure ou d’une espérance inextinguible. On ne naît pas libéral. On le devient.


Nouveau grand succès pour la conférence de Lignes Droites du 3 avril !
Tous nos remerciements à Monsieur Patrice Michel pour son exposé très pédagogique sur le système judiciaire français, ses liens avec les instances européennes, son histoire, et son organisation au sein des différentes justices administratives, civiles et pénales.
Tous les participants (environ 75 personnes) ont particulièrement apprécié la clarté de cet exposé et quelques idées pour améliorer son efficacité. Deux rappels essentiels ont été fait :
- notre système judiciaire est là pour faire respecter la loi et bon nombre des reproches qui lui sont fait viennent en fait du politique.
- la neutralité de la justice française a été largement entamée par certains individus, en particulier issus du syndicat de la magistrature. Ce devrait être au Conseil Supérieur de la Magistrature de garantir cette neutralité politique. Mais sans doute par corporatisme et lâcheté, il n'intervient pas assez, même face à des situations extrêmes comme celle du "mur des cons". Là encore ce devrait être au politique d'avoir le courage de mener à bien les réformes nécessaires pour s'assurer du bon fonctionnement du Conseil de la Magistrature.

Aujourd’hui, la France traverse un moment décisif. Dans une décision qui ne laisse aucun doute, Marine Le Pen se voit infliger une peine d’inéligibilité, à seulement deux ans des présidentielles. Ce verdict dépasse largement le simple domaine juridique pour s’inscrire dans un affrontement politique direct.
La magistrate Bénédicte de Perthuis affirme s’inspirer d’Eva Joly pour son parcours judiciaire et son engagement en tant que magistrate. Elle l’a d’ailleurs déclaré sans ambiguïté : « Eva Joly a changé mon destin. » lors d’un podcast en 2020. Une phrase forte, qui traduit bien plus qu’une simple admiration professionnelle. On y perçoit une affection profonde pour une figure dont les opinions, notamment sur la justice, sont tranchées et assumées.
Mais Eva Joly, au-delà de son parcours de magistrate, reste aussi un personnage politique clivant, dont l’engagement écologiste et les prises de position marquées ne laissent personne indifférent. L’apprécier, c’est souvent adhérer aussi, d’une certaine manière, à une certaine vision du monde et des combats idéologiques. Dès lors, difficile d’ignorer que cette inspiration, aussi sincère soit-elle, puisse laisser planer un doute sur une possible proximité idéologique.
Dans ce contexte, le Syndicat de la magistrature, connu pour ses positions marquées à gauche et ayant publiquement appelé à voter contre l’extrême droite le 12 juin 2024 ajoute une dimension particulière à cette affaire. Cette prise de position contribue à brouiller la frontière entre engagement idéologique et impartialité judiciaire.
Dès lors, difficile de ne pas voir dans cette condamnation un verdict dont l’écho dépasse le cadre strictement juridique pour résonner sur le terrain politique, au moment même où se prépare une échéance électorale majeure.
Encore plus inquiétant, l’identité des deux assesseurs qui ont participé au verdict reste inconnue, un manque de transparence qui renforce le sentiment d’un coup d’État judiciaire. Ce flou soulève des questions cruciales sur l’impartialité et l’indépendance de notre système judiciaire, surtout à l’approche d’un scrutin historique.
Ce moment demeure un symbole fort : la justice, qui devrait être la gardienne impartiale de nos lois, se retrouve aujourd’hui au centre d’interrogations profondes. Si la magistrate ne revendique pas ouvertement d’engagement politique, son admiration pour une figure aussi marquée qu’Eva Joly, ainsi que le contexte entourant cette décision, peuvent laisser penser que son jugement pourrait être influencé par une certaine orientation idéologique. Cela envoie un message clair à l’ensemble du paysage politique français et soulève inévitablement des questions sur la frontière, de plus en plus ténue, entre justice et politique.
Face à cette situation inédite, la nécessité de transparence s’impose, et il est essentiel que les interrogations sur l’indépendance de la justice soient pleinement abordées. Ce moment marque un tournant dans la vie politique française et pose une question fondamentale : la justice peut-elle encore être perçue comme une institution neutre, ou court-elle le risque d’être influencée par des dynamiques idéologiques qui dépassent son cadre strictement juridique ?
Comme l’ont souligné plusieurs responsables politiques, dans un moment aussi décisif, même si une condamnation doit être prononcée, le fait de rendre Marine Le Pen inéligible à seulement deux ans des présidentielles soulève des doutes légitimes sur la volonté politique et idéologique de l’empêcher d’accéder au pouvoir. Selon des estimations récentes de l’IFOP, Marine Le Pen aurait eu la possibilité d’obtenir entre 34 et 38% des voix au premier tour des présidentielles de 2027, selon plusieurs sondages récents. Cette décision semble dépasser le simple cadre juridique. Ce choix, dans un contexte aussi crucial, appartient au peuple et non à une juridiction.
Il en va de la confiance des 11 millions d’électeurs qui, sans pouvoir débattre, parlementer ou exercer leur droit démocratique, se voient privés de la possibilité de voter pour la représentante politique qui, selon les projections, aurait toutes les chances de jouer un rôle clé dans la politique de 2027. Cette décision semble porter une forme de nonchalance envers ces électeurs, en les privant de la possibilité d’exprimer leur voix de manière libre et démocratique. Ce n’est pas simplement une question de légalité, mais une tentative potentielle de déstabiliser le Rassemblement National, d’affaiblir ses capacités à se renforcer et à atteindre, d’ici 2027, une représentativité de 37% des suffrages, au moment où le débat politique pourrait être radicalement transformé par leur ascension.
NDLR : Merci à Maxime Duclos pour ses billets d'humeur toujours très intéressant. On pourrait ajouter queBénédicte de Perthuis n'avait pourtant pas une réputation de sévérité
particulière puisque c’est elle qui avait prononcé la relaxe du ministre
Olivier Dussopt, jugé pour favoritisme (et finalement condamné
en appel !). Deux poids et deux mesures ?