Document de synthèse "Europe et industrialisation" 

Simone Pauzin-Fournié • 12 mai 2019

De l'urgence de définir une stratégie industrielle européenne

Le groupe de réflexion de Lignes Droites 31 animé par Simone Pauzin-Fournié sur la désindustrialisation en Europe vous propose ce document de synthèse. Cette analyse montre le besoin urgent d'arrêter d'être naïf et de promouvoir l'ouverture à la libre concurrence mondiale de manière quasi illimitée. Le patriotisme économique ne doit plus être un tabou. Il faut au contraire redéfinir une stratégie européenne au service du développement des industries européennes pour rétablir une vraie règle de réciprocité, et permettre à nos entreprises de lutter à armes égales avec leurs concurrents.


1 Bref Historique de l’Union Européenne


Nombre de pays

date

commentaire

6 : Allemagne, France, Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg

1951

Création du CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier)


1957

Traité de Rome : création de EURATOM (Communauté Européenne de l’Energie ATOMique) et de la CEE


1962

Mise en place de la PAC (Politique Agricole Commune)


1965

Fusion CECA,CEE, EURATOM


1966

Compromis de Luxembourg :décision à la majorité et non unanimité sauf si intérêts nationaux menacés


1968

Accord tarif douanier commun vis-à-vis reste du monde

9 Royaume Uni, Irlande, Danemark

1973

1er élargissement


1974

Création Conseil européen (dirigeants), mise en place politique Régionale et des infrastructures


1978

SME (Système Monétaire Européen)


1979

Election du Parlement Européen au suffrage universel

10 Grèce

1981

Adhésion de la Grèce


1984

Crise de la PAC . Margaret Tatcher « i want my money back »


1985

Accord de Schengen : libre circulation des personnes

12 Espagne et Portugal

1986

Acte unique : vote à la majorité qualifiée au Conseil de Européen, création d’ ERASMUS (échanges étudiants), notion de « pollueur-payeur »


1992

Traité de Maastricht : création de l’UE, citoyenneté européenne, politique extérieure et de sécurité commune ( PESC )

15 Autriche, Suède, Finlande

1995

3 nouveaux entrants


1997

Traité d’Amsterdam : Haut représentant pour la PESC, visas, asile, immigration


1990-1999

Mise en place des 4 libertés : circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux


2001

Traité de Nice : préparation élargissement ++


2002

Entrée en vigueur de l’ EURO (sauf Danemark, Royaume Uni, Suède)

25 Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Malte Lituanie, Pologne, Rep Tchèque, Slovaquie, Slovénie

2004

Adhésion 10 nouveaux pays

27 Bulgarie, Roumanie

2007

Adhésion 2 nouveaux pays

2008

Crise économique et financière mondiale touche Grèce, Irlande, Portugal, Italie, Chypre… Création du M écanisme E uropéen de S tabilité Financière ( MESF )


2009

Traité de Lisbonne (en vigueur fin 2009) Modifications constitutionnelles, élection du Psdt du conseil pour 2 ans ½ , extension pouvoir parlement

28 Croatie

2013

Adhésion 1 pays, entrée en vigueur pacte de stabilité budget

Juin 2016

Référendum sur le Brexit

2015-2018

Crise migratoire, terrorisme djihadiste, chômage, dette publique de certains pays, montée des populismes…

27 sortie prévue du RU

2019

Quel avenir pour l’Europe ? élections 26 mai 2019



2 L’Europe Aujourd’hui

2.1 Les institutions et organes de l'UE en bref

Organisation institutionnelle (sans équivalent dans le monde) de l'Union européenne:

2.2 Dans quel état errons nous ? Europe des Nations, Fédérale ou des Régions ?

La Commission européenne est un organe supranational qui dispose du monopole de proposition, pour tout ce qui relève à l’époque du domaine communautaire, mais elle n’a pas de pouvoir de décision. Celui-ci est dévolu au Conseil des Ministres , qui vote les propositions de la Commission. Or, le Conseil peut voter à la majorité, ce qui est un élément clairement supranational, puisque des États s’étant opposés à un texte se voient dans l’obligation de l’appliquer s’il a été adopté. Cependant, il se peut aussi, dans certains domaines, comme le social ou la fiscalité, qu’il doive voter à l’unanimité, ce qui constitue un élément intergouvernemental préservant la souveraineté des États. L’utilisation du vote à la majorité, étendue par les traités de Maastricht, de Nice puis enfin de Lisbonne qui la redéfinit (double majorité), redonne un aspect plus fédéral à l’Union européenne (UE).

L’élément sans doute le plus fédéral du système européen est le droit. En effet, la Cour de justice de l’Union européenne ( CJUE ) renommée ainsi par le traité de Lisbonne, disposant de l’autorité de la chose jugée et dont les décisions s’imposent aux États membres constitue le fondement du fédéralisme européen. En affirmant l’applicabilité directe de ce droit et sa primauté sur les droits nationaux, la cour a posé les principes même d’un droit dans une fédération. Pourtant, l’UE n’est toujours pas une véritable fédération et reste un "objet politique non identifié".

L’instauration en 1974 du Conseil européen, qui réunit les chefs d’État et de gouvernement sur une base strictement intergouvernementale, a redonné du poids à l’Europe des nations . Son renforcement par le traité de Lisbonne (reconnaissance comme une institution et présidence stable) a été l’objet de débats entre partisans d’une Europe intergouvernementale et avocats d’une Europe supranationale qui auraient souhaité un renforcement de la Commission ou, à tout le moins, que le président stable du Conseil européen soit le président de la Commission européenne. Le traité de Maastricht, en faisant cohabiter trois piliers , le premier communautaire à tendance fédérale (comprenant les acquis de la CEE, de l’Acte unique et de l’Union économique et monétaire) et les deuxième (Politique étrangère et de sécurité commune – PESC) et troisième (coopération policière et judiciaire en matière pénale, ex-JAI) de nature intergouvernementale , donnait à l’UE une nature hybride . Le traité de Lisbonne l’a fait évoluer en supprimant les piliers, le caractère intergouvernemental n’étant conservé que pour un nombre limité de domaines comme la PESC .

Quant aux régions elles tentent de se regrouper entre elles de part et d’autres des frontières pour faire valoir leurs intérêts propres (régions de l’arc Atlantique, Catalogne française et espagnole …). La création du Comité des régions par le traité de Maastricht a confirmé cette tendance à dépasser le cadre étatique et à créer un lien direct entre les régions et l’UE.

Si l’Europe peine à trancher pour un modèle plutôt que pour un autre, c’est parce que s’affrontent dans la construction européenne deux légitimités, celle des États et celle de l’Union. Il s’agit de préserver à la fois les intérêts des États qui restent les acteurs principaux de la construction européenne et continuent de veiller jalousement sur leur souveraineté et l’intérêt général de l’Union et de ses peuples. Mais le prix de cet équilibre est la complexité du système institutionnel , difficilement compréhensible par les citoyens. Rapprocher l’Europe des citoyens passe donc en partie par une simplification de ce système.

Le traité sur la stabilité est entré en vigueur au 1er janvier 2013 . L'article 3 du traité pose le principe de la règle d'or budgétaire qui impose aux Etats européens un équilibre de leurs comptes publics sous peine de sanctions. A l’heure actuelle le bilan de la crise (2007-2008) semble mitigé. Elle a conduit au renforcement d’une Europe à deux vitesses , avec d’un côté l’Eurogroupe en faveur de plus d’intégration et négociant le renforcement du fédéralisme budgétaire et bancaire et de l’autre les pays n’appartenant pas à la zone euro, avec à leur tête la Grande-Bretagne et qui ont tendance à se désolidariser de la zone euro.

En conclusion un système hybride qui risque de durer longtemps !!


3 Désindustrialisation F/UE

3.1 Etat de la désindustrialisation

Désindustrialisation : « réduction du nombre d’emplois dans le secteur industriel d’un pays, de même que celle du secteur de l’industrie par rapport aux autres secteurs d’activité ». L’industrie est, depuis plusieurs années, confrontée à un mouvement de désindustrialisation rapide et important, dont la prise de conscience est récente. Souvent présentée comme un phénomène inéluctable, cette dynamique commence à inquiéter l’opinion et les décideurs en raison des menaces de « perte de substance économique », voire de « déclin » qu’elle fait peser sur l’ensemble de l’économie nationale.

La désindustrialisation n’est pas une nouveauté en France puisque ce phénomène était déjà l’œuvre dès la seconde moitié des années 1970, sans pour autant avoir donné lieu à un discours spécifique et alarmant. C’est cette spectaculaire tertiarisation de l’emploi dans les pays développés qui est d’ailleurs à l’origine du succès de l’expression de « société post-industrielle » , au point de laisser penser à tort a posteriori que l’industrie n’était plus aussi essentielle pour la puissance et le rayonnement d’un Etat.



 2009

2010 

2011 

2012 

2013

 2014

 2015 

2016

Fermetures

 380

261

190

266

266

 220

 192

136

Ouvertures

 156 

226

156

177

127

 177

 159

136

 -224 

-261

-34

-89

-140

 -43

 -33

0

Tableau : évolution des fermetures et des ouvertures d’usines en France (2009-2016)

Cette désindustrialisation ne s’est pas manifestée de manière égale sur tout le territoire Français comme on peut le constater sur les 2 cartes ci-dessous.

Les zones d’emploi d’un grand quart nord-est de la France, qui étaient les plus industrielles, sont celles qui ont perdu le plus d’emplois industriels au cours des dernières décennies. À l’inverse, dans les régions de l’Ouest et du Sud, l’industrie a plutôt eu tendance à progresser. Ce glissement géographique a participé à éloigner les territoires d’industrie français des espaces les plus moteurs de l’Union européenne.

Carte 1 - Gain et pertes d’emplois industriels par zones d’emplois (1998-2014) :



Carte 2 - Evolution de l’emploi industriel par zones d’emplois (1998-2014) :

Elaboré par l’INSEE, l’effondrement continu des effectifs de l’industrie française (salariés et non-salariés, à temps plein ou pas) est passé de 5,6 millions en 1970 à 3,3 millions en 2014, soit une baisse de 2,3 millions (la baisse annuelle moyenne s’élevant à environ 52 200 personnes), sachant que l’emploi industriel a connu historiquement son plus haut niveau en France en 1973, avec 5 959 000 personnes

Comme mentionnée plus haut et visible sur les 2 cartes ci-dessus cette désindustrialisation n’a pas affectée de manière homogène tous les territoires français. Par exemple, la zone d’emplois de Toulouse en Occitanie (carte 1), par ailleurs la plus vaste zone d’emplois de la métropole avec 717 communes, est la seule à se singulariser en France par sa progression très vigoureuse en valeur absolue entre les deux dates de référence (+ 12 575 emplois), grâce en particulier au dynamisme du secteur aéronautique et spatial, dont dépendent aussi de nombreux centres de R & D (leurs effectifs sont comptabilisés au titre de l’industrie lorsqu’ils relèvent de groupes industriels), ainsi qu’un très important réseau d’entreprises sous-traitantes.

Cependant cette situation est fragile car dépendante d’un mono secteur. C’est pour cela que les pouvoirs publics tentent de développer d’autres secteurs de productions (Santé, robotisation…).


Pour ce qui concerne l’Europe, l’industrie demeure le premier moteur de l’activité économique mais le « cœur industriel » de l’UE se situe désormais en Allemagne et dans les pays d’Europe centrale. La France, l’Italie, le Royaume-Uni, même s’ils continuent de peser fortement dans la production européenne, ont connu une très forte érosion et une fragilisation de leur industrie.CF carte 3.

Actuellement 10.8% de la part de la valeur ajoutée de l’industrie Européenne est produite en France et la part des emplois industriels localisés en France est de 8.2% pour 12% de l’ensemble des emplois de l’UE 28.

Carte 3 - Part de l’industrie dans la valeur ajoutée (1) et l’emploi industriel au sein de chaque pays de l’UE en 2016 :


Le développement des secteurs innovants est l’un des principaux leviers du renouveau de l’industrie européenne. Il s’agit par ailleurs d’une des priorités d’intervention de l’UE, mais cette politique risque d’avoir des répercussions très différentes selon les États membres. L’industrie européenne est en effet loin d’être uniforme. Selon les pays et les régions, des spécialisations ressortent. De manière très schématique, les industries d’Europe de l’Ouest sont davantage tournées vers les hautes technologies quand celles d’Europe de l’Est et du Sud sont plutôt orientées vers les basses technologies. À l’intérieur des États, des différences notables apparaissent également. Les régions capitales

concentrent une part d’emplois dépendant des hautes technologies plus importante que le reste. L’Allemagne, mais également le Danemark et la Hongrie, se distinguent par une industrie manufacturière globalement orientée vers les

hautes et moyennes technologies. La France, le Royaume-Uni, l’Autriche, la Slovénie et la Finlande ont des profils industriels plus mixtes (hautes et « moyennes-basses » technologies s’y côtoient). La France se caractérise par un profil assez généraliste (chimie/pharmaceutique [Sanofi], agroalimentaire [Danone], automobile [PSA, Renault], etc.). Cette orientation technologique s’explique en partie par les évolutions des vingt-cinq dernières années : « En raison du recul de l'automobile, et dans une moindre mesure, des produits électriques et optiques, la production industrielle française s'est concentrée d'une part sur des secteurs de faibles ou moyennement faibles technologies, tels que l'agroalimentaire

et les produits métallurgiques, et d'autre part sur des secteurs de hautes ou moyennement hautes technologies (aéronautique et machines-outils par exemple). L’Irlande, la Belgique et Malte ont également des profils assez mixtes mais avec des différences de niveaux technologiques entre industries encore plus marquées. Au sein de ces pays, l’Irlande a un profil atypique. Il s’agit en effet du pays européen où les hautes technologies sont les plus surreprésentées (26,4 % des emplois manufacturiers en 2016 contre 6,9 % en moyenne à l’échelle de l’UE28). Cette situation est liée au développement de l’industrie pharmaceutique et à l’installation d’usines de production de médicaments. Les basses technologies sont toutefois également très présentes en Irlande.

3.2 Causes

Les premiers effets de la désindustrialisation ont commencé à être plus clairement perceptibles à partir du milieu des années 1980, à la faveur de la concurrence exercée par les pays à bas salaires (on ne parlait pas encore de pays « émergents »). L’abandon des activités à fort coefficient de main-d’œuvre et à faible contenu technologique (textile-habillement et chaussure dans le bas de gamme par exemple) est alors apparu comme inéluctable, à moins de les délocaliser vers l’Europe du sud, l’Afrique du nord ou certains pays asiatiques.

Ceci dit, la véritable prise en compte au niveau national date de 2012. La publication en 2012 du rapport intitulé « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française », remis au Premier ministre par le comité d’experts dirigé par Louis Gallois, a fait office d’électrochoc national, le rapport Gallois officialisait que les pays émergents (la Chine en particulier) et à plus bas salaires d’une manière générale, jouaient désormais un rôle plus important que par le passé dans la destruction des emplois industriels en France. La principale mesure issue du rapport « Gallois » étant la création du crédit d’Impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice). Le récent rapport (octobre 2018) sur le suivi du CICE en fait un bilan mitigé notamment en terme d’investissements.

Les coûts salariaux élevés de la main-d’œuvre : le coût horaire moyen de la France se situe en 2017 au quatrième rang européen, derrière ceux de la Belgique, de la Suède et du Danemark. Pourtant l’industrie de deux derniers pays ne semble pas en pâtir particulièrement et cette question n’y fait pas débat comme en France, sans doute en raison de leur positionnement sectoriel plus orienté vers le haut de gamme. Par ailleurs , la fiscalité appliquée aux entreprises françaises, qui est la seconde la plus élevée d’Europe (avec un taux moyen de 33,33 % en 2017), ou encore les lourdeurs évidentes de l’actuel Code du travail ne favorisent pas nos industries.

La spectaculaire montée en puissance des pays émergents d’Asie orientale, d’Amérique latine ou d’Europe orientale au cours des années 1990-2000 a encore aggravé la situation, car elle a poussé les entreprises industrielles françaises, au même titre que celles des autres pays industrialisés, à réorganiser leur production sur une base mondiale (sinon à l’échelle des zones d’intégration régionale comme l’Union européenne, l’ALENA, le MERCOSUR, etc.) pour faire face à cette concurrence imprévue par son ampleur et sa rapidité, mais aussi pour profiter de nouvelles opportunités de croissance.

Mais c’est le degré de robotisation des usines qui focalise le plus l’attention ces dernières années, à la fois comme mesure de l’un des talons d’Achille de l’industrie française (par son insuffisance, reflet du sous-investissement chronique), mais aussi comme solution prometteuse pour sauver l’industrie.


La désindustrialisation contemporaine doit aussi beaucoup à la faiblesse de l’effort consenti en R & D , donc à l’innovation et ce depuis de nombreuses années. La France est en effet encore loin du seuil annuel des 3 % de PIB dans la R & D ainsi qu’y invitait dès 2000 l’agenda de Lisbonne dans le cadre européen (injonction renouvelée en 2010 par l’adoption de la Stratégie Europe 2020) : 2,21 % du PIB en 2016 (valeur qui a très peu évolué depuis 1996), contre 2,87 % en Allemagne, où ces dépenses ont par contre grimpé de 75 % entre 2005 et 2016. Ce handicap majeur empêche fondamentalement l’immense majorité des entreprises industrielles de monter en gamme et donc de proposer des produits nouveaux, à fortes marges, susceptibles d’être réinvesties dans la R & D.

Cette situation est encore aggravée par un « effet taille »: la France manque en effet d’entreprises moyennes et de taille intermédiaire , à la différence de l’Allemagne. Cette insuffisance de la R & D et de l’innovation est étroitement corrélée au médiocre positionnement sectoriel des entreprises industrielles françaises, qui est favorable à la désindustrialisation. Ainsi, la surreprésentation de l’emploi industriel dans les secteurs de basse et de moyenne-basse technologies (66 %) selon la nomenclature d’activités françaises est porteuse de beaucoup de destructions d’emplois, car c’est bien dans ces domaines que l’on trouve en premier lieu les fonctions les plus menacées par l’accroissement de la productivité, de même que les faillites potentielles d’entreprises. La part de l’emploi industriel dans les secteurs des moyennes-hautes technologies (24 %) et surtout des hautes technologies (10 %) est donc encore trop faible en France. Ainsi, si Airbus est implanté solidement dans la région toulousaine, ce n’est pas parce que le coût du travail est plus faible à Toulouse qu’ailleurs ou parce que l’offre foncière est particulièrement abondante. C’est parce que l’avionneur trouve dans la région toulousaine les compétences dont il a besoin pour former et compléter les siennes : des écoles d’ingénieurs en aéronautique aux multiples équipementiers petits et grands en passant par les bureaux d’études, qui sont aujourd’hui mobilisés pour concevoir et produire un avion, un écosystème existe qui est la meilleure raison pour Airbus de ne pas quitter la région toulousaine.

4 Ré industrialisation besoins et obstacles UE

Un emploi perdu dans l’industrie entraîne dans son sillage funeste trois emplois perdus dans le reste de l’économie. La désindustrialisation est aussi synonyme de déficit abyssal du commerce extérieur. Outre le passage sous pavillon étranger de la plupart de nos fleurons industriels, ceux qui restent français n’en finissent pas de négliger leur base productive en France pour lui préférer des investissements principalement réalisés hors de France.

Sur la base de ce constat, reste à savoir si l’accent doit être mis sur la maîtrise prioritaire des coûts et des prix ou sur l’amélioration de l’image de l’industrie et l’élévation du niveau de qualité des produits offerts par l’industrie française (2).

Un accent excessif mis sur la (haute) technologie et les start-up au détriment de l’industrie dite « traditionnelle » est une autre erreur, cette fois de politique industrielle. Certes, chacune de ces cibles mérite d’être soutenue, mais un accent trop exclusif sur la haute technologie est de nature à faire oublier que la plupart des secteurs industriels, au moins autant que de haute technologie, ont besoin d’être en capacité de produire des biens innovants et à forte valeur ajoutée.

·Des produits comme les automobiles, les meubles, les jouets, l’habillement ne sont pas des produits qui ont besoin d’être nécessairement de haute technologie. Ces produits doivent surtout répondre aux besoins de leurs utilisateurs et des solutions de technologie moyenne peuvent parfaitement être adaptées.

·Pour ce qui est des start-up , la très grande majorité de ces micro-entreprises se concentre sur des niches et, surtout, a une espérance de vie très limitée. Ces entreprises sont indispensables au renouvellement du tissu productif…à condition que celui-ci ne disparaisse pas entre temps.

Réductions d’impôts ou de cotisations sociales, quasi absence de mesures de protection afin d’éviter des cessions portant sur des actifs stratégiques, ces différentes facettes « en creux » de l’attractivité de la France ne sont assurément pas les meilleures s’il s’agit de développer l’industrie française.

La faible protection dont sont entourés les fleurons de l’industrie française pouvant être vendus au plus offrants est également une erreur.

Si la France et l’Europe veulent rester des puissances industrielles, il faut inciter à des mesures fortes.

·Libérer les initiatives de nos chercheurs et simplifier les démarches de dépôt de projet (un chercheur doit être à 70% sur sa recherche, 10% sur son évaluation et 20% en relation avec le monde de l’entreprise) et non passer du temps à remplir des dossiers avec des règles d’éligibilité des coûts disparates.

·Inciter les banques à injecter de l’argent dans l’économie réelle et à favoriser les prêts à taux bas pour les créateurs d’entreprises.

·Exiger que les entreprises nationales et européennes augmentent leur taux de R&D sans attendre systématiquement des aides de l’Etat ou de l’UE (3).

·La mise à jour des lignes directrices actuelles en matière de concentrations pour mieux tenir compte de la concurrence au niveau mondial, de la concurrence potentielle future et du calendrier de développement de la concurrence. Cela nécessite une adaptation du règlement n° 139/2004 UE et des lignes directrices actuelles en matière de concentrations

·Il faut revoir la réciprocité des règles d’attribution des marchés : il n’est pas acceptable par exemple que l’état chinois oblige les entreprises ferroviaires étrangères à construire leurs équipements en Chine si elles veulent avoir accès aux marchés publics chinois, alors qu’en même temps les lois européennes interdisent à SNCF de spécifier dans ses appels d’offre que les équipements doivent être fabriqués en Europe (car cela contreviendrait aux lois de libre concurrence): le dogme de protection absolue de la liberté de concurrence imposé par l’union européenne se justifiait peut-être lors du traité de Rome en 1957, mais il est désormais devenu mortifère pour notre industrie. Il est urgent de l’abroger et d’instaurer à sa place un principe de juste réciprocité

·la protection accrue de la Propriété Intellectuelle (PI):

  • L'UE doit obtenir que les autres blocs économiques (notamment la Chine) respectent le droit international sur la PI ; ceci signifie que la Chine doit effectivement traduire dans son propre droit les provisions du droit international, mais aussi et surtout permettre que les tribunaux ou chambres d'arbitrage internationaux aient la possibilité de mener des enquêtes, et porter des jugements qui seront effectivement suivis d'effet. Le meilleur moyen pour faire en sorte que la Chine prenne, et tienne, un tel engagement, est de le lier à des accords économiques (types droits de douane) révocables si l'engagement n'est pas tenu.
  • L'UE doit faire en sorte que , lorsqu'une entreprise non-européenne (essentiellement aujourd'hui chinoise ou US) achète une entreprise européenne qui a des technologies différenciantes, la technologie européenne doit rester en Europe et créer des emplois en Europe: elle ne peut pas être simplement transférée en Chine ou aux US et y générer là-bas des emplois à la place du site européen. Ceci peut être obtenu par des lois qui soit restreignent la propriété de la technologie (l'acheteur étranger achète l'entreprise européenne mais n'est pas l'unique propriétaire de la technologie de cette entreprise, un organisme public européen en est également propriétaire), soit contrôlent l'exportation de cette technologie à l'étranger (à l'instar par exemple du contrôle des exportations sur les technologies militaires).

5 Conclusion

Il faut faire émerger l’élaboration d’une politique industrielle européenne car au nom du même dogme mortifère évoqué plus haut, l’UE s’interdit et interdit aux États membres de définir une stratégie industrielle. Or il est évident depuis toujours que les grandes industries structurantes en termes d’emplois nécessitent une politique industrielle. Les chinois, les indiens et les américains l’ont bien compris, qui œuvrent à l’édification de filières industrielles fortes alors que nous œuvrons à la destruction des nôtres !

La prise en compte de ce besoin de structuration de politique industrielle européenne et d’une nouvelle stratégie à mettre en place pour la décennie à venir a commencé à émerger via le Manifeste franco-allemand pour une politique industrielle européenne adaptée au XXIe siècle publié à la suite d’une rencontre à Berlin, le 19 février 2019 entre les deux ministres respectifs de l’économie de ces 2 pays.

Souhaitons que la nouvelle commission européenne en fasse une priorité absolue et agrège d’autres pays de l’UE.


6 Sources

a) https://www.touteleurope.eu/actualite/

b) https://europa.eu/european-union/

c) http://www.vie-publique.fr

d) http://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr Novembre 2018

e) François Bost et Dalila Messaoudi, « La désindustrialisation : quelles réalités dans le cas français ? », Revue Géographique de l'Est [En ligne], vol.57 / 1-2 | 2017, mis en ligne le 15 novembre 2017.

f)site web: ec.europa.eu/eurostat/

g)Désindustrialisation : une erreur de diagnostic : Gabriel Colletis 15/11/2018. Gabriel Colletis président de l’Association du manifeste pour l’Industrie.

h)Comité de suivi du CICE rapport 2018, octobre 2018, France Stratégie.

i) Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises ("le règlement CE sur les concentrations") (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) Journal officiel n° L 024 du 29/01/2004 p. 0001 – 0022

j) Manifeste franco-allemand pour une politique industrielle européenne adaptée au XXIe siècle été publié à la suite d’une rencontre à Berlin, le 19 février 2019, B Lemaire avec mon homologue allemand Peter Altmaier.


7 Notes

(1)La valeur ajoutée est définie comme la différence entre la valeur finale de la production (valorisée par le chiffre d’affaires ) et la valeur des biens qui ont été consommés par le processus de production (consommations intermédiaires, comme les matières premières).

(2) Le 5 octobre 2018, l’Assemblée nationale a voté l’article 61 de la loi pacte. Cet article pose une nouvelle définition de la société et de la responsabilité des entreprises. Désormais, la loi indique que la société doit être gérée dans l’intérêt commun des associés, tout en préservant son intérêt social, en prenant en compte les enjeux sociaux et environnementaux de son activité.

(3) Évolution de la Dépense Intérieure en Recherche et Développement de 2007 à 2018 (en milliard de dollars base 2007- à prix constants et à parité de pouvoir d'achat) et comparaison en % de l’effort R&D entre différents pays/économies(Source OECD : estimated based on OECD Main Science and Technology indicators database, February 2019) :



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par Étienne Gernelle 1 octobre 2025
Un éditorial d'Étienne Gernelle dans Le Point : https://www.lepoint.fr/editos-du-point/etienne-gernelle-le-zucmano-lepenisme-ou-le-fantasme-du-quelqu-un-d-autre-paiera-25-09-2025-2599534_32.php L’incroyable opération Zucman a encore frappé. Dans une France oppressée de ses difficultés économiques, on peut comprendre que l’appel pour la beauté des démonstrations mathématiques, l’autorité conférée par l’aura d’une grande université américaine (Stanford, rien de moins !) et l’image flatteuse de l’exil fiscal retourné contre lui séduisent. Mais ce n’est pas parce qu’une idée est enrobée dans des habits de prestige qu’elle est juste. Gabriel Zucman, économiste de gauche, très respecté dans son milieu, mène depuis des années une campagne pour la création d’un impôt mondial sur la fortune. Son raisonnement est simple : puisque les riches peuvent déplacer leurs fortunes pour éviter l’impôt, il faut créer un prélèvement coordonné à l’échelle planétaire. Avec cette manœuvre habile, on peut faire passer l’utopie du grand soir pour un pragmatisme de bon sens. L’idée séduit les partis de gauche, évidemment, mais aussi le RN, qui l’utilise dans sa rhétorique « anti-riches » tout en caressant l’espoir de voir cet argent magique remplir les caisses de l’État français. Le problème est que l’impôt mondial, même présenté avec le sérieux des économistes bardés de diplômes, reste une chimère. Il n’existe aucune instance capable de le mettre en œuvre, aucun mécanisme de contrainte universelle pour obliger tous les pays à l’adopter, et encore moins à le percevoir et le redistribuer. Déjà qu’à l’échelle européenne, l’harmonisation fiscale ressemble à un chemin de croix interminable, on imagine mal la Chine, les États-Unis, l’Inde, la Russie et d’autres accepter de s’aligner sur une taxation commune des patrimoines. En réalité, cet impôt mondial, c’est un peu la version contemporaine du mythe de l’argent magique. L’idée que l’on pourrait financer les dépenses publiques toujours croissantes non pas en faisant des choix, en hiérarchisant, en arbitrant – bref en gouvernant –, mais en allant chercher ailleurs des ressources illimitées. Le grand fantasme du « quelqu’un d’autre paiera ». Dans son livre Le triomphe de l’injustice, Zucman, avec son complice Emmanuel Saez, avait déjà popularisé cette vision, qui a rencontré un immense écho. Le discours est rassurant, flatteur : si les services publics se dégradent, si la dette explose, ce n’est pas à cause d’un excès de dépenses, d’une fuite en avant budgétaire, mais de la rapacité des riches et de l’insuffisance de la redistribution. La réalité, d’abord, est que la France n’est pas avare en matière de prélèvements : elle figure parmi les pays les plus taxés au monde, avec une fiscalité déjà très redistributive. Ensuite, croire qu’un impôt mondial règlerait tout revient à s’installer dans une illusion dangereuse. Au lieu d’affronter nos problèmes réels – la faible productivité, l’absence de réformes structurelles, l’endettement chronique –, on préfère croire qu’une baguette magique fiscale viendra nous sauver. La facilité d’adoption de ce discours tient au fond à un trait bien français : le refus de la responsabilité budgétaire. Depuis quarante ans, la dépense publique croît sans frein, chaque gouvernement repoussant le moment de la vérité en empruntant davantage. Comme si le monde entier était condamné à payer notre confort. Bref, le zucmano-lépénisme est une jolie fiction. Mais elle ne résout rien. Au contraire, elle alimente notre incapacité à voir la réalité en face. À force de rêver d’un impôt universel et miraculeux, on se prive des vraies solutions, certes moins spectaculaires, mais infiniment plus efficaces : réformer, produire plus et dépenser mieux.
par Franz-Olivier Giesbert 1 octobre 2025
Un edito de Franz-Olivier Giesbert dans Le Point https://www.lepoint.fr/editos-du-point/fog-comme-un-champ-de-ruines-24-09-2025-2599462_32.php Que la gauche ait perdu toutes les élections depuis 2017, même quand elle clamait victoire, cela ne l’empêche pas de détenir les clés du pouvoir : tel est le paradoxe qui contribue à ruiner notre vieille démocratie. D’où le sentiment qu’ont les Français de n’être plus gouvernés et leur tentation de renverser la table. Certes, il est toujours sain, dans une démocratie, qu’un pouvoir soit confronté sans cesse à des contre-pouvoirs. Mais à condition que ceux-ci ne finissent pas par le paralyser ou par prendre sa place. Or la gauche d’atmosphère contrôle à peu près toutes les institutions de la République. Sur le papier, c’est beau comme l’antique : vigie de la République, le Conseil constitutionnel est censé vérifier notamment que les lois sont conformes à la Constitution. Sauf qu’il penche fortement à gauche et à la peur du crédit, notamment en censurant, l’an dernier, la commande d’Emmanuel Macron et de son ministre Laurent Fabius, près de soixante textes d’application de la loi immigration dédiée au contrôle et à l’intégration et pilotée, entre autres, par Bruno Retailleau. L’immigration est un totem, pas touche ! Le 19 juin, le Conseil constitutionnel, toujours dans la même logique immigrationniste, a réduit à néant la loi Attal sur la justice des mineurs, qui, dans notre pays, continuent ainsi de bénéficier d’une sorte de sauf-conduit après avoir commis leurs forfaits, au grand dam d’une majorité de Français. Le 7 août, il a encore enfoncé le même clou en retoquant, au nom de la liberté individuelle, la loi visant à autoriser le maintien en rétention d’étrangers jugés dangereux. En somme, le vénérable institut ignore de moins en moins le droit, tout comme le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, qui a inscrit dans le marbre le regroupement familial en 1978, sans en référer bien sûr à la souveraineté populaire. Les magistrats jugent souvent en fonction de leur conviction – de gauche ou d’extrême gauche. Pas tous, Dieu merci, mais, pour paraphraser La Fontaine, selon que vous serez de gauche ou de droite, les jugements vous rendront blanc ou noir. Une preuve parmi tant d’autres : apparemment, la justice a mis un mouchoir sur l’affaire des assistants des eurodéputés du parti de Jean-Luc Mélenchon, soupçonné de détournements de fonds, comme l’a rappelé opportunément l’Office européen de lutte antifraude, alors que, pour des faits semblables, François Bayrou a déjà été jugé et qu’une peine d’inéligibilité menace Marine Le Pen. Vous avez dit bizarre ? À voir ses « trophées », le célèbre Parquet national financier (PNF) est surtout une machine de guerre contre la droite, avec une obsession : Nicolas Sarkozy, coupable d’avoir comparé un jour les magistrats à des « cassation » à « des petits pois qui se ressemblent tous ». Pour avoir critiqué dans ce journal ses méthodes, nous savons à quoi nous en tenir : ce n’est pas l’objet du PNF, acharnant judiciairement depuis vingt ans à ruiner des hommes et des femmes, souvent avant même un début de moyens. C’est bien simple : avec sa présidence du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), l’audiovisuel public est presque totalement noyauté à gauche, sous la houlette de l’inévitable Arcom, « régulateur des médias » qui dépend, entre autres, de l’Éducation nationale... Dans sa “Déambulation dans les ruines”, un livre magnifique, Michel Onfray nous emmène en voyage dans la civilisation gréco-romaine, qui est morte pour laisser place à la nôtre, la judéo-chrétienne, aujourd’hui en point. Dans son introduction, il cite les Fragments posthumes de Nietzsche, où le philosophe allemand évoque les « valeurs du déclin », et force est de constater qu’elles commencent à recouvrir le mur sur notre vieux continent : la désagrégation de la volonté ; le triomphe de la populace ; la domination de la lâcheté sociale ; la honte du mariage et de la famille ; la haine de la tolérance ; la généralisation de la paresse ; le goût du remords ; une nouvelle conception de la vertu ; le dégoût de la situation présente. Réveillons-nous. Maintenant que, grâce à la pédagogie de François Bayrou, les Français saisissent la gravité de la situation financière du pays, il est temps de se ressaisir et de relever la tête. De passer à l’espoir ! Comme disait Tocqueville, « ce n’est pas parce qu’on voit poindre à l’horizon qu’il faut arrêter d’avancer ».
par Vincent Trémolet de Villers 30 septembre 2025
Une tribune de Vincent Trémolet de Villers dans FigaroVox https://www.lefigaro.fr/vox/politique/l-editorial-de-vincent-tremolet-de-villers-sur-les-ruines-de-la-democratie-20250926 L’autorité judiciaire, en état d’ivresse, remet en liberté surveillée des lyncheurs de policiers pris en flagrant délit mais coffre pour 5 ans un ancien président de la République, triplement relaxé, avant même son procès en appel. Il faudrait Juvénal pour décrire cet effondrement. Entre parade du président à New York et conciliabules à Matignon, l’exécutif mime un pouvoir qui lui échappe. Sur à peu près tous les sujets, comme nos ministres, il est démissionnaire. L’Assemblée nationale, nouvelle nef des fous, fait tourner les députés comme des hamsters, de censure d’humeur en budget de fortune. L’autorité judiciaire, en état d’ivresse, remet en liberté surveillée des lyncheurs de policiers pris en flagrant délit mais coffre pour 5 ans un ancien président de la République, triplement relaxé, avant même son procès en appel. Motif de condamnation ? « Association de malfaiteurs » ! Apparemment c’est ainsi que certains magistrats envisagent les politiques, encore plus s’ils sont de droite, et par principe s’ils s’appellent Nicolas Sarkozy. Il faudrait Blaise Pascal pour peindre une telle confusion des ordres. Nos cours suprêmes font de la théologie morale ; après que le contribuable a payé la dîme, la gauche de droit divin prêche dans les médias publics ; un ancien garde des Sceaux fait sa grosse voix pour nous rappeler le grand dogme : une décision de justice, même incompréhensible, ne peut pas être critiquée. Celui qui cède à cette tentation met en péril la démocratie : qu’il soit anathème ! Parlons-en de la démocratie ! Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, dit la Constitution. Pour nos prédicateurs, le peuple n’est plus qu’un monstre hostile à tenir à distance. C’est lui pourtant qui ploie sous le poids de la dette, vit le supplice de l’enfer normatif, subit les effets dissolvants d’une politique d’immigration suicidaire, supporte, dans sa chair et celle de ses enfants, une délinquance de plus en plus barbare. Il faudrait Albert Camus pour rappeler que l’État de droit, trésor des démocraties libérales, n’est pas le paravent des pulsions despotiques de quelques-uns mais « l’arbitre qui garantit la justice et ajuste l’intérêt général aux libertés particulières ». Il faudrait de la hauteur de vue, de la clairvoyance, du courage - de la démocratie -, sinon, à force d’osciller entre radicalisation et faiblesse, le régime finira par tomber sur lui-même.
par Arno Klarsfeld dans FigaroVox 20 septembre 2025
Une tribune de Arno Klarsfeld à lire dans FigaroVox : https://www.lefigaro.fr/vox/monde/arno-klarsfeld-l-hostilite-des-elites-europeennes-a-l-egard-d-israel-est-une-forme-d-aveuglement-20250915 TRIBUNE - Alors que les chefs de gouvernement européens sont de plus en plus nombreux à élever la voix contre la guerre menée par Israël, l’ancien avocat des Fils et filles des déportés juifs de France rappelle l’enjeu existentiel que représente le conflit au Moyen-Orient pour le petit État juif. Accuser l’État d’Israël de génocide aujourd’hui à Gaza est comparable à l’accusation faite aux Juifs d’empoisonner les puits au XIVe siècle. Beaucoup y croyaient alors et certains y croient aujourd’hui. Quand Emmanuel Macron renvoie aux historiens la responsabilité de déterminer si Israël commet un génocide et qu’il accuse Israël de se comporter de manière barbare, y croit-il ? S’il prend les chiffres du ministère de la Santé du Hamas comme véridiques, c’est-à-dire 60.000 morts dont sans doute près la moitié de combattants du Hamas sur une période de deux ans et sur une population de plus de 2 millions pour Gaza (ou près de 6 millions si l’on inclut la Judée-Samarie ou Cisjordanie), comment croire, alors, qu’Israël commettrait un génocide ? Lors des commémorations du Débarquement durant lequel les Alliés ont bombardé les villes normandes, causant en peu de temps plusieurs dizaines de milliers de morts parmi la population française, le président de la République a-t-il évoqué un génocide ? A-t-il parlé de génocide lors de son discours en 2024 devant la Frauenkirche à Dresde, auquel j’assistais avec mes parents, alors qu’en deux nuits en février 1945 les Alliés ont tué par leurs bombardements des dizaines de milliers de civils allemands ? Et pour Hambourg avec 50.000 morts en un mois de bombardement ? Et pour Tokyo, 100.000 morts en deux nuits ? Hiroshima et Nagasaki ? Contrairement aux Israéliens, les Alliés n’ont jamais cherché à prévenir la population allemande avant les bombardements. Et pourtant, dans le Bureau ovale, le chancelier allemand il y a trois mois remerciait les États-Unis d’avoir libéré l’Allemagne du nazisme. Les Israéliens se battent aujourd’hui pour que la Shoah, qui s’est déroulée avec des complicités dans tous les pays européens, ne se reproduise pas en Israël. Rendons hommage à la population française qui, nourrie de valeurs républicaines et de charité chrétienne, a protesté durant les grandes rafles de l’été 1942 et a permis ainsi aux trois quarts des Juifs de France de survivre. Mais excepté ces Justes, les élites ont été silencieuses ou complices. Et, aujourd’hui encore, au lieu de faire pression sur le Hamas pour libérer les otages et baisser les armes – ce qui arrêterait aussitôt la guerre –, c’est sur Israël que bien des gouvernements européens font pression. Cette hostilité des élites européennes est une forme d’aveuglement, ce sont les fondements de la civilisation occidentale qui sont sapés, l’Europe et Israël ayant le même ennemi inflexible : l’islam radical qui doit être vaincu. Le monde arabe n’a-t-il pas obtenu au bout d’un siècle et demi la disparition des royaumes francs en Palestine ? Évidemment, comme le président de la République le dit, la sécurité d’Israël passe par la paix et une solution étatique pour le peuple palestinien. Il suffit de voir sur la carte ce petit bout de territoire qu’est Israël, plus réduit que la Bretagne, entouré de millions de kilomètres carrés du monde arabe avec des centaines de millions d’habitants (tout aussi intelligents que les Israéliens), avec des richesses incommensurables, et de se remémorer qu’il y a 14 millions de Juifs pour plus de 2 milliards de musulmans pour comprendre qu’Israël a intérêt à la paix. Israël est toujours David. Avec ces données, le président de la République comme de nombreux dirigeants européens pourraient également comprendre que c’est une grande partie de ce monde arabe qui ne veut pas la paix et qui est prête à sacrifier générations après générations pour obtenir ce qu’il désire avec passion : la destruction de l’État d’Israël comme État juif. Le monde arabe n’a-t-il pas obtenu au bout d’un siècle et demi la disparition des royaumes francs en Palestine ? Et c’est avec ce souvenir en tête qu’une partie du Quai d’Orsay et des élites européennes considèrent Israël comme une parenthèse dans l’histoire et que le monde serait moins compliqué si le Moyen-Orient était débarrassé de cet État juif qui « enquiquine tout le monde », selon les mots d’un ancien ambassadeur français. Après tout, en termes de fiction géostratégique, cela peut se comprendre. Mais, au moins, il ne faut pas reprocher à l’État qui est agressé de chercher à se défendre de manière bien moins cruelle que l’Occident lorsqu’il menait ses guerres d’expansion et même de défense. Tous les Juifs de France se demandent si leur avenir sera toujours en France. Quant à la majorité de la population française, elle comprend que si les Juifs sont chassés de France comme ils ont déjà été chassés des banlieues des grandes villes, ce n’est pas en raison d’un antisémitisme chrétien ou de celui de l’extrême droite. Elle comprend qu’elle risque ensuite d’avoir elle aussi à se soumettre ou à s’en aller.
par Henri Guaino 17 septembre 2025
Magnifique tribune d'Henri Guaino à lire dans le JDD : https://www.lejdd.fr/politique/henri-guaino-le-naufrage-des-politiciens-et-lexigence-dun-chef-161718
par Une interview de Sami Biasoni, docteur en philosophie et essayiste 16 septembre 2025
"Dans l’«Encyclopédie des euphémismes contemporains et autres manipulations militantes», le docteur en philosophie et essayiste a réuni 41 intellectuels, dont Chantal Delsol, Pierre Vermeren, Ferghane Azihari ou Christophe de Voogd pour déconstruire cette «novlangue»." Une interview de Sami Biasoni par Alexandre Devecchio dans FigaroVox : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/sami-biasoni-le-neoprogressisme-nous-fait-entrer-dans-une-nouvelle-ere-langagiere-20250911 «Antifascisme », « antispécisme », « écriture inclusive », « matrimoine », vous consacrez, avec 41 contributeurs, une encyclopédie aux termes chargés d’idéologie qui inondent nos débats. La langue est-elle devenue un champ de bataille idéologique ? Depuis quand ? Cette bataille sémantico-politique est-elle menée par l’État, les médias, le monde universitaire ? Dans mon précédent essai (Malaise dans la langue française, 2022), également consacré à la question de la langue française, je rappelais que « la langue est non seulement ce qui permet de dire, mais aussi le matériau premier de la pensée construite. Les idéologies, de quelque nature qu’elles soient, sont éprouvées par et dans la langue, mère de toutes les causes politiques ». Les manipulations militantes de la langue que nous analysons dans l’ouvrage s’inscrivent quant à elles dans une histoire plus récente : celle du « politiquement correct », dont on peut dater l’origine au tournant des années 1970. Il s’agit d’un phénomène nouveau car il n’est pas imposé par un régime totalitaire, mais émane surtout de normes culturelles et d’usages institutionnels « démocratiques ». Son vecteur de diffusion a trait à un conformisme moral qui se répand à mesure que nos sociétés se fragmentent. Comme l’a montré George Orwell , n’est-ce pas le propre des régimes totalitaires de vouloir transformer la langue ? Sommes-nous face à une nouvelle novlangue ? Les révolutionnaires de 1789 ont promu le « salut public », terrible antiphrase qui masquait l’horreur des exécutions arbitraires pendant la Terreur ; les bolcheviks ont imposé l’usage d’antinomies simplificatrices et manichéennes (par exemple, camarades contre ennemis du peuple) ; le nazisme avait instauré un système langagier complet qualifié de « langue du IIIe Reich » par Klemperer. Nous avons affaire en Occident à une novlangue soft, ce qui la rend d’autant plus pernicieuse. Toutefois, il ne faut pas négliger les forces militantes à l’œuvre : les x-studies (études de genre, de race, de subalternités, etc.), nées sur les campus américains en même temps que s’est diffusée la pratique du politiquement correct dans les milieux dits progressistes outre-Atlantique, ont proactivement et méthodiquement promu ce que je nomme le « foisonnement (pseudo) conceptuel ». En outre, la pensée de la déconstruction est intrinsèquement narrativiste : elle valorise le récit, la subjectivité et l’hyperbole. C’est pourquoi le néoprogressisme et son avatar radicalisé woke nous ont fait entrer dans une nouvelle ère langagière, celle de la saturation de l’espace par ces euphémismes contemporains et autres manipulations sémantiques qui sont l’objet de notre ouvrage. Il est bien plus aisé de vilipender un mauvais usage du mot « femme » que d’aller défendre physiquement celles que l’on opprime dans certaines de nos villes… Paradoxalement, vous montrez aussi que le politiquement correct langagier, souvent porté par une certaine gauche, est loin de favoriser concrètement le progrès social. Les conquêtes langagières symboliques remplacent les réelles avancées sociales… Cette manipulation du langage est-elle le fruit de l’impuissance du politique et en particulier de la gauche progressiste ? La situation actuelle me paraît résulter de la conjonction de deux phénomènes : d’une part celui que l’on nomme usuellement « paradoxe de Tocqueville », en vertu duquel « quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l’œil ; quand tout est à peu près de niveau, les moindres le blessent » ; autrement dit, à mesure que nous approchons de l’égalité de facto, toute inégalité résiduelle, même infime, nous semble insupportable. D’autre part, il est effectivement probable que l’affaissement du pouvoir politique au sein des démocraties libérales contribue à une survalorisation des causes « symboliques ». Je crois qu’il ne faut pas non plus négliger le confort moral de l’indignation de salon : il est bien plus aisé de vilipender un mauvais usage du mot « femme » que d’aller défendre physiquement celles que l’on opprime dans certaines de nos villes, au Moyen-Orient ou ailleurs. Mais je crois que le sens commun continuera de résister à la rééducation forcée de ceux qui refusent le débat serein, je crois que l’humanisme sincère l’emportera au détriment de l’intolérance de ceux qui préfèrent la forme du discours au discours lui-même. À terme, quelles peuvent être les conséquences en matière d’éducation ? Nos enfants ne sauront-ils plus définir des mots aussi usuels qu’un « homme » et une « femme » ? Posez la question aux militants les plus radicaux : ils ne le peuvent plus ! Certaines définitions qui leur sont imposées relèvent de tautologies dangereuses (une femme est une femme parce qu’elle se sent femme), qui contreviennent à la fois à ce qu’énonce la science (l’existence du fait biologique, sans que soit niée la possibilité de vécus de genre différents de la norme statistique) et à ce que révèle le bon sens. Dans une perspective plus large, il faut comprendre que la langue est tout aussi organique que mécanique : on peut tolérer son évolution – c’est même nécessaire – mais elle ne doit pas être forcée. La brusquer revient à troubler non seulement la pensée des individus, mais aussi leur capacité à constituer un corps social stable. Selon vous, le politiquement correct langagier est également à l’origine de la montée des « populismes », en particulier du trumpisme. Pourquoi ? Ce que vous appelez le « populisme » est-il une réaction démagogique ou simplement une réponse salutaire ? Il s’agit de l’une des causes majeures de la montée des « populismes » dans la mesure où ces derniers prennent essor sur le décalage entre le réel perçu et vécu par les citoyens et la manière dont on décrit le monde. Le trumpisme substitue aux ratiocinations du néoprogressisme une proposition antithétique radicale : celle d’un langage dépouillé, rudimentaire et pragmatique. Or, la simplification outrancière du langage est un autre procédé que les totalitarismes ont toujours encouragé. En matière d’usage de la langue, le pouvoir américain tombe, à mon sens, de Charybde en Scylla. La France, heureusement, résiste. C’est pour cela que nous avons écrit cette Encyclopédie des euphémismes contemporains. Quant au populisme, il est à la fois salut, parce qu’il en revient au sens commun et au souci du corps social dans sa globalité, et un péril, dans la mesure où l’on sait les tentations de contrôle politique démagogique qu’il engendre. Votre livre s’attaque principalement à la novlangue néoprogressiste. Existe-t-il aussi une novlangue de droite ? Par exemple, le mot « woke » est-il employé de manière trop systématique et parfois dans le seul but de discréditer une pensée de gauche ? J’ai relevé près de 300 termes que l’on pourrait qualifier de « manipulations militantes de la langue » : la plupart sont promues par les tenants du néoprogressisme. Il existe bien sûr des néologismes de droite, mais ils sont moins nombreux et fonctionnent différemment. Il s’agit généralement, pour la droite, de résister ou de contre-attaquer. C’est ainsi que des termes comme politiquement correct ou woke ont servi à dénoncer des doléances excessives émanant de la gauche. Parfois, les néologismes issus des rangs de la droite servent à qualifier avec emphase des fantasmes ou des phénomènes émergents indûment présentés comme massifs : les expressions « zone de non-droit », « État profond », « submersion migratoire » sont de cet ordre. S’il est initialement destiné à mettre en lumière les personnes noires victimes de confrontations avec les forces de l’ordre, le terme « woke » se voit rapidement repris et amplifié par d’autres activistes des mouvements identitaristes Le mot woke a une histoire intéressante : il prend racine dans les années 1930 aux États-Unis, sous la forme de l’injonction « stay woke » (littéralement « restez éveillés ») reprise par divers auteurs et artistes noirs victimes du régime de ségrégation raciale prévalant alors. Il reste néanmoins peu usité durant plusieurs décennies, jusqu’à sa reprise par le mouvement Black Lives Matter en 2012. S’il est initialement destiné à mettre en lumière les personnes noires victimes de confrontations avec les forces de l’ordre, le terme se voit rapidement repris et amplifié par d’autres activistes des mouvements identitaristes pour progressivement prendre le sens plus large qu’on lui connaît aujourd’hui. Au gré du temps, comme dans le cas de la locution « politiquement correct », ce mot a servi à désigner les excès et dérives de la radicalité néoprogressiste, c’est pourquoi peu se réclament aujourd’hui ouvertement du wokisme. Il s’agit là d’une des rares victoires sémantiques dont peut se targuer la droite. Toutefois, il convient de constater que cela s’est produit au détriment de la rigueur, voire de l’honnêteté intellectuelle : nombreux sont ceux qui utilisent désormais ce terme pour qualifier des comportements qui n’en relèvent pas. C’est un abus malheureux. C’est pourquoi Sylvie Perez et moi-même consacrons deux entrées à ce mot central au sein de l’Encyclopédie. Aucune manipulation n’est souhaitable, quel que soit le dessein poursuivi.
par Jean-Baptiste Michau, professeur de macroéconomie à l’Ecole polytechnique 14 septembre 2025
Une tribune de Jean-Baptiste Michau, professeur de macroéconomie à l’Ecole polytechnique, dans les Echos à propos de la taxe Zucman https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/pourquoi-la-taxe-zucman-appauvrirait-la-france-2185537 "L’économiste Gabriel Zucman soutient l’instauration d’une taxe plancher de 2 % sur le patrimoine au-delà de 100 millions d’euros. L’adoption de cette taxe, qui est envisagée pour le budget 2026, serait profondément nuisible pour l’économie française. Un impôt sur la richesse soulève d’abord un problème de valorisation : la base taxable est fluctuante pour les entreprises cotées en Bourse et difficile à établir pour les entreprises non cotées. Il pose ensuite un problème de liquidité pour les propriétaires d’entreprises en croissance ne versant pas encore de dividendes. Cela pose la question de l’exil fiscal, dont l’ampleur est incertaine. D’un côté, les études empiriques suggèrent que le flux de départs serait limité. D’un autre côté, jamais une taxe aussi massive n’a été mise en œuvre. En outre, si les flux sont limités, le stock de Français fortunés installés à l’étranger est déjà substantiel. L’objectif devrait plutôt être de les faire revenir en France. Frein à l’innovation Outre ces effets, la taxation de la richesse poserait un problème de mécanicité à la croissance. Rappelons que la valorisation d’une entreprise est déterminée par les gains futurs escomptés. La taxation de la richesse diminue donc les perspectives de gains futurs en rendant plus difficile le financement des entreprises innovantes. De même, l’action d’une entreprise innovante valant essentiellement par ses perspectives de croissance future, une taxe sur la richesse lui est particulièrement nuisible. La taxe Zucman aurait donc un effet très négatif sur l’innovation et sur la croissance. La taxation de la richesse affaiblirait certainement notre potentiel de croissance à long terme. Une caractéristique des milliardaires est que leur taux d’épargne est particulièrement élevé, avec une consommation souvent négligeable au regard de leurs revenus. Par conséquent, une taxe sur leur richesse consiste pour l’Etat à prélever puis à dépenser des revenus du capital qui auraient sinon été épargnés et réinvestis. Ainsi, cette taxe réduit mécaniquement l’épargne et donc l’investissement. Plus précisément, l’Etat consacre environ 10 % de ses dépenses à l’investissement public et ses dépenses supplémentaires transférées aux Français, qui en consomment une large fraction. Or notamment aux Etats-Unis, l’investissement des entreprises représente environ 80 % des sommes investies, celui de l’Etat environ 20 %. L’investissement public étant en outre moins productif que l’investissement privé, une substitution de ce dernier par le premier réduit le potentiel de croissance. Ainsi, si la taxe Zucman rapportait 16 milliards d’euros par an (0,6 point de produit intérieur brut – PIB – privé), on devrait en conclure que l’investissement privé diminuerait d’autant et que l’investissement public augmenterait au mieux de 0,1 point de produit intérieur brut (PIB) – soit un manque à gagner net de 0,5 point de PIB d’investissement. En finançant l’investissement public par un impôt sur la richesse, on substitue de l’investissement public peu productif à de l’investissement privé productif, et on suscite une dégradation du solde de la balance commerciale. Donc, à PIB inchangé : soit l’investissement diminue de 16 milliards d’euros ; soit ils seraient financés par l’étranger et le déficit commercial se creuse alors de 16 milliards ; soit, plus vraisemblablement, on a une combinaison de ces deux possibilités. Pire : en France, les entreprises innovantes rencontrent souvent des difficultés à se financer. Or, les milliardaires sont précisément les investisseurs les plus à même d’effectuer des placements risqués au service des entreprises en croissance, avec à la clé des rendements élevés. La taxe Zucman entraverait ce vecteur de croissance. Mesure idéologique Bref, en appauvrissant les riches, et en empêchant les grandes fortunes de se constituer, c’est la France qu’on appauvrirait. D’ailleurs, peu après l’instauration de l’impôt sur les grandes fortunes au début des années 1980, les sociétaires ont été conduits à s’expatrier dans des Etats exonérés de l’impôt sur la fortune. La taxe Zucman affaiblirait certainement notre potentiel de croissance à long terme en réduisant l’investissement, en pesant sur l’innovation et en aggravant les déséquilibres extérieurs. En réduisant les recettes fiscales futures, elle pèserait en outre sur le financement des dépenses publiques, dont les principales sont : TVA, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, etc. Cette taxe s’inscrit donc dans une logique purement idéologique et non pragmatique. En instaurant la taxe Zucman, la France serait probablement le seul pays à se l’imposer à elle-même, puisque d’autres pays refusent d’adopter une telle mesure d’idéologie purement idéologique et sans aucune pertinence économique."
par Alexandre Devecchio dans Le Figaro 14 septembre 2025
Une tribune très instructive d'Alexandre Devecchio dans FigaroVox sur la perception par les Français de notre nouveau Premier Ministre: https://www.lefigaro.fr/vox/politique/alexandre-devecchio-pourquoi-la-majorite-des-francais-n-attendent-rien-de-sebastien-lecornu-20250911 LA BATAILLE DES IDÉES - L’enquête Odoxa-Backbone pour Le Figaro révèle que 69% des Français jugent que le choix du nouveau premier ministre ne correspond pas à leurs attentes. Plus que son manque de notoriété, cela traduit la grande fatigue démocratique des Français. Au suivant ! La valse des locataires de Matignon continue. Moins de vingt-quatre heures après la chute de François Bayrou, l’Élysée a annoncé la nomination de Sébastien Lecornu en tant que nouveau premier ministre. Le troisième en moins d’un an. Le cinquième depuis la réélection d’Emmanuel Macron. Compte tenu du fait que le président de la République a exclu toute dissolution ou démission, le choix d’un homme politique connu pour sa souplesse (il va lui en falloir !) et son humilité (qualité rare en Macronie !) était plutôt judicieux. Mais cela intéresse-t-il encore vraiment les Français ? « La vie politique est une pièce de théâtre totalement décalée se jouant devant une salle vide », observait le politologue Jérôme Fourquet dans Le Figaro après la chute de François Bayrou. Les sondages semblent lui donner raison. Une majorité de Français n’attend rien de Sébastien Lecornu. L’enquête Odoxa-Backbone pour Le Figaro révèle que 69% d’entre eux jugent que ce choix ne correspond pas à leurs attentes. Il est même moins bien accueilli que ses deux derniers prédécesseurs François Bayrou et Michel Barnier. Cela tient moins à son déficit de notoriété ou à ses qualités propres qu’à la grande fatigue démocratique des Français. Celle-ci est accentuée par le contexte politique lié à la dissolution : sans majorité claire et dans une situation budgétaire contrainte, les marges de manœuvre du nouveau locataire de Matignon seront très réduites. "Aucune institution ne peut être vraiment réformée si ses membres n’y consentent pas, à moins de faire table rase par la dictature ou la révolution" Le général de Gaulle à propos du ministère de l’Éducation nationale Mais elle vient de beaucoup plus loin. Depuis des décennies, les majorités politiques et les premiers ministres se succèdent, ce qui n’empêche pas la politique menée de s’inscrire dans une certaine continuité : les impôts augmentent en même temps que l’immigration avec les résultats que l’on connaît ! Sous la Ve République, le vrai pouvoir se situe à l’Élysée, non à Matignon, mais aussi au sein de l’administration. Celle-ci reste inamovible. Loin de se contenter d’exécuter les décisions des gouvernements, elle agit comme un État dans l’État, autonome et guidée par une idéologie progressiste en décalage croissant avec l’opinion publique. «Le désintérêt des Français pour la valse ministérielle actuelle» « Aucune institution ne peut être vraiment réformée si ses membres n’y consentent pas, à moins de faire table rase par la dictature ou la révolution », constatait déjà le général de Gaulle à propos du ministère de l’Éducation nationale. En vérité, aujourd’hui, ce constat s’étend bien au-delà de la Rue de Grenelle. Jusqu’au sein même de l’audiovisuel public, comme l’a montré la récente affaire France Inter. L’État profond, notamment par le biais de la justice administrative et constitutionnelle, décide du destin du pays au mépris de la souveraineté populaire. Le tournant a eu lieu en 1981 avec l’élection de François Mitterrand. À défaut de changer la vie, les socialistes se sont emparés de tous les postes clés de l’État faisant de la bureaucratie non élue l’épine dorsale de leur pouvoir. Quatre décennies plus tard, malgré la marginalisation du PS sur le plan électoral, les socialistes ont conservé leur emprise sur le pouvoir et sont toujours omniprésents à la tête des institutions majeures : du Conseil constitutionnel à la Cour des comptes, en passant par le ministère de l’Éducation nationale et les médias publics. Malgré les périodes d’alternance politique, la droite n’a jamais su ou voulu reconquérir ces institutions, se condamnant à l’impuissance. C’est ce qui explique le désintérêt des Français pour la valse ministérielle actuelle. Lassés que tout change pour que rien ne change, ils ont compris qu’un redressement du pays passerait non par un changement de premier ministre, mais par une reprise en main des commandes de l’administration pour la mettre enfin au service des citoyens.
par Sébastien Laye (Valeurs Actuelles) 13 septembre 2025
"L’attractivité d’un pays, du point de vue des investisseurs, dépend en partie de l’accueil qui y est fait à l’innovation et de la stabilité juridique. À l’heure actuelle, en cette matière, la France va à l’encontre de ses intérêts" https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/economie/le-principe-de-precaution-est-un-obstacle-a-la-croissance-economique