3 questions à ... Jean-Marie Belin

  • par Lignes Droites 31
  • 28 avr., 2020

3 questions à ... Jean-Marie Belin

Suite de notre série d'interviewsavec Jean-Marie Belin, personnalité politique de la droite toulousaine : journaliste, candidat aux législatives en 2007, 4ème de la liste UMP dans le Sud-Ouest aux Européennes de 2014, responsable régional des équipes de François Fillon en 2017 et, depuis 2017, vice président d'Objectif France auprès de Rafik Smati et Bertrand Soubelet.

 

1. Que signifie pour vous « être de droite » ?

 

Cette question m’interpelle. J’ignore si je suis de droite. Ou alors, n’étant pas de gauche, par opposition, suis-je de droite ? Ces concepts sont éculés. Quand j’ai milité pour l’abolition de la peine de mort, où étais-je ? Je me sens profondément conservateur pour les valeurs, attaché à mes racines rhénanes et chrétiennes ; et libéral pour l’économie, en privilégiant l’entreprise. Je donne la priorité à la France avant la République. Je me sens l’héritier d’une tradition, d’une richesse ; il me revient de les améliorer ; puis de les transmettre. Je mets en avant la personne et non l’individu. J’aime l’ordre pour que la vie de tous soit plus facile et l’autorité pour le faire respecter, dans une société qui doit vivre en paix.

 

En répondant par les contraires, je ne suis ni déraciné, ni mondialiste, ce qui, à mes yeux, ne veut rien dire ! Dans le domaine moral ou religieux, je déteste le relativisme, posture de tous les abandons et toutes les facilités… Si je devais aller chercher des comparaisons, disons que je préfère Pompidou à de Gaulle et Jean-Paul II, voire Benoit XVI, au Pape François. L’engagement libéral (authentique et non dévoyé comme il l’est aujourd’hui par de pseudo-libéraux qui, n’y croyant pas eux-mêmes, s’appellent des néo-libéraux !) est à mes yeux le seul garant contre le retour des totalitarismes, et en premier l’islamisme.

 

2. Pourquoi vous êtes-vous engagés en politique / dans le syndicalisme ? Quels rêves / idéaux vous animent ? quelles lignes voudriez-vous faire bouger ?

 

Mon métier, le journalisme, m’a conduit à observer, à rencontrer, à interviewer bien des femmes et des hommes politiques, en France et en Europe. Parler de ceux qui “font“ m’a donné envie à mon tour de “faire“. Observer est, à la longue, un peu trop confortable, et facile. Mais c’était imprudent et osé : les journalistes avaient (et ont toujours…) les engagements, militants même, faciles à gauche ; j’ai voulu faire preuve d’originalité, casser le moule, et mal m’en a pris, mais j’ai poursuivi malgré tout. Etre marginal a du charme…

 

Au-delà de l’anecdote, une rencontre, suivie d’autres, m’avait marqué. Un homme m’avait séduit par son intelligence et sa vision de la France et de l’Europe. Je l’ai suivi, du début des années 80 jusqu’à sa mort. C’était Raymond Barre. J’avais pour lui du respect, de l’admiration puis de l’affection. Mon entourage la partageait. Décider de suivre cet homme d’Etat revenait à écouter la raison ; le cœur a très vite complété la raison… Mon engagement politique sérieux date de ces rencontres là. J’ai été fier de le servir. Mes engagements éphémères d’étudiant n’avaient pas à être reniés : avec Pierre Mendes-France (avec qui j’ai correspondu !) puis Michel Rocard, c’étaient les prémisses de la même intelligence politique, une lignée de sérieux qu’eux-mêmes ne reniaient pas. J’ai eu la chance aussi d’être “adopté“ par une femme exceptionnelle qui m’a beaucoup appris, Madame Simone Veil. C’est elle qui m’a convaincu qu’il ne fallait pas choisir un camp, mais des idées et les défendre. Elle était libérale et se disait elle-même proche de la gauche pour certaines idées, de la droite pour d’autres. D’avoir fait partie de ceux, pas très nombreux, qui ont contribué à acheter l’épée d’académicienne de Madame Simone Veil est une profonde fierté. Ces deux grandes figures se respectaient mais n’étaient pas d’un amour débordant l’une pour l’autre ; j’ai eu l’immense honneur et le très grand plaisir de les réunir autour de moi, tous les deux, ensemble, pour une cérémonie au Quai d’Orsay. De l’un comme de l’autre, je garde des remarques personnelles, des réflexions, des conseils, des manuscrits et des écrits qui me tiennent compagnie encore aujourd’hui. Ils sont pour moi, très au-dessus du lot, tout en haut de la montagne, là où l’air est plus pur.

 

Dans la méthode de travail, dans la qualité et le sérieux du programme de François Fillon, j’avais trouvé des analogies. Je l’ai suivi et je ne renie pas cet engagement qui fut passionnant. Je crois que le temps lui rendra justice et raison. Les complots et les bassesses de sa propre famille, les ambitions stupides d’une pseudo extrême droite opportuniste, ont privé le pays d’un homme d’expérience et de grand talent. Il était le seul à pouvoir faire la synthèse indispensable des trois droites républicaines qui ont traversé la France : la droite bonapartiste autoritaire, l'orléaniste libérale et modernisatrice, et la légitimiste, conservatrice. Son programme était à la fois conservateur, libéral et national, sans aucune concession au centre et à l’extrême droite. Son succès massif à la primaire s’expliquait par la cohérence du projet dans lequel toutes les familles de la droite d’alors se reconnaissaient. Nul ne peut aujourd’hui les incarner toutes à la fois, et nul ne s’en annonce capable dans les années à venir. C’est donc hors de ce champ partisan que viendra la solution…

 

3. Quels constats faites-vous sur le climat politique en général en France ? Quelles sont vos peurs ? Vos espoirs ?

 

La peur est mauvaise conseillère et l’espoir est le plus fort. La crise vient de ce que le pays, la France, a une colonne vertébrale infiniment plus solide que ceux qui la gouvernent, notamment depuis huit ans. Le hiatus devient criant. La colère aujourd’hui me parait très profonde et sourde, au cœur du peuple, et les politiques ne la perçoivent pas tant ils sont obnubilés par la conquête ou la conservation du pouvoir. Ils seront surpris de la violence de son expression qui me parait inéluctable. Il faudra bâtir autre chose et avec d’autres. Ecouter les gens de terrain responsables, les entrepreneurs en premier, les chercheurs, les professeurs, les intermédiaires, les “sachants de la vraie vie“ qui n’est pas celle des palais de la République ou des mairies de grandes villes, pas celle des sièges politiques ou syndicaux, et faire comme ils l’auront décidé ou indiqué. Redonner sa place à la société civile, pleine et entière. Il faudra aussi réfléchir, et assez vite et assez tôt, non à notre démocratie, mais à son système électoral qui peut conduire à cette situation inacceptable, certes légale, mais point légitime, de l’exercice solitaire par le Président de la République, d’un pouvoir arrogant, autoritaire et régalien, monarchique presque, alors qu’il a été choisi par 18,6 % des électeurs inscrits dans le pays, et donc non désiré ou souhaité par plus de 4 électeurs sur 5 ! Ce sont peut-être eux, à ses yeux, ces « gens qui ne sont rien », alors qu’ils sont l’essentiel et que rien ne se fera de bien sans eux…

 

Il faudra inventer… Je crois le conservatisme moderne, créatif, décoiffant, décomplexé, possible dans ce pays. Il n’est pas tourné vers le passé, il ne signifie pas immobilisme, ni retour à la tradition même s’il récuse le progressisme si appauvrissant. Qu’il rejette la mondialisation destructrice des identités devrait rassurer dans ce monde des valeurs relatives. Le conservateur moderne est le vrai adversaire du progressiste mondialiste à la mode Macron, alors que les populistes et les nationalistes de tout poil font son jeu. Le mariage difficile à réaliser, mais si prometteur, sera celui du conservatisme et du libéralisme, qui correspond à l’attente profonde d’une bonne partie de Français, un bon quart probablement… N’oublions pas que, malgré les “affaires“, le socle de Fillon est demeuré à 20% de l’électorat ; il faut le retrouver. Dans le parti Objectif France, nous entendons bien cette phrase qui résumait la ligne conservatrice de Casimir Périer : « A l’intérieur l’ordre, sans sacrifice pour la liberté. A l’extérieur la paix, sans qu’il en coûte à l’honneur. ». Adaptés au XXIème siècle, nos préceptes d’ordre et d’autorité sont primordiaux, tant à l’intérieur, France et UE, qu’à l’extérieur. Nous adapter à notre temps pour transmettre dans un pays en paix avec lui-même (qu’on en est loin !), nos valeurs, nos acquis, nos richesses, et aujourd’hui les avancées pour l’environnement et la planète, c’est bien plus qu’une utopie, c’est un projet qui est déjà le fondement du programme d’Objectif France.

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